La mer n'en finit pas. L'horizon semble infini avec sa ligne courbe grisâtre dans la brume du matin. Les deux compagnons persistent dans l'effort pour poursuivre leur longue route vers le Grand Sud. Mais leurs forces faiblissent au fur et à mesure qu'ils avancent dans l'univers ouaté.
- Mon ami, je n'en puis plus. Ne pouvons-nous donc pas faire une petite relâche? Son compagnon scrute les vagues pour y aperçevoir un endroit où se reposer. Rien devant, rien derrière. - Courage, ma belle, encore un petit effort. Nous finirons bien par trouver un refuge. Les quelques rares rayons de soleil parvenant à traverser l'écrin nuageux réchauffent brièvement leurs corps endoloris. Soudain au loin, apparaît l'ombre d'une voile triangulaire. - Enfin, un abri où nous reposer. Nous sommes sauvés!
Mais pourquoi cette petite bête atteignant tout juste 20 grammes ressent-elle, à la mauvaise saison, la nécessité de parcourir plus de 10.000 kilomètres ? L'instinct est le plus fort, la nature surprenante. Pour réaliser cet exploit, elle utilise le vol battu, c'est à dire que ses ailes sont presque toujours en mouvement. Pas de GPS, ni boussole. Pas de cartes aériennes ni de sextant pour indiquer le chemin. Juste un don et une connaissance géographique innée. Et la cohésion du groupe. Difficile à croire! Nous ne pouvons qu' imaginer leur périple durant l'hiver. Quelle peut bien être leur destination: Saint Tropez, Tanger, Palerme, Beyrouth, Smyrne, ou même Ougadougou? Que de kilomètres à parcourir à tire d'ailes. Que de dangers à affronter. Que de régions à traverser. Vont-ils survivre? Vont-ils revenir, surtout? Et s'ils allaient se perdre en route? Et s'ils décidaient de s'installer dans leur résidence estivale pour de bon?
Rassurez-vous, je ne compte pas vous faire un cours d'ornithologie à travers ce billet. Mais le récit de ces petites merveilles de la nature vaut , à mon sens, tout de même la peine d'y consacrer quelques lignes...
L'expression consacrée signifie qu'un seul événement ne suffit point à confirmer une généralité. Elle vient du latin "una hirondo non facit ver", lui-même venu du grec. Certaines hirondelles peuvent en effet revenir plus tôt qu'elles ne devraient. Puis il y a celles qui, n'ont pas eu la force de migrer, et qui ont trouvé refuge au chaud et donneront signe de vie bien plus tôt que leurs congénères voyageuses. Du coup, il n'est pas toujours possible d'affirmer que le fait de voir une hirondelle suffise à confirmer qu'on soit au printemps.
Et pourtant, moi, je vous assure que si... Contrairement à l'adage, pour moi, les hirondelles font bien mon printemps à moi... Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
L'année passée, début juillet, nous avons eu le plus grand bonheur de voir arriver un couple d'hirondelles rustiques, passer et repasser sur la terrasse couverte, dans un ballet incessant de gracieuses arabesques aériennes. Par habitude, nous donnons un nom à tous les animaux du jardin et les avons ainsi nommés Isidore et Anabelle. Dans leur langue, probablement "chiipputiiii et chiiiiiputtttiaaaa"... (Excusez-moi pour la traduction littérale de leur gazouilli).
Tout a commencé par des séances de haute voltige et de vocalises dignes des plus grands artistes de cirque et chanteurs d'opéra, avant de décider que notre terrasse couverte serait leur endroit de prédilection pour leur lune de miel. Après de moultes tentatives infructueuses, elles ont fini par débuter la construction d'un lit nuptial dans un coin supérieur bien abrité du plafond de bois, avec de la boue, de la paille et de la salive (je ne vous dis pas l'état du sol en-dessous). Après quelques semaines, Anabelle s'est confortablement installée dans son petit lit d'amour et s'est fait servir son repas au lit par Isidore durant quelque temps. (Messieurs, prenez-en de la graine! Petit déjeûner au lit tous les jours pour Madame!). Par pluie, vent, orage, elle n'a pas bougé d'un milimètre de son lit à baldaquin. Isidore, quant à lui, n'ayant qu'à faire chambre à part durant la période... (Heureusement, il y avait pas mal de Beds & Breakfasts à proximité). Puis un jour, Anabelle s'est mise à furieusement donner des coups de bec dans son lit. Non, non, ce n'était pas pour secouer la couette, ni aérer les oreillers... Et Isidore ne cessait de faire des aller-retours le bec rempli à ras bord du déjeûner (miam, miam, c'est bon les mouches et les moustiques!). Nous attendions donc avec impatience les résultants de l'heureux événement.
