Le matin se lève sur Nieuport, ce samedi. Un nouveau matin de printemps. Un nouveau départ. Ma première sortie en Mer de la saison. Enfin...
Ponton O. Je parcours l'allée pour y rejoindre notre convoyeur, que je ne connais pas encore. Au ponton, quelques bijoux de navigation, dont de mes voiliers préférés. Et la surprise d'y découvrir un 40 pieds au nom délicieux : Moonlight Shadow. Ceci ne peut être que de bonne augure pour notre sortie en mer.
Destination: Ipswich, UK.
80 miles nautiques environ. Vent de Sud-est annoncé. Un peu de soleil. Petite brise. Bref, pas trop mal. Et l'ambiance à bord avec de joyeux lurons ne peut que nous mettre de bonne humeur. Après quelques (longs et) facétieux moments de recherche pour enfin parvenir à décrypter les secrets du navire (mademoiselle ne se laisse pas décrypter... ) et le préparer à sa sortie, nous voici partis... Navigation de nuit et manœuvres au programme. Rien de tel qu'une bonne petite séance de pratique pour continuer à s'instruire en mer. Nous larguons donc les amarres à la rencontre des supertankers, d'une escapade à travers les champs d'éoliennes et à travers les méandres de la rivière Orwell. Retour prévu par une étape à Ramsgate.
En attendant de vous livrer les détails de notre récit (à notre retour ce mardi), voici déjà quelques images, histoire de vous mettre l'eau (salée) à la bouche. Bon dimanche à tous et à mardi soir pour la suite de ce billet!
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Ce dimanche, journée de vote pour les présidentielles en France. Je pourrais bien évidemment vous parler des élections et des résultats que l'on espère ou que l'on craint. Mais franchement... j'en ai un peu assez de ce "soap" à la française. Et puis, les médias sont là pour cela. Je vous propose néanmoins de demeurer en France, et de surcroît, à Paris pour ce billet du blog, histoire de découvrir une autre facette de cette ville prodigieuse. Je vous emmène aujourd'hui dans "l'Autre Paris" : Paris au fil de l'eau.
La Ville est un Long Fleuve Tranquille
La Seine poursuit son long chemin imperturbable d'Est en Ouest, telle un navire, qui dans un cycle marin sempiternel, naviguerait allègrement sur le fleuve, du Jardin des Plantes à la Cathédrale, entre les amers tribord (se trouvant sur la rive droite), comme les façades grandioses du Louvre, l'Orangerie jusqu'à la Concorde et Chaillot - et les amers de la rive bâbord (situés sur la rive gauche), tels que les Quartiers Latin et St Germain, le Panthéon et les Monnaies. Et notre bateau poursuivrait ainsi ses pérégrinations fluviales par Orsay et les Invalides, jusqu'au champs de Mars. En atteignant la courbe du fleuve repartant vers le sud, l'on pourrait, par beau temps et en montant au sommet du mât, aperçevoir à tribord toute, au loin les Champs-Elysées, l'Arc de Triomphe, jusqu'à l'Arche de la Défense.
En remontant le fleuve au départ de la rive droite par contre, notre voilier pourrait faire escale au bout de l'île de la Cité avec son îlot isolé, entouré de saules pleurant sur les amants qui s'abritent sous leurs branches protectrices aux allures de voilures. Un endroit au bout de la terre, protégé du monde réel. Un endroit où il fait bon s'arrêter un instant dans sa vie pour laisser parler les émotions. Notre voilier laisserait derrière lui la silhouette de Notre Dame, la Conciergerie et le Pont Neuf. La grande Dame de Pierre, dans toute sa splendeur et sa majesté. Comme une de ces héroïnes des romans d'Agatha Christie, dame de bonne famille parée de bijoux, se tenant bien droite, d'un maintien et d'une tenue impeccable dans toutes les circonstances, malgré les événements qui agitent et bouleversent le monde autour d'elle. Une dame sans âge. Les pavés de son parvis luisant dans la lueur des réverbères au galbe forgé, dans la pénombre du crépuscule naissant.
© Photos - Rêves de Marins
Le Phare de Paris
Le Phare de Paris... De son petit nom Madame Eiffel, une grande dame d'acier dans sa tenue de soirée illuminée de paillettes et au faisceau de longue portée. Elle en a sauvé des navigateurs perdus dans la marée de la foule parisienne. Elle en a ramené à bon port des marins d'eau douce égarés dans les méandres des ruelles de la cité. Paris ne serait plus Paris sans son phare...
