"Le poisson rouge ne peut ramener la complexité des océans à la quiétude de son bocal. (L'Equation africaine, Mohammed Moulessehoul)
Six heures. Le réveil sonne, mais je l'ignore encore un peu en me disant que j'ai tout le temps. Pour débuter la semaine en beauté, grosse réunion prévue ce lundi matin. Heureusement, elle ne commence qu'à dix heures. Alors, que je suis confortablement installée à la table du petit déjeûner, la radio me rappelle doucereusement qu'il y a une grève générale ce matin. Youpie ! Pas de trains, bien entendu. Il me faut la voiture pour me rendre au travail. Je commence à me dépêcher un peu plus.
Sept heures. Je suis fin prête : une belle chemise blanche impeccablement repassée et un ensemble bleu-gris. Une mallette de matériel professionnel digne d'un appareil de body-building. Je monte dans ma vieille Titine (le nom de mon déca-ancêtre de presque 270.000 km). Oh joie, il a fait bien frais cette nuit : on n'y voit rien à travers le pare-brise ! Je rentre donc en catastrophe chercher de quoi nettoyer ces vitres aussi translucides qu'un aquarium dont la pompe serait tombée en panne depuis une semaine ! Le système de désembuage s'étant enfin mis en route, après quelques toussottements du moteur, me voici en route pour aller m'insérer dans la file... où tous mes voisins (et les voisins de mes voisins) ont eu la même idée que moi. Copieurs... Sept heures et quart, en pleine heure de pointe. L'adrénaline commence à monter. En chemin, un automobiliste sympa me fait une superbe belle queue de poisson, histoire d'arriver un mètre devant moi dans la file. Et en synchronisation avec le moteur, l'heure tourne, tourne... Huit heures trente, neuf heures, neuf heures vingt-cinq. Je parviens enfin au centre-ville. C'est la folie totale dans le traffic : on se croirait au beau milieu d'un banc de thons ! Une cohorte de voitures qui avancent toutes dans la même direction de manière erratique, à la recherche désespérée d'itinéraires alternatifs. Chaque rue semble encombrée (lorsqu'elle n'est pas en travaux ! ). Je décide donc d'abandonner Titine sur une des très rares places de parking encore libres au bord d'une grande avenue et je me précipite dans la première bouche de métro. Le quai est bondé. Je me glisse dans la marée humaine. La chaleur est étouffante. Je suis en nage. Dans le wagon, nous voici serrés comme des sardines. Adieu la belle chemise impeccablement repassée... Ma station. Encore un trois cents mètres de crawl (en plus des biceps, je me fais aussi les épaules et les jambes ce matin ! ) pour atteindre tant bien que mal le bâtiment entre les manifestants agglutinés dans une mer rouge et verte devant la sortie du métro. Dix heures moins le quart. La voie est libre : pas de piquets devant la porte, ouf ! La réception. Mon badge d'entrée a décidé de se mettre en grève lui aussi... Mille sabords ! Je maudis en silence l'administration interne qui a encore manqué de renouveler automatiquement mes accès au bâtiment. Dix heures moins cinq. Juste à temps. Enfin arrivée à l'étage, écarlate comme un homard de ma séance de natation de grand matin. Mon collègue, qui est déjà assis dans la salle, regarde sa montre et me roule de gros yeux de rascasse furibonde. Je noie le poisson en balbutiant quelques mots d'excuses concernant la grève et m'empresse d'installer mon matériel de présentation.
© Photos - Rêvesdemarins
Les participants à la réunion (que j'anime), arrivent au compte-goutte. Dix heures et quart, dix heures trente, onze heures... Et il en manque encore. Pas un seul ne daigne s'excuser, ni s'expliquer de son retard ou absence : douze participants sur les vingt de prévus. La grande salle de réunion sans lumière du jour directe a les allures d'un aquarium géant avec ses parois de verre et son éclairage artificiel. Je fais un rapide tour de table du regard. Devant moi, une grande perche, qui me regarde avec un regard de merlan frit. A sa droite, une fine anguille au large sourire, ni chair ni poisson et qui ne dit jamais ce qu'il pense. En face, Monsieur je-sais-tout, prétendant apprendre à nager aux poissons. A sa gauche, le quatrième larron, à qui il faut tout répétér trois fois, une vraie mémoire de poisson-rouge, celui-là...
