Que diriez-vous d'une légende marine ce week-end ? Je vous emmène dans l'île de beauté pour une légende corse.
Un mollusque tape à l'oeil
Dans les régions méditerrannéennes et plus précisement en Corse, existe un coquillage particulier : l'astrée rugeuse. Son opercule minéralisé aux formes spiralines a pris le nom de "l'Oeil de Sainte Lucie" en rappel à la légende du IVe siècle. Sa coquille est formée d’une spirale dont les deux faces ont des couleurs différentes : blanc nacré, représentatnt l'oeil de Sainte Lucie et l'autre côté teinte corail, tirant parfois sur l’orange vif, symbolisant l’amour de la Vierge Marie.
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La légende de Sainte Lucie
Lucie, une jeune fille originaire de Catane en Sicile, se rend à Syracuse. Sa mère est gravement malade. Priant Sainte Agathe de guérir sa mère, le miracle se produit. En remerciement de la guérison miraculeuse, la jeune fille décide de vouer sa vie à la religion et refuse le mariage. Pour repousser tous ses soupirants terrestres, elle renonce alors à ses jolis yeux en offrant ces derniers à la mer. La Vierge Marie, émue de sa générosité, lui rend la vue et des yeux de lumière, des "Ochji belli e lucenti", en langue corse. Depuis ce jour, la mer brille de ces magnifques joyaux.
Il existe bien entendu différentes légendes narrant l'origine de ces coquillages, mais celle-ci a ma préférence, étant une version plus douce... Sainte Lucie est aujourd'hui considérée comme la sainte patronne des aveugles et mal-voyants. Dans les traditions scandinaves, on la célèbre le 13 décembre, en honneur de la lumière, de jeunes filles vêtues de robes blanches et de couronnes dansant en célébrant la venue des jours les plus sombres de l’hiver à la lumière de bougies.
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Les marins et pêcheurs locaux en peignent fréquemment des représentations sur la coque de leur navire afin qu’il puisse « voir » le bon chemin lorsqu’il navigue sur l’eau. En lithothérapie, le petit coquillage est réputé apporter sérénité et posséder des vertus médicinales, notamment pour les maladies oculaires.
Si jamais vous avez l'occasion de visiter l'île de beauté et d'y flâner le long des rivages, je vous souhaite d'y trouver les jolis yeux de Sainte Lucie. Ils vous porteront bonheur.
Un excellent dimanche à tous.
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Noël ne serait pas Noël sans un petit conte... Allez, zou, c'est parti ! Je vous emmène au fond de nos forêts ardennaises - région de légendes et repère de lutins (aussi nommés "Nutons" ou "Sottais" dans mon pays de la Vesdre) - pour un Noël pas comme les autres.
Il était une fois un petit village perdu au fin fond d'une forêt sombre et froide...
Il était une fois un petit village perdu au fin fond d'une forêt sombre et froide dans une région reculée de nos contrées... C'était l'endroit où la température tombait le plus bas de tout le pays. L'hiver semblait s'y être définitivement installé depuis des mois. Le soleil avait toutes les peines à y percer le brouillard glacé et les habitants avaient pris le pli de vivre dans une obscurité permanente. Les gens du hameau s'étaient habitués à un mode de vie replié sur lui-même, à l'abri du reste du monde. C'est là que vivait Isaline, une fillette, seule avec son oncle et sa tante. Ses parents ayant disparu dès sa tendre enfance.
Les jours s'y ressemblaient, les uns après les autres, dans la froidure et l'ombre. Les habitants y vaquaient à leurs occupations journalières sans lumière et à tâtons. Le temps semblait s'y être arrêté, comme figé par la glace et la pénombre. Un soir plus noir que d'habitude, la neige avait recouvert toutes les maisonnettes jusqu'au toit. Personne n'osait tenter de sortir, par peur de se transformer instantanément en bonhomme de neige ou de geler sur place. Pas un seul bruit ne traversait le manteau blanc. La forêt semblait sans vie. Et pourtant... A travers les arbres, de temps à autre, comme bercée par la brise, une faible lumière venait percer la noirceur. Un infime point doré d'abord, puis une faible flamme vacillante. - "Ce sont des feux follets, les âmes des défunts", clamaient les anciens villageois. - "Ne les approchez surtout pas ! Ils vous emporteront avec eux dans l'au-delà !". Isaline, cependant, ne pouvait s'empêcher de scruter l'horizon dans l'espoir d'aperçevoir une de ces lueurs dorées. Contrairement aux autres villageois, elle pensait qu'il s'agissait de petits anges et non de démons venus damner les habitants. Son oncle avait beau lui répéter de ne pas y prêter attention, elle continuait de croire à la bonté de ces petits êtres de lumière. Il lui interdisait de sortir et de s'aventurer seule dans les bois. Ce soir-là de Noël, les parents adoptifs de la fillette dormaient à poings fermés dans la maisonnette de bois. Tout était calme dans la chaumière. Ils avaient partagé un bon repas et les plats étaient encore chauds sur la vieille table de chêne. Le feu était éteint dans l'âtre mais les braises chauffaient encore la chambrée. Sous ses lourdes couvertures de laine, la fillette ne pouvait fermer l'oeil. Ils n'étaient point fortunés. Elle avait pourtant tout ce dont elle avait besoin : une famille aimante, un toit pour s'abriter et de quoi vivre confortablement. Mais, ses parents lui manquaient. Et tout au fond d’elle, elle cherchait en vain cette lumière dont elle rêvait pour illuminer ses jours. Tout autour du village lui semblait tellement gris, fade et sans couleurs, sans soleil.
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Le lendemain soir, alors qu’elle avait le visage collé à la vitre à croisillons joliment décorée par le givre, à côté de son lit, il lui sembla entendre des pas feutrés dans la neige. Puis, elle crut que ces derniers se rapprochaient, jusqu’à faire craquer le vieux plancher. Elle cligna des yeux et ses oreilles écoutèrent attentivement. Une douce aura dorée avait empli sa chambrette. Puis, tout retomba dans le silence. Isaline resta immobile puis remonta dans son lit, sous les couvertures, paralysée à la fois de peur et d’excitation de découvrir l’origine de ce tumulte. Elle attendit et attendit encore, mais plus rien ne bougea autour d’elle. Et la fillette finit par s’endormir. Le lendemain matin, elle se dit qu’elle avait probablement rêvé.
La seconde nuit, les pas reprirent. Mais cette fois-ci, elle n’y tient plus et se leva. L’aura dorée avait finement illuminé la table à manger où quelques morceaux de fromage, un pot de miel et un quignon de pain avaient été oubliés. Par terre, quelques miettes. Et la cuillère de miel avait été vidée. - « Ce doit être des souris. J’aurais dû y penser ! », se dit-elle. Et elle repartit se coucher. Mais le surlendemain, quelle ne fut sa surprise de trouver, à côté de son lit une petite fleur bleue, toute de laine tissée ! D’où pouvait-elle bien donc provenir ? Elle avait été fabriquée par des mains expertes et certainement très fines. Elle la prit délicatement et la posa sous son oreiller. Elle n'en dit mot à son oncle et sa tante. Mais se promit bien d'élucider le mystère.
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La troisième nuit qui suivit Noël, Isaline ne s'endormit pas. Elle prit la précaution de laisser un bol de potage encore chaud sur la table, une grande cuillère en bois, du pain, quelques noix et des fruits des bois. Elle attendit, tapie sur son lit, en scrutant le chemin qui menait à la chaumière. C'est là qu'elle "les" vit enfin... Ils étaient cinq. Cinq petits Sottais. Des Nutons de la région, avec leur bonnet rouge, bien emmitouflés, leurs chausses vertes à pointes, et leur gros nez écarlate dans le froid piquant. Les créatures du "petit peuple" comme on les appelait, portaient chacun une menue lanterne, dont la flamme dansait dans le vent ardennais et leur donnait l'allure d'un collier de lumière dans l'obscurité environnante. Ils n'avaient certainement pas l'air bien méchants !
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L’étrange cortège parvient à la chaumière. Et comme par magie, la porte d'entrée s'ouvrit pour laisser rentrer les petits êtres. Elle se referma aussitôt derrière eux. La fillette les observa en silence : ils avaient faim et ils se dirigèrent tout droit sur le repas laissé à leur attention. Ils avaient placé leurs lanternes en rond autour de la table. On aurait dit un ballet aux chandelles. La lumière qu'elles projetaient sur les murs était particulièrement douce et chaleureuse. Isaline eut soudainement le sentiment que ses parents étaient là, tout près d'elle. Et elle sentit une chaleur monter du fond de son âme, sur ses mains, jusqu’au bout de ses doigts. Une incroyable paix monta en elle et tout d’un coup, elle se sentit rassurée. Elle n’était plus seule. A travers les flammèches qui virevoltaient dans les petites lanternes posées sur le plancher, elle reconnut les étoiles dans les yeux de sa mère et la chaleur des bras de son père lorsqu’il la serrait dans ses bras tout enfant. La mélodie des flammes qui brûlaient ainsi lui rappelèrent les douces mélopées des berceuses que lui chantaient ses chers parents pour l’endormir alors qu’elle avait peur de l’obscurité.
