Qui n'a jamais rêvé de lancer une bouteille à la mer, sertie d'un message secret, dans l'espoir qu'elle parvienne un jour à son destinataire, que ce dernier soit un inconnu, un ami, un amour, un bon Samaritain... Que ce dernier fasse partie de notre vie passée, présente ou future.
Mais bien peu vont jusqu'à écrire le message. Et encore bien moins ont l'audace, le courage, ou la candeur, de jeter telle bouteille dans les flots. L'important, c'est d'abord le contenu du message. Les poids qui nous pèsent sur le coeur deviennent soudainement plus légers à porter lorsqu'on peut, si non les partager, du moins, parvenir à les exprimer. Mais, souvent, les pensées restent confuses et les mots ardus à placer les uns après les autres. "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement"... (Nicolas Boileau). La première étape consiste donc à trouver un moyen d'éclaircir son esprit quant au sujet qui nous taraude: poser des questions, récolter des opinions diverses, des informations à analyser. Tenter de comprendre...
Ensuite, les coucher sur le papier si nécessaire. Et éviter de laisser notre imagination s'emballer: les problèmes semblent toujours insolubles dans nos premières suppositions et bien pires la nuit que le jour.
Ultérieurement, l'autre pas primoridal dans la démarche d'une bouteille à la mer réside dans le fait que son auteur trouve non seulement la bravoure de l'écrire mais aussi l'ardeur de l'envoyer ainsi vers un avenir incertain, avec, malgré tout, l'espoir et une certitude, qu'il arrivera néanmoins, dans les mains de celui pour qui il a été écrit.
On risque autant à croire trop qu'à croire trop peu... [(Anon.)]
Dans le cadre de mes activités hebdomadaires de bénévole au service de chimiothérapie à l'hôpital, j'ai eu une conversation cette semaine avec un patient, qui venait juste d'apprendre de mauvaises nouvelles concernant sa santé et m'avouait n'avoir absolument personne à qui exprimer ses peurs. C'est déjà tellement difficile d'accuser le coup d'une telle annonce. Et encore plus terrible de ne pas pouvoir en parler.
J'ai du mal à comprendre que certains, qui ont la chance d'avoir des personnes à qui parler, aimantes, ouvertes et capables de leur prêter oreille, prèfèrent conserver le silence quant à leur état, refusent de les partager, et déclinent de se laisser soutenir. Messieurs (et ici, je généralise, pardonnez-moi), c'est vrai, vous êtes des durs, vous ne parlez pas de vos craintes, de vos angoisses, de vos émotions: vous êtes forts. Tenir les autres au courant de vos états d'âme, les plaintes et les larmoiements, c'est pour les faibles. Mais pas pour vous, Messieurs les Superhéros. Et pourtant... Les bouteilles à la mer ne ramènent pas souvent de réponse... (Antoine Blondin)
Chacun est libre de ses choix, bien entendu. Ceux qui refusent de jeter leur bouteille dans la mer, ont leurs raisons. Et je les respecte. Et il est vrai que lancer un tel message à l'eau ne garantit en rien de recevoir en retour une solution, et encore moins la solution, à ses souçis. Mais soyez convaincus que le jour où je trouverai leur bouteille sur ma plage, je répondrai au message qu'elle contiendra... Et peu importe si ma réplique apporte la répartie espérée à leur missive. Du moins, j'aurais tenté d'y apporter une réponse.
Alors, si un jour vous en sentez le besoin, mettez votre égo en poche, n' hésitez plus et lancez votre bouteille à la mer...
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Suite de notre périple norvégien: Norheimsund.