Onze heures trente. Arrive alors, encore occupé sur son téléphone mobile, un personnage que je n'ai pas encore rencontré et qui ne prend pas la peine de se présenter. Mon voisin m'indique discrètement son nom : un gros poisson ! Un Johnny Weissmüller, frais comme un gardon, qui semble avoir une soif de réussite à avaler la mer et les poissons ! Il avance en crabe jusqu'à la chaise libre (celle en tête de table où il peut présider, bien entendu). Il s'installe, raccroche son téléphone et m'inspecte du coin de l'oeil avec un sourire moqueur en regardant d'un air réprobateur ma chemise un peu fripée par mes péripéties du matin : - J'avais oublié la réunion. - Pas de souçi. Soyez le bienvenu, réponds-je poliment (en me disant tout bas qu'il pourrait au moins s'excuser... ) - Tout baigne alors ! Je poursuis mon exposé. Le requin de première replonge son nez dans sa messagerie électronique. Je poursuis mon animation. Il me faut des réponses et des décisions de la part des participants, dont j'espère de l'interaction. Ceux qui ne nagent pas entre deux eaux sans oser prendre un point de vue clair, restent, quant à eux, muets comme des carpes. Pas d'oursins en vue. Pas un mot, pas une réaction. Il y a anguille sous roche. J'ai beau y mettre toute mon énergie, c'est comme une goutte d'eau dans l'océan. Rien ne tourne rond ce matin... J'ai le sentiment de parler à un panier de crabes dans un bocal carré. Je ne reconnais décidément personne dans ces collègues autour de la table. Moi, qui me sens d'habitude comme un poisson dans l'eau pour gérer ce genre de discussions, aujourd'hui, mes mots se noient dans un silence abyssal... Je regarde ma liste de sujets à couvrir avec désespoir. Je ne vais jamais y parvenir. Bisque, bisque, rage...
C'est alors que je me réveille en sursaut. Je regarde le réveil avec incompréhension, les yeux encore noyés de sommeil : il n'est que cinq heures du matin. Et pour une fois, je n'ai pas de réunion à animer cette semaine-ci !
En vous souhaitant un début de semaine prochaine sans séance de natation forcée...
Et en attendant, un excellent dimanche ensoleillé à tous !
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Tous ceux d'entre vous qui ont déjà pratiqué quelque peu la navigation vous le diront : en mer, tout comme le temps prend une autre dimension, les contacts humains semblent, ainsi, eux aussi, prendre un tout autre envol une fois des individus rassemblés sur un navire de petite taille. Les relations sociales peuvent ainsi paraître plus fortes, plus sincères. Plus profondes ou même parfois plus brutales aussi. Les circonstances obligeant quelques personnes à cohabiter dans un espace restreint, confiné et sans issue pour s'échapper pour reprendre une bouffée d'oxygène hors du cercle social, souvent dans des conditions d'inconfort, de défi ou même de difficulté. Je ne vous parle pas ici d'un paquebot de 4.000 passagers avec 5 piscines, 10 restaurants et 3 salles de cinéma. Sur ce genre d'embarcation, on peut éviter les autres à souhait et passer toute une traversée en ermite si on le désire. Jetons donc un coup d'oeil à ce phénomène sociologique particulier, le temps d'un billet.
Ordre Alphanautique
Pour analyser la logique des interactions humaines en bateau, débutons tout d'abord par une petite mise en contexte.... Les raisons qui peuvent mettre les relations humaines à rude épreuve en mer sont nombreuses ; la météo, l'état de la mer, la température, les avaries, le mal de mer, les diversités de caractères et de niveaux techniques des membres d'équipage, la peur, l'inconfort, la promiscuité et tant d'autres... Le rôle du capitaine demeure donc critique en matière de gestion d'humain pour que tout se passe bien à bord.
Plus on est de fous, plus on fourbit...
Sur un voilier, il est fréquent de souhaiter avoir un nombre d'équipiers à bord pour permettre la réalisation des manoeuvres et des quarts avec suffisamment de mains. Les skippers seront donc souvent heureux d'accueillir un nombre conséquent de personnes motivées (et idéalement relativement habiles) pour leur prêter main forte à chaque empannage, virement de bord, maniement du spi, de l'ancre ou des amarres. Mais, tout avantage comporte son revers : plus on est de fous, moins on a de place ! Et l'espace confiné d'un navire a tendance à rapidement devenir invivable sans une bonne discipline de bord, à commencer par le rangement.