Mais saviez-vous qu'il a existé un autre, un vrai phare à Paris? Il s'agissait d'une réplique d'un phare breton, dominant la rue Castagnary dans le XVe arrondissement de la capitale. Il signalait la position de halles aux poissons et aux huîtres: "la criée du phare", puis "les samouraïs des mers". Celles-ci ayant fermé, le phare fut détruit en 2015 pour être remplacé par des logements sociaux, englouti par les marées immobilières.
© Photos - Rêves de Marins & Wikipedia
Quai des Brumes
Il fait sombre. La nuit est tombée sur la cité. Le quai est désert. L'ombre d'un pont qui se profile derrière les platanes centenaires. Le clapotis de l'eau, rassurant, doux chant de la Seine, qui n'est interrompu de temps à autre que par le brouhaha de touristes insomniaques, déambulant dans des vaporettos version Venise française.
" (...) Ils passent sous le pont, avant de remonter sur les quais. Ce dernier les enveloppe soudain de l’ombre de son arche de pierre. L’ombre de la dernière chance, à l’abri des regards, à l’abri du monde, à l’abri d’eux-mêmes. (...) " (L'Autre Mer, Perwann Maren)
© Photos - Rêves de Marins
L'autre Paris, c'est celui des bateliers, des bouquinistes le long des quais et des amoureux en mal de solitude dans une ville grouillante à toute heure du jour et de la nuit. Et les quais le long de la Seine représentent ainsi un refuge inespéré pour tous ceux en quête d'un havre de paix, de calme et d'intimité.
Qui dit "quai", dit "Jean Gabin et Michèle Morgan" dans un film culte. Même si son scénario a lieu au port du Havre et non à Paris,"Quai des Brumes" est d'abord une belle histoire ou se mèlent voyages lointains et amours passionnels. D'accord, seules certaines générations de mes lecteurs s'en souviendront et la plupart des autres trouveront cette référence un peu, voire très ringarde... ("T'as d'beaux yeux, tu sais..."). Mais peu importe. Paris fut, et reste néanmoins considérée comme la ville romantique par excellence, et donc celle du coeur. Enfin, qui dit quai, dit pont... Avez-vous déjà dormi sous un pont? Moi oui! Dans ma prime jeunesse, une nuit chaude d'été en France, au grand dam de mes parents. Une aventure plaisante lorsqu'elle ne dure qu'une nuit, mais beaucoup moins poétique lorsqu'il s'agit là d'un mode de vie forcé, surtout en plein hiver. Les ponts de Paris, ont ainsi souvent été le refuge de personnes sans domicile fixe ou en situation de précarité. Heureusement, de nombreux abris ont été affrétés ces dernières années par la ville de Paris pour les accueillir, notamment une association nommée "Péniche Accueil" - dans une péniche transformée en lieu d'hébergement. Plus d'informations à ce propos via le lien http://www.peniche-accueil.fr. Une belle initiative.
Bouquinistes de Mille Sabords
Enfin, Paris, c'est aussi le paradis des amoureux des belles lettres et des vieux bouquins. Quoi de plus charmant que de flâner un dimanche matin sur les quai, à farfouiller dans les échoppes des bouquinistes pour y trouver le livre rare ou insolite. J'y ai découvert nombre de librairies nautiques et de voyages, auxquelles je ne manque jamais de rendre visite à chacun de mes passages dans la capitale française. Que ce soit près de la place de l'Etoile, à Argentine, St Germain des Prés ou encore au Canal Saint Martin, pas de souci: à Paris, vous trouverez votre bonheur si vous êtes en quête d'un bon ouvrage maritime. Et puis, pourquoi ne pas ensuite vous installer confortablement dans un sympathique petit établissement (bar à vin, crêperie bretonne, bar écailler... ) pour y lire votre nouvelle acquisition littéraire tout à votre aise? Le plan vous tente?
© Photos - Rêves de Marins
Les Artisans de l'Eau
Poursuivons par quelques oeuvres découvertes à Orsay, qui ne laissent aucun doute sur l'attirance certaine que l'eau, la mer et les navires ont eu sur les peintres, petits et grands, de tous temps. Paris, au fil de l'eau... Et si le jeu vous distrait, je vous mets au défi d'en identifier les artistes...
© Photos - Rêves de Marins
La Seine vue du Ciel
En outre, je vous recommande un très bel ouvrage de Yann Arthus-Bertrand intitulé "Paris vu du Ciel", pour explorer la ville sous un autre angle encore. Photographe, reporter émérite et fervent défenseur de notre planète. A découvrir sans modération.