Elle resta un long moment ainsi à les observer. Ses yeux croisèrent ceux d’un des petits lutins. Ses pupilles étaient d’un vert profond, avec des points dorés à travers ses cheveux hirsutes et sa longue barbe blanche. Le petit être lui sourit. Il sembla à Isaline qu’il lui disait quelque chose dans son regard. Un peu comme s’il voulait la remercier du repas qu’elle leur avait laissé. Ses paupières se firent subitement lourdes et la fillette s’endormit. Lorsqu’elle les rouvrit le lendemain matin, elle se retrouva dans son lit. Comment était-elle arrivée là ? Et à côté de son lit se trouvait à présent une menue lanterne, la petite fleur bleue attachée à son anse.La lanterne brillait de mille feux. Sa lumière était douce comme de la soie et son toucher chaud pour y revigorer ses menottes engourdies.
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Le jour d’après en se levant, la fillette se sentit quelque peu différente. La neige avait cessé de tomber. Le soleil avait enfin percé les nuages et la forêt avait retrouvé quelques teintes verdâtres. Les habitants étaient enfin sortis de chez eux et avaient repris leurs activités.
Isaline se rendit dans la pièce principale où l’attendaient son oncle et sa tante. - « Bien dormi, mon petit ange ? », demanda sa tante d’un regard bienveillant. « On dirait que les mauvais esprits sont partis avec la neige... ». Isaline ne dit mot de ses découvertes nocturnes. Elle garda son secret bien gardé. Depuis ce jour-là, la petite lanterne ne quitta plus la chaumière et une flamme y brûla toutes les nuits, pour réconforter la fillette à chaque fois qu’elle sentait la tristesse ou la peur monter en elle. Étonnamment, il n’y eut jamais besoin de la rallumer, incandescente d’une lueur éternelle. Isaline ne revit jamais les petits Nutons. Mais on raconte qu’ils reviennent chaque nuit pour alimenter la petite flamme pour que jamais elle ne s'éteigne.
Inutile de vous dire que j'adore les bougies et lanternes. Et que mon habitation - tout comme chez les Scandinaves - en est remplie...
Merci à tous ceux et celles qui ont été ma lanterne magique dans mes nuits et mes jours, que ce soit un soir, un an ou une vie. Un très joyeux Noël à tous !
Noël sans conte ne serait pas vraiment Noël… Alors, c’est parti pour une légende de circonstance. Il était une fois….
Il était une fois un arbre tout de glace vêtu…
Il était une fois un arbre pas comme les autres… Dans l’immensité hivernale, il se fondait dans le paysage immaculé. Ses branches pendaient jusqu’au sol gelé, comme de vastes larmes coulant le long de ses joues végétales. Le froid piquant semblait l’avoir figé dans son chagrin glacé. Et lorsque que le soleil bas le caressait de ses pâles rayons, il rayonnait de mille feux. Les cristaux renvoyaient la lumière dans toutes directions, comme un kaléidoscope enneigé. Son tronc avait pris l’aspect d’une tour d’argent, transparente de pureté.
Il était magnifique dans ses habits nordiques. Et tous l’admiraient pour sa grandeur miroitée. Et pourtant, l’arbre était silencieux. Pas même le vent ne parvenait à le sortir de son mutisme. Il paraissait dur et implacable. Comme s’il avait décidé de se renfermer sur sa beauté glacée. Prisonnier de son écrin argenté. Cela faisait des années que l’arbre n’avait plus prononcé un seul mot, ni montré un quelconque signe de vie. Pas même lorsque la sève du printemps avait coulé dans ses veines. Pas même lorsque l’été était revenu chauffer ses branches, ni lors du festival des couleurs automnales. L’arbre était resté de glace, immuable dans sa froideur distante. Alors, même ceux qui l’aimaient avaient fini par croire que le froid avait définitivement eu raison de sa chaleur. On ne parlait plus de lui. On avait fait son deuil de cette statue étrange au regard d’émeraude définitivement clos.
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Son costume de glace n’était en réalité qu’une armure qui l’empêchait de se consumer et de blesser ceux qui s’approchaient de trop près de son cœur enflammé. Un brasier brûlait dans ses veines. Son silence transi le protégeait de ces conversations qui trahiraient son secret. Un heaume impénétrable comme seul rempart contre les caresses de mains vulnérables. Un masque de dureté comme seul bouclier pour contrer la tendresse des doigts sensibles. Son cœur incandescent dévorait les imprudents qui tentaient de l’étreindre de trop près. Et il avait ainsi, jadis, bien malgré lui, irrémédiablement enflammé un elfe des bois qu'il avait tendremment enlacé de ses grandes branches. Il s’était alors juré de ne plus jamais laisser le brasier de son torse embraser ceux qui se risqueraient à s’approcher de lui. Laissant croire que son cœur s’était éteint et pétrifié à jamais dans une immuable chape de glace.
Cependant, chaque année, le soir de Noël, alors que la neige tombe en gros flocons, au plus sombre de la nuit de décembre, un ange aux ailes dorées rend visite à l’arbre de glace. Du bout de ses ailes éthérées, il effleure l’armure brillante du triste géant boisé, jusqu’à l’enserrer de ses immenses voiles. Alors, apparaît une infime lueur au plus profond de son tronc. Comme un petit feu qui prend naissance à l’intérieur de son écrin de givre. Une petite flammèche monte ainsi de son antre. Elle danse de ses entrailles, le long de son écorce blanchie par la bise, lentement, imperceptiblement. Dans la noirceur environnante, les elfes et les farfadets peuvent alors être témoins de ce miracle de Noël. Et à ces moments, l’arbre peut montrer sa vraie nature de feu. Le dragon de glace laisse enfin libre cours à sa nature torride. Son cœur de feu peut battre sans crainte. Et l’arbre respire à nouveau, reprenant vie pour quelques instants de grâce. Et sa cuirasse de glace fond ainsi chaque année pour quelques heures durant la nuit de Noël, pour se reformer avant le lever du soleil. Une trêve avec lui-même, une trêve avec le monde…
Depuis, dans ma famille et cela depuis des générations, nous plaçons un verre d’eau et un morceau de pain dehors le soir de Noël, à l’attention de l’ange. Pour qu’il les bénisse et reprenne des forces pour enlacer tous les arbres figés dans la froidure et leur rende vie pour quelques heures.
Pour que Noël ravive le feu de tous les arbres de glace de ce monde et ramène un peu de chaleur dans nos cœurs. Un joyeux Noël à tous.
Je vois souvent la vie en bleu… Cependant, la période de fin d’année a plutôt tendance à la peinturlurer en vermeil. Les dernières teintes de l’automne, les levers de soleil flavescents, la lune rousse, les champignons des bois, la mitre de Nicolas, la tunique de Santa, jusqu’au nez de Rudolph. D’ailleurs, connaissez-vous les rennes du Père Noël?
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Le nez de Rudolph
Ils se nomment Dasher, Dancer, Prancer, Vixen, Comet, Cupid, Donner, Blitzen et Rudolph. Au départ, ils ne sont sur huit et tirent le traîneau du grand Santa au départ de sa demeure, tout là-haut en Laponie. Mais une année, le temps est tellement exécrable qu’on n’y voit pas à deux pas. Et les rennes sont bloqués par le brouillard épais et la neige qui tombe en tourbillons. C’est alors que Rudolph apparaît. Il est le plus jeune de la bande et ses congénères à quatre pattes se moquent de lui à cause de son nez écarlate.
Pour expliquer sa particularité physique empourprée, les commérages vont bon train. Les ascètes affirmeront qu'il boit trop... Les frileux penseront qu'il doit son appendice nasal rubescent au fait qu'il vive dans des contrées aux températures terriblement basses (jusqu’a moins 50°c). Les médecins clameront haut et fort qu'il est toujours enrhumé ou pire, qu'il porte en lui le méchant virus du "c...." (dont on n'ose même plus prononcer le nom ces derniers temps). Les scientifiques jugeront qu'il s'agit d'une vascularité étendue jusqu'au bout du renifloir. Les sportifs imagineront qu'il est dû à une respiration accélérée par les narines pour se préserver du froid. Les électriciens assureront qu'il a probablement avalé une pile électrique lorsqu'il était petit. Les maraîchers sussureront qu'il a mangé trop de baies de sureau par gloutonnerie. Les peintres conteront qu'il a trempé son museau dans un pot de couleur indélébile, par curiosité et gourmandise. Et les plus incrédules crieront haut et fort que son pif n'est pas pivoine, mais que vous avez tout simplement rêvé (et que d'ailleurs, tout le monde sait que les rennes, cela ne vole pas). Bref, personne ne connaît réellement la raison de cette couleur bizarre au bout de son museau. Toutefois, Rudolph possède un pouvoir hors du commun : sa truffe cerise est tellement brillante qu’elle permet de distinguer la route à prendre dans les airs à travers le blizzard. C’est ainsi que Santa l’adopte et qu’il rejoint la horde de rennes. Et depuis lors, c’est le petit renne au nez groseille qui prend la direction de l’équipage, lourdement chargé de présents à distribuer le soir de Noël à tous les enfants, petits et grands, de ce monde.
