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Dimanche dernier fut une journée mémorable de bonheur sur l'eau... Sur un de mes voiliers favoris, avec un skipper dont on ne se lasse guère et en compagnie d'un équipage qui a su créer une formidable ambiance à bord. De plus, le soleil est venu nous rejoindre. Que demander de mieux?
Mis à part ces éléments, que peut donc bien faire le bonheur d'un voileux? La réponse varie selon les personnes, les caractères, l'expérience, les envies du moment: un bateau performant, une météo clémente, un vent favorable... Cela dit, je pense que la plupart des navigateurs à la voile s'accorderont à dire qu'un "long Bord de Près Serré" fera leur bonheur dans tous les cas. Un bord? Du près? Serré? Du charabia incompréhensible pour les non-voileux... Laissez-moi tenter de vous expliquer. Un voilier navigue selon une "allure", à savoir, son angle de position par rapport à l'axe du vent. Certaines de ces positions sont plus propices à une vitesse idéale vers le cap souhaité. Le "Près Serré" signifie que le voilier se déplace dans un angle à environ 30° de la direction d'un vent qui vient d'en face (cher professeur de voile, corrige-moi si je me trompe...), qui permet de gonfler la voile de manière optimale et offre dès lors souvent un moment de navigation particulièrement appréciable. Cettte allure est parfois compliquée à conserver. Elle demande doigté et finesse à la barre, une attention constante à la forme des voiles, au compas et à la girouette du mât, une adaptation aux coups de vents, des vagues, du courant, un équilibre délicat entre vitesse et position, ainsi que des efforts répétés pour rapprocher le bateau de l'angle idéal. Mais rassurez-vous, je n'ai nullement la prétention de vous donner ici un cours de voile.
Mon "Près" à moi me fait penser à la manière d'aborder les relations humaines. Trouver le bon écart du "Près" avec d'autres est parfois très subtil: un équilibre fragile entre deux positions: pas trop proche, pas trop éloignée. Le respect d'une distance de sécurité, confortable, aisée, non-agressive, sans danger. Un espace qui permet aux deux parties (tout comme le voilier et le vent) de subsister en parfaite symbiose.
Nous naviguons au Près lorsque nous facilitons une discussion, un séminaire, une réunion complexe au travail. Lorsque nous tentons de trouver un compromis dans un dialogue familial. Lorsque nous devons négocier. Dans une symphonie avec des musiciens qui ont besoin que l'on s'adapte à leur jeu musical. sans leur imposer notre style. Lorsque nous respectons les jeux de force. Lorsque nous nous tenons dans les limites d'une amitié. Lorsque nous nous tenons à distance du nid de nos hirondelles pour observer leurs oisillons... Bref: toute situation qui nous demande des efforts pour parvenir et surtout, sauvegarder, une situation idéale et ne pas gâcher une relation en faisant un pas de trop ou en nous éloignant trop.
Et souvent, nous commettons des erreurs, disons ou donnons trop ou trop peu malgré nous et cela fait peur à l'autre. Et ceux en face de nous, par contre, hésitent alors à s'ouvrir ou à rendre, par crainte de déranger, ou de perdre leur liberté. " If we don't change, we don't grow. If we don't grow, we are not really living. "
Naviguer au Près s'avère toujours compliqué. Ce genre de navigation exige de la persistance, de l'adaption, de l'apprentissage de ses erreurs, et surtout de ne jamais abandonner après un échec d'estimation. Les relations humaines sont tout sauf simples. Mais tellement riches... Parvenir à une relation idéale est relativement utopique car telle situation parfaite n'est jamais que temporaire. Tout change autour de nous, à tout moment (le vent, le courant, les vagues...) et l'art réside dans nos capacités à nous accorder constamment aux nouvelles situations. A estimer à nouveau, à pardonner, à oublier, à réinventer d'autres tactiques, à revoir notre stratégie pour garder l'autre à une distance qui convienne aux deux parties au moment présent. Et cette distance variera en permanence durant une vie.
