La mer n'a pas d'âge. C'est en elle que tout a débuté. C'est avec elle que tout finira.
Et pourtant... Selon que l'on la côtoie avant ses vingt, quarante, cinquante ou après ses soixante ans, elle nous parle quelquefois différemment... Le premier âge de la mer débute au commencement de tout... C'est "l'âge du mousse".
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Le second âge de la mer est celui où l'homme devient "homme de mer". Celui où il commence à la comprendre, la cerner. Un âge où l'homme la défie de temps à autre aussi... Il commence à maîtriser un peu plus son art. Avec des hauts et des bas. Des succès et des erreurs. Il s'aventure un peu plus loin. Se risque au-delà des côtes, écoute sa voix et se laisse enchanter par ses mélodies. C'est aussi l'âge où il doit parfois l'abandonner durant des années en raison de sa vie terrienne, qui exige de lui bien du temps et des sacrifices loin de ses vagues.
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Le troisième âge de la mer est celui "des rugissantes et des hurlantes". Celui où le marin la comprend suffisamment que pour prêter attention à ses moindres murmures, ses envies, ses désirs. Le moment où le marin, grâce à son expérience, s'élève à sa maturité et en jouit infiniment. Son sens des courants, des vents et de l'écume lui donne la liberté de naviguer au-delà des mondes connus, au-delà des dangers, au-delà de lui-même. Sans crainte ni regrets. Celui qui tient le monde dans sa voile. Et où tous les rêves sont permis. Où les plus grands bonheurs sont à portée de ses mains.
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Le quatrième et dernier âge de la mer enfin, est celui "des apaisantes". Celui où le marin peut enfin profiter des étendues turquoise, de la caresse de la brise et de la douceur du soleil couchant. C'est celui où il a navigué tant et tant qu'il connaît les vagues et les ressacs dans tous leurs états. Au point de les prédire, de les sentir. Sans plus les redouter. C'est celui où la mer lui parle en silence et sa voix lui procure un sentiment de sérénité et de quiétude. Celui où la mer n'est plus un combat, plus un ennemi. Elle ne fait plus qu'un avec l'homme de mer. Et si ses sillons sont douces rides, elle reste infiniment jeune.
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Je vous souhaite à tous un excellent dimanche à tous, empli de douceur sans âge.
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Au lieu d'attendre frénétiquement la conférence de presse du conseil de sécurité belge, j'ai pris le parti de m'évader en mer, hier soir. A travers le petit écran... J'ai ainsi rejoint la très jolie Vaiana sur son catamaran dans les océans du Sud. Et ce fut une très belle nav ! Alors, pourquoi pas un petit billet sur un des thèmes de son récit, ce WE (clin d'oeil à mon petit filleul qui vit sur le littoral suédois et semble beaucoup aimer l'histoire de Vaiana ;-)).
Le récit
Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, le récit a lieu dans l'île polynésienne de Motunui, au nord de la Nouvelle Zélande. Vaiana, une petite vahiné aux longs cheveux bouclés, ne rêve que de mer et de navigation. Elle semble entretenir un lien tout particulier avec l'océan depuis sa plus jeune enfance. Un peu comme si les flots l'avaient choisie comme une des leurs. Elle regarde avec envie le récif coralien tout proche qui entoure l'île verdoyante comme d'une ligne infranchissable, synonyme de tempêtes, vents aux humeurs imprévisibles et grands dangers. L'eau l'attire inexorablement malgré la crainte que le grand large provoque en elle. Elle se sent incroyablement intime et proche de ce grand bleu. Elle s'y sent complète, accomplie. La mer lui donne enfin le sentiment d'être elle-même. Cependant, ce même océan a englouti de nombreux habitants du village s'étant aventurés au-delà du récif. Et nul ne sait jusqu'où la mer se poursuit dans son immensité et sa force. Son désir de se laisser aller à son rêve est immense, elle ne peut réprimer un étrange sentiment de peur face à l'idée de suivre ses envies.
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Vaiana est la fille du chef du village. Son père lui interdit de naviguer et la destine à reprendre son rôle à terre, en fille modèle. Partir en mer serait considéré comme une trahison, un abandon des siens. Vaiana ne veut pas les chagriner. Durant des années, elle suit à la lettre les instructions des siens et s'abstient de poursuivre ses rêves de voyage. Elle a peur. Elle hésite. Elle sait que l'horizon bleuté est implacable. Et elle se résigne alors à suivre son destin terrestre. Mais au fond d'elle, son coeur continue irrémédiablement de battre pour la grande bleue.
Un jour, les réserves naturelles de l'île dépérissent et le poisson disparaît des eaux toutes proches. Les anciens affirment qu'il s'agit là d'un mauvais sort infligé par les dieux maoris. Elle découvre ainsi que ses ancêtres étaient de grands navigateurs, exploreurs de l'océan. Les Polynésiens étaient des maîtres dans la science des vagues et du ciel. (Leurs incroyables techniques de navigation astronomique ont d'ailleurs été brièvement introduites dans le billet du blog "wayfinders". Et elles feront - avec un peu de chance et de patience - bientôt l'objet d'un article détaillé dans mon magazine de voile favori. )
Vaiana décide alors d'aider son village contre l'avis des siens. Elle s'empare en cachette d'un des catamarans de ses ancêtres et franchit le récif coralien pour aller affronter les dieux et tenter de renverser le sortilège. Pour tout équipier à bord au départ : juste une poule (non, elle ne s'appelle pas Monique). Mais, au-delà du récif, de nombreux périls et écueils attendent la jeune fille, qui, malgré son amour passionné pour l'océan, ne sait pas vraiment comment naviguer... (Et la poule non plus... ;-))
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Je ne vous raconte pas ici la suite du voyage en mer de notre héroïne, histoire de vous donner envie de voir ce film un soir où, comme moi hier, vous aurez une envie irrépressible de retrouver le murmure du vent, le chant de la houle et les sensations véliques, même en virtuel.
Franchir la ligne
Et puis un jour, le coeur se décide à prendre les devants. Et il se lance pour franchir la ligne, peu importe les conséquences. Parce qu'il sait au fond de lui que c'est ce qu'il veut, ce dont il a besoin pour battre, ce par quoi il doit passer pour se sentir vivre. Sans plus d'hésitations, ni regrets. Et le récif coralien se trouve soudainement sous nos pieds. On a franchi la ligne. On a tout offert. Surmonter sa crainte, c'est se donner inconditionnellement en cadeau, peu importe le prix à payer. On a osé rejoindre le grand large, la pleine mer et ses sensations incomparables.
Le bonheur est à la hauteur de la peur...
Les alpinistes et marins de haute mer doivent parfois faire ce choix cornélien (ou coralien dans le dernier cas), pour suivre leurs rêves d'ascension ou d'odyssée. Même s'ils ont peur, même s'ils savent qu'il vont devoir affronter des tempête de neige ou des vagues scélérates. Mais, à un moment, ils prennent la décision de tout de même se lancer. Et ils comptent sur leur bonne étoile pour les guider dans leur épopée. Et si quelques fois, quelques uns se perdent en voyage, beaucoup en reviennent le sourire aux lèvres.
Pour le bi-centenaire et 200e billet de ce blog, je me devais de vous offrir un billet un peu spécial... Un véritable article cette fois-ci, et qui vous emmène naviguer sur la mappemonde... Alors, installez-vous confortablement dans votre fauteuil pour un moment un peu plus intense de lecture-voyage.
Je vous emporte ce WE aux confins des océans du monde connu, là où finit la mer et où s'ouvre le monde des dangers... et avant tout des monstres marins !
