Si certains d'entre vous ont eu la chance d'observer l'éclipse lunaire, ces derniers jours, le firmament et ses secrets ne les laissera pas indifférents. Un petit billet ce dimanche pour introduire un thème qui titille ma curiosité, mais qui demeure encore un sacré défi à mon esprit littéraire... Comme je ne connais encore que très peu le domaine (je compte bien le décrypter un peu plus ces prochaines mois), je débuterai donc ici par une introduction élémentaire avant de parvenir à écrire un billet plus solide sur le sujet. Je vous emmène aujourd'hui dans l'Océan Pacifique pour découvrir... la navigation astronomique.
On se souvient souvent des prouesses des navigateurs espagnols, anglais, portuguais ou encore celles des Vikings (ces derniers ayant atteint le Canada). On connaît par contre moins celles des peuples polynésiens. Derrière l'image des vahinés, aux colliers de fleurs, des hommes aux tatouages mystérieux, des mélodies de yuculélés et des volcans insulaires, se cache un peuple aux ressources insoupçonnées. Toute une génération de marins et voyageurs, qui a colonisé l'Océan Pacifique, grâce à sa connaissance traditionnelle, mais déjà sophistiquée du positionnement géographique et de la navigation astronomique.
Naviguer au Doigt et à l'Oeil
Pour naviguer, il faut d'abord parvenir à se positionner par rapport aux astres. Et les Polynésiens avaient développé une technique leur permettant de définir leur position à l'aide de ... leurs mains.
"If you can identify the stars as they rise and set, and if you have memorised where they rise and set, you can find your direction. " (Polynesian Voyage Society, Nainoa Thompson)
Comme les positions des étoiles ne sont pas fixes dans le temps, les marins utilisant cette technique de navigation doivent régulièrement ajuster leurs mesures. En effet, depuis des millénaires, les étoiles ont graduellement bougé de position en raison du lent changement de direction de l'axe de rotation de la terre (ou "précession des équinoxes"). Par exemple, au départ de la latitude de Samoa, on a pu observer un shift de -19° de la Croix du Sud par rapport aux observations antiques.
Si l'envie vous dit et le ciel clair, jetez donc un coup d'oeil à l'article en annexe pour mesurer votre position avec vos mains. (http://www.abc.net.au/science/articles/2009/07/27/3169109.htm). Il ne vous reste plus qu'à mémoriser la carte du ciel et le tour est joué !
Vaiana et les Way Finders
Cette très belle technique de navigation ancestrale a été relatée dans les aventures d'une petite polynésienne, nommée Vaiana (ou Moana), l'héroïne d'un Walt Disney dont je ne me lasse pas (vous me pardonnerez mes références littéraires). "Vai" signifiant "eau" en tahitien. Même si ce film a causé quelques polémiques sur la manière dont il dépeignait les peuples du Pacifique, j'en ai retenu cette belle parenthèse sur la navigation "à la main" et m'a donné envie de me renseigner un peu plus sur cette pratique ancestrale.
Je vous laisse en découvrir quelques extraits. Une petite héroïne, amoureuse de la mer, qui rêve de partir en catamaran parcourir l'océan au-delà des récifs de corail, où les flots deviennent sauvages malgré la peur d'un univers inconnu. Elle découvre alors que ses ancêtres ont été des "Way Finders", de grands voyageurs et un peuple de navigateurs. Un rêve que je partage un peu et qui sait, que je réaliserai peut-être bientôt ?...
Sur ce, je m'en vais réviser ma carte stellaire et compter les étoiles au lieu de compter les moutons... Je vous souhaite de voir de nombreuses étoiles filantes ! Bon dimanche à tous.
PS. Petite pause du blog la semaine prochaine. Mais je vous retrouverai avec plaisir mi-août.
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"Pour l'Amour du Ciel" ... Voyons donc... Ne serait-ce un titre approprié pour une pièce de théâtre ? Allons bon, c'est parti pour un petit billet léger, histoire de s'envoyer en l'air ce dimanche... Et je vous emmène au Septième Ciel aujourd'hui !
Les Acteurs
Sept personnages :
Acte Premier - Réveil à l'Aube
Il fait nuit noire. Zénithic est confortement allongé dans son lit de ciel douillet. Il est aux anges : il a tout l'espace pour lui. Pas un bruit, pas une âme qui vive à l'horizon pour le déranger dans son sommeil et sa zénitude... Tout va pour le mieux du monde jusqu' au petit jour... A travers les rideaux, tout au bas de l'horizon, une lueur pointe son nez brillant à travers l'embrasure de la porte. Un gros nez rouge-orangé, de plus en plus gros au fur et à mesure qu'il monte à la verticale et rentre impunément dans sa chambre.
