(...) C'est un roc! C'est un pic! C'est un cap!
Roc, pic, péninsule à ses heures, île solitaire à d'autres... Cet endroit du monde ne peut laisser indifférent... Depuis des siècles, il trône et détrône ses voisins par sa splendeur. Il reste, impassible, fier et droit au milieu des marais salés qui l'entourent lorsque la mer se retire et laisse au jusant un terrain de jeu ondulé et sablé. Endroit magique de par sa localisation unique et de par l'ingénieuse folie des hommes qui l'ont construit à cette place que l'on disait imprenable, sur des rochers au départ trop étroits même que pour supporter sa taille.
Je vous emmène aujourd'hui au Mont Saint Michel...
Cinq heures du matin: les cloches de l'abbaye sonnent l'appel pour les Audes. Quelques moines se pressent pour rejoindre la cathédrale dans sa forteresse de granit. Le soleil se lève sur la baie. La marée est haute, le Mont est redevenu une île. Perchée au sommet du rocher, l'abbaye bénédictine prend toute sa magie.
Les maisons construites sous la protection de ses remparts sortent tout droit du Moyen-Âge. En franchissant la herse de fer forgé, nous voici soudain projetés au XIe siècle. Ruelles aux pavés irréguliers. Recoins secrets donnant sur des jardinets. Milles marches et escaliers pour gravir ses 92 m (pas l'endroit de vacances rêvé si vous dédaignez la grimpette, cela dit...). Fenêtres colorées à croisillons. Façades à colombages. Tourelles, chemins de ronde. Et toits de mosaïques de bois, chefs-d'oeuvres d'artisans charpentiers. On se croirait dans le Roman de La Rose version Normande (nous n'avons pas croisé Guillaume de Baskerville ni Salvatore, cela dit...). Seules les hordes de touristes et les magasins de souvenirs nous rappellent que nous sommes encore au XXIe siècle.
Mais, le plus extraordinaire du Mont Saint-Michel, c'est sa baie... Cette fabuleuse baie constitue le théâtre des plus grandes marées d’Europe continentale, jusqu’à 15 mètres de marnage (différence entre basse et haute mer). La mer rejoint ensuite les côtes « à la vitesse d’un cheval au galop », comme le dit l’adage. Sur le sable mouillé, seules quelques barques et voiliers en relâche de la prochaine marée indiquent que la Terre redevient Mer lors de la montée des eaux qui suivra quelques six heures plus tard.
A quelle époque la mer a-t-elle envahi cette vallée ? Les savants ne sont pas d'accord sur la date à laquelle s'est produite cette gigantesque inondation. Certains la fixent au Ier ou au IIe siècles de l'ère chrétienne, d'autres au IIIe siècle, d'autres encore, se montrant plus précis, donnent une date, 709 de notre ère. Chose certaine, c'est que le Mont a retrouvé son caractère insulaire depuis les gros oeuvres de 2005 à 2015 pour lui préserver son caractère maritime et éviter son enlisement. Et c'est ce qui lui préserve son charme particulier. Ses sables environnants sont dit mouvants et garde à qui s'aventure sur ces sols sans guide. D'ailleurs, on y voit s'y promener de bien étranges colonies d'oiseaux migrateurs à marée basse, sous l'oeil amusé des mouettes locales: casquettes en guise de collerettes et bottes en caoutchouc en lieu de pattes palmées. Mais ces volatiles-là ne restent jamais bien longtemps et s'enfuient rejoindre la terre ferme dès que la marée remonte.
Mais je ne compte nullement vous faire ici une critique touristique ni un cours d'ornithologie, rassurez-vous. Non, je vais laisser des amis indigènes vous conter ici un récit local. En effet, le Mont Saint Michel a depuis toujours été la scène de mystères et de récits hors du commun. Alors, soyez toute ouïe...
Tout d'abord, je voudrais vous présenter ces amis: Yves et Yvette. Comme leur nom l'indique, vous pourriez penser qu'ils sont bretons. Hé non... Malgré les épisodes historiques et toutes les tentatives pour s'en approprier l'origine, la frontière officielle entre la Bretagne et la Normandie se situe précisément à 4 km à l’ouest du Mont, au pied du massif de Saint-Broladre. Le Mont Saint Michel est donc désormais normand, n'en déplaise à tout les Bretons...