© Photos - Yann-Arthus Bertrand
Alors, lors de votre prochain séjour dans la Ville Lumière... Peut-être prendrez-vous l'occasion de visiter "L'Autre Paris" de ce billet, si ce n'est déjà fait?
Un excellent dimanche à tous!
Un billet pour les ingénieurs et les forts en maths!
A bien y réfléchir, je me demande bien pourquoi je suis en train de l'écrire ?!? Moi, pour qui la géométrie et les intégrales sont toujours restées un grand mystère (même si entre temps, j'ai appris dans mon métier à apprivoiser quelque peu les chiffres à travers la complexité des tableurs et des diagrammes, que ce soit pour les préparations budgétaires et salariales des comités exécutifs, les présentations statistiques ou encore pour ma comptabilité sociétaire). En fait, peut-être avais-je simplement envie d'écrire ce billet pour partager une énigme avec vous, celle du Mystère de Pythagore... "Les deux mots les plus brefs et les plus anciens, oui et non, sont ceux qui exigent le plus de réflexion. " (Pythagore)
Le Nombre d'Or
Le Nombre d'Or. Lequel serait-ce donc?
S'agirait-il du 7? Le chiffre que l'on considère comme magique (les sept merveilles du monde, les bottes de sept lieues, les sept arts, le septième ciel, les sept couleurs de l'arc-en-ciel, les sept vies des chats (et des navires! ), sans oublier bien entendu... les sept mers et bien d'autres... Hé bien non!
Il se trouve présent dans toute chose et reflète le secret de l'harmonie. Les proportions des plantes, des animaux et des êtres humains, obéissent toutes à la loi de Phi. Ce chiffre sacré aurait d'ailleurs été repris par les artistes pour réaliser leurs joyaux de peinture, architecture, musique et sculpture (la pyramide de Khéops, le théâtre d'Epidaure, la Naissance de Vénus de Boticelli, la Joconde, le Parthénon, la 5e symphonie de Beethoven, les compositions de Mondriaan ou de Salvatore Dali, etc.). Léonard De Vinci l'avait ainsi déjà illustré dans ses oeuvres. Selon lui, les proportions du corps humain suivraient également cette règle. Comme la distance entre la tête et le sol divisée par la distance entre le sol et le nombril... Equivalente à Phi.... A la fin du XVe siècle, Lucia Pacioli, un moine franciscain mathématicien, étayera cette croyance dans un ouvrage consacré au Nombre d'Or: "De Divina Proportione".
Certains coquillages, notamment les Nautiles, semblent également suivre cette proportion divine. En effet, le rapport entre le diamètre de chaque spirale formant sa coque et le diamètre de la suivante serait égal à Phi... La nature n'est-elle donc point bien faite?
© Photos - Wikipedia
La Suite de Fibonacci
La suite de Fibonacci (de son petit nom Leonardo da Pisa, XIIe siècle) vous rappelle-t-elle quelque chose? Il s'agit d'une suite de nombre entiers dans laquelle chaque nombre est la somme des deux nombres qui le précèdent. Elle commence généralement par les nombres 0 et/ou 1. Un algorithme en quelque sorte. Et nous savons aujourd'hui que la réalité de notre monde suit majoritairement des règles algorithmiques, bien plus souvent que linéaires.
Le nombre Phi serait en réalité, à la suite de Fibonacci et permettrait le dessin parfait (le triangle et la spirale d'or) aux proportions parfaites... Comme dans une pomme de pin par exemple. Lorsque mystique, esthétique et mathématiques décident de faire ménage à trois...
© Photos - Wikipedia
L'homme de Vitruve dessiné par De Vinci en 1492 (avec un corps parfaitement proportionné), comporte ces références au Nombre d'Or. Le savant utilise les références de l'époque: paume, palme, empan, pied et coudée. Ce sont des mesures qui forment la suite de Fibonacci et, propriété de cette suite, les proportions sont selon le Nombre d'Or:
Vous doutiez-vous que les bâtisseurs de cathédrales utilisaient ces mêmes mesures? On parlait alors de Cannes du Maître d'oeuvre, de Quine ou Pige des Bâtisseurs.