- Bonjour cousin ! - (Aaargh... Non, pas lui ! Je veux encore dormir..., pense Zénithic). Bonjour Phébus, répond-il encore tout endormi de sa longue nuit. Et franchement mécontent d'avoir été tiré de son sommeil à l'aube. - Tu es déjà revenu ? Mais, il me semble que tu es à peine parti depuis hier soir ? ! ? - Hé oui ! Voyage éclair ! Et je me suis dit que j'allais venir te faire une petite visite de courtoisie. On mange ensemble ce midi ? - D'accord, s'il le faut vraiment... (En réalité, Zenithic est heureux de revoir son cousin, avec qui il s'entend bien. Ce dernier se montre toujours jovial, brille en société et met les gens de bonne humeur. Et surtout, il parvient souvent à désarmocer les accès de courroux de sa fille, qu'il redoute plus que tout). - Je demanderai à Cirrusine de prévoir un couvert de plus pour toi. - Aah, Cirrusine, elle me plaît bien cette petite avec sa chevelure d'ange... On se voit à quatorze heures tapantes pour un repas au sommet alors ! - Oui, oui, à tout à l'heure...
© Photos – Rêvesdemarins
Acte Second - Lutinerie
"Qui a peur de l'orage mais rêve du coup de foudre... " (Julien Lorcy)
Cirrusine dresse la grande table dans le salon. Elle a laissé pendre sa chevelure le long de ses hanches. Ses longs doigts diaphanes couleur d'albâtre déposent les couverts sur la nappe d'azur. Et Zéphyrin s'amuse à faire voler ses cheveux dans son visage. Il s'approche d'elle et l'embrasse subrepticement dans le cou. Elle sent son haleine sur sa peau. Elle s'enfuit. La pauvrette le prie de la laisser tranquille, mais le polisson se plaît à la taquiner davantage. Elle ne sait où se mettre pour parvenir à terminer son ouvrage. Cependant, la scène n'est pas restée sans témoin : Stratusin, occupé dans la chambre à côté, déboule timidement dans la pièce.
- Je vous en prie. Laissez-la tranquille, Monsieur. Vous voyez bien que vous l'importunez. - Mais, mais, mais... Et de quoi te mêles-tu donc ?!! (Etonné d'entendre une réaction de la part d'un valet, qui plus est, un homme qui, d'habitude, est incapable de prononcer deux mots intelligibles les uns après les autres. ) - Notre invité va bientôt arriver et le repas n'est pas encore prêt. Elle risque de se faire disputer par Monsieur le Maître. - Bon, bon, je m'en vais. Si on ne peut même plus s'amuser, ici... - Merci, mon bon Stratusin, s'élance alors la belle. Tu m'as dépêtrée d'un mauvais pas. Monsieur Zéphyrin doit toujours me suivre partout et me chahuter, où que j'aille. Je n'ai cure de ses avances. Toi, au moins, tu es gentil avec moi. J'aime bien ta compagnie. Et elle l'embrasse timidement sur la joue pour le remercier. A ce geste, Stratusin devient aussi rouge qu'une tomate et en reperd tout à coup l'art de la parole. Il se presse alors de quitter la pièce, comme frappé par la foudre...
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Acte Troisième - Repas de Famille
A quatorze heures sonnantes, Phébus se présente à la porte. Ils s'installent dans la salle à manger. Stratusin sert à table. Cumulisa parle à n'en plus finir. Elle se plaint de tout sans aucune gène : de la couleur des cheveux de Phébus qu'elle trouve trop éblouissante, des courants d'air que Zéphyrin provoque par ses allers et venues, de l'air négligé de son frère, du teint trop pâle de son père, de la chevelure de Cirrusine qu'elle trouve trop longue, de l'air niais de Stratusin et tant d'autres reproches encore. Un véritable moulin à paroles. Même Phébus, d'habitude en verve, a fini par se taire. Une drôle d'ambiance s'installe à table. Personne n'ose vraiment interpeller la solide jacasse, de crainte de provoquer sa colère. Ses accès d'humeurs sont mémorables. Et personne n'a vraiment envie de provoquer un déluge dans un ciel encore serein. Chacun regarde son assiette, sans vraiment plus avoir envie de manger. Zéphyrin, lui, par contre, s'en amuse. Il aime ces discussions animées et conflictuelles et n'en rate pas une pour rajouter du vent au moulin... C'est donc ce qu'il fait : il sussure à l'oreille de la bavarde quelques arguments provocateurs supplémentaires, pour attiser encore plus le souffle de la conversation. Ces deux-là sont incroyablement complices dans l'art de former des pluies de discorde.