Quelques temps plus tard, le gazouilli s'est fait plus aigu, plus sonore, plus insistant surtout... Sont alors apparues quelques petites têtes blanches et noires: 1, 2, 3 puis 4... Nous les avons alors baptisés notre "Quatre Moustiquaires": Athos, Aramis, Porthos et D'Artagnan, le petit dernier...
Les parents ont été modèles: durant des semaines entières, ils n'ont eu de cesse que de venir nourrir leur progéniture, dans un ballet incessant (dur dur d'être parents...). Se relayant les nuits venteuses pour demeurer au chevet de leurs bambins dans des conditions de plus en plus inconfortables vu la place restreinte dans le nid. Et je peux vous assurer que ces petits goinfres n'en avaient jamais assez! Sans vous parler de l'état de la terrasse sous le nid ;-(. Puis, enfin, un midi ensoleillé où nous étions en train de prendre l'apéro, confortablement installés sur la terrasse, à moins de deux mètres du logement de nos petits amis, nous avons été envahis de la belle-famille... Sans gène aucune, virevotlant au-dessus de nos têtes, dans un brouhaha indescriptible. Une vraie réunion de famille digne d'une tribu sicilienne! Ils étaient des dizaines, à pépier et encourager nos quatre moustiquaires à sortir du nid et à prendre leur envol. Et peu à peu, après quelques essais maladroits et de bonnes chutes (heureusement sans conséquences), nos petits amis ont pris leur envol sous nos yeux. Un seul des quatres n'est malheureusement pas revenu d'une de ses premières ballades. Puis, les parents ont pris la route vers leur seconde résidence. Et fin de l'été, les trois moustiquaires restants ont fini par prendre la route du Grand Sud. A commencé alors une interminable attente hivernale, en espérant que nos petits pensionnaires reviendraient égayer notre terrasse dans leur nid douillet l'année suivante. Et Dieu que cet hiver m' a paru long cette année.
Et puis, un matin de cette semaine, entre les pépiements assourdissants des moineaux, mésanges, troglodytes et bergeronnettes, soudain une vocalise bien connue dans la cour intérieure... L'ombre d'un F16 noir et blanc aux cabrioles vertigineuses, qui se livre à des acrobaties aériennes entre la vigne et les vieilles poutres en bois massif de la terrasse. Les hirondelles sont revenues!!! Elles n'ont pas encore tout à fait repris possession de leur nid, mais cela ne peut tarder... Alors, avec elles, mon printemps à moi est revenu, lui aussi. Malgré la pluie et la température maussade ce WE (si, si, on annonce de la neige dans mon pays d'Ardenne!), nos hirondelles ont ramené le printemps dans mon coeur... Elles ne nous ont pas oubliés: nous faisons toujours partie de leur vie.
Alors, si même des êtres chers vous boudent et gardent le silence durant de longues années, cela ne signifie pas qu'ils vous ont banni de leur coeur ou que vous leur soyez indifférent. Peut-être ont-ils ce besoin de passer du temps dans d'autres contrées, sous d'autres saisons, en d'autres compagnies, et de vivre d'autres vies. Je continue à croire qu'un jour, ils reviendront là où un jour leur coeur a appartenu. Ne leur en veuillez pas. Et ne les attendez-pas non plus. Mais, le jour où ils refont surface chez vous: accueillez-les comme si c'était hier, sans reproches, les bras ouverts, avec gratitude et cette même tendresse. Une ancienne amie d'enfance m'a récemment recontactée après plus de 25 ans d'absence. Et son coup de fil m'a fait chaud au coeur. Et je me réjouis sincèrement de la revoir. Peu importe si nous n'avons plus d'anciens sujets en commun. Nous en aurons de nouveaux, bon sang!
Alors, si un jour, une hirondelle revient vous voir après de longs hivers d'absence... Ne l'ignorez ni ne la repoussez pas. Accordez-vous simplement de lui laisser faire votre printemps...