Ici s'arrête la mer... Au cap des dragons
Il y a un peu plus de cinq cents ans, le 20 septembre 1519, embarquait à Sanlúcar, au nord de Cadix, un navigateur portugais au service de l’Espagne. Ainsi débutait le tour du monde de Ferdinand Magellan, qui allait prendre fin quelque trois ans plus tard. Dans ses coffres à bord, un bien précieux : des cartes marines. Allait-il donc croiser en mer les monstrueux dangers signalés sur le parchemin ?
« Hic sunt dracones »
« Ici, il y a des dragons » avertissaient les anciens pour indiquer les territoires inexplorés où il ne faisait pas bon hisser sa voile, et les coins sombres de nos océans, infestés de monstres sanguinaires, d’où les marins ne reviendraient peut-être jamais s’ils osaient s’aventurer à l’endroit où s’arrêtent la mer et le monde d’ici-bas. De tous temps, le sort des gens de mer et des grands voyageurs sur l’eau semble avoir été étrangement lié à celui des monstres marins. Que ce soit dans les récits, dans l’imagination des navigateurs, dans la littérature, la symbolique culturelle ou encore dans la créativité des cartographes. Mais, que révèlent-ils donc en réalité, ces animaux fabuleux, à travers le graphisme des cartes marines ?
Un mythe vieux comme le monde
Depuis l’Antiquité, les différentes cultures ajoutent à la description du monde des symboles de créatures marines, qu’elles soient fantastiques ou bien réelles. Les Assyriens introduisent sirènes et serpents de mer dans leurs gravures. Les Phéniciens représentent sur leurs monnaies un monstre marin nommé « l’hippocampe ». Ptolémée réalise des cartes géographiques où il est fait mention de monstres et d’une « Terra Incognita ». De nombreux auteurs et artistes de l’Antiquité grecque et romaine (Homère entre autres) décrivent des animaux hybrides, tels que le lion, le cochon, le cheval ou encore le chien de mer, en raison de la croyance que les animaux terrestres avaient tous leur équivalent marin. Dans les écrits bibliques, Jonas n’est-il pas avalé par le Léviathan, un monstre marin à plusieurs têtes ? Et dans nombre de civilisations, il est prêté attention aux dangers d’une traversée au-delà des eaux connues, source potentielle de rencontres fortuites avec des créatures océaniques aux forces légendaires.
Tout commence sur une carte : l’imaginaire au service de l’ignorance
Les premières cartes représentent le monde comme un disque cerné par un océan et divisé en trois continents : l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Elles sont orientées vers l’Orient. Appelées cartes TO (Terrarum Orbis), ces représentations graphiques perdureront en Occident jusqu’au XIIe siècle.
Comme par hasard, les créatures fabuleuses font régulièrement surface là où les croyances prennent le dessus sur la compréhension de l’océan et de la faune des régions dessinées. Ainsi, nombre de cartes anciennes décrivent les mers comme les hommes les percevaient à l’époque. Les peuples des mers, d’apparence ou de taille hors normes, comme les baleines ou les morses, y sont dès lors qualifiés de « monstres ». Cependant, la graphie de ces créatures surgit surtout là où les limites du monde rejoignent celles de la connaissance de la géographie… Plutôt que de laisser des espaces vierges sur les cartes marines, les anciens cartographes trouvent des stratagèmes pour dissimuler leur méconnaissance des dits lieux. Ainsi, les cartes regorgent de larges inscriptions courbes de noms de pays, de références à la nature inhabituelle de certains endroits ou de la fameuse mention « Terra Incognita » ou « Terra Ignota », dont Ptolémée fut le premier à faire usage sur son atlas. Mais de tous les artifices destinés à combler leur manque de savoir, celui qu’on retiendra comme le plus inventif est bien celui qui consiste à peupler les mers inconnues d’animaux, et en particulier de monstres imaginaires. « Je n’ai aucune idée de ce qui se trouve à partir de cet endroit. Il pourrait donc bien y avoir des monstres, voire même des dragons ! ». « Plus monstrueuses les créatures, plus grands les dangers guettant dans les mers inconnues …
Les cartes médiévales suivent d’ailleurs la tendance de l’époque qui fait usage de la crainte dans ses leçons de morale. Pour ce faire, elle a recours au portrait des monstres marins les plus énormes, les plus affreux et surtout les plus dentus. Certaines sources affirment que le choix des animaux correspondrait à la faune des régions connues qui, une fois sur les cartes, se transforme en monstres au fur et à mesure que la carte marine prend vie : du morse, on passe à l’éléphant aux longues défenses, puis au terrifiant mammouth aux dents acérées. En ce qui concerne les dragons, le mystère persiste. Une autre hypothèse affirme que les animaux symboles culturels de certaines contrées (en l’occurrence, les dragons pour les régions est-indiennes, c’est à dire la Chine) auraient inspiré les cartographes. D’autres littératures y feraient référence comme le pays des « Dragoniens », en rapport aux voyages de Marco Polo. Nul ne sait réellement…
Le monde voit ainsi apparaître deux principaux types de cartes : les Mappamundi (ou Mappemondes) et plus tard, les cartes Portulan. Les premières constituent des cartes du monde génériques, dessinées à la main et peu pratiques pour la navigation. Elles représentent déjà des peuples marins tels que les sirènes et les serpents de mer (par ex. les cartes Beatus, du VIIIe au XIIIe siècle). A part celle d’Ebstorf, les Mappemondes ne font généralement pas mention de monstres marins au sens fort du terme. Pour la première fois dans l’histoire de la cartographie, on retrouve ainsi une rose des vents dans l’Atlas Catalan (en réalité une carte datant de 1375) ainsi que quelques premières références à des créatures fantastiques, qu’on peut assimiler à des requins. Basée sur les récits de voyage de Marco Polo (le Livre des Merveilles), cette carte allie cosmographie, géographie, premiers éléments de loxodromie et imaginaire. L’engouement pour la fabrication de cartes et de globes croît au XVe siècle, stimulé par la traduction en latin de l’œuvre de Ptolémée, par les découvertes ibériques en Afrique et les explorations transatlantiques. L’avènement de l’imprimerie avec Gutenberg agit comme catalyseur.
Cartes Portulan
C’est alors l’apparition des cartes Portulan. Ces dernières constituent de réelles cartes de navigation manuscrites, reprenant des lignes de côtes précises. Elles combinent trois éléments : le dessin, l’écriture et la mesure. Elles permettent au marin de s’orienter et de faire le point en reportant sur la carte la distance qu’il estime avoir parcourue dans une direction donnée. Leur nom vient du « portolano », un livre d’instructions nautiques décrivant les accès aux ports.
Elles sont au départ des cartes incomplètes, dont les vides représentent les « terrae incognitae » et les zones de tumultueux naufrages. La fièvre exploratrice engage les cartographes à y insérer plus de détails géographiques. Sur certains exemplaires, on retrouve notamment les fameuses créatures marines, que ce soit comme élément décoratif, ou suite à la requête de leur commissionnaire. Les monstres marins avaient ainsi deux fonctions : d’une part, représenter une indication pour les marins des potentiels dangers en mer, et d’autre part, enjoliver les cartes, de manière à promouvoir la créativité de leur auteur. Dans d’autres cas, ce graphisme particulier pourrait avoir des raisons plus stratégiques : préserver les eaux territoriales de leur auteur (et par exemple, leur potentiel piscicole) contre d’éventuelles intrusions étrangères en effrayant les marins qui envisageraient de les explorer, comme dans le cas de la Carta Marina d’Olaus Magnus qui sera rédigée un peu plus tard (1539). Cependant, les cartes nautiques réellement utilisées pour naviguer demeurent généralement relativement basiques, réduites au strict nécessaire : pas ou peu de monstres marins. Elles sont parcourues de lignes de rhumbs (ou lignes rhombiques, qu’on appellera ensuite loxodromiques après les innovations de Mercator), placées là pour aider le navigateur à déterminer un cap et à indiquer les lignes de compas à l’aide de la boussole. Elles sont « plates » et leur dessin ne tient pas compte d’un système de projection de la rotondité de la terre. Elles sont également bien plus abordables à l’achat que les cartes enjolivées de pensionnaires d’un zoo marin fantasmagorique. Des cartes dont les seuls propriétaires sont principalement des nobles ou les royautés de l’époque (qui ne naviguent pas) et qui pour toute table de navigation, ne voient que celle de la salle de réception des riches demeures. Les cartes sont dressées à partir des observations faites par les gens de terrain, les navigateurs et les « pilotes ». Ce sont eux les véritables guides, possédant d’ailleurs souvent leurs propres croquis détaillés des eaux, reliefs et dangers d’une région qu’ils ont sillonnée de long en large.