Stratusin, comme le veut son statut de domestique, reste muet. Mais à l'intérieur, il bouillonne. Il voudrait faire taire cette commère malveillante. Mais, il s'agit de la fille de son maître. Cirrusine se tient debout en face de lui, de l'autre côté de la table, dans un maintien impeccable. Ils n'osent pas se regarder. Cependant, en silence, ils rêvent l'un et l'autre de quitter cette pièce et cette maisonnée et de s'enfuir, ensemble, loin de ces cieux qui commencent doucement à s'ombrager sérieusement.
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Acte Quatrième - Coup de Tonnerre dans un Ciel Bleu
"Le bonheur est comme un frêle voilier en pleine mer : il suffit d'un orage pour le détruire. " (Lena Allen-Shore)
Le ton monte. Le débat s'enflamme. Cumulisa est déchaînée. Nimbuson s'en mêle et finit par avoir des mots ténébreux avec sa soeur. Zéphyrin en profite pour en remettre une couche (nuageuse... ). Et l'orage éclate... Les mots finissent par pleuvoir et fuser comme des éclairs. Tous les interlocuteurs autour de la table parlent en même temps. La tension est palpable dans le cercle familial. Il y de l'électricité dans l'air. Une vraie cacophonie ! Zéphyrin passe d’une chaise à l’autre. Il ne tient plus en place. Phébus s’est caché sous la table, en attendant que l'ouragan passe. Cirrusine est repartie en sourdine dans la cuisine, suivie discrètement par Stratusin. Zénithic, qui préside, est sombre et fronce ses gros sourcils. Et il finit par taper du poing sur la table :
- Tonnerre des Cieux, c’est pas un peu fini ce vacarme ! Je veux du caaaaalme ! Je suis chez moi ici et allez faire votre boucan ailleurs ! Pas de cela dans ma maison ! Pour l'amour du Ciel, je suis encore le chef de famille ici, nom d'un nuage !
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Acte Cinq - Après la Pluie, le Soleil...
Les protagonistes sursautent et cessent peu à peu leur tintamarre en maugréant : Zéphyrin prétend être incommodé par la chaleur lourde et s’en va prendre l’air. Nimbuson emmène Cumulusine à une soirée dansante au village d’à côté, où ils vont pouvoir faire la fête toute la nuit. Ne restent à table que Zéphyrin et Phébus, qui a ressorti la tête d'en dessous de la table, en voyant que le cyclone prenait ses distances.
- Ah, les enfants, cher cousin... Qu'il est donc difficile de faire régner la paix sous son propre toit. Enfin, de l'ordre, du calme et un ciel sans nuages... , s''éclame Zénithic dans un gros soupir. - Bah, cela met un peu d'animation dans nos vies, Zénithic, rétorque Phébus. Et puis, sans eux, avoue tu t'ennuyerais, cousin... Et ne vaut-il pas mieux quelque orage endurer, Que d'avoir toujours peur de la mer importune ? Par la bonne fortune on se trouve abusé, Par la fortune adverse on devient plus rusé. (Joachim du Bellay)
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Alors, si demain, le ciel se couvre, et que l'air devient orageux, prenez-le comme l'aubaine d'un vaudeville ! Il vous restera juste à en reconnaître les divers acteurs.
En vous souhaitant un dimanche empli de nuages plus jolis les uns que les autres. Et qui sait, une bonne occasion de revoir votre cours de météorologie ! Bon WE.
La semaine dernière, je vous ai présenté Mucca. La voici enfin en images ! Son étable se trouve en Haute Adige, dans le Tyrol du Sud, côté italien. Au coeur de la chaîne des Dolomites (d'ailleurs classés au patrimoine de l'Unesco).
Mucca rêve de voyages. Et plus précisément, de ces sommets enneigés qu'elle aperçoit de sa prairie au village. Mais, elle n'est qu'une simple vache... Et les vaches, comme tout le monde le sait, cela ne fait pas d'alpinisme...