2 Comments
Avec la Mer du Nord, pour dernier terrain vague
Jacques naît à Bruxelles (Schaerbeek) le 8 avril 1929, issu d'une famille catholique flamande d'industriels. Après une brève carrière commerciale dans la cartonnerie de son père, il débute par l'écriture de poèmes et de pièces de théâtre et ne viendra à la musique que bien des années plus tard. Ses premières apparitions sur la scène musicale ne datent en effet que de 1952, dans des cabarets de l'îlot sacré à Bruxelles. Il part ensuite pour Paris où il vivra quelques premières années difficiles mais aura l'occasion de se faire remarquer, notamment aux "Trois Baudets". En 1956, il rencontre le pianiste François Rauber, qui devient son arrangeur musical, puis sera son accompagnateur durant toute sa carrière de chanteur. Cette même année paraît son premier grand succès public, "Quand on n'a que l'amour".
Il jouera dans divers spectacles dont "L'homme de la Mancha" et se lancera dans la réalisation et le métier d'acteur (notamment Franz, Mon oncle Benjamin, L'aventure c'est l'aventure, L'emmerdeur...). Il nous quitte en 1978, atteint d'une maladie pulmonaire incurable à l'époque. Il repose aux îles marquises, l'endroit qu'il considérait comme son paradis, tout comme Paul Gaugin.
Malgré le fait qu'il soit considéré comme un artiste purement francophone (surtout si vous demandez cela aux parisiens...), le Grand Jacques a écrit et interprété de nombreuses oeuvres dans la langue de Vondel. Bruxellois d'origine, ces textes ont gardé la saveur d'un subtil mélange entre les diverses cultures de mon cher plat pays. Il me fait me sentir bien chez moi (même si je me considère aujourd'hui plutôt comme une citoyenne du monde au regard de mon vécu, de mes expériences et de mon réseau familial/amical éparpillé aux quatres coins du monde).
Ses textes s'avèrent sarcastiques, moqueurs, critiques (Les Bourgeois, Les Flamandes, De Apen, les Bigotes... ). Ses descriptions poignantes (Bruxelles, Les Vieux, Le Moribond, Ces Gens-là...). Ses chansons d'amour infiniment émouvantes (Orly, Ne me quitte pas, La Chanson des Vieux Amants, Quand on n'a que l'Amour, Mathilde, Marieke...). Et j'en passe.
(...) Infiniment lentement ces deux corps se séparent
Vous connaîssez l'artiste en lui. Mais connaissez-vous également le navigateur, amoureux de voile, de liberté et de grande bleue? Parlons donc un peu de ses Rêves de Marin à lui...
Aucun doute quant à son amour des Voyages et de l 'océan: Jacques écrit divers textes à chansons en lien avec de la mer, des marins, de la vie rude et brutale parfois des hommes de mer. Souvenez-vous donc d' Amsterdam, Le Plat Pays, l'Ostendaise, l'Eclusier, Knokke-le-Zoute, la Baleine, la Sirène, Une Île...
En 1974, il fait l'acquisition d'un ketch de 62 pieds (voilier à deux mâts), l'Askoy, alors qu'il a encore tout à apprendre de l'art de la voile. Mais ce point ne l'arrête point: il se forme alors aux techniques marines et poursuit son projet.
C'est à bord de ce voilier de 40 tonnes qu'il se lance alors dans un tour du monde. Il est en train de réaliser son rêve. Malheureusement, il devra écourter son voyage pour raisons de santé. Les îles Marquises resteront la dernière escale, où il terminera ses rêves de marin... Le Grand Jacques lèvera l'ancre pour sa toute dernière destination peu après...
Suite à ces événements, l'Askoy sera vendu. Dans les années qui suivent, le bateau endurera une série de péripéties et finira par être abandonné, échoué quelque part en Nouvelle Zélande. Il sera rapatrié à Oostende, puis à Zeebrugge et Blankenberge de nombreuses années plus tard, où il débutera sa restauration, qui est toujours en cours aujourd'hui.
Le but de la remise en état de l’Askoy (II) est d'accueillir gratuitement ceux que Brel appelait "les paumés du petit matin". Un rêve un peu fou ? Peut-être là une manière "d’atteindre l’inaccessible étoile ». Plus de renseignements quant à cette association sur leur site: www.askoyii.be.