D'abord, parce qu'il est important que chacun sache précisément où tout se trouve (comme les voiles, amarres, barre de secours, matériel de survie, outillage, secours ou autre). Ensuite, parce que cela évite le temps perdu à chercher dans la cabine, surtout lors d'un moment critique ou tout simpement par une bonne houle ou un tangage désagréable (surtout si l'on est quelque peu sujet au mal de mer). Tout simplement par sécurité : les OVNA - Objets Volants Non Arrimés - , tels que boîtes de conserves ou tasses de café supersoniques restent à éviter. Ensuite, parce qu'il n'est pas particulièrement agréable de devoir vivre dans un espace sans dessus-dessous (la gîte s'en occupe déjà toute seule ! ), où les tartines de confiture ont décidé de faire ménage à trois avec le produit vaisselle et l'huile de moteur. Et où vous bénéficiez d'une séance gratuite de peeling aux miettes de pain et pois cassés à chaque fois que vous rentrez dans votre sac de couchage. Enfin, une certaine hygiène de vie contribue à une meilleure ambiance entre les différents membres d'équipage, même s'ils devront s'adapter un peu aux normes de leurs compères (dans un sens ou l'autre). Bref : un peu d'ordre à bord n'a jamais fait de tort...
Le Grand Restaurant
Plus on est de fous, plus on nourrit...
Inutile de vous expliquer que plus on est à bord, mieux il vaut prévoir l'avitaillement. Et si les goûts alimentaires diffèrent, en mer, on n'a pas toujours le luxe d'un menu d'un restaurant étoilé. Mais, comme les journées sont réglées au rythme des quarts et des repas, on fera un effort tout particulier pour offrir à l'équipage de quoi reprendre des forces en tenant compte des désidératas de chacun dans la mesure du possible. Evidemment, la préparation de pâtes carbonara aux oignons frits, fromage et crème et leurs douces effluves venant gentillement caresser vos narines à 2h du matin, constitueront parfois un réel défi en soi (surtout si votre estomac a décidé de rendre l'âme au moment de la préparation du repas ;-)).
© Photos - Rêvesdemarins
Sailmates, Soulmates...
Enfin, si les voyages forment la jeunesse, les équipages forment la tendresse...
Plus on est de fous, plus on empatit...
En mer, comme en montagne, la solidarité et l'entraide sont de mise. On est censé travailler en équipe, encourager et s'occuper des plus faibles et partager sa connaissance. On attend de la compréhension et de l'empathie pour ses compagnons de voyage. Et aux moins doués de compenser en apprenant et s'occupant des dizaines d'autres petites choses à faire en chemin, histoire d'ajouter leur pierre à l'édifice à leur manière. Chacun a besoin des autres à un moment où l'autre. Alors, dans une bonne équipe, tout le monde y met du sien, sans juger les autres. Sans mentionner que dans les ports, comme en mer (ou en montagne d'ailleurs), il existe une incroyable convivialité spontanée entre des gens qui ne se connaissent pas.
Dans ces contextes, pas moyen de paraître. Inutile d'essayer d'avoir l'air. (De toute manière, la fatigue, le confort relatif et la météo s'occuperont de ruiner votre coiffure, votre maquillage ou votre menton rasé de près). On n'a pas le choix que de se montrer soi-même. Des conditions idéales pour ouvrir la porte à des discussions ouvertes, vraies, où les sujets les plus inattendus ou personnels peuvent être abordés sans gène. Un peu comme dans une "bulle" où l'on n'a plus besoin de se protéger, dans un monde où tout devient aisé à exprimer. Et de là demeurent des moments forts, naissent parfois ou se renforcent des amitiés sincères.
Plus les années passent, plus je deviens ours... (non, je n'ai pas regardé trop de films de Walt Disney... ). J'entends par là que j'aspire de plus en plus à me retrouver dans des cercles sociaux plus restreints, au lieu de réunions de grands groupes. Et je me surprends, ces derniers temps, à redouter les foules dans ma sphère privée, qui me pompent de l'énergie au lieu de m'en donner. Ma vie professionnelle m'obligeant déjà à jouer au networker et à l'orateur devant des audiences pour une large portion de mon temps. Deviendrai-je donc asociale ? Pas vraiment. Mais, plutôt par besoin de contacts humains plus profonds, moins superficiels. Un peu comme si mon capital de sociabilité s"étiolait lentement, l'âge avançant... Les relativement petits comités, où l'on peut aller à l'essentiel, sans "small talk", "paraître", ni "accessoire", me conviennent donc parfaitement en ce moment. Et ceux de la voile semblent répondre à cette attente aujourd'hui. Une raison de plus de poursuivre ma quête nautique !