Chaque jour, elle soupire et se lamente à ses compagnons (le lapin et le cygne du lac tout proche), de ne pouvoir quitter son étable pour grimper au sommet du Mont Ladin, aux neiges éternelles. - Un jour, vous verrez : je franchirai les monts et vallées pour aller boire dans la neige des cîmes et lècher les glaciers bleutés ! Et personne ne la croyait vraiment... Jusqu'à ce matin-là... Alors qu'elle broute tranquillement l'herbe verdoyante de son pré en haut du village, elle sent tout d'un coup quelque chose d'humide qui lui chatouille les babines. Elle secoue son nez, renifle et se retrouve museau à museau avec... une grande paire d'yeux marrons qui l'observent à la dérobée, avec un sourire moqueur terminé par deux belles incisives. Une marmotte sortant de son terrier ! - Bonjour jolie damoiselle ! Je vous aurais bien embrassée une fois de plus... Mucca recule soudain. Elle écarquille les yeux. Une marmotte qui parle ! Mais, décidément, aux manières douteuses ! - Ne me regarde pas comme si j'étais le fermier, voyons. Je m'appelle Mankei. Et je sais bien, moi, comment te permettre de réaliser tes rêves de voyages... Mucca reste ébahie. - Hé oui, je suis un génie... Et j'ai le pouvoir de t'emmener aux neiges éternelles. A condition, que tu acceptes de suivre mes indications. Cela te tente ? Mucca hésite. Elle se dit en elle-même : voici un beau parleur. Les génies, cela n'existe pas, voyons ! Encore un qui cherche juste à me séduire pour un baiser. Tous les mêmes...
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Bain de Fleurs d’Alpages
- Bon, encore une incrédule. Toutes les mêmes, ces vaches... D'accord. Je vais te prouver mes pouvoirs. Vois-tu ces alpages fleuris sur le versant d'en face ?
- Oh oui. Ils ont l'air magnifiques. Et ces milliers de fleurs sauvages qui les couvrent. Mais, seuls les moutons ont le droit d'y brouter. Et ces étables à l'odeur du vieux bois. J'aimerais tant pouvoir m'y reposer. Cependant, c'est tellement haut pour y parvenir. Et le maître ne nous laisse jamais y monter malgré nos cloches pour nous retrouver. - Bien. Alors, ferme les yeux et visualise une de ces vertes prairies. Pense-y très très fort. - Tu ne vas pas me jouer un tour pendable, tout de même ? - Bien sûr que non. Allons bon, tu les fermes ces jolies paupières ? Mucca obtempère, sans vraiment y croire et s'attendant à ce que le fripon en profite pour lui chatouiller à nouveau le museau. Lorsqu'elle les rouvre, elle n'en croit pas ses pupilles : ils sont au plus haut des alpages, entourés de millions de coloris floraux plus vifs les uns que les autres : des roses, des mauves, des jaunes, des orangés, des bleus, des blancs. Gentianes, silènes enflés, chardons, lys de montagne, myosotis, campanules, crocus, orchidées, achillées, oeillets... Et l'herbe y est d'un vert fluorescent ! La vache saute de joie ! Elle ne sait contenir sa gaieté. En face de l'alpage, se profile le massif enneigé dont elle rêve. - Si tu continues ton chemin vers le bout de l'alpage, Mucca, il te suffira de suivre les traces de la moraine pour parvenir au pied du Mont Ladin. Sur ces bonnes paroles, je te laisse à ton repas et je m'en vais faire une petite sieste. Ciao ! Et la marmotte disparaît, non sans avoir laissé à nouveau un baiser humide sur le museau de la demoiselle. Mucca reste sans mots. Trop heureuse d'être déjà si proche de son but.
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La Flûte Enchantée
Pour entreprendre la seconde partie de son périple, Mucca arrive ainsi sur un long plateau à la vue époustouflante sur toutes les montagnes environnantes. C'est ici que son souhait pourra prendre forme. Mais pas de Mankei pointant son nez d’un seul terrier... Où ce petit génie poilu se cache-t-il donc ? Il doit encore faire la sieste. Mucca a beau scruter les prairies environnantes et chacune de ses bosses, pas de marmotte en vue. Entre les gazouillis des alouettes, elle entend alors le chant d'un drôle d'oiseau... Elle cligne des yeux pour tenter de l'aperçevoir dans le ciel, mais le son semble provenir... du sol ! En effet, un peu plus loin, assis sur un rocher, elle distingue alors un berger tenant un bois bizarre dans ses mains. De ce morceau de bois sort une douce mélodie.