Un petit port perdu au milieu du Hardanger Fjord. Au fond du port, une ancienne bâtisse de bois couleur de l’ocre et de ce rouge terre typiques de cette région de Norvège. Un immense bâtiment qui semble faire des kilomètres de long. Un entrepôt empli de troncs d’arbres majestueux aux formes courbes. Un sol jonché de copeaux de bois, scies, rabots, clous, marteaux et autres outils sortis tout droit de l’époque des Vikings. Et ces espèces d’immenses pinces à linge en bois, qui semblent attendre un drap géant à sécher. Un peu plus loin sur l’eau : des épaves, barques, rames, mâts, safrans, tous de bois et de teintes différentes : un véritable trésor forestier. Lorsque nous nous approchons, nous découvrons avec étonnement que ces épaves sont en réalité en train de reprendre vie sous les mains enchantées d’habiles artisans locaux, qui s’activent de toute leur âme à faire renaître ces bouts de bois rongés par le temps et les fortunes de mer. Des pots de goudron, des pinceaux, des tauds... Des palans et cordages aussi, de toutes formes et tailles, de boyaux, sisal, chanvre... La longueur traditionnelle d'un cordage étant de 200m, cette activité exige également des constructions de longueur appropriée, ce qui explique le bâtiment extraordinairement long par rapport à ses congénères. Des machines miraculeuses: une quenouille pour filer le chanvre (vous vous souvenez de La Belle au Bois Dormant?); une "toroneuse", qui va assurer la torsion de 12 torons pour réaliser un cordage et enfin un "toupin" ou "cochoir", dont le rôle est d'assurer la régularité de la présentation des torons qui vont former le cordage. Des inventions sur lesquelles les filins végétaux tressés se transforment miraculeusement en cordages en se tournicotant sur eux-mêmes et à la force des bras d’un ouvrier maniant la manivelle qui en actionne le mécanisme. Ici, tout est mis en place pour parvenir à rénover ou construire, selon les coutumes et méthodes ancestrales, de nouvelles embarcations qui reprendront bientôt la mer. Ici, chacun est un amoureux du bois, de l’eau, de la navigation, et du travail bien fait : de vrais artistes. Un atelier qui au départ se voulait un refuge pour aider les plus perdus socialement à se réinsérer dans le monde du travail. Accorder une seconde chance à des hommes en accordant une seconde chance à des navires : quel magnifique projet… " Les Navires, Tout Comme les Chats, Ont Sept Vies..."
Vous seriez-vous ainsi jamais douté que les navires, tout comme les chats, avaient sept vies? En effet, au cours de leur existence, ils peuvent se transformer, se remodeler et renaître ainsi sous une nouvelle forme, pour une réincarnation.
Première Vie
Nul besoin d'explications: il s'agit là du berceau du bateau, sa première forme, son prénom et son enfance. L'aspect que lui a donné son créateur, avec amour et tendresse. Avec aussi, tous les émerveillements et petites maladies infantiles par lesquelles passe inévitablement un nourrisson. Souvent de très belles années pour son équipage.
Seconde Vie
Survient alors parfois un nouveau propriétaire... Et si ce dernier est sensible aux traditions ainsi qu'aux états d'âme de sa nouvelle acquisition, il acceptera de lui conserver son nom d'origine. Si par contre, il désire renommer son embarcation à son goût, il lui faudra surtout bien respecter les rites d’initiation comme celui de croiser l’erre en faisant faire au navire un tour sur lui-même, pour que les Dieux de la mer ne lui jettent pas de mauvais sort. Personnellement, je pense qu'adopter un bateau signifie aussi adopter son passé et donc son nom d'origine... Les appellations des bateaux feront d'ailleurs l'objet d'un futur billet, ce sujet méritant un coup d'oeil de plus près.
Le navire devra ainsi s'accommoder de nouveaux parents et nécessitera apprentissage de l'autre, patience et tolérance pour les habitudes de chacun. Lorsque c'est possible, le parent d'adoption aura déjà navigué quelques fois sur le bateau et ils auront déjà eu l'occasion de s'apprécier mutuellement, ce qui rendra la transition plus aisée.
Troisième, Quatrième et Cinquième Vies
Les femmes étant souvent coquettes de nature (comme vous savez, Messieurs...), la plupart d'entre elles aiment à varier leur garde-robe ainsi que leur aspect extérieur. Sans dire que tout homme aime se promener avec une jolie femme, très fier de parader en si ravissante compagnie. Viennent alors leurs diverses vies où elles changeront de robe (teintes et couleurs de la coque…), d'habits d’apparat (barre à roue pour franche, ajout d’un bout-dehors, nouveau mât…) et surtout de coiffure et d'accessoires de mode (palans, pavillons, jeux de voiles, drisses, pare-battages… ). Evidemment, si cette élégance vous enorgueillira le coeur, messieurs les marins, elle vous allègera également allègrement le portefeuille...
Sixième Vie
Dans certains cas de fortunes de mer, ou tout simplement avec les années qui passent, les corps s'usent, se modifient et requièrent des soins plus intensifs, voire même de la chirurgie thérapeuthique ou esthétique. Ainsi, un navire passera parfois par la table d'opération pour une intervention plus délicate et plus drastique pour remanier ses formes (quille, coque… ) vers une nouvelle transfiguration. Telle intervention, même si périlleuse, permet à certains navires de recommencer une nouvelle vie pour de longues années. Le traitement en vaut donc souvent la chandelle.