Encore six fois dormir avant que Rudolph ne passe dans les chaumières avec le grand Santa. Alors, si vous avez été sage, peut-être entendrez-vous les grelots de son traîneau passer au-dessus de votre cheminée.
Mais, moi, je le connais le secret de son joli nez cramoisi... Ce qu’il apportera, à tous comme présents, qu'ils soient riches ou pauvres, jeunes ou moins jeunes, sera surtout beaucoup d’amour... Amour tout aussi écarlate que son nez. Un excellent dimanche à tous.
Histoire de perpétuer la tradition, voici un petit conte de Noël.
Il était une fois un loup nommé Noyé...
Il était une fois un loup qui vivait dans les Hautes Fagnes...
Il vivait en solitaire, au plus profond des plateaux ardennais. Il arborait un pelage feu et noir. Et comme le sol, le bout de sa queue était entièrement couleur de l’ébène, comme un pinceau trempé dans les tourbières de la région. Il arpentait les longues étendues rousses parsemées de sapins entre deux forêts. Fin et souple, il se faufilait entre les longues herbes et entre les points gorgés d’eau ferrugineuse. Durant de longues années, il avait appris chaque recoin, chaque motte de tourbe, chaque mousse émeraude. Il connaissait les bois sur le bout des pattes et admirait chaque lever du soleil à travers les branches d’épines. Il vivait à cet endroit depuis sa tendre enfance et s'y sentait chez lui.
Cet hiver-là, le loup venait de compter son douzième printemps. Une éternité pour un animal solitaire. La neige avait recouvert les étendues de son immense manteau blanc et le blizzard soufflait avec rage. La glace avait emprisonné les ruisseaux et les flaques de la Fagne. Le givre avait transformé les cascades des Nutons (les petits elfes de la région) en statues translucides jusqu'au plus profond des bois. Et le loup était las. Il ne sentait plus ses pattes. Il avait froid malgré sa fourrure généreuse. Il tremblait et sentait ses forces l'abandonner. "Mon temps est venu", se disait-il. j'ai bien vécu après tout. Peut-être est-il temps pour moi de m'endormir dans la grande prairie. Et il se coucha le long des berges de la Neûre Êwe (l'eau noire), à la limite de la Hoegne, une des deux rivières qui traversaient la région. Il ferma ses yeux dorés et se laissa emporter par la fatigue. Il resta ainsi sans bouger et le battement de son coeur ralentit progressivement. Il était prêt à partir.
Au crépuscule, un bûcheron passa par là avec son fils et se rapprocha de la rivière pour y remplir leurs gourdes d'eau après une dure journée de labeur dans la forêt avoisinante. Quelle ne fut pas leur surprise d'y trouver... un loup ! Leur première réaction fut la peur. L'homme recula prestement et tient son fils derrière lui pour le protéger. Mais l'animal ne bougea pas d'une once. Il gisait là, tranquillement, dans les herbes hautes parsemées de givre. Le fils de l'homme, intrigué, se rapprocha du loup. Le bûchuron le tint pour mort. Son fils le regarda de plus près et rétorqua : "Mais, il respire encore, père... Il a l'air blessé et très faible. Et si nous le ramenions à la maison pour le soigner ? ". Le bûcheron regarda son fils, interloqué. "Mais, mais... il s'agit là d'un loup, mon fils ! Pas d'un simple chien ! Allons bon, repartons. La nature fera son travail. S'il doit s'en remettre, il se réveillera. Sinon, il s'endormira à jamais. "
Les deux hommes reprirent le chemin vers leur chaumière où brillait déjà une lanterne dans l'obscurité tombante. Durant la nuit, une terrible tempête de neige se leva sur le plateau et au petit matin, le sol était totalement recouvert d'un manteau blanc. Leurs traces avaient disparu. Jean-Noël - ainsi se prénommait le petit garçon - se leva et enfila ses bottes et sa redingote. Il n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, pensant au pauvre loup, seul dans le froid et le blizzard. Il voulait en avoir le coeur net. Il repartit dans la Fagne avec un bâton, pour voir si le loup avait survécu à la nuit. Arrivé au bord de l'eau, il remarqua quelques traces fraîches dans la neige. Clairement, le loup avait tenté de se lever pour boire. Mais s'était recouché, à bout de forces. Jean-Noël n'y tint plus. Il avança sa main vers le museau pointu. "Je ne te veux pas de mal. Je vais t'aider. Tu verras, je vais te ramener au chaud et tu pourras guérir chez nous". L'animal huma la main enfantine qui se présentait à lui, ouvrit ses yeux de feu et lui lècha les doigts. "Tu n'es pas méchant, je vois cela dans ton regard... ". Et le loup posa délicatement son museau dans la paume de sa petite main.
Jean-Noël fit boire le loup dans sa gourde et posa sa redingote sur l'animal pour le tenir au chaud. Son pelage était doux... "Je reviens avec mon père pour te chercher. Ne bouge pas. " Et il repartit en courant vers la chaumière. Ses parents, inquiets de son escapade, le réprimandèrent à son retour. "Il est hors de question d'aller chercher cette bête ! ". Alors, Jean-Noël fondit en larmes. Le père finit par abdiquer face au chagrin de son fils. Ils ramenèrent alors le loup dans leur maisonnée sur une bâche et l'installèrent dans le fumoir à viande sur un tas de foin. Il y faisait bien chaud. Et durant dix jours et dix nuits, le loup, incapable de se lever, resta couché et refusa de manger quoi que ce soit. Durant cette période, le jeune garçon refusa de quitter son ami à quatres pattes et dormit à ses côtés. Le onzième jour, la veille de Noël, il ne respirait plus que très faiblement et n'avait presque plus la force d'ouvrir les paupières. Jean-Noël était despespéré de voir son ami dépérir ainsi sans pouvoir l'aider.
Comme toutes les veilles du 24 décembre, la famille avait placé du pain et de l'eau dehors pour qu'il soit béni par l'Ange à minuit. Au petit matin du 25 décembre, Jean-Noël se réveilla avec un sentiment de froidure. Le loup avait disparu ! Il se précipita au-dehors, persuadé d'avoir perdu son compagnon à jamais.... Il scruta l'horizon dans le soleil levant. L'enfant était aveuglé par ses propres larmes. Il tomba assis par terre, inconsolable. Puis, un murmure retentit dans le silence glacé de la plaine : "houououououou...." Et une forme rousse et noire apparut derrière la maison. Elle s'approcha de lui en trottinant. Il sentit alors une caresse humide et douce sur sa main. Il releva les yeux et se trouva face à face à un regard de feu bordé de longs cils noirs, qui le regardait d'un air attendri. Il prit l'animal dans ses bras et le serra contre lui. "Merci à l'Ange ! Il m'a rendu mon loup ! Noyé. Nous te nommerons Noyé...", dit alors l'enfant au loup.
Depuis ce jour, le bûcheron et sa famille vivèrent heureux, en lisière des Fagnes, avec leur nouveau compagnon. Le village d'où leur grande famille était originaire était un petite bourgade nommée "Stembert". Depuis ce jour, les habitants du village furent surnommés les "Leûps" (les loups).
Noyé signifie "Noël" en wallon de la région. Et Jean-Noël n'était autre que mon grand aïeul...
Alors, je vous souhaite un très joyeux Noël si vous le célébrez. Qu’il vous soit tendre et paisible. Et aussi doux et chaleureux que la fourrure de Noyé contre ma joue ce soir.
Un titre de billet qui parlera aux initiés... Un petit billet pour le plaisir des grands enfants rêveurs, amoureux du grand Nord, du froid, du givre et des aurores boréales. Je vous offre aujourd'hui la Légende d'Ahtohallan, la rivière de glace. Merci pour ton inspiration, cher Walt !
Il était une fois dans le grand Nord...
Il était une fois un pays où le soleil ne se couchait jamais en été et où la nuit resplendissait de mille feux drapés en hiver. Le sol y était gelé en permanence et la glace pure y reflétait les couleurs du ciel coloré. Un royaume perdu au milieu des fjords et de vertigineuses montagnes. Deux sœurs y habitent le village nordique d’Arendelle, en paix et en sagesse. Une communauté vivant du produit des pêches locales dans le fjord. Un petit monde attaché à la nature et à ses traditions ancestrales. Des maisons de bois et de pierre. Des décorations inspirées des fleurs et des éléments naturels comme seuls les gens du Nord en ont le secret. Elsa, la plus âgée des deux sœurs, y règne en bonne reine sur le pays. Elle possède des pouvoirs enchantés capables de transformer tout sur son passage en glace et en givre. Personne ne connaît l’origine de sa nature hors du commun. Cependant, elle a appris à contrôler ses facultés magiques.