- Je t'attendais, Mucca. Mankei m'avait annoncé ton arrivée. - Euh, tu me connais, berger ? - Je ne suis pas un berger. Je n'en ai que la forme. Je suis le second génie, le frère aîné de Mankei. Mon frérot est un peu taquin et parfois sa galanterie manque de style, mais il a le coeur juste. Tu as besoin de moi pour te mener à ta prochaine étape. Mais en auras-tu le courage, Mucca ? - Cela dépend de ce que tu attendras de moi... , se dit Mucca, un peu inquiète. - Je te demanderai simplement de me rapporter une petite fleur lors de ton voyage au sommet. Mais pas n'importe quelle fleur. Celle que je désire est une Edelweiss, une étoile des neiges... Elle ne pousse qu'entre les rochers les plus élevés de ces montagnes, à la limite de la neige. Acceptes-tu de m'en ramener une ? Il te faudra gravir de hautes pentes et braver les dangers des monts Ladins. - Et tu m’aideras à parvenir aux neiges éternelles ? - Oui, à la condition que tu ailles me cueillir cette petite fleur. Elle possède un pouvoir magique dont les génies ont besoin pour conserver leurs pouvoirs surnaturels. - D'accord, berger. Je désire trop réaliser mon rêve. Je te la ramènerai, ta fleur. - Bien. Alors, ferme les yeux et pense très fort à cet endroit que tu rêves de rejoindre. Lorsque je cesserai de jouer de cet instrument enchanté, tu seras tout prêt de ton but.
A ces mots, Mucca ferme ses paupières et se laisse bercer par le doux chant de la flûte. Puis, le silence s'installe. Lorsqu'elle les rouvre, elle n'en croit pas ses yeux. Ni ses pattes ! Au lieu de ses gros sabots bruns, elle découvre, de jolis patins onglés tout fins. Puis, elle inspecte ses pattes, elle a soudain de bien plus longues jambes qu'auparavant. Et son cou ! Son cou a pris tout d'un coup un mètre de plus. On dirait une girafe ! Elle se sent d'ailleurs plus légère. Alors, elle risque un coup d'oeil en arrière et le pelage de sa croupe est à présent tout blanc ! Mucca a pris l'aspect d'un... Lama ! Un magnifique lama à la laine douce et épaisse et au long cou gracieux.
- Pas mal ! Joli brin de fille ! Mucca sursaute à ces mots. Mais qui donc l'accoste ainsi ? Elle se retourne et aperçoit d'où vient la voix : un autre lama, tout noir, à l'air ébouriffé la regarde d'un air moqueur. Les dents vertes d’herbe, sans gêne aucune de parler la bouche pleine. Sur sa tête une touffe brun-roux lui cache les yeux, telle une perruque hippie. Mucca le regarde d'un oeil noir, offusquée de sa remarque un tantinet cavalière et de son clair manque de bonnes manières. - Ne fais pas cette tête-là. Ce nouvel aspect te va à ravir. Tu ne me reconnais pas à ma voix ? - Man... Mankei ? - Hé oui. Pas mal comme déguisement, non ? Note que pas trop pratique pour rentrer dans mon terrier... Cette tenue t'est nécessaire pour braver le froid et les cailloux de la montée au glacier. Tu verras, elle est très commode. Je t'accompagne un bout de chemin, histoire que tu ne te perdes pas en route pour ramener la fleur à mon frère. Ne perdons pas de temps. La route est encore longue et pas mal d’embûches nous attendent en chemin. Sur ce, les deux lamas prennent le départ vers les sommets enneigés.
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L’Arbre des Hulules
Après de longues heures de marche les deux compagnons de cordée parviennent enfin au sommet d’une première montagne d’où l’on aperçoit les cîmes enneigées du majestueux Mont Ladin. Les nuages se sont accumulés et le ciel s’est curieusement assombri. De lourdes couvertures noirâtres camouflent à présent le ciel, qui semble vouloir envelopper les montagnes de sa cape de nuit. Le vent s’est levé et souffle en rafales.