C’est pour ce bateau que Brel a écrit ét chanté "La Cathédrale", une oeuvre méconnue que je vous propose de découvrir ici (https://www.youtube.com/watch?v=rWJFnhnUtxY).
Prenez une cathédrale. Et offrez-lui quelques mâts, un beaupré, de vastes cales, des haubans et halebas. Prenez une cathédrale. Haute en ciel et large au ventre. Une cathédrale à tendre, de clinfoc et de grand-voiles.
Prenez une cathédrale, de Picardie ou de Flandre. Une cathédrale à vendre. Par des prêtres sans étoile. Cette cathédrale en pierre, qui sera débondieurisée. Traînez-la à travers prés, jusqu'où vient fleurir la mer. Hissez la toile en riant et filez sur l'Angleterre. L'Angleterre est douce à voir, du haut d'une cathédrale. Même si le thé fait pleuvoir quelqu'ennui sur les escales. Les Cornouailles sont à prendre, quand elles accouchent du jour et qu'on flotte entre le tendre. Entre le tendre et l'amour. Prenez une cathédrale. Et offrez-lui quelques mâts, un beaupré, de vastes cales. Mais ne vous réveillez pas. Filez toutes voiles dehors. Et ho hisse les matelots. A chasser les cachalots. Qui vous mèneront aux açores, puis Madère avec ses filles Canarian et l'Océan, qui vous poussera en riant. En riant jusqu'aux Antilles Prenez une cathédrale. Hissez le petit pavois. Et faites chanter les voiles. Mais ne vous réveillez pas. Putain, les Antilles sont belles. Elles vous croquent sous la dent. On se coucherait bien sur elles. Mais repartez de l'avant. Car toutes cloches en branle-bas, votre cathédrale se voile, transpercera le canal, le canal de Panama. Prenez une cathédrale, de Picardie ou d'Artois. Partez cueillir les étoiles. Mais ne vous réveillez pas. Et voici le Pacifique, longue houle qui roule au vent. Et ronronne sa musique jusqu'aux îles droit devant.. Et que l'on vous veuille absoudre, si là-bas bien plus qu'ailleurs, vous tendez de vous dissoudre. Entre les fleurs et les fleurs. Prenez une cathédrale. Hissez le petit pavois. Et faites chanter les voiles. Mais ne vous réveillez pas. Prenez une cathédrale, de Picardie ou d'Artois. Partez pêcher les étoiles. Mais ne vous réveillez pas. Cette cathédrale est en pierre. Traînez-la à travers bois, jusqu'où vient fleurir la mer. Mais ne vous réveillez pas. Mais ne vous réveillez pas...
Alors, même si ce billet n'a pas fait du Grand Jacques votre artiste favori, peut-être aura-t-il du moins gagné un peu de votre considération comme navigateur et chasseur de rêves.
Bon vent, cher Jacques.... ![]()
Rien de tel pour vous faire rêver que de vous parler d'Anges... Mais, y croyez-vous? Quelques soient vos convictions religieuses ou philosophiques, nous affirmerons ici qu'ils existent bien, si, si... De Grands Voyageurs eux aussi... Ils viennent d'un pays lointain et ne cessent de parcourir l'univers. Et parfois, l'un d'eux pique une tête jusque dans le monde des humains... Selon les endroits, bien entendu, ils portent des noms divers et se matérialisent sous différentes formes. Il suffit de savoir les discerner sous leur déguisement terrestre et alors, vous saurez qu'il s'agit bien d'un Ange... Ou serait-ce d'une Ange? Je vous propose d'en découvrir un peu plus à propos de leur vraie nature à travers ce billet.
Lorsqu’un Ange, de son Ombre, se détache un matin,
Mais commençons d'abord par un peu d'histoire, comme de coutume.