Mythe ou réalité ?
L’allégorie de St Brendan le Navigateur, un prêtre irlandais du Ve siècle ayant voyagé sur les sept mers, relate que certains marins auraient pris des baleines pour des îles. En réalité, les récits posthumes basés sur ce mythe illustrent probablement les débuts de la chasse à la baleine. On décrit ces mammifères marins comme « aussi grands que des montagnes ». Avec les activités piscicoles, les monstres deviennent un peu moins effrayants et surtout plus authentiques. La plupart des monstres des cartes marines n’existaient pas que dans l’imagination et la créativité débordantes de leurs auteurs, mais représentaient parfois des animaux bien réels, méconnus des marins traversant les mers pour la première fois.
« Les hommes de bord décident d’accoster sur cette île sombre et y allument un feu. Et soudain, l’île se met en branle et s’enfonce dans l’onde glacée. Les hommes, surpris par cette terre noire en mouvement, tombent à l’eau et se noient.
Ailleurs, on parle également de monstres qui arrêteraient la course des navires. On découvrira plus tard qu’il s’agit probablement de bancs de thons qui, vu leur nombre, ralentissent la marche du navire. Et lorsque, dans son Odyssée, Homère mentionne Charybde et Scylla, deux monstres marins situés de part et d’autre du détroit de Messine, il indique en réalité l’emplacement d’une zone de récifs et de tourbillons, passe redoutable pour les marins à cause de son étroitesse, où la rencontre de deux courants opposés produit, en divers endroits du détroit, des tourbillons et de grands remous appelés « garofali ».
Carta Marina, première carte nordique
La carte la plus importante en termes de représentation de monstres marins apparaît au XVIe siècle avec le Suédois Olaus Magnus et sa célèbre Carta Marina (1539). Un chef d’œuvre de cartographie et de créativité graphique.
Il s’agit là de la première carte de la Scandinavie proprement dite. Olaus Magnus est le premier à y suggérer un passage Nord-Est. Il s’inspire des connaissances de Ptolémée, de l’œuvre d’astronomes et de descriptions de marins. Sur sa Carta Marina, on peut distinguer des monstres que l’on pourrait apparenter à des baleines (et des hommes allumant un feu sur leur dos…), des « monocéros » (sortes de narvals), des vaches marines, des morses ou des éléphants de mer. On y retrouve également des serpents de mer géants attaquant les navires, des poissons-scie, des cochons de mer ou encore de gigantesques homards mangeurs d’hommes. Les marins à bord de navires de pêche ou de commerce le long des côtes norvégiennes affirment haut et fort avoir vu, au large de Bergen, un serpent-dragon long de plus de quatre-vingt mètres et large de 6 mètres, ayant une longue chevelure noire le long du corps, des crocs acérés et des yeux d’un rouge de braise. Et pourtant, si de nombreuses cartes représentent des animaux fantastiques, aucune ne mentionne d’avertissement faisant allusion à des dragons. Cependant, en 1510, apparaît pour la toute première fois une notation majeure sur un globe terrestre : « Hic Synt Dracones ». Cette référence est notée aux alentours de la côte Sud-Est de l’Asie sur le globe Hunt-Lenox. Il s’agit là de la seule et unique inscription en toutes lettres évoquant des dragons de mer.
Les îles fantômes
Dans son œuvre, Olaus décrit entre autres la fameuse île fantôme de Thulé, où il fait apparaître diverses créatures effrayantes. Tout comme nos monstres marins, les îles fantômes ont toujours fait couler l’encre et titillé l'imagination des marins (surtout dans les tavernes des ports).
Cependant, les îles fantômes ne sont pas une fiction, sur papier du moins... Les cartographes et les marins les ont nommées Avalon, Baltia, Pepys, Satanzes, Thulé... Ces îles sont répertoriées et topographiées par des cartographes ou des marins réputés. Durant des années, voire des siècles, elles demeurent sur les mappemondes, sur les cartes marines et dans les atlas de géographie. Mais lorsque les navigateurs parviennent à l’endroit de leurs coordonnées, ils tournent désespérément en rond, sans jamais les trouver. Même Google Maps y perd le nord. Ces fameuses îles semblent s’être soudainement évaporées. Ces îles se sont-elles déplacées suite à des mouvements sous-marins de plaques tectoniques ? Etaient-elles des bancs de sable qui ont fini par disparaître ? Se sont-elles précipitamment englouties, emportées par un tsunami ou une éruption volcanique marine ? Ou pire, avalées par un de ces fameux monstres des abysses ? Nul ne sait...
L'origine de leur apparition
Une des premières raisons de ce phénomène résulte de la méconnaissance de la géographie d'un lieu ou de la confusion avec d'autres endroits. Par exemple, des parties de continent dont on pensait au départ qu'elles n'étaient qu'une île, n'en voyant que la péninsule. Christophe Colomb n'avait-il pas identifié l'Amérique comme étant les Indes lors de sa découverte ? La Corée fut longtemps considérée comme une île avant qu'on ne la relie à l'Asie, tout comme le Brésil (anciennement nommé Vera Cruz). L'île Pepys, censée se trouver à 230 milles au nord des îles Malouines, est apparue suite à une mauvaise identification des Malouines. Et la liste est longue...
Une seconde éventualité pourrait venir de l’approximation des cartes de l’époque. Les cartes nautiques Portulan ressemblaient à des toiles d’araignée, quadrillées de lignes de couleur indiquant les vents ou les "rhumbs". Les autres signes graphiques les caractérisant étaient les roses des vents et les lieux selon leur importance. Ces tracés formaient ainsi des carrés, des rectangles et des parallélogrammes de couleur, appelés un "marteloire" (de l'italien "mar" : la mer et "teloio" : la toile), sans être pourtant un système de coordonnées ou de projection comme celui des méridiens et des parallèles qui n'apparaîtra que plus tard dans l'histoire de la géographie. Ces portulans étaient à l'époque le symbole d'une connaissance approfondie des mers côtières et du pouvoir commercial et naval d'un royaume. Les portulans étaient basés sur des observations faites à base d'outils assez élémentaires : boussole (indiquant le nord magnétique), sextant et alidade, et pourtant ils étaient remarquablement précis. Ainsi, un des premiers portulans, la carte Pisane, ne déformait la Mer Méditerranée que d'un seul degré (environ 90 km) par rapport à la réalité. Mais toutes ces cartes de navigation ne se targuaient pas d’une telle exactitude. D'où les libertés créatives de certains de leurs auteurs pour y faire apparaître de mystérieuses protubérances dans la mer ou le long des côtes.