Alors, merci à tous mes Sailmates, Soulmates, pour ces petites "bulles" d'oxygène qui me font tellement de bien. Un excellent dimanche à tous !
Ce dernier lundi a emporté une grande dame pour son tout dernier voyage. Qu’on aime ou non ses créations, sa voix unique ne pouvait laisser indifférent. Alors, je t’offre ce petit billet, chère Claudine. Tous ces rêves que tu as éveillé en nous à travers tes notes et qui continueront à nous faire vibrer après ton départ.
Du blues jazzy aux préludes de Bach en passant par les comédies musicales, les grands classiques de la chanson française et les musiques ethniques. Un cœur ouvert aux belles choses et aux belles causes. Une voix profonde, troublante, faite d’émotions et de sensibilité. Une artiste pleine d’humilité et de virtuosité. Une musicienne comme on n’en fait plus.
Toi la Mama pas comme les autres, toi la femme différente, surtout lorsque tu chantais. Toi, la Marie-Jeanne partie trop tôt. Toi, celle dont jamais le timbre ne cassait et qui avais décidé de poursuivre ta passion même après que ta vie dévie vers ton mal, au lieu de renoncer et de te rouler en boule. Toi qui avais toujours la pêche même lorsque les autres avaient tout faux. Toi qui avais tout pour une seule femme, non pas trop forte mais bien sereine dans tes nuits d'encre et dont jamais la promesse ne pouvait mentir. Toi, qui nous avais rassemblés les uns contre les autres, des millions de fois autour de la magie de tes mélodies. Toi qui nous as fait une sacrée fleur en nous offrant ta passion pour les notes et en nous faisant boire dans ton même rêve, toujours amie, jamais ennemie. Toi qui nous a fait frémir d'émotion, tant c'était bon. Toi et ton imagination sans pareil pour faire danser les salles et éclore les rimes au clair de ta plume. Ton humour et ta dérision désopilants dans tes chansons : celles pour les autruches ou pour les taupes, sans oublier ton mémorable concerto pour ton Arnould, qui partageait ta vie musicale et ton art depuis toutes ces années. Toi et lui étiez faits l'un pour l'autre... Quelque part, ton fidèle pianiste, lui aussi, était ton autre...
J'tai pas tout dit encore. Mais tous les mots ne suffiraient pas à te rendre hommage. Il y a tant d'amour qui se perd maintenant que tu es partie et que tu es rentrée chez toi. Peu importe ce que les médias raconteront à ton propos. Peu importe les bruits de couloirs quant à ta vie. Pour moi, c'est ta voix à la tessiture unique et chaleureuse qui restera dans mes souvenirs. L'interprète toujours aussi généreuse dans tes soleils autant que dans tes orages.
Tu t'es envolée cette semaine pour ton Dernier Voyage. Qu'il te soit doux, très doux, chère Maurane.
Ce sera comme un dernier voyage. Un changement de paysage, ensemble. Ce sera notre dernière odeur. On se sent proche de cet amour qui meurt. Et sans éloigner nos visages. Sans se détourner des images. Ne pas rayer les souvenirs. Ce sera comme un dernier désir ensemble. Inutile de s'aimer sans se voir. Inutile d'avancer dans le noir. C'est la fin de notre histoire...
Ce sera comme s'aimer davantage. Avoir le temps et une page en plus. Ce sera plonger dans la rivière. Naviguer loin en plein hiver, en plein hiver. Et sans oublier qu'on se quitte. Que notre amour a ses limites. Ne pas se blesser le sourire. Ce sera difficile à tenir, ensemble. Inutile de s'aimer sans se voir. Inutile d'avancer dans le noir. Impossible de donner sans recevoir. Dans nos yeux les étoiles sont trop rares. C'est la fin de notre histoire...
L'occasion de découvrir une grande artiste (belge de surcroît), ce WE. Bon dimanche à tous.
© Image (Extrait de l'article du magazine Yachting Sud nr 953 paru en avril 2018)
Un navire sans nom, c’est un peu comme une mer sans eau, un voilier sans voiles. C’est un enfant orphelin, un homme sans identité... Depuis des millénaires, les marins ont pris pour usage de nommer leurs fidèles destriers de qualificatifs variés et personnalisés, des plus modiques embarcations aux vaisseaux les plus prestigieux. Mais pourquoi cette tradition revêt-elle donc une telle importance pour les gens de mer ? Une coutume aux raisons multiples.