Septième et dernière Vie
Enfin, après tant de métamorphoses, un navire parviendra à un âge où sa condition physique ne lui permettra plus de prendre la mer. Il pourra, soit, retourner à ses sources et reposer au fond de l'océan, là où il trouvera la paix de l'âme. Soit, prendre un repos bien mérité dans un bonne maison de retraite (par exemple, un musée). S'il accepte de donner son corps à la science, on réutilisera ses pièces pour construire un autre navire ou son bois pour une bonne flambée. Et dans les cas les plus malheureux, il terminera sa dernière vie dans un cimetière de bateaux... Mais, je trouve cela vraiment trop triste... Je vous recommande d'ailleurs un roman de mer original au départ de ce dernier thème: "La Superstition des voileux - Helga, le bateau philosophe", de Maurice Winnykamen.(https://www.edilivre.com/la-superstition-des-voileux-maurice-winnykamen.html#.V7gyODPr3X4)
Sept manières de renaître à chaque fois…
"Un voilier, mot féminin en anglais, est une dame jalouse et susceptible; la moindre négligence peut altérer son humeur vagabonde. Les critiques la désolent au point qu'elle en perd le cap, elle perd le nord à la première remontrance injustifiée. Il ne faut surtout pas parler de la vendre, de s'en débarrasser, de la quitter! Je puis vous assurer que la plupart des voiliers qui ont coulé se sont, en réalité, sabordés par désespoir, leur propriétaire ayant laissé entendre qu'il voulait changer de bateau. Il existe même d'étranges histoires de vengeances de voiliers délaissés. Un bateau, c'est une histoire d'amour. " (Hugo Verlomme)
Dans ce petit atelier de Norheimsund, tout le monde s’enflamme à préparer ces navires à leur prochaine vie. Et ce n’est que lorsque le temps et le sort a épuisé leurs sept vies, qu’ils trouvent alors un repos bien mérité au fond du petit musée norvégien.
Mais le détail qui nous a le plus frappé est que les techniques utilisées pour (re)construire ces petits joyaux maritimes, étaient en réalité exactement les mêmes que celles de leurs ancêtres Vikings d’il y a plus de mille deux cent ans : mêmes outils, mêmes techniques et même passion pour les flots et le bois. Quelle a été notre surprise de retrouver exactement ces mêmes configurations de coque et rames (40 par navire!) au musée Viking d’Oslo en découvrant les trois majestueux Drakkars (Oseberg, Gokstad et Tune) qui témoignent de la dextérité et du savoir-faire de ces magnifiques peuples de marins d’antan, et qui leur ont permis d’affronter les flots pour conquérir le monde.
Des barques au profil effilé, élégant, aux courbes voluptueuses et sensuelles, à la couleur chaleureuse, comme une femme à la peau mordorée et à longue chevelure tressée qui s’étend le long de ses flancs ondulants. Messieurs, il est temps de vous faire rêver… Un bateau, c’est comme une femme désirable, une amante, une muse… Les marins en sont fous, et à juste titre… Les constructeurs de barques (ou de voiliers) les ont d’ailleurs modelées dans cet état d’esprit : avec amour, désir, passion et patience...
Tout comme une femme, il n’est pas simple de les approcher et encore moins de les faire avancer dans la direction où vous voulez. Elles peuvent s’avérer délicates, complexes, et même parfois capricieuses… Un sentiment de déjà vu, Messieurs, mmm ?
Les apprivoiser requiert douceur, finesse et doigté. Avez-vous jamais tenté de manier une de ces barques ? Déjà seul, il n’est pas aisé de trouver la bonne position pour animer les rames dans l’eau. Mais à plusieurs (deux, trois ou parfois bien plus) en balance fragile entre les deux bords, faire avancer l’embarcation relève plus de l’équilibrisme que de la navigation.
Sans parler de la synchronisation requise entre les divers membres de l’équipage et de la force requise pour faire se mouvoir ces longues tiges de bois dans l’eau (lorsque l’on sait qu’une seule rame pesait à elle seule jusqu’à 20 kilogrammes sur certains Drakkars - et vive les biceps… Pas étonnant que l’on décrive toujours le peuple des Vikings comme de grands hommes costauds). Une fois de plus, nos amis les Vikings m’époustouflent par leur agilité, leur capacité d’endurance et leur connaissance de la mer.
Vous trouverez une série d'autres photographies de ces barques qui me plaisent tant, sur un nouvel onglet de ce site web: reves en images/reves de marins/A la Rame http://www.revesdemarins.com/a-la-rame.html.