Yves et Yvette voyagent beaucoup. Ils en ont vu du pays et entendu des légendes... Mais, c'est toujours au Mont qu'ils reviennent, là où leurs coeurs (et les touristes) les appellent. Ils nous ont suivis quelques jours dans notre périple normando-breton et furent des guides des plus assidus. Voici un de leurs récits préférés: Le Loup et l'Âne
Habitaient sur le Mont de pieux ermites qui ne voyaient jamais personne, pas même le curé du village voisin d'Astre, qui, cependant, pourvoyait à leur nourriture. Il le faisait d'une façon fort curieuse : par un âne, sans nul guide. Cet âne était si bien dressé, et il connaissait si bien le chemin, que jamais il ne s'écartait de sa route, et il allait seul et revenait, de son village au Mont où demeuraient les ermites.
Ainsi, nous dit la légende, il alla et vint pendant un long temps, jusqu'au jour où un loup le rencontra, l'étrangla et le mangea. Les pieux ermites s'étonnaient que leur âne ne venait pas, comme à l'accoutumée. Hélas, la pauvre bête en était bien empêchée... Après avoir longtemps attendu, les moines pressés par la faim, supplièrent Dieu de leur porter secours. Dieu, exauçant leurs prières, leur envoya un loup. Ce loup avait une mine si repentante, et semblait si gêné en la présence des moines, que ceux-ci ne purent douter qu'il était coupable d'avoir mangé l'âne et venait s'en accuser. Alors, les saints hommes commandèrent au loup de les servir, et puisqu'il avait mangé l'âne, il devrait le remplacer. Comme ils le lui commandèrent, le loup le fit. On lui attacha un sac sur le dos et on l'envoya à Astre, auprès du curé. Le loup était fort, grand et gros, Il porta le sac sur son dos. Il coupa au plus court et arriva tout d'un trait au presbytère. Le bon curé fut sans doute quelque peu effrayé de voir ainsi une grande bête surgir devant lui : mais voyant le sac, il comprit que Dieu avait substitué un loup à son âne. Il le chargea donc, comme il eût fait de son baudet et le renvoya en lui recommandant de gagner au plus vite le Mont Tombe (l'ancien nom du Mont Saint Michel). Ainsi alla souvent le loup, tant qu'il plût à Dieu. Et, ce dernier, en dépit de sa nature de loup, était maintenant docile comme un chien, et ceux-ci jouaient avec lui, et avec eux il couchait, et jamais plus, il ne fit de mal à aucune bête.
0 Comments
Quelques semaines et futurs week ends laborieux, tout comme celui-ci... Et si productifs pour les clients, malheureusement moins profitables à ce blog, laissant peu de temps pour l'écriture et les rêves. Il vous faudra donc encore un peu patienter pour la suite du rêve armoricain. Au fait, avez-vous déjà deviné la prochaine destination de ce blog?
Cependant, en attendant la suite des récits précédents, je vous offre un modeste poème en lieu et place de billet... "Hélas le grand Molière, n'est pas de mes ancêtres. Ces vers sont donc écrits par un pauvre poète. Mais ce pauvre poète les a écrits pour vous (...) " (Willy Burguet, fils)
Un ciel bas d'habitude, de doux gris habillé
Un ciel enveloppé d'une couleur d'acier Et puis, sans crier gare, par une porte frayée Dans les nuages ardoises, par delà les rochers Dans sa frêle embrasure, le soleil surgissant Orange, vert et doré. Brillant bien malgré lui Sans plus réaliser qu'il vient de rendre vie A son humble témoin, l'émotion d'un instant Et la marée le prend, montante et suprenante Et la marée l'emporte, malgré sa volonté Le jusant le submerge, de sa force invisible Telle une lame de fond, un torrent indicible La vague scélérate, un ressac violent La houle d'un instant, un frisson insistant La mémoire de la mer, le souvenir de l'eau L'emprise d'une sirène, la crainte de son halo Le coeur de l'océan, sombre de ses tourments Qui cogne sur les rocs, face à l'astre étincelant Quelques chuchotements, un bruissement à peine Un échange insouciant des remous qu'il entraîne L'indifférence feinte d'une lame de fond Qui inlassablement répète son sermon Puis la vision s'efface et le ciel se resserre Le soleil s'en repart, sans un regard derrière... Ils se retrouveront. Leur Destin est écrit Mais jamais ils ne savent, ni jour ni heure ni point Une mer sans soleil demeure mélancolie De gris tant qu'il ne vienne lui rendre son azurin...