Mucca commence à sentir le froid sur son échine malgré sa nouvelle toison, dont elle apprécie à présent la précieuse valeur. Mankei avance devant elle sans faiblir le pas. Elle voudrait faire une pause pour se reposer un peu. Mais l’endroit n’est guère accueillant. Il est plutôt même sinistre. À l’horizon se profile une silhouette fantomatique. Un arbre lugubre dont les branches semblent porter des fruits bizarres. À présent, le ciel s’est totalement assombri et Mucca peut encore à peine discerner les formes des roches sur les parois d'en face. Arrivée au pied de l’arbre, elle fait mine de s’arrêter. - Je n’en peux plus Mankei. Moi, je prends un peu de repos ici avant d’entamer l’ascension finale. - Shuuuuuuuuuuut !!! Lui intime la marmotte. Tais-toi. Tu vas les réveiller !!! - Réveiller qui ? Il n’y a personne d’autre que nous ici, voyons. - Shuuuuuuuuuuut, te dis-je !!! Ou faut-il donc que je crache pour que tu m’écoutes ! - Ah non, garde tes mauvaises manières. Je..... Un hululement macabre lui coupe soudain la parole. Puis, deux, puis trois, puis dix, plus effrayants les uns que les autres. Le vacarme semble provenir de juste au-dessus de leurs têtes. Ils lèvent alors le regard pour découvrir dans la pénombre une dizaine de paires d’yeux brillants allant du doré à l’orange en passant par le jaune vif. D’immenses yeux qui les fixent du haut des branches de l’arbre, d'un air glouton.
© Photos - Rêvesdemarins
Mucca reste pétrifiée de peur. Mankei se colle contre elle et lui glisse à l’oreille :
- Je t’avais bien dit de te taire, non d’un terrier ! Laisse-moi leur parler et surtout ne dis pas un mot si tu ne veux pas que ces oiseaux de mauvaise augure te transforment en souris pour leur petit déjeuner cette fois-ci ! Mucca opine du regard. - Qui ose ainsi importuner notre repos ?!! - Veuillez nous excuser, divins Hulules... Nous ne sommes que de pauvres voyageurs de passage. Nous ne voulions point vous déranger. Nous repartons sur le champs. - Vous osez profaner notre sommeil divin, manants ! Gronde un hibou grand duc qui semble diriger le groupe. Il va vous falloir payer votre forfaiture ! - Oh, sois gentil, Grand-Père... Rétorque une petite chouette sur une branche plus basse. Finalement, des visiteurs, cela nous fait une distraction pour une fois. Personne n'ose jamais venir ici. Et tout le monde nous craint. Laissons-les passer et nous raconter leur histoire. - D'accord, d'accord... Et puis, en réalité, j'en ai assez de faire peur aux promeneurs. Cette mauvaise réputation me colle aux plumes et il est temps d'y mettre fin. C'est bon. Vous pouvez passer votre chemin, à une condition, cela dit : celle de nous narrer votre récit. Les deux lamas se sentent tout d'un coup soulagés de la tournure que prennent les choses. Et ils décrivent leur épopée et la raison de leur voyage au groupe de hulules, qui les écoutent avec attention et attendrissement d'avoir enfin quelqu'un à qui parler.
La Montée au Sommet
Ayant quitté les Hulules, les deux compagnons parviennent enfin au pied de la moraine. Devant eux : des parois abruptes et lisses, colorées de noir et d'ocre aux allures de Far West. Elles semblent insurmontables. Mankei réfléchit :
- Nous n'allons jamais y arriver ainsi. Il nous faut un autre matériel d'alpinisme. Ferme les yeux, Mucca ! Allons, encore une fois. Et lorsque le lama blanc les rouvre, elle sent sur sa tête deux cornes allongées. Ses pieds sont cornés et elle a une barbichette ! - Mais, mais, mais... je suis ... une chèvre !!!! Mon Dieu, Mankei, que m'as-tu encore fait ! Ma mère ne me reconnaîtra jamais plus ! - Cesse de geindre et contente-toi d'accepter le charme. Sous cette forme, tu vas enfin pouvoir grimper sur les rochers et monter jusqu'à la limite de la neige pour y trouver ton étoile des neiges. Même un lama n'y parviendrait pas avec sa constitution. Et Mankei sautille devant Mucca d'un rocher à l'autre, comme si de rien n'était, parfaitement enchanté de son nouvel aspect. Tout au long du trajet, ils suivent des "hommes debout", des amoncellements de pierres placés là par les hommes pour indiquer le chemin. Pour une fois que les humains font quelque chose d'utile... Parfois, le gris des cailloux se fond dans la masse des pierres empilées. Il leur faut donc une bonne vue pour discerner le parcours à suivre. Mais, les bons yeux, cela connaît les chèvres...
Arrivée au Tibet Ladin
"C'est le Voyage qui fait la Vache... " (Ladin Tseu ? ... )
Après quelques heures de montée à travers la moraine et les pierres, les deux chèvres accèdent enfin à une étendue de neige. On dirait une grotte.