Une amitié est rarement perdue. Elle évolue, c'est tout: elle s'endort pour un temps puis se réveille. L'amour et la passion se transforment en profonde tendresse, en amitié, en admiration ou en beau souvenir: mais ils ne disparaîssent pas. La rancune se mue en pardon... Et comme l'a bien écrit et chanté un artiste de mon coeur: l'important est de ne pas se laisser emporter par l'Indifférence. L'Indifférence (et son mutisme) est la chose qui m'effraie et me blesse le plus profondément. Elle est pire que la haine, car elle renie en quelque sorte l'existence de l'autre et son droit à être soi-même. Alors, je vous en prie, si quelques fois, je négocie mal mon Près avec vous, accordez-moi une chance: celle de revoir ma position et réajuster mes voiles. Faites vous aussi un petit geste vers mon vent, pour nous aider à retrouver l'équilibre qui redonnera un moyen de poursuivre notre route commune vers le large... Tout mais pas l' Indifférence (J. J.Goldman)
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Demain, 13e jour du mois, annonce un nouveau printemps pour moi. Etrangement, le nombre de bougies à souffler sur le gâteau varie selon l'angle de vision: 20 selon mon coeur, 47 selon ma tête et entre 30 et 80 selon les humeurs de mon corps.
Mais inlassablement chaque année, je ressens le besoin pressant de passer ce cap à un endroit où mon coeur se sent chez lui. Et ces dernières années m'ont amenée vers la mer... Dès lors, pour perpétuer cette tradition, ce WE m'a embarquée en quatuor sur un charmant voilier classique à Nieuport. Une expérience très différente de celle de ce magnifique voilier de course de l'année passée (le Merena - encore merci Thib!). Mais, tout aussi magique (Merci Michel!), agrémentée d' un sympathique abordage en mer par des amis voileux, et qui s'est terminée par un bon verre à bord (Merci Pascal!). Qui sait, l'année prochaine m'emmènera -t-elle peut-être dans une Transatlantique ou sur un de ces Trois-Mâts aux mille voiles? Ici, quelques souvenirs en images.
Une petite folie passagère que je m'offre chaque mois de juin, un cadeau déraisonnable, mais qui me fait un bien fou... La vie est trop courte pour ne pas la vivre pleinement. Et au diable le mal de mer!
Ceux qui me connaissent de longue date se sont longtemps demandés pourquoi j'avais contracté le virus de la voile et de la mer, alors que tout, dans mon histoire passée, me liait plus à la terre, la neige et les montagnes (ne l'oublions pas, je viens des Hautes Fagnes belges - le Signal de Botrange, point culminant de la Belgique, ayant été construit par un de mes ancêtres...). Ceux avec qui j'ai fait de la haute randonnée vous raconteront d'ailleurs que mon niveau d'énergie se décuple à la vue d'un glacier. Après de très nombreuses années comme monitrice de ski alpin (lorsque mes genoux ne me faisaient pas encore la moue), j'avais cultivé un amour profond pour les pics et les cols d'altitude.
Alors, bon sang pourquoi la mer??? De plus étant, que je souffre du mal de mer (faut-il donc être masochiste...). Plusieurs éléments y ont contribué.
Tout d'abord, il y a eu les récits de voileux: des proches, des amateurs, des écrivains, des amoureux fous de la mer et la navigation... Leur passion était si forte qu'ils m'ont donné l'envie de mieux comprendre l'origine de leur amour pour la grande bleue et pour la voile.
Ensuite, et voici le pourquoi du titre de ce billet, il y a eu... la Musique...
Je sais, vous allez me dire, mais il n'y a absolument aucun rapport entre la navigation et la musique, voyons!!! Mais laissez- moi tout de même tenter de vous convaincre.
La musique fait partie de ma vie depuis mon plus jeune âge, jouant de quelques instruments (au grand dam des voisins... ) et m'essayant quelque peu à la composition (là, il y a encore beaucoup de boulot!). Une coutume familiale qui m'apporte un grand bonheur - merci à mes proches pour ce cadeau prodigieux!
J'ai en fait découvert qu' Etre en Mer, c'est un peu comme... Jouer dans un Orchestre. Il faut un bon dirigeant (le capitaine/skipper). Mais ce dernier n'est rien sans un équipage soudé, qui ne suive ses instructions au doigt et à l'oeil... La confiance doit être mutuelle entre les musiciens (les équipiers) et leur chef.