On retrouve des références aux Anges depuis des millénaires. De nombreuses religions mentionnent l'existence de ces êtres un peu particuliers avec des points communs à ces différentes traditions. On les retrouve notamment dans les trois religions abrahamiques ainsi que dans l'Avesta (rites mazdéens et traditions zoroastiques), ainsi que dans les mythologies gréco-romaine ou étrusque (Eros/Cupidon, Vanth, les Harpies...). Ils jouent pratiquement toujours un rôle de messager entre le Céleste et les humains. L'ange est normalement invisible, mais lorsqu'il se laisse voir, il prend une apparence humaine. Dans l'Islam et le Judaïsme, on les nomme "Malâkh" (ce qui signifie "messager") ou "Malaïkas" et interviennent souvent en tant qu'émissaires de Dieu, gardiens ou scribes: Gabriel, Mikaël, Raphaël... La religion chrétienne en fut particulièrement friande. Un second point commun réside dans l'existence d'une hiérarchie entre ces être célestes: archanges, anges, angelots, chérubins (Keroubim), séraphins, selon laquelle ils portent une mission plus ou moins importante. Troisièmement, les anges sont toujours pourvus d'ailes, dont le nombre varie selon leur rang (c'est évidemment plus commode que la voiture ou même les transports en commun pour se déplacer de nos jours...). Le quatrième point commun entre les traditions à ce propos est que les anges n'ont le droit ni d'être vus, ni de tomber amoureux d'un humain au risque de perdre leurs pouvoirs célestes et leur immortalité. Et enfin, sujet de départ de ce billet, ces êtres sont, selon la légende, asexués. Mais nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
Les plus grands artistes les ont dépeint selon multiples modèles: des mosaïques byzantines, aux tableaux de Fra Angelico (un nom approprié, n'est-ce pas?), en passant par Giotto, Boticelli, Memling, Van Eyck, sans oublier la magnifique tradition des icônes dans l'orthodoxie.
A propos d'icônes et d'orthodoxie, je revois encore dans mon enfance, le vieux père de ma gardienne (souvenez-vous, dans un billet précédent, je mentionnais qu'il était diacre à l'église orthodoxe russe). Imaginez ce tableau: une ancienne maison de ville aux planchers qui craquent, un grenier arrangé en bibilothèque sur les quatres murs, une grande table au milieu de la pièce croulant sous les incunables et autres précieux ouvrages d'époque reliés de cuir. Il fait sombre. Sur la cheminée, un portrait iconographique d'une madone russe. L'artiste aux cheveux blanc et épaules voûtées, penché sur son petit bureau près de l'unique fenêtre à croisillons, à la lueur d'une lampe vacillante, en train de peindre des icônes avec des feuilles d'or. L'odeur de la peinture à l'huile et nées du talent de ses mains toutes ridées, des images dorées d'anges aux grands yeux noirs et au visage doux, très doux...
Mais tout cela ne vous dit toujours pas quel est le vrai sexe des Anges... Si les sujets de la nudité et du plaisir du corps furent considérés comme tout à fait naturels dans les civilisations antiques (regardez les représentations gréco-romaines, égyptiennes ou perses), il est vrai que le sujet resta longtemps tabou dans la religion catholique principalement. Et la nudité des Anges, des Saints ou pire (on criait au sacrilège...), de la Sainte Famille, n'apparut dans l'art que relativement tardivement, à savoir à partir de la Renaissance italienne (pour ceux de mes lecteurs spécialistes en histoire de l'Art, pardonnez moi si mes dires dans ce billet sont imparfaits).
Lors d'un récent voyage en Italie ces dernières semaines, j'ai eu le grand bonheur de découvrir des merveilles d'art byzantin à travers les mosaïques de Ravenne, Et si vous avez déjà feuilleté les onglets "rêves en images" de ce site, vous aurez remarqué que j'aime photographier des détails. Comme d'habitude, j'ai donc tenté quelques clichés en zoom des superbes plafonds colorés. Et, à ma grande surprise, j'y ai découvert des véritables petits joyaux, des représentations, on ne peut plus claires quant à la nature des Anges et des personnages célestes. Cette surprise insolite à l'objectif s'est d'ailleurs suivie d'un fou-rire juvénile dans un lieu de culte sacré, au grand dam du gardien très sérieux de cette magnifique église. Quelques images pour illustrer...
Vous trouverez plus de photos sur cette magnifique cité classée au patrimoine mondial et ses chefs d'oeuvre d'art byzantin, dans l'onglet "Rêves en Images/Rêves de Voyages/Rêves Byzantins" (http://www.revesdemarins.com/recircves-byzantins.html).
N'allez surtout pas à présent croire que je confirme ici le genre masculin du mot "Ange"... Non, c'est un peu plus compliqué que cela... A mon sens, le Sexe des Anges n'est ni masculin, ni féminin: il est ... "variable". Des Anges hermaphrodites??! Grands Dieux! Qu'est-elle en train de nous raconter dans ce billet! Je m'explique...