Besoin d’un Nom pour exister
« Quand une chose n'a plus de nom, elle disparaît… » (Pierre Turgeon)
Le nom, n’est-ce pas l’être ? Les noms sont des marqueurs d'identité primordiaux car ils situent les individus et leurs liens dans une communauté (historique ou actuelle), dans une terre (le port d’origine, le village), dans une lignée, celle par exemple d’un constructeur naval (Pen Duick). Avec le nom résonne une appartenance. Un bateau, c’est un individu à part entière. Avec son physique, son caractère, ses qualités, ses défauts, ses sautes d’humeur même parfois. Un être bien réel que son capitaine interpelle, complimente, courtise, houspille, implore, ou à qui il donne des noms d’oiseaux... à ses heures perdues. Un partenaire avec qui il converse, négocie, se querelle et se réconcilie. Un bateau sans nom, c’est morne et triste. Et lors de longues traversées, n’est-il pas désolant de passer tant d’heures ensemble sans même pouvoir s’appeler par son petit nom ? Un nom, c’est également une manière de se rassurer, de se dire que l’on n’est pas seul à bord. Lors de traversées en solitaire, combien de skippers ne parlent-ils pas à leur navire, voire à leur pilote automatique (qui lui aussi, sera parfois baptisé Nelson ou Archibald...), à leurs voiles, voire à leur gréement dormant. Un des équipages (Flicka III) de la toute récente Transquadra a ainsi affectueusement renommé son bout-dehors « Pinocchio »...
Qu’y a-t-il,dans un Nom ?
« Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo Il conserverait encore les chères perfections qu'il possède... ». (Roméo & Juliette, William Shakespeare)
Comment choisir le nom d’un bateau ? Masculin, féminin ? Long, court ? Simple, tarabiscoté ? Un nom de bateau, on doit en être fier. C’est comme celui d’un enfant, d’une épouse. On doit l’aimer et le prononcer avec plaisir. On espère toujours qu’il portera bonne fortune à son équipage. Ainsi, parfois, il faudra faire fi du nom dont il a hérité. Un nom irrévérencieux ou à première vue un peu saugrenu ne signifie en rien que l’embarcation ne se révèlera pas en réalité un véritable petit bijou en mer. Il faudra savoir prendre le navire pour qui il est et non pour le concept qu’il représente à travers son patronyme. Le sobriquet du navire représentera un endroit, un souvenir, un événement historique, une marque, un être cher, une philosophie de vie, une mentalité, un caractère... Il pourra se vouloir hommage à son constructeur, à un personnage célèbre, à un héros fictif ou à quelque divinité dont on désire s’attirer les bonnes grâces. Il pourra même aller jusqu’ à traduire un sarcasme ou une plaisanterie pour les plus spirituels. Le choix demeure donc infini.
Un nom de bateau, c’est aussi un peu son histoire. Il doit idéalement raconter un récit, avoir un sens caché, tout comme un vrai prénom. Une raison de plus pour prendre le nom ou le baptême d’un vaisseau au sérieux. Que de navires aux noms évocateurs et prestigieux : La Marie-Galante, L’Etoile du Roy, l’Amerigo Vespucci, la Santa Maria, le Mayflower, le Sedov, le Simon Bolivar, Le Bounty, la Licorne, le Potemkine, le Pen Duick, le Faucon Maltais, le Karaboudjan, le Robertissima, le HMS Victory, la Recouvrance, le Normandie, le Cutty Sark, le Calypso, le Liberty of the Seas, le Redoutable, le Nautilus, le Pequod et tant d’autres...
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Baptême de l’Erre
Pourquoi renommer un navire ? En règle générale, il est recommandé aux bateaux de conserver leur nom même s’ils changent de propriétaires, ce qui n’est pas toujours au goût de ces derniers. Un peu comme un enfant adopté garde son prénom même si son nom de famille varie. Même si la mer engloutit le navire et l’homme, pour les grands navires, c’est bien leur nom, et non leurs prouesses que l’on retient souvent. Certains noms de navires perpétuent un parfum de regrets, d’émotions, voire de terreurs... Que ce soient le Titanic, la Méduse, le Pourquoi-Pas, le Mary Céleste ou ces fameux vaisseaux fantômes ou épaves dérivantes tels le « Flying Dutchman » ou le « Black Pearl » dont rien que le nom faisait trembler les matelots. Cependant, reprendre le nom d’un navire qui porte en lui des souvenirs amers s’avère parfois délicat. Qui aurait envie de renommer son navire « Titanic » ?