Les parents des deux sœurs avaient péri des années auparavant dans un naufrage sur la grande mer. Elsa soupçonne qu’ils étaient partis à la recherche du secret de ses pouvoirs et qu’ils avaient été surpris par le mauvais temps en mer. Et au fond d’elle, une petite voix lui dit qu’elle est différente, qu’elle appartient à un autre monde. Un soir où les soieries nocturnes aux teintes d’émeraude font leur apparition dans le firmament, Elsa, ne peut trouver le sommeil. Un chant lointain monte au ciel du fond des forêts millénaires. Une voix pure, douce. Et sans trop savoir pourquoi, cette voix la trouble au plus profond, un peu comme si elle lui était familière. Elle finit par se laisser attirer par la voix mélodieuse et la suit dans la forêt enchantée. Sans le vouloir, elle y réveille les esprits élémentaires (l’eau, le feu, l’air et la terre). Ces derniers attaquent ensuite la petite communauté et forcent les habitants à quitter leur village. Elsa découvre qu’une ancienne querelle entre leur village et celui de Northuldra a jeté un sort sur la région et plongé la forêt dans un brouillard épais. Les erreurs de leurs ancêtres semblent peser lourd sur leurs épaules. Elsa, sa sœur Anna et ses amis Kristoff, Olaf et Sven décident alors de partir à la recherche des esprits pour libérer la cité du danger qui la guette. Ils doivent, pour se faire, retrouver leurs ancêtres, décrypter leur secret et trouver le passage manquant permettant de faire le lien entre les quatre esprits et les humains.
Ahtohallan
En chemin, ils arrivent à la Mer Sombre et y trouvent l’épave du navire sur lequel s’étaient embarqués ses parents. Dans un compartiment étanche, ils y révèlent une carte menant à Athohallan, la rivière de glace dont leurs parents leur avaient parlé dans leur petite enfance. Entre brumes, cristaux et chevaux de glace (le fameux “Kelpie”, ou “Nøkk”, gardien de la mer de glace), Elsa s’en repart à la quête d’Ahtohallan, qui renferme tous les secrets de son passé et les clés de la vérité. Et des aventures incroyables suivent leur voyage. Mais je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse découvrir la suite et la fin du récit.
Des graphismes époustouflants. Des compositions musicales enivrantes avec les voix uniques d’Idina Mendel, Kristen Bell, Jonathan Groff Kristina et Evan Rachel Wood entre autres. Des paysages fantasmagoriques. Un récit riches en elfes, trolls et autres créatures de glace fabuleuses. Une suite réussie à la saga de Frozen I/la Reine des Neiges. D'ailleurs, si vous aimez les belles photos de givre, jetez un coup d'oeil à un billet de ce blog de 2017 "Le Roi des Neiges".
Certains diront qu’il s’agit bien plus d’un dessin animé pour les grands que pour les petits. Moi, je ne m’en plains vraiment pas... Il m’a encore plus envoûtée que sa première partie. Merci à la bonne âme qui m’a permis de découvrir ce petit bijou cinématographique récemment ! J’en ai gardé des étoiles en forme de cristaux de neige plein les yeux et le cœur.
Alors, installez-vous bien dans votre sofa sous une couverture bien chaude, le chat sur les genoux et sous une lumière tamisée. Et c’est parti pour un mini-voyage au Pays des Vikings !
Un excellent dimanche à tous (cela dit, sans trop de neige ou de glace... ).
Les cloches étant confinées à Rome, je vous propose un petit conte en lieu et place d’œufs en chocolat. De quoi faire rêver les enfants (petits et grands) confinés à la maison en ce WE pascal et sans risque de crise de foie ;-).
Il était une fois un arbre et une fleur...
Il était une fois un arbre en bordure de mer et une fleur des champs.
L’arbre était grand et fort. Large de carrure et robuste de son tronc. Sa chevelure de feuilles volait au gré de la brise et lui donnait des airs de géant. Dans le zénith de l'âge, il resplendissait de toute sa taille dans l'ombre des vagues toutes proches. On le disait invincible, sans peur de rien. Ni les vents tempétueux, ni les rafales iodées n'avaient eu raison de sa stature. Il avait résisté aux assauts du temps et de la mer. Et pour cela, on parlait de lui comme d'un arbre de raison, solide et sage. A quelques mètres seulement du rivage, commençait la ligne des champs. Des pâtures allant du vert fluorescent au blond mordoré des blés. En bordure des champs, quelques herbes folles avaient bravé l'air marin et tenaient bon la brise salée. Ainsi y trouvait-on de jolies fleurettes aux tons doux, entre les graminées, là où les épis dorés n'avaient pas poussé.
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Les vents dominants venant de l'océan, poussaient les branches de l'arbre en direction de la terre. Et il ne pouvait apercevoir sur le champs tout proches que les tiges des nombreuses plantes et de la flore qui lui tournaient le dos pour se protéger de la bise maritime. Et des fleurs, il y en avait des milliers... Des milliers qu'il regardait sans jamais vraiment les voir... Jusqu'à ce matin-là.
Ce matin de printemps, le vent est tombé. C'est exceptionnel sur cette côte. Les champs demeurent immobiles, silencieux, dans les rayons du soleil levant. L'arbre peut enfin observer les environs qui le séparent des domaines un peu plus loin. Pour la première fois, il pose son regard sur l'horizon terrien. Il s'aperçoit alors qu'à quelques mètres de lui à peine, se trouve un petit trésor de la nature, dont il n'avait encore jamais encore réalisé la présence. Il écarquille les yeux et l'inspecte de ses grands yeux ronds.
Là, à seulement quelques pieds de ses racines se trouve une kyrielle de fleurs champêtres. Elles se ressemblent toutes. Sauf une... Cette dernière petite fleur semble frêle et fine. Ses pétales d’azur renvoyent les teintes du ciel. Et son cœur doré celui du soleil. Elle attire son attention. Elle est différente du reste. Si fragile et si forte à la fois pour résister aux assauts des bourrasques et des intémpéries.
Séparé d'elle par quelques mètres de distance, il la regarde sans pouvoir la toucher ni lui parler. Jusqu'alors, le vent marin les amenant à se pencher inlassablement dans la même direction et lui tourner le dos. Elle l'intrigue et titille son intérêt.
© Photos – Rêvesdemarins
Au milieu des milliers d'autres, elle est là, discrète et à peine visible... La petite fleur, si proche de lui, ses pétales de velours discrètement éclairés par rayons de l’astre du jour. Pour la première fois, il aperçoit son regard de feu et la douceur de ses pétales. Le choc de cette vision lui est tellement fort qu'il en perd quelques feuilles et s'en retrouve tout ébouriffé. Il ne sait trop ce qui lui arrive. Le vent s'est calmé depuis quelques jours mais l'arbre ne parvient plus à fermer l’oeil. La petite fleur occupe toutes ses pensées. Après quelque temps, l’arbre se rend à l'évidence : il est éperdument amoureux de cette petite fleur. Mais que voudrait bien une petite fleur d'un arbre, géant, qui ne pourrait que l'écraser par sa taille et son âge ? Il peut vivre des siècles et elle quelques jours à peine. C'est là pure folie. Une chimère, sans plus.
L'arbre tente de se faire une raison. Mais les jours passent et il pleure alors toutes les nuits en silence. Il voudrait tellement l’effleurer, ne fut-ce qu’une seule fois.
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Une nuit de pleine lune, alors que l'arbre sanglote en silence, une luciole, qui passe par là s'arrête sur une de ses branches...
- Sèche tes larmes, mon ami... - Quoi ? Pardon ? - Sèche tes larmes, mon ami... Je comprends ton chagrin. Je peux t'aider, si tu le souhaites... J'ai des pouvoirs, disons... spéciaux... Mais comme moi, ils sont de très courte durée. Je peux réaliser tes rêves pour un jour. Un seul. - Quoi ? M'aider ? Mais c'est impossible, voyons, je suis un arbre, enchaîné à mes racines. Et ma fleur, elle n'a pas de jambes. Elle ne peut me rejoindre. Et puis, qui me dit qu'elle m'aimerait ? Un titan de ma sorte, elle aurait peur que je l'écrase sous le poids de mes branches ? De plus, je dois lui paraître affreux. - Aie confiance... Je vous offre à tous les deux un moment unique... Après quoi, vous retrouverez vos états respectifs. Accepte mon soutien pour réaliser ton rêve. Le temps presse. Ne laisse pas passer cette exclusive chance.
Et la luciole reprend son envol, laissant l'arbre tout pantois et surtout incrédule. Et pourtant, la petite bête à lumière tient parole : cette nuit-là, elle les libère de leur terre pour une brève trêve en dehors de leurs mondes respectifs.
Il dort longtemps d'un sommeil de plomb. Lorsqu'il rouvre les paupières, l'arbre se sent soudainement libre comme l'air. Pour la première fois de son existence, il peut enfin se mouvoir et se déplacer loin du rivage. La petite fleur est toujours là. Au lieu de lui tourner le dos comme à l'habitude, elle le regarde à présent d'un air timide. Elle ne s'enfuit pas. Sans un mot, leurs regards se croisent. Sa sève ne fait qu'un tour en lui. Il voudrait la prendre dans ses grandes branches mais il a tellement peur de la casser. Alors, il s’approche doucement d'elle et caresse ses pétales du bout de ses feuilles. Sa longue chevelure jade vole dans le vent du jour qui s'éteint. Ses yeux brillent du doré du soleil couchant. De la douceur de son bois, il caresse prudemment la beauté qui s’offre ainsi à lui. Il y butine et glane le nectar du bonheur avec une tendresse infinie. Elle le laisse faire, sans le repousser. De quelques branches fines, il s’enfonce très délicatement dans la terre jusqu’à ses racines pour se rapprocher d’elle. Et contre toute attente, il sent alors ses racines à elle enserrer ses longs doigts de bois. Ils restent ainsi enlacés, longuement. Tout est devenu silencieux. Même la mer s'est tue. Il ne sait s'il rêve. Mais si c'est le cas, il donnerait tout pour ne pas se réveiller.