Croyez-le ou non, des Anges, nous en rencontrons chaque jour dans notre vie. Ils se cachent sous diverses identités, incognito: L'adolescente qui vous aide à traverser la chaussée lorsque vos jambes ne vous portent plus. L'inconnu qui vous arrête en rue pour vous demander l'heure, puis vous avoue en rougissant un peu qu'il vous trouve ravissante. La vieille tante qui vous embrasse les larmes aux yeux lorsque vous lui apportez des chocolats. - Cela vous parle? L'enfant qui vous prend par la main et vous dit candidement "je t'aime, tu sais". L'être autrefois cher, sorti de votre vie depuis des années, qui débarque inopinément pour vous soutenir, au moment où le destin vous défie rageusement. L'Ange qui vous envoie une carte postale ou un message sans autre raison que de vous intimer que vous comptez pour lui. - Toujours pas rencontré ces Anges-là? L'homme qui vous ramène un soir un bouquet de roses rouge carmin, juste comme cela. L'anonyme qui vous cède sa place dans le tram bondé alors que vous êtes éreinté. Le voisin de ponton qui vient spontanément vous aider à amarrer alors qu'il était confortablement assis à déguster son apéro dans le cockpit. La compagne qui a déjà rangé la vaisselle d'enfer que vous avez laissé traîner le soir d'avant après une soirée tardive et que vous faites encore la grasse matinée. La personne qui vous recommande pour un emploi alors que vous ne vous doutiez même pas qu'elle vous appréciait. L'ami qui annule tous ses rendez-vous le jour où vous l'appelez en larmes pour vous serrer dans ses grands bras et vous consoler. - Et tant d'autres encore... Je suis certaine que vous aussi, vous les avez un jour croisés dans votre vie.
Pour conclure ce billet, le Sexe des Anges varie donc selon l'identité qu'ils décident d'emprunter. Et peu importe leur véritable nature, j'ai beaucoup de chance d'en avoir rencontré quelques uns et quelques unes dans ma vie...
Merci à vous, ces Anges qui veillez sur moi...
Un billet un peu plus personnel aussi, sur un thème que j'ai longtemps hésité à publier car il nécessite de me mettre à nu, de me dévoiler. Mais, comme je l'ai indiqué dans l'introduction de ce blog, 2016 sera différente. Je partagerai donc ici ma version personnelle de l' Iliade/Odyssée et de ses héros.
Commençons tout d'abord par nous rafraîchir la mémoire et un petit retour dans l'Antiquité grecque.
Ulysse, en grec ancien Oδυσσεύς (Odyssée). Né en Béothie, aux environs du XIIIe siècle avant J.C. (dit la légende...). Souverain du Royaume d'Ithaque. Époux de Pénélope. Père de Télémaque. Guerrier aguerri. Notre héros hellène est représenté comme un roi sage, favori de la déesse Athéna et habile orateur. Le récit de l'Iliade: Ulysse prend part à la guerre de Troie à la tête de douze nefs et occupe de ce fait une place d'honneur dans le Conseil des rois. On le surnomme "l'homme de toutes les ruses". Les Grecs se désespèrent de vaincre la cité assiégée et leurs négociations demeurent sans succès pour laver l'affront fait à Ménélas (roi de Sparte, dont l'épouse, la belle Hélène, avait été enlevée par Pâris, le fils de Priam, roi de Troie). Ulysse vient alors avec une idée astucieuse : introduire dans la ville un cheval de bois contenant des soldats, soi-disant comme présent. Ce stratagème guidera la cité troyenne à sa perte. Il mène ainsi les troupes grecques à la victoire d'un siège de dix longues années éprouvantes.
Cependant, l'aventure ne se termine pas ici. En effet, à la fin de la guerre de Troie, notre héros doit affronter la rancune de Poséidon dont il a aveuglé le fils, le Cyclope Polyphème. C'est ici que débute le second récit: celui de l'Odyssée. Ulysse errera ainsi en mer dix ans encore avant d'enfin parvenir à rallier Ithaque, retardé sans cesse par de nouveaux obstacles formentés par des Dieux capricieux, pour rejoindre sa patrie. Si vous désirez en savoir plus sur ces deux récits attribués à Homère, jetez un coup d'oeil à ce très beau site de la bibliothèque nationale de France (http://expositions.bnf.fr/homere/).