Et puis un nom, idéalement, doit être unique. Bien entendu, tout comme les monarques ou les papes, un navire peut bien entendu reprendre le nom de son ancêtre ou de ses versions antérieures (par ex. Kriter V). Certains constructeurs exigent d’ailleurs une référence à leur marque de fabrique dans le nom du navire, comme le fabuleux constructeur danois des X-Yachts : tout voilier sortant de leurs chantiers doit contenir la lettre « X » dans son nom.
Un Nom à coucher dehors
Alors, que faire au cas où le nom du navire que l’on vient d’acquérir déplaît à ce point qu’il en donne des cauchemars ? Il existe des solutions, à condition de respecter quelques règles élémentaires.
Même si les navires, d’habitude, couchent dehors, ce n’est pas une raison pour leur donner un nom digne de cette expression. Une bonne réflexion sur le prénom du nouveau-né s’impose. Et nul ne doute qu’elle donnera parfois du fil à retordre à son propriétaire avant de trouver le pseudonyme idéal. Ensuite, un peu de pragmatisme n’a jamais fait de tort à personne. Imaginez renommer votre voilier « Le Fou des Flots Surfant Sur les Vagues », « Quetzacoatl » (dieu mexicain) ou encore « Cwmystwyth » (village gallois). Bonjour les dégâts lorsqu’il faut le prononcer en urgence à la VHF ou même l’épeler selon l’alphabet maritime. Un peu d’indulgence sera donc la bienvenue pour les radiotélégraphistes qui devront le comprendre de l’autre côté de la ligne.
Éviter le Courroux des Dieux marins
Enfin, si l’administration maritime permet de changer le nom d’un navire en remplissant les formulaires prévus à cet effet (seul le numéro d’immatriculation d’un navire devrait être unique), renommer un navire a souvent été vu comme la source du courroux des dieux marins. La tradition maritime affirme en effet que cela porte malheur. Pour éviter tout désagrément de ce genre, une première sortie en mer respectant les rites initiatiques sera dès lors vivement conseillée, à savoir (cérémonie d’intronisation d’origine incertaine, mais appliquée dans certains ports) :
• Désigner une marraine • Afficher, sur le navire, le nouveau nom à la place de l’ancien • Embarquer une bouteille de champagne • Sortir en mer, la marraine à bord • Ensuite faire décrire un 8 au navire et par trois fois croiser son sillage (pour occire le fameux « macoui », ce serpent qui suit toujours le bateau, en l’endormissant avec un peu de champagne versé par-dessus bord), ou encore lui faire faire un tour sur lui-même et en croiser l’erre • Ne pas oublier d’embrasser la marraine... Pour se renseigner sur les noms de navires existants, il suffira de consulter la base de données de l’administration maritime locale. Cependant, elle n’indiquera souvent que la liste des bateaux immatriculés dans un même pays, voire une seule région. Gare donc aux doublons... Alors, si les noms potentiels de navires sont pléthore, le baptême d’un navire demeure sans aucun doute une chose sérieuse à méditer. Ne reste plus qu’à trouver le bon nom...
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À propos de trouver le bon nom... Ce WE, j ‘ai ainsi le grand plaisir d’assister au baptême d’un navire exceptionnel : AMALIA. Un très joli nom pour un bateau, n’est-ce pas ? Son origine ? Charlotte Amalie, dans les îles vierges américaines, que ses propriétaires aimaient bien... Je lui souhaite de fabuleuses navigations ! (Avec moi à bord, de temps à autre si possible... )
Ces quelques prochains jours de mai sont incroyablement riches en fêtes tels que baptêmes, repas, concerts, anniversaires, réunions et autres célébrations auxquelles je ne pourrai malheureusement pas toutes participer n’ayant pas encore le don d’ubiquité (il y a pourtant 365 jours dans un an ! Il faut toujours que tout tombe aux mêmes dates... ). Cependant, je serai en pensées avec chacun d’entre vous qui avez un évènement heureux à fêter auquel je ne peux me joindre. Ce n'est que partie remise ! Je vous souhaite un excellent dimanche ensoleillé de Nieuport.
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August 2023
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