Pas étonnant que les Norvégiens soient initiés à la navigation et la pêche dès leur plus jeune âge. Pas surprenant non plus que la région soit fertile en forêts et bois. Le sol est noir, saturé de couleur tourbe, tout comme l'or liquide qui sort de ses entrailles et fait, lui aussi, la richesse du pays. Un océan irradié de verts et de bleus, entre montagnes, lacs et mers.
Le navire vogue depuis de longues heures sur l'immensité couleur acier. Le ciel bas, le vent capricieux. Les deux voiles fièrement gonflées du souffle de Njörd, dieu de l'abondance, du vent et de la mer (autrement dit, le dieu Eole local...). L'Abeille est heureuse de naviguer ainsi: du vent, des vagues, de la vitesse, bref de la vraie voile. Ils quittent la grande Mer du Nord pour s'enfoncer alors dans un immense fjord: le Hardanger. Entre-temps, la pluie s'est totalement éclipsée et a cédé la place à un magnifique soleil tombant. La lumière dorée scintille sur l'eau calme du fjord. Ils décident de faire halte à Vedholmen pour la première nuit à bord. A l'endroit de leur logis nocturne: quelques barques de pêcheurs, deux minuscules cabanes colorées et un ponton de bois. Les amis s'installent pour la veillée. Le firmament sera couvert; la température plutôt automnale.. Les deux soeurs se sont emmitouflées sous un drap douillet pour se protéger de l'humidité ambiante. La Coccinelle questionne le Dragon des Mers: - Øivind, notre cher guide, tu nous as parlé des Contes des Mille et Une Mers lors de notre départ. Je t'en prie, raconte-nous quelques unes de ces histoires extraordinaires... - D'accord. Installez-vous confortablement pour mon premier récit. Je vais vous narrer ce soir un conte de l'endroit où nous faisons relâche pour la nuit... Il était une fois... 1er Conte - Le Petit Cygne de Vedholmen
Il était une fois un couple de cygnes au plumage aussi blanc que la neige des glaciers, et aussi doux que la mousse des forêts de Trolls. Ils se nommaient Finn et Fia. Ils s'aimaient d'un amour tendre. Vous savez probablement, que contrairement à beaucoup d'autres oiseaux, les cygnes restent avec le même partenaire toute leur vie...
Notre couple avait décidé d'élire domicile au bord d'un fjord au milieu des montagnes toutes proches et d'y fonder leur foyer, du nom de Vedholmen. L'endroit était merveilleux: au loin, des neiges éternelles au turquoise transparent, des rochers aux couleurs d'ardoise, des cascades infinies, une eau noir d'ébène, des poissons en abondance et surtout peu d'hommes pour les déranger. Finn et Fia avaient déjà préparé soigneusement leur nid et s'apprêtaient à un heureux événement. Seul ombrage à leur bonheur: un point semblant inquiéter Fia au point qu'elle ne pouvait plus en trouver le sommeil. - Ma douce amie, qu'est-ce qui te tracasse donc ainsi? N'es-tu donc point heureuse d'attendre nos chers petits? - Mon doux Finn, je me réjouis autant que toi. Cependant, je ne cesse de voir tournoyer les grands aigles de mer dans les alentours. Et j'ai crainte qu'ils ne nous volent nos enfants lorsqu'ils seront encore en bas âge. Ils seront tellement visibles avec leur plumage immaculé. Ils feront une proie facile pour ces grands prédateurs. J'ai tellement peur, Finn. A cette époque, les cygnets (si, si, c'est bien le nom des petits, d'ailleurs les moins férus d'orthographe ne mettent-ils donc point une de leur plumes dans un livre pour en marquer la page.... ) avaient encore un plumage de cette couleur dès leur naissance. Plus les jours passaient et plus Fia dépérissait d'inquiétude. Finn ne savait plus quoi faire. Alors, un soir, à la tombée de la nuit, il décide d'agir et s'envole pour la forêt toute proche s'en quérir Tryllar, le grand Troll... Il s'agit d'une entreprise hasardeuse. Les Trolls sont des êtres immenses, laids, aux longs cheveux, bossus. Et les hommes les décrivent comme des créatures malfaisantes. Mais si les Trolls n'aiment pas les hommes, ils ne cultivent, par contre, aucune animosité envers la gent animale. Et il sait surtout que Trylla possède de puissants pouvoirs magiques.