- C'est ici que tu trouveras l'édelweiss, Mucca. Dans la grotte de neige. Ma mission se termine ici. Lorsque tu l'auras cueillie, garde-la bien précautionneusement entre les dents. Puis referme les yeux. Pense à ton étable. Et tu retrouveras ton aspect d'origine. J'ai apprécié notre périple, Mucca. Au plaisir de te revoir. Et Mankei fait mine de repartir vers la vallée. - Attends ! Mucca s'approche alors de Mankei et lui touche doucement les babines du bout de son museau. - Je te dois bien un baiser... Merci de ton aide, petit génie. Mankei sourit de tout son museau. A ces mots, Mucca s'en retourne vers la grotte de neige. Brrrr, qu'il y fait froid. Tout au bout, cachée entre deux pierres sur le sol glacé, brille une petite fleur... Elle l'a trouvée ! Elle grignote tout d'abord un peu de neige pour apaiser sa soif, puis emporte la fleur. Elle admire encore un instant cette chère montagne, puis ferme les yeux. Et comme par miracle, elle se retrouve dans son pré. Sa cloche autour du cou, ses belles couleurs gris foncé et son pis ! - Je suis une vache ! Je suis à nouveau une vache, s'écrie-t-elle ! Et j'ai été jusqu'au glacier ! - N'oublies-tu point quelque chose ? Demande alors une voix. Mucca se retourne et aperçoit le berger. Elle lui tend l'édelweiss. - Merci, génie. J'ai fait un magnifique voyage grâce à toi et ton frère. Mais, je suis heureuse de retrouver les miens et mon aspect bovin... - C'est non pas la destination, mais bien le voyage qui fait l'homme, Mucca. Ou la vache !
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Alors, si l’envie vous prend un jour de découvrir les sommets enneigés du Pays des Ladins, prévenez- moi et je vous donnerai le secret pour l’atteindre sans, pour la cause, devoir vous transformer en lama, chèvre, hibou ou marmotte !
Je vous souhaite un agréable dimanche estival, et qui sait, comme moi, à peine rentrée, déjà empli des rêves des prochains voyages.
Vous connaissiez certainement la fameuse Lampe d'Aladin et ses trois souhaits ? Mais connaissez-vous la Langue d' à Ladin, par contre ? Alors, c'est parti pour une petite histoire en deux parties. A vous de deviner à travers le billet teaser de ce dimanche où je vous emmène... Et non, ce n'est pas en Arabie ! Réponse pour ceux qui n'auront pas trouvé dans le billet de la semaine prochaine.
Au Pays des Ladins
Ce WE, je vous transporte donc chez les Ladins. Cependant, pour vous rendre chez eux au départ de notre plat pays, il vous faudra d'abord traverser cinq frontières et braver autant de peuplades diverses : les Letzeburgesch, puis les Elsaz, ensuite les Teutons, les Ostmarks ou encore les Helvètes. Tout une épopée en soi. Rien que le voyage en vaut le détour. Autant de paysages variés, d'expériences culinaires et culturelles disparates. Toutes en valent le détour.
Ceci nous emmène à la croisée de trois contrées aux dialectes divers - l'Italien, l'Allemand et le Frioul (ou une variante du Romanche), dont un savant mélange des trois : le Ladin. Cette langue est ainsi considérée comme une des plus rares d'Europe. Une partie du monde où tout est inscrit dans les trois langues (panneaux de signalisation, affiches, menus, contraventions... ). Sans aucun souci pour les locaux. Un bel exemple de multilinguisme.
© Photos – Rêvesdemarins & Wikipedia
Une Damoiselle pas comme les Autres
Le décor étant planté, revenons-en à nos muuu-tons... Il est temps de vous présenter l'héroïne de ce billet.
Mucca porte une robe gris clair, parfois une brune ou encore bigarrée, mais toujours dans des tons d'automne. Elle abore un de ces sourires d’ange qui vous font craquer. Sa peau est douce au toucher comme de la soie. Ses grands yeux bruns brillent de mille feux dans le soleil. Et ses longs cils noirs en ferait pâlir Liza Minnelli de jalousie. Sa particularité ? Lorsqu'elle secoue la tête, sa chevelure tintinabulle comme un carillon tyrolien. Et ses voisins voient en elle à la fois le sourire de la crémière, le beurre, et l’argent du beurre... Mucca est donc une damoiselle très prisée en société. Notre jolie damoiselle vit une existence passablement monotone, à son avis personnel, du moins... Des réceptions ici et là. Manger, boire, remanger et reboire... Toujours en compagnie de ces autres dames, qui, elles ne font pas mine de s'ennuyer de leur existence mondaine. Parfois, passe un gentleman dans ses parages pour lui faire la cour, mais cela ne dure jamais très longtemps. Et cela ne l'intéresse guère. Son passe-temps : des promenades dans les alpages, d'un village à l'autre. Elle aime la marche à pied. Et heureusement, parce que cela grimpe ! Mucca aime également la musique. Lorsqu'elle résonne dans la langue de Dante mélangée à celle de Goethe et de Molière, le chant du yodel l'émeuuuut encore bien plus ! Et la rend quelque peu nostalgique, parce qu'elle rêve de grands voyages...