Thulé
Une autre explication plausible de la présence d'îles fantômes sur les cartes provient de leur disparition ou d'un oubli de leur découverte au cours des siècles. C'est le cas de l'île de Thulé (ou Tile) décrite par Olaus Magnus. Cette dernière aurait été identifiée au IVe siècle av. J.C. et citée comme telle dans la littérature grecque et romaine, pour ensuite se perdre dans les méandres du temps qui passe. Les écrits classiques en font mention comme d’"une île à six jours de navigation du Nord de la Grande Bretagne et proche de la "mer gelée", où le soleil ne se couche jamais en été". D'autres la placèrent du côté des îles Shetland. La Carta Marina fait mention de cette île, au Nord-Ouest des Îles Orkney. En 1775, le capitaine Cook nomma une île de ce même nom dans le sud de l'océan atlantique, dans l'archipel des îles Sandwich. Clairement, un peu trop au sud...
Thulé fut ensuite référencée comme l'Islande, le Groenland actuel, l'île de Saaremaa en Estonie ou encore celle de Smøla en Norvège. On donna d'ailleurs au nom d’"Ultima Thule" dans le passé la signification de "lieu aux frontières du monde connu". Ce n'est qu'en 1910 qu'un explorateur-anthropologue Groenlandais-Danois, Knud Rasmussen, établit un poste de missionnaires au Nord-Est du Groenland, qu'il nomma "Thulé" (ou "Qaanaaq").
Cartographie de stratèges : « mon royaume pour une carte ! »
Une dernière explication possible de la mention d'îles fantômes serait la propension de certains monarques à "adapter" les cartes marines de manière à étendre leur territoire, à l'époque des grandes découvertes et à l'aube de l'histoire de la cartographie. Dès le traité de Tordesillas en 1494, les cartes sont d’ailleurs considérées comme des secrets d’Etat dans les royaumes du Portugal et d’Espagne. Toute nouvelle découverte fait l’objet d'une discrétion toute particulière lorsqu’il s’agit de la coucher sur le papier. L'agrandissement des zones sous contrôle constituait un atout majeur pour le pouvoir d'un souverain. Le mécénat de grands voyageurs qui affrétaient des navires avec pour mission de découvrir le nouveau monde et d'y planter des comptoirs commerciaux, reste le leitmotiv des grandes explorations. Les courbes de l’Amérique du Sud auraient ainsi, affirme-t-on à tort ou à raison, été «déplacées» de quelques kilomètres pour les besoins du règne lusitanien.
Les Monstres de Mercator
Mais revenons à nos dragons de mer… On connaît Gérard Mercator comme un grand cartographe et le père de la fameuse projection. L’histoire le décrit généralement moins fréquemment comme dessinateur de monstres…
Et pourtant, la carte d’Olaus Magnus va clairement influencer divers cartographes, dont Mercator dans sa création d’un globe terrestre. Dans sa première version, ce dernier comporte onze monstres marins, dont pas moins de sept ont été copiés de la carte nordique. La localisation de ces monstres révèle les croyances de l’époque sur les endroits de la planète regorgeant de merveilles ou de mystères maritimes encore non décryptés. Le Nouveau Monde compte déjà deux monstres exotiques : le lamantin et l’iguane. Au fur et à mesure des découvertes géographiques, les monstres changent d’aspect et de localisation. La majorité des monstres sont représentés dans le Pacifique, quelques-uns dans l’Atlantique et un dans l’Océan Indien. Pas un seul n’apparaît au-delà du cinquantième degré Nord alors qu’il y a amplement la place d’y mettre quelques exemplaires. Au fur et à mesure des versions de son globe et de ses cartes, les proportions des monstres et les régions où ils se trouvent varient. On peut en déduire soit un intérêt déclinant pour les monstres de la part du savant ou tout simplement la diminution du besoin d’enjolivures sur ces cartes pour sa clientèle, sa réputation de cartographe émérite n’étant plus vraiment à faire. Un peu plus tard, son rival Abraham Ortelius, élabore « Le Théâtre du Monde », le premier atlas moderne digne de ce nom. Dans cet ouvrage, il décrit une kyrielle de monstres marins autour de l’Islande, dont de nombreux spécimens (qu’il s’agisse du fameux Kraken ou encore du Roider, une sorte de rorqual…) qui proviennent, à leur tour, de la carte d’Olaus Magnus. Si la géolocalisation de l’Islande y est remarquablement plus précise que celle des cartes précédentes, le foisonnement des monstres barbotant allègrement autour de l’île tendent à indiquer que l’endroit était une région difficilement accessible, à la limite du monde connu. La cartographie du Moyen-Âge et de la Renaissance a été faste en termes de monstres marins. Toutefois, le développement de la navigation, la découverte du monde et de la zoologie, ainsi que le contrôle progressif des hommes sur les océans et leur faune, ont peu à peu éradiqué les dragons des mers, les animaux fabuleux et les autres bestioles chimériques des cartes marines. Etonnamment, à la même époque que les monstres, le graphisme des cartes a foisonné en navires, peut-être pour prouver la capacité des hommes à traverser les océans, pour les encourager à voyager ou à montrer le pouvoir politique de plusieurs royaumes sur certaines régions du monde. Ce n’est que des siècles plus tard que les cartes marines se sont rationnalisées, pour ne plus devenir que des atlas de géographie ou des outils de navigation purement pragmatiques.
© Totalité des photos (Carta Marina, Olaus Magnus - Bibliothèque nationale de Suède, Globe Hunt-Lenox - New York Public Library, L’Aspidochelone - Bibliothèque Royale du Danemark, Atlas portulan, Italie - Joan Martines, Carte nautique des Frères Pizzigani - Bibliothèque palatine, Theatrum Orbis Terratum, Abraham Ortelius - British Library, Sea Monsters on Medieval & Renaissance Maps – Chet Van Duzer, Bestiaire Médiéval – Bibliothèque de Valenciennes)
Saint Valentin était-il donc marin ? Car qui dit amour, dit enlacer puis entrelacer... La suite est aisée à deviner : qui dit liens, dit noeuds. Et qui dit noeuds, dit... marins ! Alors, c’est parti pour un peu de matelotage et quelques noeuds un peu particuliers ce dimanche : les noeuds d’amour.
Pour l’amour des lacs, des baleines et des jolis cœurs
On raconte qu’à l’époque des baleiniers, les marins partant pour de longs mois en mer, offraient à celle qui occupait leurs pensées, un noeud encore ébauché, en espérant qu’elles le complèteraient en signe de leurs sentiments réciproques. Il s’agissait du noeud (du lac) des amoureux. Si la belle le lui rendait détaché, mieux valait se faire une raison ou l’oublier. Si elle le lui rendait intact, le marin pouvait espérer son amitié. Et si elle le lui retournait bien serré (“souqué”), le marin transi d’amour pouvait alors rêver d’une belle histoire de cœur à débuter, voire des noces à son retour de voyage.
Croix du marin
Ce nœud, particulièrement décoratif en forme de croix, est un cousin des lacs d'amour et tirerait peut-être son nom de la constellation Crux indiquant le sud aux marins naviguant dans les mers en dessous de l'équateur. D’autres affirment qu’il est la version passionnée du noeud d’amour retourné par la belle à son soupirant en signe de sa flamme dévorante pour son marin...
Noeud d’amour celtique
Le noeud celtique ovale comporte des noeuds entrelacés comme deux cœurs imbriqués et représente l'amour entre deux personnes. Certaines sources prétendent que les Celtes échangeaient ces nœuds en guise de nos anneaux des temps modernes. Ce noeud est le plus simple de tous les noeuds d'amour celtiques. Il représente la vie éternelle et remonte à 2500 avant JC.
Noeud d’amour algérien
Qui sait, aurez-vous trouvé dans ce petit billet, un peu d’inspiration pour votre prochain cadeau amoureux. En attendant de l’offrir à l’élu(e) de votre cœur, je vous souhaite un excellent dimanche, pas trop venteux malgré l’arrivée de Dennis, que j’ai croisé à Nieuport aujourd’hui ! Sa rencontre m’a quelque peu soufflée...