© Photos – Rêvesdemarins
Le lendemain à son réveil, l'océan a recommencé à murmurer et les vagues à chanter. Le vent a repris sa course. L'arbre a retrouvé sa place près du rivage. Et la petite fleur, la sienne près des champs. Aucune de trace de la luciole. En jetant un regard emplein de mélancolie en direction des prairies, l'arbre se dit qu'il a simplement dû faire un songe... Un beau songe... Mais tout au fond de lui, au tréfonds de la terre, quelque chose a changé. Le long de ses larges racines, de minuscules boutons floraux viennent de faire leur apparition...
Je vous souhaite un excellent dimanche, empli de jolis rêves de lucioles.
Dimanche passé, je vous dévoilais quelques sources d’inspiration de ce blog. Ce WE, je vous propose un récit inspiré d’une série TV belge de ma jeunesse, lui-même illustrant un roman de Nelly Kristink, dont certains se souviendront peut-être.
Les traditions ayant la cote dans ma famille. Et le 25 décembre approchant à grands pas, alors c’est parti pour un petit Conte de Noël. Et puis tout le monde sait que les contes, c’est aussi écrit pour les grands :-).
Et pour se faire, je vous emmène aujourd’hui dans mon cher pays des Hautes Fagnes... Et plus précisément à Ovifat, près de Waimes (Robertville) sur la route de l’Allemagne. Un endroit en pleine nature, où se dresse un château médiéval aux allures quelque peu germaniques, qui me fascinait dans mon enfance et où la petite fille que j’étais rêvait en secret de se marier un jour à la lueur de cierges et flambeaux, avec un prince charmant dans la minuscule chapelle vieille de sept siècles aux bancs de bois. Depuis lors, le château a été rénové; j’ai grandi (juste un peu...); et les armoiries de mon prince charmant sont finalement devenues des ancres et vagues en lieu d’estocs et sapins, bien loin du pays de Renastène (nom wallon pour « Reinhardstein »), que j’aime à nommer comme le pays des Renards des Fagnes. Cependant, l’endroit n’a jamais cessé de titiller mon imagination.
La neige tombe à gros flocons sur la forêt. La bise chante dans les branches chauves et les aiguilles des sapins scintillent sous leur costume de givre. Le manteau blanc qui recouvre les collines et la glace ont étouffé les derniers murmures de la Warche, le ruisseau tout proche qui coule dans la vallée. Bien tapis au chaud au fond de son terrier, Kila se repose sur un lit de feuilles blotti près de sa fratrie. Leurs pelages roux et argentés se soulèvent doucement au rythme synchronisé de leurs respirations. À travers les branches de chênes centenaires, on peut apercevoir les tours du château de Reinhardstein et ses volets aux triangles colorés. Qu’il fait bon, bien à l’abri du vent glacial.
De la cheminée de pierre s’échappent d’odorantes effluves de la cuisine. Malgré la froidure et le vent, elles n’ont pas échappé aux petits goupils dont le terrier ne se trouve qu’à une centaine de mètres. Les alléchantes odeurs de viande viennent ainsi chatouiller leurs narines. Kila se relève. Il sort prudemment de la tanière. Il hume l’air hivernal. Il peut entendre des voix venant du château. Et ces parfums de délice... Il n’en faut pas plus pour attirer le renardeau vers la demeure des hommes.
© Photos - Armand Burguet
Kila se fraye un chemin à travers la neige. Très discrètement, il se glisse dans l’entrée. Le cuisinier vient de sortir prendre de la neige dans son grand chaudron de cuivre. Les deux mains prises, il laisse la porte entr’ouverte en rentrant dans la bâtisse. Kila en profite pour se faufiler à l’intérieur. Sur la longue table de chêne, des victuailles et des volailles fraîchement plumées. Il se cale dans un coin sombre en attendant que la voie se libère vers son butin. Après une longue attente, le cuisinier quitte enfin la pièce. Kila sort de sa cachette. Méticuleusement, il inspecte la pièce et s’empare d’une petite caille. Vite, il lui faut ressortir pour la ramener dans sa tanière et la partager avec sa famille. Les proies aisées sont rares durant cette saison dans la région.
Au moment de parvenir à la sortie, la porte s’entr’ouvre... Il est coincé, trop tard pour se dissimuler ! Il reste ainsi, pétrifié. De crainte, il laisse choir son butin de sa gueule. La silhouette féminine qui vient d’entrer reste un instant sur place, étonnée de la rencontre et l'observe d’un air empreint de curiosité. Ses yeux, cernés de longs cils, sont d'un gris profond, ses cheveux couleur de l'ambre. A son cou, une chaîne d'or à laquelle pend un menu anneau. Elle porte une robe de jade sertie de broderies argentées le long des manches. Le renardeau reste un moment subjugé par les prunelles humaines qui le fixent. Ils se dévorent longuement des yeux sans pouvoir détourner leurs regards respectifs. Un long frisson les parcourt de la tête aux pieds (et pattes... ). Puis son instinct reprend le dessus et Kila s'enfuit dans l'embrasure de la porte. Il rentre ventre à terre, et ventre vide... rejoindre les siens, un peu penaud de sa déconvenue. Mais la nuit venue, Kila ne trouve pas le sommeil. Non seulement parce que la faim lui tenaille le ventre, mais bien plus encore par cette rencontre avec cette créature à la chevelure de feu, qui lui ressemble quelque peu. Il se promet alors de la retrouver, ainsi que son repas.
Une fois remise de sa surprise, la jeune fille s'accroupit. Elle ramasse la volaille délaissée par le renard et la dépose dans une besace qu'elle emporte avec elle. Le lendemain matin, Aël se lève aux aurores, s'habille en toute hâte alors que toute la maisonnée dort encore et se rend dans la forêt, bien emmitouflée dans un manteau de laine. Elle a pensé à Kila toute la nuit et s'est promise de lui rapporter la pitance qu'il a laissé choir lors de leur rencontre. Cette petite boule de poils roux l'a attendrie et elle espère bien la retrouver. Elle marche toute la journée dans la forêt, sans succès. Pas de trace du renardeau. Alors, elle finit par déposer le contenu de sa sacoche dans un arbre creux. Qui sait, le renardeau la découvrira-t-elle... A la tombée de la nuit, Aël se décide à rebrousser chemin, dépitée de n'avoir pas retrouvé son ami. Elle a froid. Il fait sombre. Au loin, on entend des branches craquer. En réalité, Kila l'a suivie sans se faire remarquer. Il a débusqué la nourriture et ramenée à son terrier. Au moment de rentrer au château, la jeune fille aperçoit une silhouette à la longue queue touffue. Kila est là : il la regarde de ses grands yeux dorés. Elle croit percevoir un signe de sa tête, comme pour la remercier de lui avoir ramené son repas. Puis, il disparaît sous les branches gelées. Elle ne sait trop si elle a rêvé.
© Photos - Armand Burguet
Aël a décidé de rendre visite quotidiennement à son ami et de lui apporter de la nourriture. Elle revient donc à l'endroit où elle a vu Kila pour la dernière fois, et après quelques heures, il finit par apparaître. Au fur et à mesure de leurs rencontres, le renardeau semble moins farouche et finit par accepter de prendre les offrandes qu'elle lui fait, jusqu'à venir les chercher dans la main de la jeune châtelaine. Elle s'assied sur une pierre et parle à Kila. Il reste là, à distance, et la regarde de son air coquin et doux à la fois. Une amitié improbable s'installe entre les deux compères et grandit chaque jour un peu plus.
Mais, les années passent et la jeune femme atteint l'âge de se marier. Le comte de Waimes annonce un matin à sa fille qu'il a promis sa main à un noble gentilhomme aux coffres bien remplis et que leurs noces seront célébrées la semaine suivante, dans un royaume voisin. Une alliance avec sa famille sera parfaite pour étendre leur domaine et renforcer leur position. Elle doit donc préparer ses effets pour entamer le voyage vers sa future maisonnée. Aël est désespérée. Elle n'aime pas l'homme à qui elle est promise. Il pourrait être son père; il est très fortuné, il est vrai, mais c'est un homme dur et la chasse (au renard notamment) constitue son seul loisir. Et rien que pour cela, elle le déteste déjà sans même l'avoir jamais rencontré. En outre, quitter sa région lui perce le coeur. Mais, son père a parlé et ses ordres ne se discutent pas... Alors, le soir précédant ses noces, alors que le soleil vient de se coucher, elle s'enfuit rejoindre son gentil goupil. En larmes, elle lui raconte son malheur. "Je ne te verrai plus jamais, mon ami... Mon futur époux va m'emmener dans ses contrées pour toujours... Oh, que je suis malheureuse... Si seulement, je pouvais toujours vivre avec toi, ici, dans mes Fagnes adorées... Toi, au moins, tu me comprends et tu m'aimes à ta façon". Kila la regarde de ses grands yeux brillants. Son regard est triste. Il semble comprendre ce qu'elle lui raconte et partager son chagrin. Pour la première fois, il s'approche alors d'elle et vient se coucher à ses pieds. Aël tente un geste inattendu : elle retire la chaîne d'or qui orne sa poitrine et l'enroule très délicatement au cou de l'animal. "Nous resterons toujours ensemble, mon doux renardeau. Je ne t'oublierai jamais. Et qui sait, cet anneau te protègera-t-il des chasseurs. " Un peu effrayé du geste, Kila recule subrepticement d'abord, puis finit par se laisser caresser et glisser l'anneau doré autour du collet. Puis, comme toutes les autres fois, il s'enfuit ensuite entre les arbres, ne laissant de lui qu'une trace dans la neige fraîchement tombée et une lueur dorée.