Au petit matin, lorsque Fia dort encore à pattes fermées dans le nid, Finn s'envole dans le fjord en direction du Nord. Tout est baigné dans une brume épaisse. Le vent frais le porte rapidement dans la direction de sa destination. Il sait d'instinct vers où voler (contrairement à nous, misérables humains incapables de survivre sans gps, carte ou boussole - mis à part les pêcheurs bretons, probablement autrefois cétacés ou saumons réincarnés en humains - , les animaux ont un vrai compas dans le ventre!).
Après de longues heures de vol au-dessus du Fjord, il parvient enfin à sa destination: une petite maison à l'orée de la forêt au toit couvert de mousse et de plantes tout près d'un chêne centenaire. Des racines tortueuses qui semblent sortir de terre un peu partout. Finn n'a pas besoin d'annoncer son arrivée, Trylla l'a devancé: il l'attend sur le pas de la porte. - Sois le bienvenu, Finn. - Merci Trylla. Je viens quérir ton aide pour mon épouse Fia. - Je sais déjà, Finn. Elle craint le grand aigle de mer et voudrait ma protection pour vos futurs enfants, n'est-ce pas?. - Tu es un sorcier magicien, Trylla. Je vois que je ne peux rien te cacher. Peux-tu m'aider s'il te plaît? - Va Finn. Tes petits ne doivent rien craindre. A partir de ce jour, je vais les rendre invisibles pour l'aigle de mer, ceci jusqu'à l'âge adulte, où ils seront alors capables de lui échapper. A leur naissance, ils prendront la couleur de la roche, de la mer et de la terre. - C'est là un stratagème ingénieux. Que désires-tu en retour de ton intervention? - Tu sais que ma réputation n'est point bonne dans le monde extérieur. J'ai besoin d'un ambassadeur qui m'aide à changer cela. Ainsi, tu apprendras à tes fils que les Trolls ne sont pas des êtres malfaisants, mais au contraire, des êtres tout simplement un peu timides et maladroits mais au coeur bon. Tu demanderas à ta progéniture de faire passer le message à ses propres enfants. Cela me suffira comme rétribution pour mes services. - Merci Trylla. Je réalise en effet que tu caches un être au coeur pur sous ton apparence rude et bourrue. Je te promets de leur inculquer ces principes. Merci du fond du coeur pour ton assistance. Et Finn s'en repart vers sa Veldholmen et sa dulcinée.
A son retour incognito de chez le Troll, Finn se peletonne tendrement contre Fia.
- Mon ami, je sens que le moment est venu. Nos petits seront là demain matin. Regarde, les oeufs sont déjà en mouvement. - Ma douce, promets-moi une chose, veux-tu? Lorsque nos petits naîtront, ne te préoccupe pas de leur aspect, même s'il est différent de celui que tu auras espéré. Et n'aie crainte, ils seront protégés de l'aigle des mers. Je te le promets. - Tu es bien mystérieux, mon ami. Mais, je suivrai tes recommandations. Quelques heures plus tard, quatres adorables petites boules de plumes sortent à grand peine de leur coquille, un fin duvet sur le corps. Au fur et à mesure des jours qui passent, et à la grande surprise de Fia, les bébés n'arborent pas la robe d'argent de leurs parents mais bien celle du fjord: brun-taupe. Fia est quelque peu déçue, mais n'en montre rien à son compagnon. Elle le lui a promis. Leur progéniture grandit en bonne santé et un matin ils nagent tous ensemble dans l'eau grisâtre du fjord. Les petits se sont éloignés de leurs parents pour explorer les environs à l'aise. Soudain, un cri strident retentit et déchire le silence. Une immense ombre plane dans le ciel nordique. - Finn, c'est l'aigle! L'aigle des mers! Et nos petits qui sont loins de nous. Il va les emporter! - Ne t'inquiète pas, Fia. Il ne verra pas nos petits. Le Troll me l'a garanti. - Le Troll? Mais? De quoi parles-tu? Fia est paniquée. Mais l'oiseau de proie tourne autour d'eux sans paraître aperçevoir les quatres petits cygnets: leur couleur acier se confondant dans la teinte de l'eau. Et le prédateur s'éloigne finalement, déçu, le ventre vide. Le Troll avait tenu parole... Depuis ce jour, et grâce aux Trolls, les bébés cygnes restent bruns-gris jusqu'à leur âge adulte et non blancs, partout au monde.
Et voici le premier de nos Contes des Mille et Une Mers... J'espère qu'il vous aura plu. Je veux croire que Hans Christian Andersen (tiens, encore un Viking), ne m'en voudra pas d'avoir adapté son sujet de récit dans une humble version personnelle. Un second conte dans un prochain billet.
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August 2023
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