Que lisez-vous en ce moment ? Moi, je me suis plongée dans “Le Bathyscaphe d'Alexandre".
Un livre qui plaira probablement plus aux historiens qu'aux amateurs de croisière. Je prends néanmoins ma chance de partager ici mes impressions d'un ouvrage qui m'a étonnée et charmée de ses ressources et son caractère scientifique. Cette œuvre sur le monde maritime à l'époque médiévale est le résultat d’une écriture collégiale entre treize jeunes chercheurs historiens/littéraires médiévistes et publié sous le label du groupe Questes. Cet ouvrage allie deux sujets qui me passionnent : mer et une période de l’histoire bien moins noire et incroyablement riche en découvertes que l'on n'a souvent eu tendance à la dépeindre. Idéal pour me plaire...
La légende d’Alexandre
Le Roman d’Alexandre est un recueil de légendes concernant les exploits d'Alexandre le Grand. Source des différents miroirs des princes médiévaux, il fut, malgré la diversité des versions, l’un des livres les plus répandus au Moyen Âge, objet des premières traductions dans les langues vernaculaires d'Europe. Concernant la littérature française, le poème d'Alexandre de Paris (Li romans d’Alixandre) marque l’apparition du vers de douze syllabes, nommé depuis pour cette raison alexandrin. (Source Wikipedia)
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Ceux d’entre vous qui se souviennent un tout petit peu de leurs cours d’histoire clameront haut et fort qu’Alexandre le Grand n’a pas vécu au Moyen Âge. Et ils auront parfaitement raison. Alexandre le Grand, roi de Macédoine, a vécu au IVe siècle avant JC. Souvenez-vous, il est décrit comme un des plus grands conquérants de l’Antiquité, en prenant possession de l’empire perse et s’avancant jusqu’aux rives de l’Indus. Sur la route de ses conquêtes, il fonde des villes. La plus connue de ces cités serait Alexandrie d’Egypte, sa fabuleuse bibliothèque et son merveilleux phare.
De tous temps, son nom résonne comme celui d’un héros et ses conquêtes comme un mythe. Son épopée suscite dès l'Antiquité de nombreuses publications et légendes. Une de ces légendes se nomme “Le Roman d’Alexandre”, écrit par Pseudo-Callisthène. De tous temps, ses prouesses sont louées comme un idéal de souverain, promoteur d’une ouverture entre Orient et Occident. Au Moyen-Âge, on le représente comme un modèle de vertus chevaleresques (une image probablement loin d’une réalité bien plus excessive et autrement brutale).
Dans ce roman, on retrouve un épisode moraliste narrant une anecdote liée à la mer. On y dit que le grand roi aurait visité la mer dans un sous-marin de son invention. Durant sa descente dans les fonds marins, il aurait découvert une autre forme de vie et acquis un savoir politique important : les gros poissons mangent les petits. Et parfois, ce sont les petits poissons qui mangent les grands, à force de ruses et de stratagèmes. Alexandre représente le dirigeant assoiffé de découvertes et d’aventures. Et dans ce cadre, il décide d’explorer une partie du monde qui lui est encore inconnue à travers son voyage sous la mer. Pour y parvenir, il fait mander son maître-verrier et lui ordonne de fabriquer un tonneau de verre scellé de plomb pouvant abriter trois personnes, équipés de lampes et être immergé pour aller inspecter les abysses marines. Le projet est ambitieux, téméraire et visionnaire pour l’époque où les mers sont synonymes de monstres et de créatures inconnues toutes plus effrayantes les unes que les autres. On se croirait dans un scénario de science-fiction. Et Alexandre y trouve sa finalité morale : son expérience lui permet de s’interroger sur les responsabilités politiques des souverains et y est réconforté dans sa légitimité guerrière.
Six chapitres pour un royaume marin
Mais revenons au livre " le bathyscaphe d'Alexandre", dont ce billet fait l'objet.
L’ouvrage se divise en six chapitres couvrant chacun un aspect distinct lié à la mer à l'époque médiévale. 1. La perception de la mer Il débute par l'histoire de ses représentations ambivalentes à travers les écrits et les siècles : à la fois source de peur et de curiosité. La mer dangereuse et salutaire à la fois. On la représente comme un espace changeant. "La mer et l'amour ne sont point sans orage..." (A Philis, Pierre de Marbeuf)
Vous y retrouverez des contes, légendes et récits antiques faisant tous référence à des épisodes marins y compris leur lien à l'amour : L'Odyssée, Tristan & Yseut, le Déluge, Moby Dick et bien d'autres.
"Pas plus qu'on ne pourrait épuiser la vaste mer (...), pas plus ne pourrait-on détacher de vous mon coeur..." (Le Livre du Voir dit, Guillaume de Machaut)
2. Prendre la mer
L'occasion d’en apprendre sur les procédés de navigation et innovations techniques de la période, comme le gouvernail d’étambot, la création des navires d'Oseberg et de Snekkja... Les auteurs y mettent en évidence les apports (notamment linguistiques) des navigateurs venus de Scandinavie et d'Allemagne du Nord. 3. Vivre en mer Ce chapitre ouvre une parenthèse sur le quotidien des gens de mers, surtout à travers des récits de pèlerins. 4. La mer nourricière Cette partie nous décrit la pêche et des traditions alimentaires de l'époque. Ainsi, connaissez-vous l'origine du mot "marsouin" ? Il s'agit de "mar-svin", ce qui signifie "porc des mers" en langue germanique, un animal très recherché pour sa graisse, le "craspois". 5. Les ports et sociétés littorales ICe cinquième chapitre traite de la transformation des sociétés et des paysages liés à la mer. L’essor des activités portuaires, la création de villes nouvelles, comme Lübeck et Riga au XIIe siècle et l’apparition de piliers politiques et commerciaux, parmi lesquels Venise et Gênes. 6. A qui la mer ? Enfin, cette dernière section touche à la question de la propriété de la mer : batailles navales, taxes de commerce maritime, législations pour régir les relations en mer. On y aborde comment certaines puissances tentent de taxer la mer et de pousser les économies maritimes (Danemark, Egypte fatimide, Angleterre... ). Bref, un ouvrage complet pour faire un tour relativement complet du sujet. Et malgré le fait qu’il soit le résultat de treize visions différentes, il se lit comme le produit d’un et seul même auteur. Une belle prouesse littéraire.
© Questes, Le Bathyscaphe d'Alexandre. L'homme et la mer au Moyen Âge, Paris, Vendémiaire, col. « Chroniques », 2018, 211 p., ISBN : 978-2-36358-312-3.
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Un petit test ce dimanche. Etes-vous de gauche ou de droite ? Non, non, il ne s'agit pas de politique dans ce billet. D'abord, parce qu'elle me lasse souvent et de plus parce que les extrêmes, qu’ils soient d'une direction ou de l'autre, ne sont jamais à recommander. Il s'agit ici de voir de quel bord vous êtes... Enfin, maritimement parlant, bien entendu. Alors, c'est parti pour un test digne d'un magazine de lecture légère.
Instructions du test
Pour chacune des phrases suivantes, choisissez la réponse (A, B ou C) correspondant le mieux à votre caractère et à vos habitudes. Ensuite, faites le total de vos réponses par lettre (autant de A, autant de B et autant de C). Résultats du test en fin de ce billet.