Le lendemain, le convoi nuptial se met en branle. Aël a beau scruter les rebords du chemin dans la forêt, pas de trace de Kila. Il a neigé toute la journée. Les chevaux sont épuisés de marcher dans la haute neige. Il fait à présent nuit noire et le brouillard est descendu dans la vallée. On n'y voit plus à deux mètres. Il faut faire une halte pour la nuit en espérant que la brume se lèvera le lendemain matin pour leur permettre de repartir. Le bois est trempé. Le feu ne prend pas. C'est alors que les loups se font entendre. D'abord des hurlements lointains, puis plus proches et enfin des grognements distincts. Aël et ses compagnons de route tremblent soudain. Autour d'eux, des petites lumières jaunes semblent s'allumer dans la nuit. Ils sont encerclés. Et soudain, c'est l'attaque. Impitoyable, surprenante, rapide. Les bêtes affamées ne font pas de quartier. Son futur époux est tué sur le coup. Les serviteurs suivent rapidement.
Aël parvient in extremis à s'enfuir. Elle court et court encore. Comme elle peut à travers la neige et les congères. Elle court sans s'arrêter, en direction de la vallée, sans se retourner. Derrière elle, le tumulte d'une bataille sans pitié. Elle sent une présence derrière elle. Ils vont la rattraper. Elle se sent perdue. Elle trébuche et tombe face contre terre. Elle peut alors sentir une respiration sur son cou. Elle ferme les yeux. Elle attend le coup de grâce. Mais il ne vient pas. Le silence est retombé sur la forêt. Le brouillard se dissipe. Au lieu de la morsure de crocs, c'est la douceur d'une fourrure dont elle sent la présence sur sa peau. Les yeux embués, il lui semble décerner une teinte chaude dans la pénombre. En lieu de gris ou de noir, de l'ambre vif. Mais, les loups ne sont pas de cette teinte... Serait-ce le reflet de sa propre chevelure sur l'immaculé de la glace ? Elle repousse le poitrail animal qui se presse contre elle avec ses mains. Ses doigts rencontrent alors un métal froid. Malgré l' épouvante qui l'étreint de ce qu'elle va découvrir, elle ouvre les paupières, ne comprenant pas ce à quoi elle fait face. Elle tient dans sa main un anneau d'or... Son anneau d'or. Deux yeux de la même teinte que le métal la dévisagent d'un air narquois et immensément doux...
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Je vous souhaite de douces fêtes de Noël. Pour que, où que vous soyez, qu'il y ait toujours un petit renard qui veille sur vous, et vous aide à retrouver votre chemin lors de vos périples.
Merry Christmas to all !
Un peu de mythologie ce dimanche. Histoire de nous remémorer nos ancêtres gréco-latins. Et puis surtout, de suivre mon envie de vous emmener quelque part sur un archipel ensoleillé, riche en récits de volcans et de créatures fantastiques (et non, ce ne sont pas les Açores cette fois-ci).
Eole avait Sept Filles...
Le Dieu Eole avait sept filles, toutes plus belles les unes que les autres. Elles se prénommaient Vulcano, Lipari, Stromboli, Panarea, Salina, Filicudi et Alicudi. Elles vivaient dans une région reculée de la mer du Milieu, sur un continent aujourd’hui disparu. Eole tenait tellement à sa progéniture qu’il ne laissait personne s’approcher de ses filles ni ne leur permettait d’aller se promener hors de cette partie de son royaume. Et les pauvrettes se lamentaient en silence de devoir demeurer en marge du reste du monde. Cependant, Eole aimait tendrement ses filles et il finit par écouter leurs souhaits de sortir de leur prison dorée pour aller prendre l’air.
Lors d’une de leurs balades, l’une d’elles, la plus jeune des sept, Stromboli, à la longue chevelure couleur de feu, tomba éperdument amoureuse de Polyphème, un Cyclope venu d’une lointaine contrée du Levant. Polyphème était un berger. Il était laid, avait l’air d’une brute et faisait peur aux habitants par son air repoussant. Mais il avait bon cœur. Et Stromboli l’avait remarqué. Au fond de son gros œil unique, brillait une lueur de grande gentillesse et de tristesse aussi. S’il était un demi-Dieu, la nature ne l’avait pas doté là d’un physique très attirant. Stromboli n’avait cure de son aspect et elle sut que son cœur lui appartiendrait. Elle avait beau se pavaner devant lui et se parer de ses plus beaux atours, ce dernier ne semblait pas la remarquer. Des semaines durant, elle lui montra sa tendresse et son attention. Elle lui envoyait des pétales de fleurs et des senteurs délicieuses, en vain. Le géant demeurait insensible à ses charmes. En réalité, Polyphème ne pouvait pas voir Stromboli car elle, tout comme ses sœurs et son père, avaient une forme éthérée, donc invisible aux yeux des autres. Il pouvait, tout au plus, sentir la caresse de sa main sur sa joue, sans se douter qu’il s’agissait là d’un geste d’amour, En outre, Polyphème ne partageait pas les sentiments de la belle. Le géant n’avait d’yeux (au singulier... ) que pour une nymphe au regard couleur de l’océan se prénommant Galatea. Et la fille d’Eole se lamentait de son malheur. Elle en devint tellement triste qu’elle en pleurait à chaudes larmes toutes les nuits. Et de ses larmes naissait une nature verdoyante. Son père décida alors de régler la situation une fois pour toutes en éliminant la cause du problème : il lui fallait trouver un moyen de rendre Stromboli visible à son prétendant et de lui faire comprendre à quel point sa fille cadette était un bon parti. Eole se mit donc en route pour rencontrer le Cyclope, lui montrer le chemin de son palais et lui parler en tête à tête, Arrivé en bord de mer où le géant faisait paître ses moutons, il commença à lui souffler à l’oreille la route vers le continent éolien ainsi que toutes les qualités de sa fille, doucement puis avec plus d’insistance. Cependant, puisque Polyphème ne pouvait pas distinguer Eole non plus, il ne remarqua qu’une forte brise, se muant ensuite en bourrasques dans les voiles des navires croisant au large. Et plus Eole s’appliquait dans son discours, plus le Cyclope prenait peur en voyant la houle monter et les arbres se plier sous le vent de manière incontrôlable. Par crainte d’afronter un ouragan, le géant prit ainsi parti de s’enfuir. Voyant son futur beau-fils prendre la poudre d’escampette face à ses insistances, Eole en prit ombrage et se mit à crier si fort que toute la mer se leva d’un coup. Et ce n’est que par miracle que le géant réchappa à la vague titanesque que le Dieu des vents avait ainsi soulevée jusque sur la terre.
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Blessé dans son égo divin et sa fierté de père, le Dieu des Vents décida alors de se venger. Et pour se faire, il lui fallait éliminer la cause du problème, a savoir, Galatea. Sans Galatea, Polyphème allait certainement épancher son chagrin chez Stromboli et le tour serait joué. Il imagina alors un stratagème machiavélique pour écarter la nymphe. Il susurra alors à l’oreille d’un autre berger, le très beau Acis, que Galatea ne rêvait que de lui et qu’il lui fallait à tout prix conquérir la damoiselle. Aussitôt murmuré, aussitôt fait. Il mit Acis sur le chemin de la jolie nymphe. À leur rencontre, près de la rivière au pied de la montagne toute proche, l’Etna, ils tombèrent tous deux immédiatement sous le charme et décidèrent de s’enfuir ensemble. En découvrant que sa belle lui échappait ainsi pour un autre, le Cyclope poussa un cri inhumain, déracina les arbres à mains nues et arracha un énorme rocher de basalte pour le précipiter sur les deux tourtereaux. Galatea parvint à s’enfuir de justesse et alla se jeter dans les flots de la mer toute proche. Acis, lui, ne survécu pas à la fureur du géant et son sang se versa dans la rivière. Et les méandres de la rivière se mêlent aujourd’hui encore aux vagues marines, réunissant ainsi les deux infortunés à jamais.