La manoeuvre à opérer lorsque le vent n'est pas favorable? On peut tirer des bords, mais juste pas trop, pour garder le cap (on joue quelques notes en plus ou en moins, tant pis pour la partition). On peut aussi attendre que le grain passe (on fait semblant de jouer durant un passage compliqué en gardant un air très concentré). On demande carrément à un équipier de "prendre la main" (on laisse son partenaire musicien jouer seul, à condition d'être au moins à deux sur la même partition, évidemment, pas génial pour le triangle ou la harpe et ne fonctionne pas pour les solos)...
Ensuite, on doit connaître sa place sur le voilier (pas question que le piccolo se prenne tout d'un coup pour le 1er violon), et surtout bien écouter et regarder ses partenaires pour manoeuvrer en parfaite synchronisation entre voiles et barreur (danger de gros bobos pour leurs co-équipiers lorsque les violons ne déplacent pas l'archet du même côté en même temps). L'improvisation? Possible dans certains cas particuliers: un morceau contemporain (transat en solitaire), si le chef est très ouvert dans son approche et vous fait une confiance aveugle (ceux-là, on les compte sur les doigts d'une main...) ou alors s'il est déjà complètement ivre...
Et puis, rien à faire, mais la musique et la mer demandent toutes deux du travail, de la discipline et beaucoup de pratique (et de fausses notes) avant de parvenir à jouer en harmonie... Derrière leurs airs de femmes émotives aux humeurs changeantes, elles peuvent s'avérer très mathématiques et complexes (cf. imposés du Concours Reine Elisabeth). Pas étonnant que si la voile attire beaucoup d'ingénieurs, un instrument comme le violon enflamme le même genre d'amateurs cartésiens et techniques...
Peut-on jouer solo? Oui, mais ce genre de musique reste réservée aux meilleurs, aux pros, aux vrais... Et pour jouer vraiment parfaitement, très rares ceux qui vont au bout de leur concerto de navigation sans anicroches... Par contre, la satisfaction doit être totalement unique d'être parvenu à destination après un tête à tête avec une amante comme la Mer...
Enfin, ses mélodies sont infinies. Son chant différe à chaque navigation. Le bruit du vent vous interprètant une berceuse de Fauré ou du heavy metal selon son humeur. La caresse des vagues sur la carène, tel un clapotis sur un xylophone. Le jeu de triangle des haubans cognant les uns contre les autres. Les crescendos et diminuendos des vagues allant et venant. La mélopée des safrans dans l'eau à partir d'une certaine vitesse. Sans oublier la musique du silence... Les moments de grâce, de réflexion, où l'on compte les mesures et écoute les notes qui vont réapparaître bientôt lorsque la pétole se lèvera. Bref, je ne m'en lasse pas. Et j'ai encore tant à apprendre dans cette musique-là...
"La Musique souvent me prend comme une Mer..." (Charles Baudelaire)
Voilà... Pourquoi une sortie en mer me procure les mêmes sentiments qu'en musique: j'oublie tout. Je me concentre sur la voile, la mer, le vent... Rien d'autre. J'oublie tous mes soucis. Je me retrouve face à moi-même. La navigation me procure ce sentiment "d'être ailleurs", de liberté totale et de rêve... Quoi de plus beau cadeau?
Cela dit, à propos de cadeaux, les plus simples et les plus imprévus sont souvent les plus précieux... Avez-vous jamais rêvé de trouver dans votre boîte aux lettres ou à la réception de votre travail un présent inattendu (un texto, une carte, un livre, un CD, un bouquet de fleurs... )? Juste un signe que vous comptez pour quelqu'un et que ni les années, ni les distances ne séparent vraiment les coeurs sincères, peu importe les circonstances. Alors, soyez fous... Il n'est jamais trop tard pour oser ce genre d'initiative. Ne le faites pas pour obtenir un merci ou un message en retour, car ce dernier se perdra peut-être dans le tourbillon de nos vies bien remplies. Mais au fond, soyez certains qu'aucun destinataire ne reste réellement insensible à ce genre de geste. Soyez aussi convaincus que si j'ai parfois omis de vous remercier pour vos attentions, elles m'ont toutes profondément touchée. Alors, merci... |
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March 2023
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