1. Le robinet de l'évier coule et vous tape sur les nerfs. Soit :
2. Le moteur du voilier crachotte avant votre départ en navigation sur un voilier de location Vous êtes encore au port. Il risque de vous lâcher en pleine mer. Soit :
3. Vous décidez de rénover votre logement. Soit :
4. L'écoute de spinnaker vient de lâcher avant vos vacances à la voile. Soit :
5. La lampe de pointe de mât ne fonctionne plus. Vous en avez encore pour 2 nuits avant de regagner un port et la mer est bien formée. Vous n'avez pas d'ampoule de rechange. Soit :
6. Le wc de bord est sur le point de se boucher alors qu'il vous reste encore 10 jours de mer (oh joie... ). Soit :
7. Vous n'avez plus de batterie pour faire redémarrer le moteur. On annonce du gros temps à votre arrivée au port. Soit :
La place du hamac
Les Bâbordais sont les hommes de l'équipage d'un navire, qui ont leur hamac à bâbord et faisant partie de la seconde bordée (quart de veille ou bordée de bâbord). (Sources wikipedia & Larousse.fr)
Dans la marine à voile nationale française, les quarts sont répartis en deux "bordées" selon les heures. Ceux de 4 à 8h, 12 à 14h et 16 à 20h sont les bâbordais. Ceux de 0 à 4h, 8 à 12h, 14 à 16h et de 20 à 0h sont les tribordais. Lorsqu'on parle d'un quart de repos, on parle d'un "quart en bas".
Deux mains gauches
Quel est le lien avec notre test, allez-vous me dire ? La définition que je vous propose dans ce billet fait référence, non pas aux quarts, mais bien à la sémantique du mot "bâbordais". Voyons plutôt...
"Bâbord" avec un "A" comme dans "gAuche", représenté par la couleur rouge. "Tribord" droite (avec un "I" comme dans "droIte"), représenté par la couleur verte, notamment pour les feux de navigation. Je continue le raisonnement. Bâbord, dit donc gauche. Gauche en plus de son indication d'endroit, signifie aussi "maladroit, pataud, malhabile, inexpérimenté... ". On dit ainsi "se lever du pied gauche, être gauche, passer l'arme à gauche", ou encore "avoir deux mains gauches"... Le mot invoque ainsi souvent un côté un peu plus gourd et moins brillant que son opposé. On dit ainsi : "une âme droite, qui de droit, avoir le droit de... " D'ailleurs, l'italien traduit le terme "gauche" par "sinistra". Etonnamment proche du terme "senestre" en français littéraire (peu connu, je l'avoue) ou encore "sinistre". Souvenez-vous de la fameuse réplique de Louis De Funès dans Le Corniaud... A sinistra, a sinistra ! Monsieur vous êtes sinistre... (Le Corniaud)
Bon, alors, que donne ce résultat du test ?
Un bon marin qui se respecte est souvent habile de ses mains, inventif, ingénieux et sait bricoler. Ce n’est pas pour rien que la navigation attire bon nombre de profils ingénieurs, qui se régalent de mécanique et de devinettes techniques. Quant à moi, avec mes études de langues, les seules prouesses de Tribordais que j’aie réellement réalisées se sont limitées à la traduction de manuels d'utilisation de produits techniques. Je crains donc appartenir plus souvent au clan des Bâbordais qu'à ceux des Tribordais... Mais je m'applique au changement ! Et puis, un équipage gagnant, n'est-il pas celui qui comporte des profils complémentaires ?
Peu importe le bord auquel vous appartenez : Bâbordais comme Tribordais, je vous souhaite une excellente semaine !
Puisqu’écrire ce blog du WE me délasse encore, pourquoi ne pas le poursuivre en 2020 encore quelque temps ? En espérant que cette nouvelle série de sujets vous plairont quelque peu. Alors voici un premier billet pour cette nouvelle année. J’espère qu’il vous portera chance pour la débuter.
Il était une fois une barque...
Il était une fois une barque... Elle flottait doucement le long de la rive, tendrement bercée par le rythme des flots allant et venant. Discrète près des berges couvertes de roseaux aux plumets duveteux.
Un homme passant par là, la dépassa sans la voir. Le lendemain, il reprit le même chemin. Le vent était tombé et le silence n’était plus couvert que par le gentil clapotis de l’eau contre ses flancs de bois. Telle un joueur de marimba, l’eau y lançait quelques accords à peine audibles, mais au son envoûtant. Intrigué par le bruit, l’homme s’approcha de la rive. Tout d’abord, il ne vit rien sauf les longues lianes dorées des plantes aquatiques. Il se risqua alors à faire un pas un peu plus loin et à écarter les tiges, comme on ouvre un rideau. Quelle ne fut alors sa surprise de découvrir une petite embarcation de bois. Cinq ou six mètres de long tout au plus. "Et dire que je prends ce chemin tous les jours et je ne l’ai jamais aperçue. Quelque pêcheur doit l’avoir abandonnée ici." , se dit-il. L’homme s’avança un peu plus en avant. La damoiselle semblait l’attendre. Il écarquilla les yeux en l’inspectant. Une robe de bois blond, des courbes discrètes mais résolument attirantes. Une silhouette à première vue frêle, mais à bien y regarder, une structure bien charpentée. Croisées le long de son buste, quatre rames, parfaitement symétriques d’un bois aux teintes mordorées. L’homme jeta un regard autour de lui : personne sur l’eau, et pas âme qui vive sur les berges. Alors, il n’y tint plus et attira le navire vers lui. Il enjamba le bord et posa son pied en son sein. La demoiselle ne bronchit pas et ne gîta même pas. Elle se montra d’une stabilité étonnante. Il s’assit sur un des trois petits bancs de bois intérieurs. La barque ne frémit pas d’une once sur l’eau. Il flatta lentement son bord du bout des doigts, comme on fait d’une première timide caresse sur une main. Son toucher était chaud, doux. Il inspecta la belle : des planches parfaitement emboîtées, à chaque extrémité solidement calfeutrées de goudron et fixées par des gros clous plats.
Une ligne totalement symétrique, parfaite ! Fine, gracieuse, avec un point d’attaque en pointe pour braver les flots. Une vraie beauté ! L’homme tomba immédiatement sous le charme. Il ne put s’empêcher de caresser les rames savamment posées en équilibre sur les rebords des bancs intérieurs. Toutes portaient un numéro distinct. Chacune d’entre elle représentait son pesant de bois. Mais l’homme était fort et habile de ses mains. Il en pris deux qu’il inséra dans les dames de nage pour les fixer et les faire pivoter dans l’eau. Comme par miracle, les avirons se laissèrent faire sans résistance aucune. Un solide coup de bras suffit à l’homme pour alors libérer l’embarcation de son amarrage. Et les voici partis sur l'eau !
Une fois Embarqué, Une fois Envoûté
Jour après jour, année après année, l’homme revint chaque jour mais personne ne vint jamais réclamer la barque. Et la belle l’emmena toujours un peu plus loin, peu importe les vents, la neige ou même la glace qu’ils durent briser ensemble. Bien sûr, il y eut des journées froides et humides. Des jours de disette sans prise de pêche. Des moments où leur synchronisation laissa vraiment à désirer et où ils firent du sur place durant de longues heures avant de parvenir à repartir dans la bonne direction. Des jours de fatigue où les rames lui semblèrent bien lourdes à porter pour continuer à avancer. Des éclaboussures, de l’eau à écoper après de grosses vagues et même quelques virées par dessus bord, les jours d’orage ou de très grand vent. Au cours des années, il y eut des jurons, des larmes et des grandes lassitudes. Mais toujours, la barque l'attendit patiemment sans jamais l’abandonner ni dériver hors de sa portée. Et toujours, l’homme remonta à bord. Éreinté mais rassuré de sa présence. Les deux compagnons ne se quittèrent plus. Comme de vieux amants. Sans vraiment se parler, mais en connaissant tous les recoins de l’un et l’autre, ses forces et ses faiblesses. Une vieille barque pour un vieux pêcheur. Un embarquement pour un envoûtement.