Eole, voyant le résultat de ses manigances, se retira, se frottant les mains, l’air guilleret, la rivale ayant ainsi été prestement éliminée. Le Cyclope allait certainement oublier son chagrin dans les bras de sa fille Stromboli. Cependant, il restait un souci, et pas un moindre : comment Stromboli allait-elle se faire aimer du géant sans qu’il ne puisse la voir ??? Eole avait beau réfléchir, il ne voyait pas de solution. Alors, il s’en alla demander conseil au Dieu du feu, Ephaïstos, son ami de toujours. Ephaïstos tenait sa forge dans l’Etna. Ephaïstos sourit en entendant son récit et lui dit : « Mon cher Eole, si tu acceptes de me donner ta fille Vulcano en noces, je rendrai Stromboli visible pour Polyphème. Acceptes-tu? ». Et comme Eole ne pouvait rien refuser à sa fille cadette, il accepta le marché.
En rentrant chez lui, au lieu de retrouver ses filles diaphanes sur une mer bleue sans fin, il aperçut sept formes noires se dresser dans la brume du petit matin sur son royaume. Et la plus haute d’entre elles brillait d’une chevelure de feu volant dans les nuages. Il reconnut alors immédiatement Stromboli et ses cheveux flavescents. Ephaïstos avait tenu parole, il avait bel et bien donné une forme visible à sa fille. Et à ses six autres sœurs.... Et non, le Dieu avait un peu trop bien fait les choses. À présent toutes ses filles avaient un aspect bien tangible et formaient un incroyable archipel au Nord de la montagne Etna. Les sept îles se dressaient fièrement dans leur écrin marin sur un océan miroité des lumières rosées du soleil couchant. Eole gémit de tout son être en réalisant qu’il venait de laisser pétrifier ses filles à jamais et continue encore aujourd’hui à geindre entre les différentes îles éoliennes. Tres fréquemment avec une force imprévue, lorsqu’il ne peut contenir sa colère vis à vis d’Ephaïstos. Et le Cyclope, me direz-vous? Polyphème, pour épancher son chagrin, s’assied depuis toutes les nuits en bord de mer pour admirer le mont Stromboli au loin, ses gerbes de feu et ses torrents rougeâtres de lave en fusion. Sans le savoir, il est finalement tombé amoureux de la belle Stromboli, qu’il peut à présent contempler de son œil triste et s’émerveiller. On prétend qu’il ne s’en est jamais lassé depuis et que la belle continue depuis les millénaires à offrir son spectacle de feu toutes les. nuits à son berger.
La semaine dernière, je vous ai présenté Mucca. La voici enfin en images ! Son étable se trouve en Haute Adige, dans le Tyrol du Sud, côté italien. Au coeur de la chaîne des Dolomites (d'ailleurs classés au patrimoine de l'Unesco).
Mucca rêve de voyages. Et plus précisément, de ces sommets enneigés qu'elle aperçoit de sa prairie au village. Mais, elle n'est qu'une simple vache... Et les vaches, comme tout le monde le sait, cela ne fait pas d'alpinisme...
Chaque jour, elle soupire et se lamente à ses compagnons (le lapin et le cygne du lac tout proche), de ne pouvoir quitter son étable pour grimper au sommet du Mont Ladin, aux neiges éternelles. - Un jour, vous verrez : je franchirai les monts et vallées pour aller boire dans la neige des cîmes et lècher les glaciers bleutés ! Et personne ne la croyait vraiment... Jusqu'à ce matin-là... Alors qu'elle broute tranquillement l'herbe verdoyante de son pré en haut du village, elle sent tout d'un coup quelque chose d'humide qui lui chatouille les babines. Elle secoue son nez, renifle et se retrouve museau à museau avec... une grande paire d'yeux marrons qui l'observent à la dérobée, avec un sourire moqueur terminé par deux belles incisives. Une marmotte sortant de son terrier ! - Bonjour jolie damoiselle ! Je vous aurais bien embrassée une fois de plus... Mucca recule soudain. Elle écarquille les yeux. Une marmotte qui parle ! Mais, décidément, aux manières douteuses ! - Ne me regarde pas comme si j'étais le fermier, voyons. Je m'appelle Mankei. Et je sais bien, moi, comment te permettre de réaliser tes rêves de voyages... Mucca reste ébahie. - Hé oui, je suis un génie... Et j'ai le pouvoir de t'emmener aux neiges éternelles. A condition, que tu acceptes de suivre mes indications. Cela te tente ? Mucca hésite. Elle se dit en elle-même : voici un beau parleur. Les génies, cela n'existe pas, voyons ! Encore un qui cherche juste à me séduire pour un baiser. Tous les mêmes...
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Bain de Fleurs d’Alpages
- Bon, encore une incrédule. Toutes les mêmes, ces vaches... D'accord. Je vais te prouver mes pouvoirs. Vois-tu ces alpages fleuris sur le versant d'en face ?
- Oh oui. Ils ont l'air magnifiques. Et ces milliers de fleurs sauvages qui les couvrent. Mais, seuls les moutons ont le droit d'y brouter. Et ces étables à l'odeur du vieux bois. J'aimerais tant pouvoir m'y reposer. Cependant, c'est tellement haut pour y parvenir. Et le maître ne nous laisse jamais y monter malgré nos cloches pour nous retrouver. - Bien. Alors, ferme les yeux et visualise une de ces vertes prairies. Pense-y très très fort. - Tu ne vas pas me jouer un tour pendable, tout de même ? - Bien sûr que non. Allons bon, tu les fermes ces jolies paupières ? Mucca obtempère, sans vraiment y croire et s'attendant à ce que le fripon en profite pour lui chatouiller à nouveau le museau. Lorsqu'elle les rouvre, elle n'en croit pas ses pupilles : ils sont au plus haut des alpages, entourés de millions de coloris floraux plus vifs les uns que les autres : des roses, des mauves, des jaunes, des orangés, des bleus, des blancs. Gentianes, silènes enflés, chardons, lys de montagne, myosotis, campanules, crocus, orchidées, achillées, oeillets... Et l'herbe y est d'un vert fluorescent ! La vache saute de joie ! Elle ne sait contenir sa gaieté. En face de l'alpage, se profile le massif enneigé dont elle rêve. - Si tu continues ton chemin vers le bout de l'alpage, Mucca, il te suffira de suivre les traces de la moraine pour parvenir au pied du Mont Ladin. Sur ces bonnes paroles, je te laisse à ton repas et je m'en vais faire une petite sieste. Ciao ! Et la marmotte disparaît, non sans avoir laissé à nouveau un baiser humide sur le museau de la demoiselle. Mucca reste sans mots. Trop heureuse d'être déjà si proche de son but.
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La Flûte Enchantée
Pour entreprendre la seconde partie de son périple, Mucca arrive ainsi sur un long plateau à la vue époustouflante sur toutes les montagnes environnantes. C'est ici que son souhait pourra prendre forme. Mais pas de Mankei pointant son nez d’un seul terrier... Où ce petit génie poilu se cache-t-il donc ? Il doit encore faire la sieste. Mucca a beau scruter les prairies environnantes et chacune de ses bosses, pas de marmotte en vue. Entre les gazouillis des alouettes, elle entend alors le chant d'un drôle d'oiseau... Elle cligne des yeux pour tenter de l'aperçevoir dans le ciel, mais le son semble provenir... du sol ! En effet, un peu plus loin, assis sur un rocher, elle distingue alors un berger tenant un bois bizarre dans ses mains. De ce morceau de bois sort une douce mélodie.
- Je t'attendais, Mucca. Mankei m'avait annoncé ton arrivée. - Euh, tu me connais, berger ? - Je ne suis pas un berger. Je n'en ai que la forme. Je suis le second génie, le frère aîné de Mankei. Mon frérot est un peu taquin et parfois sa galanterie manque de style, mais il a le coeur juste. Tu as besoin de moi pour te mener à ta prochaine étape. Mais en auras-tu le courage, Mucca ? - Cela dépend de ce que tu attendras de moi... , se dit Mucca, un peu inquiète. - Je te demanderai simplement de me rapporter une petite fleur lors de ton voyage au sommet. Mais pas n'importe quelle fleur. Celle que je désire est une Edelweiss, une étoile des neiges... Elle ne pousse qu'entre les rochers les plus élevés de ces montagnes, à la limite de la neige. Acceptes-tu de m'en ramener une ? Il te faudra gravir de hautes pentes et braver les dangers des monts Ladins. - Et tu m’aideras à parvenir aux neiges éternelles ? - Oui, à la condition que tu ailles me cueillir cette petite fleur. Elle possède un pouvoir magique dont les génies ont besoin pour conserver leurs pouvoirs surnaturels. - D'accord, berger. Je désire trop réaliser mon rêve. Je te la ramènerai, ta fleur. - Bien. Alors, ferme les yeux et pense très fort à cet endroit que tu rêves de rejoindre. Lorsque je cesserai de jouer de cet instrument enchanté, tu seras tout prêt de ton but.