Et si les belles citations vous charment, je vous engage à jeter un coup d'oeil à l'onglet de la Bibliothèque de Bord/Voyages dans les Mots/Citations Marines, de ce site web: (http://www.revesdemarins.com/citations-marines.html). J'espère qu'elles vous plairont.
Si vous connaissez vos classiques, inutile de vous dire où se trouvait un certain village d'irréductibles Gaulois... Certains prétendent qu'il s'agit de la jolie petite commune d'Erquy (Côte d'Armor), mais en réalité, même Uderzo et Goscinny n'en étaient pas certains eux-mêmes... Alors, nous laisserons libre champs à votre imagination pour replacer ce charmant village gaulois là où bon vous semblera sur la carte, que ce soit en Bretagne, en Normandie ou ailleurs... Mais revenons à nos moutons (faute de sangliers...).
La région armoricaine étant trop vaste que pour vous la décrire en une seule publication (sans compter les photographies qui l'illustrent), ce sujet fera donc l'objet de plusieurs billets consécutifs. J'espère que vous ne m'en voudrez pas.
- Les plages du Nord... -
En descendant de Dunkerke, direction Caen, il y a d'abord ces quelques plages et villes qui ont changé notre histoire mondiale un certain 6 juin 1944: Arromanches, Gold, Utah Omaha, Juno, Sword beach, etc. Des souvenirs poignants, pour toutes les parties concernées. Mais également un pan de l'histoire qui a démontré l'incroyable ingéniosité des ingénieurs des divers camps pour défier la mer et ses assauts. La construction de ponts, ports et bases navales amovibles, de routes transportables et de barrages déplaçables. Tout cela pour accomoder les marées et leurs saut(e)s d'humeur dans une région où le marnage est le troisième plus fort au monde après le Canada (14m de dénivelé entre la basse et haute mer). Pour l'époque, il s'agissait là d'un déploiement de génie civil naval tout à fait révolutionnaire.
- Bayeux, la Normande... -
Une oeuvre qu'on peut considérer comme la toute première bande dessinée au monde: les populations de l'époque étant le plus souvent illettrées, elle narre la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Bâtard, qui allait ensuite devenir le Conquérant. Plus de détails quant à ce récit dans la vidéo.
Cette fresque de fils et de laine compte de magnifiques représentations des premiers navires Vikings: les "Esnèques" (ou "Snekkja", cela vous rappelle quelque chose, mmm?). Ceux-là mêmes que j'ai vus à Oslo et lors de mes navigations en Norvège. Je dois avoir des gènes nordiques très lointains pour que cette passion des Vikings me poursuive ainsi! D'ailleurs, saviez-vous que de nombreux anciens termes de marine (XIIe siècle) sont issus du norrois (vieux scandinave)? Les similitudes du vocabulaire sont surprenantes: la hune ("hùnn", tête de mât), le sigle - ancien terme désignant la voile ("segl"), l'écoute ("skaut"), l'estière ("styri", gouvernail), le hauban ("höfuôbenda", lien du sommet), la ralingue ("ràlik", cordage de vergue), l'esnèque ("snekkja", sneek en NL) et bien d'autres encore... Rouen, la Cité aux Cent Clochers
Poursuivons enfin par une exception: une ville, non pas côtière, et un peu plus à l'Est que ses congénaires armoricaines. Et le mot exception lui sied à merveille (le mot merveille aussi d'ailleurs...), car Rouen reste pour moi véritablement fabuleuse... Une cité qui m'a ensorcelée par son charme, ses rues bariolées, ses artisans bâtisseurs et sans oublier la pugnacité de ses constructeurs pour la ressusciter après les malheurs des années '40.