Mais voici plutôt ma propre version de l'Iliade et de l'Odyssée narrée par Pénélope, dans une lettre qu'elle écrit à l'homme de ses rêves et qu'il ne recevra jamais durant son long périple...
"Mon tendre Ulysse...,
La nouvelle de cette déclaration de guerre inopinée arrive comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Et tu accueilles cette annonce avec beaucoup de calme, même si au fond de toi, elle t'ébranle profondément. Le monde pivote tout d'un coup sur son axe. Toutes tes certitudes volent en éclats, tes projets de vie chamboulés, tes projets d'avenir anéantis, ton espérance de vie réduite de dizaines d'années en un seul instant. Sans vraie raison, sans vrai coupable ni explication. Un défi sans précédent, au doux nom de "Cancer", un titan, un colosse, un géant, un dragon à pourfendre..... Alors, vient le temps d'une décision: celle d'aller au feu, ou de déserter. Et tu choisis l'option la plus pugnace, la plus risquée, la plus longue et la plus douloureuse aussi: celle de partir pour le front et résister à l'ennemi. Ennemi sournois que la maladie... Invisible, camouflé, il avance et gagne du terrain chaque jour sans se faire remarquer. Le Conseil des Sages se réunit. Il tranche sur la stratégie à appliquer: le fameux "protocole" médical. Tu ne sais pas vraiment ce que cette tactique comporte, mais tu l'acceptes car en tant que bon marin, tu respectes la hiérarchie et fais confiance au capitaine. Tu lis, te renseignes, prends l'avis d'autres conseillers, et tentes de mieux comprendre les diverses étapes du combat à mener, de l'itinéraire à suivre. Et lorsque qu'arrive ton ordre de mobilisation, tu prépares ta flotte à hisser les voiles. Une fois n'est pas commune, tu n'es pas à la barre cette fois-ci... Tu ne diriges pas ce navire-ci.. Tu tentes simplement de le mener à bon port, sans fortune de mer, en suivant consciencieusement les instructions de ton skipper médecin.
Ton équipage ne peut rien pour toi. Il t'encourage, reste à tes côtés à chaque instant, passe des nuits blanches à ton chevet. Je donnerais tout pour pouvoir prendre cette douleur à ta place et te sauver des griffes de ces maudites sirènes. Tout comme ton bonheur est mien, ta souffrance est mienne. Je me sens impuissante face à ton désarroi. Je ne peux rien faire d'autre sinon t'aimer en silence pour t'aider à passer cette épreuve. Toutes ces fois où tu refuses de me parler de ton état, par dignité, par protection, par fierté, qui sait... Voilà pourquoi j'ai dernièrement ressenti ce besoin de rejoindre les équipes des nymphes en blouse blanche en tant que volontaire: pour me sentir plus proche de toi, pour mieux comprendre ce que tu vis, pour mieux pouvoir t'épauler en connaissance de cause. Pour être là pour toi, à travers d'autres.
Je te sais en train de combattre ces Dieux implacables qui jouent avec ta vie. Et je leur en veux rageusement de t'éprouver en ce jour. Ils savent que tu es l'homme le plus courageux qu'il existe. Ils savent que tu es un époux modèle, un homme de raison et de sagesse et que jamais tu ne prends de décisions au hasard. Ils savent que tu réfléchis dix fois avant d'agir et que presque jamais tu ne te laisses emporter par tes émotions. Et pourtant, aujourd'hui, ils te mettent à l'épreuve... Sont-ils donc jaloux de toi? Sont-t-ils donc cruels pour le simple plaisir de te faire souffrir? Je ne sais... Mais, ils t'ont, ces dernières années, imposé des défis d'un ordre, que jamais encore, tu ne pensais devoir affronter...
L'ennemi est-il totalement anéanti? Ou le monstre renaîtra-t-il de ses cendres? Les semaines, les mois, les années passent. Et plus le temps passe, plus l'espoir revient. Bien sûr, il y a peut-être de nouvelles tempêtes, récidives ou adversaires, mais il y a aussi de nouveaux remèdes, et tu tiendras bon. Et nous gagnerons la guerre suivante. Et la suivante encore, si les Dieux nous défient à nouveau.
Je suis tellement fière de toi... Ulysse, mon tendre. Grand Voyageur. Marin hors pair. Jamais je n'ai douté de toi. Je t'admire. Tu es mon héros... " - Ta Pénélope |
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March 2023
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