© Photos – Rêvesdemarins
Færing
Je vous souhaite une barque solide et fiable qui vous emmènera vers les horizons et les berges de vos souhaits en 2020, à travers vagues, remous et vents. Même s’il vous faudra sérieusement ramer, que ce soit seul ou à plusieurs. Bon début d’année à tous !
Nous voici presque au crépuscule de 2019 et à l’aube d’une nouvelle année. Je pourrais suivre les traditions et vous acter ici une rétrospective de ces douze derniers mois. Cependant, cette année a porté son lot de difficultés sans vraiment beaucoup de choses ni drôles, ni utiles à vous raconter. Alors, pourquoi pas un petit billet posé vers le bleu infini plutôt que le gris du passé pour terminer l’année ?
Aéro-nautique
Mon premier cours de voile m’a appris que les voiliers avancent en mer selon une série de principes similaires à ceux qui propulsent les avions dans les airs. Les voiles sont les ailes des navires. Il existe de nombreuses similitudes entre les navigations célestes et maritimes. À commencer par leur sémantique et leur vocabulaire. Nauticus (naval), nauta (matelot), navis (navire), cockpit, pilote, cabine, jusqu’ à même nausea (nausée), alias mal de mer... Tout un monde autour de la notion de navire et de voyage. L'aéronautique est confrontée aux mêmes difficultés de positionnement et de définition de route, avec une troisième dimension en plus. Il semble donc logique que leurs terminologies soient assez proches.
Le principe qui fait avancer les navires à voile (appelé en physique principe de Bernouilli) repose sur la différence de pression entre les deux faces de la voile. Un voilier, le côté qui pointe vers le vent, crée plus de pression du côté face au vent et fait baisser la pression du côté sous le vent. La voile incurvée comme une aile, se déplace ainsi vers la zone où la pression est moins grande, et tire le bateau avec elle. La portance causée par la voile fait avancer le bateau, comme dans un avion. Enfin, pour que le bateau n’évolue pas en crabe; de côté, il lui est nécessaire d’avoir un moyen de contrer cette poussée dans l’eau grâce à une quille (ou dérive) et un (ou plusieurs) safran(s). Ces appendices créent ainsi un frein dans l'eau qui limite le glissement du bateau sur l'eau et une force anti-dérive. La combinaison des vecteurs de poussée vélique et de dérive génèrent alors un vecteur vitesse de propulsion du bateau. C'est aussi simple que cela.
Dès lors, un pilote d’avion mis à la barre d’un bateau retrouverait, en toute logique, rapidement des similarités avec son cockpit et se débrouillerait relativement vite sur un voilier (comme j’ai pu le constater avec mes amis pilotes ! ).
Les voiliers du ciel
Parfois, le matin, j’ouvre les rideaux et j’aperçois des traces dans le ciel endormi, qu’on pourrait méprendre pour des météorites. Deux, trois, cinq, jusqu’à plus de dix simultanément à l’horizon parfois. Et les teintes du petit matin les font flamber, rosir ou les rendent écarlates selon l’humeur du soleil levant. Et je me dis que la troisième dimension doit être bien large pour permettre un tel trafic aérien sans qu'ils ne se croisent jamais de trop près. Un peu comme si le ciel s’était transformé en une immense mer suspendue où voguent en l’air tous ces voiliers d’acier. Seule différence, les rejets de ceux-là sont moins inoffensifs pour notre planète que ceux de voileux responsables et respectueux de la nature. Et bien plus de gens y naviguent chaque jour pour rejoindre l’autre côté de la planète. Il est vrai que les billets d’avion « low-cost » permettent à des millions de jeunes (et de moins jeunes) de voyager aujourd’hui pour des prix défiant les porte-monnaies anorexiques.
© Photos - Rêvesdemarins
Depuis quelques années, la recherche technologique évolue vers le développement d’avions fonctionnant sur des énergies vertes, par exemple le Solar Impulse (piloté par Bertrand Piccard et André Broschberg pour un tour du monde en autonomie verte) ou encore le futur Odysseus actuellement en préparation par les ateliers Boeing. Mais, nous sommes encore loin de solutions à grande échelle. D’ici-là, je continuerai d’admirer les jolis dessins qu’ils tracent devant ma fenêtre dans les rayons du levant.
© Photos - Rêvesdemarins & B. Ryckmans
À Tire d’aile
Je vous souhaite d’ores et déjà une excellente année 2020. Qu’elle soit sereine, vous garde avant tout en bonne santé ou vous en épargne du moins les gros ennuis. Et puis surtout, de l’amitié et de l’amour, du vrai, du profond. Un parent, un ami, un compagnon, un animal... Le secret réside dans la qualité et non dans la quantité. Un seul être suffit pour vous prouver que vous en valez la peine, que vous n’êtes pas seul(e) au monde. Que ce dernier soit proche ou lointain, exprimé ou silencieux. Cette âme-là vibre quelque part pour chacun et en 2020 aussi.
La seule chose qu’on ne puisse pas nous enlever, ce sont nos souvenirs. Même lorsqu’on pense en avoir oublié les méandres les plus reculés, ils nous retrouvent toujours au détour d’un bord en mer (ou ailleurs). C’est pour cela que les voyages font partie de nos biens les plus précieux. Et cela, les marins l’ont compris depuis toujours.
"La mer n'a pas de mémoire... Le sillage est la seule trace du marin, éphémère... L'arrivée n'est que le retour à la terre des humains, c'est tout..." (Large - Sensations de Marins, A. Guillaume)
Une trace, un peu d’écume, quelques remous. C’est tout. Et la trace s’efface.
L'eau se referme. Et le souvenir s’égrène peu à peu. Ne reste que la mémoire. Ensuite, la mémoire s’embrume, jusqu’a devenir brouillard, léger puis plus épais Le flou s’installe, les couleurs s’étiolent, une à une comme une étoile qui s’éteint Et lorsque le vague se dissipe, il laisse un immense vide derrière lui. Comme si cela n’avait jamais existé... Les souvenirs s’évaporent, comme des bulles d’eau les images se fanent comme de vieilles photos Et le doute s’installe... Et la crainte de n’avoir que rêvé Et l’interrogation de ses navigations passées Suis-je réellement passé ici ? Mon navire a -t-il donc croisé ces eaux ?
Parfois, les sillages se croisent, s'entrecroisent ou se mêlent
Dans les plus belles navigations, ils vont jusqu'à fusionner et ne plus former qu'un Unis en une seule même trace dans les flots bleutés Mais dans tous les cas, la mer qui les a réunis, fnit par les séparer Dans la houle, brusquement ou au fur et à mesure, lentement, imperceptiblement Le sillage sombre, inexorablement, sans bruit, sur la pointe des pieds nacrés "Un morçeau de mer vierge, sans mémoire" (Jules Supervielle)
Le temps, les milles et les vies passent
Jour après jour, quart après quart, nuit après nuit Du vacarme des ouragans au sifflement des typhons Du silence de la pétole à celui de la douceur des alizés Des ciels sans étoiles aux firmaments infinis Des obscurités sans lune aux levers de Vénus sur l’horizon bleuté La peur d’oublier les vagues, les crêtes nacrées et les rochers La crainte du vide, de soi et des autres. Le spectre de l’amnésie Et certaines parties de vie disparaissent de l’esprit conscient Et certains morceaux d’existence se volatilisent de la réalité Le présent renie le passé, le futur et le conditionnel Et tout d’un coup, l'obscurité s’installe L’esprit a beau tenter de se remémorer Le corps se désespère de ne plus se souvenir Les mains ne retrouvent pas le chemin Les doigts ont perdu les sens Les yeux ne revoient plus les horizons lointains Et le cœur ne sait plus s’il a jamais réellement battu ou s’il a simplement rêvé Puis un jour, au gré du parfum d’une brise, d’une terre, d’une goutte de pluie La mémoire refait soudainement surface, du fond des abysses, des profondeurs marines Le cœur se souvient et les yeux revoient La route se clarifie et le cap reprend ses certitudes Le marin sait qu’il est déjà passé par là et retrouve ses repères La trace du sillage a disparu mais son empreinte profonde remonte à la surface, indélébile La mer, si elle l’efface, n’oublie jamais un sillage...