Sans dire que j'ai eu le bonheur de la parcourir sous un grand ciel bleu. Alors, à vous qui n'avez pu la découvrir qu'entre quelques averses, la voici aujourd'hui ici pour vous sous le soleil, là où elle prend toute sa magie et fait chatoyer ses couleurs!
La première impression fut de ne savoir où donner de la tête dans la vieille ville: un vrai conte de fées. Le sentiment de se retrouver en plein moyen-âge, entre les ruelles aux façades à colombages colorées de mille teintes, les fenêtres à croisillons, les vieux pavés et les arbres centenaires. Plus de 800 maisons d'époque de ce type ont été restaurées, ce qui donne à la ville une homogénéité sans pareil dans certains quartiers (rue St Romain, rue des Bons Enfants, rue Eau de Robec, sans oublier St Maclou et la place St Barthélémy, la plus charmante à mon sens...).
Bien entendu, je ne peux terminer sans parler de son incontournable cathédrale dont Claude Monet ne parvenait point à se lasser (pas moins de 30 tableaux la représentant). Un bijou de précision, de lumière, de détails, une splendeur que ses bâtisseurs ont mis trois siècles à construire, pierre par pierre, vitrail par vitrail... Trois siècles pour une oeuvre d'art.
Trois siècles aussi détruits en une seule nuit, celle du 18 avril 1944... Lorsqu'une série de torpilles s'abattent sur l'édifice gothique et le réduisent en ruines. Mais, les Rouennais ne se laissent pas décourager pour autant, et les autorités locales mettent tout en oeuvre pour sa reconstruction selon les anciens plans. En tout juste douze ans, les architectes, compagnons bâtisseurs, maîtres verriers, fondeurs de cloches et ingénieurs parviennent à l'impossible: faire renaître la cathédrale de ses cendres (ainsi que le reste de la ville). On peut réellement parler d'un miracle...
Un petit détour pour admirer les gargouilles du Palais de Justice. Quelques unes de ces créatures grimaçantes font partie du mythe de la fondation de Rouen: " La légende de St-Romain et de la Gargouille".
En l’an 600, le prêtre Romain permit aux Rouennais d’habiter la rive gauche de la Seine, en terrassant le dragon qui vivait dans ses marais. La légende raconte que Romain, face au monstre, pratiqua le rite d’exorcisme accompagné d’un criminel, comme le voulait la coutume. Mise au bucher, la tête et le cou du dragon ne brulèrent pas et furent exposés sur les remparts de la ville, devenant ainsi le modèle des futures gargouilles.
Enfin, que seraient donc les cathédrales sans leurs maîtres verriers et leurs vitraux? Des jours sans lumière, des paysages sans soleil, des fleurs sans couleurs...
J'espère vous avoir donné envie de découvrir l'Armorique à travers ces quelques images et quelque peu partagé ces rêves que j'ai eu l'immense bonheur de réaliser...
Dans un prochain billet, je vous emmène encore un peu plus au Sud de cette Armorique qui m'a fait rêver... A vous de deviner la prochaine destination de ce blog!
Certains d'entre vous savent que je suis quelque peu musicienne. Et j'apprécie particulièrement interpréter la musique celtique (irlandaise, galloise, écossaise, bretonne, etc.), avec quelques amis musiciens amateurs. Nous avons nommé notre groupe "Ceol na Mara" (du gaëlique écossais), ce qui signifie littéralement "la Musique de la Mer"...
Alors, juste envie de partager avec vous cette fois, quelques belles chansons (de vrais professionnels par contre), simples, qui ont trait à la mer, à la voile, à la vie des marins. Que ces mélodies me viennent de mes souvenirs d'enfance, de sessions de jam musicales ou d'auteurs qui me font vibrer encore et toujours. Ou simplement par envie de vous faire découvrir des artistes moins connus qui valent la peine d'être entendus... A lire et (ré)écouter... Enjoy! Un plus long billet suivra très bientôt.
Et je ne pouvais bien évidemment pas terminer ce billet sans partager cette dernière chanson...
Si vous connaissez d'autres airs sur le thème de la Mer ou des Marins, n'hésitez pas à les partager via ce blog ou à me les faire parvenir! |
AuteurArchives
August 2023
Catégories
All
Suivez Rêves de Marins sur Twitter
|