Mers d'Altitude
Les Ladins sont des gens vrais, durs à la tâche et attachés à leur nature. Comme les marins. Mais des marins pas comme les autres... Ces marins-là, ont pour mâts, de fiers clochers pointus, pourpres de préférence. Pour ventre bombé du spi, des campaniles en forme de bulbes. Pour cloche de bord, les carillons locaux et des troupeaux. Pour rouleaux de mer, les tourbillons des rivières de montagne. L’eau y est aussi froide que les langues des glaciers qui les crachent, d’un bleu aigue-marine pur. Pour écueils, des rochers polis par les caresses des torrents. Les courants y sont forts et les marées tout autant au moment de la fonte des neiges. Les creux de vagues s'y mesurent en milliers de mètres... Les crêtes des vagues y sont blanches (et pas d'écume), et leurs sommets ressemblent à une série d'aiguilles dorées dans la lumière du soleil. Bref, un océan attirant et affolant à la fois.
Et Mucca rêve de naviguer... Et pour ce faire, elle va faire une rencontre pas comme les autres. Un bon génie en sorte... Mais en lieu de lampe, notre génie habite un...
Oops, le marchand de sable vient de passer ce soir. Et Mucca vient de s'endormir... Et puis, il faut un peu tenir le lecteur en haleine... Je vous raconterai donc comment notre héroîne va poursuivre son rêve dans le billet suivant et sa rencontre avec son bon génie. En attendant, avez-vous déjà deviné où habite le personnage de notre billet ?
Un excellent dimanche à tous.
Qui d'entre vous se souvient de Jonathan Swift et de ses récits de voyage ?
Je vous rafraîchis la mémoire ?
Vous avez trouvé ? Mon tout narre les fameux Voyages de Gulliver... Dissimulé sous l'aspect d'un conte marin pour enfants, il s'agit en réalité d'une satire véhémente contre les mœurs et les gouvernements de l'époque de son auteur.
Les habitants de Lilliput sont de petits êtres mesurant six pouces de haut (ou moins de quinze centimètres) à la langue incompréhensible. Ils vivent dans une société parfaitement organisée et s'opposent aux habitants de l'île voisine. Gulliver, chirurgien de marine, atterrit sur leur île suite à un naufrage et se faire prendre prisonnier par ces petits êtres très particuliers. Il finira par les aider à capturer et emmener la flotte ennemie grâce à sa grande taille. Mais sera rapidement mis en discrédit par les monarques locaux en éteignant l'incendie du palais d'une manière, disons, ... inhabituelle, bien qu'efficace...
Gulliver découvre l'origine de la guerre entre Lilliput et Blefuscu qui est l'île voisine : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque : d'où le nom des partisans de chaque doctrine, les Gros-boutiens et les Petits-boutiens.
"N'est-ce pas le défaut naturel à tous les hommes qui se plaisent ordinairement à parler et à raisonner sur ce qu'ils entendent le moins ? " (Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift)
Lemuel Gulliver fera quatre voyages : à Lilliput, puis à Brobdinggag, le pays des Géants, dans l'océan pacifique. Il ira ensuite, à Laputa, Balnibarbi, Glubbdubdrib et Luggnagg, pour terminer ses aventures quelque part au Japon.
© Photos – Wikipedia
Je ne vous entretiendrai pas dans ce bref billet des détails du récit des voyages de notre ami Gulliver. J'ai simplement l'intention de vous donner l'envie et l'occasion de ressortir cet ouvrage de vos archives. A votre échelle pour aller le dénicher au fond de votre bibliothèque !
Alors, en mangeant votre oeuf à la coque ce dimanche matin, posez-vous la question de savoir si vous êtes un Gros ou un Petit-boutien !
Je vous souhaite un superbe dimanche ensoleillé. |
AuteurArchives
August 2023
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