© Photos – Rêvesdemarins
Je vous souhaite de très beaux sillages en ce dimanche.
L'humour marin est particulier à ceux qui naviguent. Alors pourquoi pas un petit billet léger pour vous faire sourire ce dimanche....
Ever wonder why we do it ?
Mike Peyton. Sans aucun doute, le plus grand humoriste marin... Succulent à apprécier lorsqu'on a navigué et connu les adversités et vicisscitudes d'une sortie en mer en voilier. Evidemment..., un peu plus abstrait aussi pour les non-voileux.
Mike est un caricaturiste britannique qui dessine à l'encre de Chine et à la carte à gratter. Ce passionné de voile a également été le propriétaire de pas moins de 13 bateaux... Des milliers de milles nautiques et de sorties en chartering à son compteur. Et autant d'expériences désopilantes. De quoi donner de l'inspiration à revendre. Son dernier voilier s'appelait "Touchstone", ce qui l'amenait à dire en plaisantant que le suivant s'appellerait "Tombstone" (pierre tombale). Dans ses dessins, on est toujours proche du désastre... S'il avait crainte de la panne d'inspiration, la vie lui en toujours donné à revendre.... Du bon humour britannique. Mike nous a quitté en 2017 à l'âge de 96 ans. Mais ses dessins continueront toujours de nous faire sourire.
Mike Peyton : the world’s greatest yachting cartoonist...
© Photos – Mike Peyton
Du vécu, rien que du vécu...
Cette semaine, lors de ma mission à l'hôpital, je parlais avec trois patients. De tasses à café en plastique, en discussions environnementales, nous en sommes arrivés au thème de la mer. Et nous nous sommes aperçus que nous aimions tous les trois la navigation. Il est assez fascinant (et surtout drôle), de réaliser que les sujets qui viennent alors naturellement à raconter, sont ceux des aventures, ou plutôt des mésaventures en mer. Cela crée immédiatement un lien entre les interlocuteurs et une ambiance bon enfant dans la conversation. Chacun a bien une anecdote dans sa manche et surtout une grande dérision de soi pour narrer les bêtises ou les erreurs que l'on peut réaliser sur un bateau. Il est alors étonnant comme les conteurs dévoilent sans hésitation et sans honte aucune leurs erreurs dans leurs histoires de marins. Les tribulations et déboires en mer (ou au port) semblent faire partie de l'apprentissage de la navigation et les choses les plus naturelles au monde.
Ceci explique probablement pourquoi les liens se tissent aisément entre marins (qu'ils soient amateurs ou non). Et pourquoi, je me sens bien à ma place dans ce milieu ! "Heureusement, quand on navigue, il se passe toujours quelque chose. N’importe quel plaisancier avec qui l’on parle assez longtemps a toujours des choses incroyables à raconter. Presque tout ce que je représente dans mes dessins est arrivé ou vient de ma propre expérience." (Mike Peyton)
Qui n'a jamais eu une anecdote à raconter concernant une prise de coffre ou de pendille laborieuse, un amarrage épique, un largage d'ancre fastidieux, le passage d'un banc de sable (ou plutôt son échouage), un (mauvais) calcul de marées ou encore une prise de ris un peu musclée, et j'en passe ?
© Photos – Mike Peyton
Comme cette fois, où nous cherchons désespérément un endroit pour faire une petite pause escale, dans un endroit isolé de la Turquie du Sud.
Après avoir arpenté les côtes, nous décidons de nous amarrer le long d'une plage déserte, en eaux peu profondes mais magnifiquement turquoises. L'endroit idéal ! Nous larguons donc l'ancre. Cependant, Il y a pas mal de vent qui pousse le voilier vers le large. Le skipper, comme tout bon capitaine, décide alors de sécuriser le voilier avec une amarre à terre, en plus de l'ancre. Bonne idée ! A bord, nous avons, entre autres, une mathématicienne et un ingénieur. Après avoir savamment calculé la longueur de la distance nous séparant du pieu d'amarre terrien (en l'occurence, un arbre local derrière la plage) - théorème de Pythagore à l'appui - , le skipper - très sportif - saute à l'eau. Un bout autour de sa taille. Il nage, nage et nage encore. L'équipier à la barre tient, tant bien que mal, le voilier à distance raisonnable du rivage, histoire de ne pas s'échouer ni de repartir vers le large. Une fois arrivé à terre, notre brave skipper entreprend de faire le tour de l'arbre-amarre et d'y faire un solide noeud marin. Et là... Il s'aperçoit qu'il lui manque tout simplement quelques centimètres pour y parvenir. A bord, nous sommes tous en train de lui crier qu'il doit tirer plus fort sur le bout (avec un bateau de huit tonnes à son autre extrémité ! ), sans réaliser que le pauvre est arrivé à la fin de la longueur ! Ce n'est qu'après moultes efforts, quelques décilitres de transpiration et longues minutes plus tard, qu'il parviendra tant bien que mal à réaliser un noeud dans le bout pour sécuriser notre voilier. Bref... une histoire que nous raconterons encore longtemps. Et qui aurait valu une bonne caricature !
© Photos – Mike Peyton
Ceux d'entre vous qui ne naviguent pas doivent prendre les marins pour des fous ! Qui a envie de vivre des situations précaires, inconfortables ou de se faire passer pour un idiot ? Les marins ! Mais, je vous rassure, ce privilège n'est pas réservé à la communauté des bérêts à pompon rouge... Je suis certaine que des dizaines d'autres activités (le camping, la plongée, la mécanique, etc. ) réserve tout autant de surprises drôlesques à ses adeptes. C'est juste qu'ils n'osent peut-être pas déballer aussi ouvertement leurs prestations !
Les Marins de l’Absurde
Qui de vous se souvient des Shadoks (série télévise des années 70) ? Un tout autre style...
"Je pompe donc je suis ! Ga ! Bu ! Zo ! Meu !"
Le Marin Shadok est « poète en météorologie », « planteur de phares », « contrôleur des vents et marées » et « dompteur de goémon ». Il cultive en effet le goémon pour en faire une liqueur dont il se nourrit exclusivement, ce qui fait qu'il est assez souvent « goémoné », c'est-à-dire pris de boisson.
Il est également l'inventeur du système qui consiste à récupérer l'eau qui se trouve derrière le bateau pour la remettre devant le bateau, système employé pour traverser le cosmos jusqu'à la planète gibi. (Source : Wikipedia)
J’ai une tendresse particulière pour ces petites créatures qui n’ont pas de manières... Ces drôles de bonshommes faits de quelques lignes et ronds, dont l’humour décalé et désopilant demande un peu de détachement pour rire de leurs vérités spirituelles au second, voire troisième degré. Leur référence à ceux qui pompent sans répit (et ainsi une critique du souci de productivité à outrance) vaudrait toujours, quelques cinquante ans plus tard...
Je vous laisse apprécier ci-après le graphisme et l'humour par l'absurde de Jacques Rouxel.
© Photos – Jacques Rouxel
Sur ces quelques notes d'humour marin, je vous souhaite un excellent dimanche. Et pour ceux qui ont profité du beau temps de l'arrière saison pour une sortie en mer, j'espère que vous aurez une anecdote amusante à raconter bientôt !
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August 2023
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