A ces mots, Mucca ferme ses paupières et se laisse bercer par le doux chant de la flûte. Puis, le silence s'installe. Lorsqu'elle les rouvre, elle n'en croit pas ses yeux. Ni ses pattes ! Au lieu de ses gros sabots bruns, elle découvre, de jolis patins onglés tout fins. Puis, elle inspecte ses pattes, elle a soudain de bien plus longues jambes qu'auparavant. Et son cou ! Son cou a pris tout d'un coup un mètre de plus. On dirait une girafe ! Elle se sent d'ailleurs plus légère. Alors, elle risque un coup d'oeil en arrière et le pelage de sa croupe est à présent tout blanc ! Mucca a pris l'aspect d'un... Lama ! Un magnifique lama à la laine douce et épaisse et au long cou gracieux.
- Pas mal ! Joli brin de fille ! Mucca sursaute à ces mots. Mais qui donc l'accoste ainsi ? Elle se retourne et aperçoit d'où vient la voix : un autre lama, tout noir, à l'air ébouriffé la regarde d'un air moqueur. Les dents vertes d’herbe, sans gêne aucune de parler la bouche pleine. Sur sa tête une touffe brun-roux lui cache les yeux, telle une perruque hippie. Mucca le regarde d'un oeil noir, offusquée de sa remarque un tantinet cavalière et de son clair manque de bonnes manières. - Ne fais pas cette tête-là. Ce nouvel aspect te va à ravir. Tu ne me reconnais pas à ma voix ? - Man... Mankei ? - Hé oui. Pas mal comme déguisement, non ? Note que pas trop pratique pour rentrer dans mon terrier... Cette tenue t'est nécessaire pour braver le froid et les cailloux de la montée au glacier. Tu verras, elle est très commode. Je t'accompagne un bout de chemin, histoire que tu ne te perdes pas en route pour ramener la fleur à mon frère. Ne perdons pas de temps. La route est encore longue et pas mal d’embûches nous attendent en chemin. Sur ce, les deux lamas prennent le départ vers les sommets enneigés.
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L’Arbre des Hulules
Après de longues heures de marche les deux compagnons de cordée parviennent enfin au sommet d’une première montagne d’où l’on aperçoit les cîmes enneigées du majestueux Mont Ladin. Les nuages se sont accumulés et le ciel s’est curieusement assombri. De lourdes couvertures noirâtres camouflent à présent le ciel, qui semble vouloir envelopper les montagnes de sa cape de nuit. Le vent s’est levé et souffle en rafales.
Mucca commence à sentir le froid sur son échine malgré sa nouvelle toison, dont elle apprécie à présent la précieuse valeur. Mankei avance devant elle sans faiblir le pas. Elle voudrait faire une pause pour se reposer un peu. Mais l’endroit n’est guère accueillant. Il est plutôt même sinistre. À l’horizon se profile une silhouette fantomatique. Un arbre lugubre dont les branches semblent porter des fruits bizarres. À présent, le ciel s’est totalement assombri et Mucca peut encore à peine discerner les formes des roches sur les parois d'en face. Arrivée au pied de l’arbre, elle fait mine de s’arrêter. - Je n’en peux plus Mankei. Moi, je prends un peu de repos ici avant d’entamer l’ascension finale. - Shuuuuuuuuuuut !!! Lui intime la marmotte. Tais-toi. Tu vas les réveiller !!! - Réveiller qui ? Il n’y a personne d’autre que nous ici, voyons. - Shuuuuuuuuuuut, te dis-je !!! Ou faut-il donc que je crache pour que tu m’écoutes ! - Ah non, garde tes mauvaises manières. Je..... Un hululement macabre lui coupe soudain la parole. Puis, deux, puis trois, puis dix, plus effrayants les uns que les autres. Le vacarme semble provenir de juste au-dessus de leurs têtes. Ils lèvent alors le regard pour découvrir dans la pénombre une dizaine de paires d’yeux brillants allant du doré à l’orange en passant par le jaune vif. D’immenses yeux qui les fixent du haut des branches de l’arbre, d'un air glouton.
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Mucca reste pétrifiée de peur. Mankei se colle contre elle et lui glisse à l’oreille :
- Je t’avais bien dit de te taire, non d’un terrier ! Laisse-moi leur parler et surtout ne dis pas un mot si tu ne veux pas que ces oiseaux de mauvaise augure te transforment en souris pour leur petit déjeuner cette fois-ci ! Mucca opine du regard. - Qui ose ainsi importuner notre repos ?!! - Veuillez nous excuser, divins Hulules... Nous ne sommes que de pauvres voyageurs de passage. Nous ne voulions point vous déranger. Nous repartons sur le champs. - Vous osez profaner notre sommeil divin, manants ! Gronde un hibou grand duc qui semble diriger le groupe. Il va vous falloir payer votre forfaiture ! - Oh, sois gentil, Grand-Père... Rétorque une petite chouette sur une branche plus basse. Finalement, des visiteurs, cela nous fait une distraction pour une fois. Personne n'ose jamais venir ici. Et tout le monde nous craint. Laissons-les passer et nous raconter leur histoire. - D'accord, d'accord... Et puis, en réalité, j'en ai assez de faire peur aux promeneurs. Cette mauvaise réputation me colle aux plumes et il est temps d'y mettre fin. C'est bon. Vous pouvez passer votre chemin, à une condition, cela dit : celle de nous narrer votre récit. Les deux lamas se sentent tout d'un coup soulagés de la tournure que prennent les choses. Et ils décrivent leur épopée et la raison de leur voyage au groupe de hulules, qui les écoutent avec attention et attendrissement d'avoir enfin quelqu'un à qui parler.
La Montée au Sommet
Ayant quitté les Hulules, les deux compagnons parviennent enfin au pied de la moraine. Devant eux : des parois abruptes et lisses, colorées de noir et d'ocre aux allures de Far West. Elles semblent insurmontables. Mankei réfléchit :
- Nous n'allons jamais y arriver ainsi. Il nous faut un autre matériel d'alpinisme. Ferme les yeux, Mucca ! Allons, encore une fois. Et lorsque le lama blanc les rouvre, elle sent sur sa tête deux cornes allongées. Ses pieds sont cornés et elle a une barbichette ! - Mais, mais, mais... je suis ... une chèvre !!!! Mon Dieu, Mankei, que m'as-tu encore fait ! Ma mère ne me reconnaîtra jamais plus ! - Cesse de geindre et contente-toi d'accepter le charme. Sous cette forme, tu vas enfin pouvoir grimper sur les rochers et monter jusqu'à la limite de la neige pour y trouver ton étoile des neiges. Même un lama n'y parviendrait pas avec sa constitution. Et Mankei sautille devant Mucca d'un rocher à l'autre, comme si de rien n'était, parfaitement enchanté de son nouvel aspect. Tout au long du trajet, ils suivent des "hommes debout", des amoncellements de pierres placés là par les hommes pour indiquer le chemin. Pour une fois que les humains font quelque chose d'utile... Parfois, le gris des cailloux se fond dans la masse des pierres empilées. Il leur faut donc une bonne vue pour discerner le parcours à suivre. Mais, les bons yeux, cela connaît les chèvres...
Arrivée au Tibet Ladin
"C'est le Voyage qui fait la Vache... " (Ladin Tseu ? ... )
Après quelques heures de montée à travers la moraine et les pierres, les deux chèvres accèdent enfin à une étendue de neige. On dirait une grotte.
- C'est ici que tu trouveras l'édelweiss, Mucca. Dans la grotte de neige. Ma mission se termine ici. Lorsque tu l'auras cueillie, garde-la bien précautionneusement entre les dents. Puis referme les yeux. Pense à ton étable. Et tu retrouveras ton aspect d'origine. J'ai apprécié notre périple, Mucca. Au plaisir de te revoir. Et Mankei fait mine de repartir vers la vallée. - Attends ! Mucca s'approche alors de Mankei et lui touche doucement les babines du bout de son museau. - Je te dois bien un baiser... Merci de ton aide, petit génie. Mankei sourit de tout son museau. A ces mots, Mucca s'en retourne vers la grotte de neige. Brrrr, qu'il y fait froid. Tout au bout, cachée entre deux pierres sur le sol glacé, brille une petite fleur... Elle l'a trouvée ! Elle grignote tout d'abord un peu de neige pour apaiser sa soif, puis emporte la fleur. Elle admire encore un instant cette chère montagne, puis ferme les yeux. Et comme par miracle, elle se retrouve dans son pré. Sa cloche autour du cou, ses belles couleurs gris foncé et son pis ! - Je suis une vache ! Je suis à nouveau une vache, s'écrie-t-elle ! Et j'ai été jusqu'au glacier ! - N'oublies-tu point quelque chose ? Demande alors une voix. Mucca se retourne et aperçoit le berger. Elle lui tend l'édelweiss. - Merci, génie. J'ai fait un magnifique voyage grâce à toi et ton frère. Mais, je suis heureuse de retrouver les miens et mon aspect bovin... - C'est non pas la destination, mais bien le voyage qui fait l'homme, Mucca. Ou la vache !
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Alors, si l’envie vous prend un jour de découvrir les sommets enneigés du Pays des Ladins, prévenez- moi et je vous donnerai le secret pour l’atteindre sans, pour la cause, devoir vous transformer en lama, chèvre, hibou ou marmotte !
Je vous souhaite un agréable dimanche estival, et qui sait, comme moi, à peine rentrée, déjà empli des rêves des prochains voyages. |
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August 2023
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