Le Fameux Théorème
Alors, revenons-en à la mer et aux navires... Qu'est-ce qui fait la beauté d'un voilier? Ses proportions? La ligne de sa carène? La taille de ses voiles par rapport à la coque? Imaginez un instant que tous les voiliers du monde seraient construits selon ce Nombre d'Or et les théories de Pythagore? L'océan deviendrait alors un véritable catwalk de la voile... Des navires parfaits, qui plus jamais ne risqueraient un naufrage, qui parviendraient à des performances vent-vitesse optimales. De l'étrave à la poupe, de la quille au mât, en passant par l'étai, la balancine ou les bastaques, avec des galhaubans et des mâts de beaupré de taille exemplaire. Des super-voiliers autant en termes d'efficacité vélique qu'en termes d'esthétique... A mon humble avis, certains X-Yachts et J-Class n'en sont pas loin... Des créations de toute beauté.
© Photos - J-Class Association
"Les Nombres gouvernent le Monde" (Pythagore)
Mais Pythagore était avant tout un philosophe. Ne l'oublions pas.
Les nombres, ce sont les chiffres. Et les chiffres, c'est l'argent aussi... Des écus sonnants et trébuchants qui gouvernent fréquemment ce monde. Dans bien de choses se cache souvent une raison financière, un appât du gain, une recherche d'optimisation pécunière. Souvenez-vous de Don Salluste de Bazan ou encore d'Harpagon, qui vous ont peut-être jadis fait sourire: "Il est l'or, Monsignore..." - "Ma cassette, ma bien-aimée cassette...". Que ce soit dans le besoin où l'opulence, tout le monde sort son boulier et commence à compter. Même lors d'un accident, tout se cautionne, se monnaie, se paie et cash de préférence. Où donc est passée la solidarité d'antan? Celle où les hommes s'entr'aidaient sans demander dix mille garanties avant même de prêter main forte à son prochain. Celle où l'on faisait confiance. Que ce soient les assureurs, les banques, les dépanneurs ou même les médecins, tous aujourd'hui sont rentrés dans le cercle infernal des nombres. Ne vous méprenez pas sur mes propos. Je ne me sens ni l'âme communiste, idéaliste, ou ni certainement défaitiste. Cependant, il est tellement bon de pouvoir donner parfois, sans recevoir autre chose en retour nécessairement qu'un large sourire, une accolade ou une poignée de main un peu plus insistante de l'autre en face de vous. Le monde des marins et des montagnards (tant qu'on ne parle pas de compétition ou de sponsors, du moins) conserve encore cet esprit de service à l'autre, car face aux éléments de la Nature, nous sommes tous égaux. Heureusement, il y a encore des choses qui tournent rond dans ce monde!
Je terminerai donc ce billet sur une note souriante en vous laissant apprécier l'humour des Nombres à travers ces petites vidéos souvenirs. Alors, si vous avez décidé de vous atteler aux travaux de construction ce WE, n'oubliez pas Pythagore, dont les mystères n'auront plus de secrets pour vous.
Un excellent dimanche à tous et Joyeuses Pâques (si vous les célébrez). Une bonne excuse pour manger des oeufs en chocolat... sans compter pour une fois!
Peur en Mer
Evidemment, il y d'abord celle des Marins.
La peur ancestrale: celle de ne pas rentrer, des monstres marins, des tempêtes, de ne pas savoir ce que cache la ligne de l'horizon. Les Vikings pensaient que le monde s'arrêtait au bout de la mer. Et pourtant, ils ont prouvé haut et fort qu'ils étaient capables de surmonter leurs angoisses et d'aller bien au-delà de cette fameuse ligne, mais en outre, de la repousser sans cesse (par exemple, jusqu'au Canada). La peur de s'embarquer lors d'une navigation qui s'annonce difficile. Celle du brouillard par exemple, au centre d'une Shipping Lane, dans lequel on a l'impression de déambuler comme des Lilliputiens au beau milieu d'un jeu de football dont les équipes ne sont autres que des Goliaths et des Titans. Et où notre corne de brume nous paraît soudain un petit miaulement de chaton à côté de l'immense silence ouaté, ou du "toooot" assourdissant des monstres de fer invisibles.
La peur de l'incident alors. Peur que Nelson ou Archibald (les petits noms du moteur) ne nous abandonne à mi-chemin. Que la voile ne se déchire lors d'un grain ou encore que le mât ne rende l'âme lors d'une manoeuvre dangereuse.
La peur de l'accident ensuite. Celle d'une collision avec un navire imprudent qui ne respecte pas les prioritiés de tribord amures. Celle de croiser la route d'un OFNI (conteneur, cétacé, débris, arbres ou autres périls du genre). Celle d'un homme à la mer. Celle d'une voie d'eau qu'on ne peut combler et qui nous oblige à quitter le bord pour s'installer dans une coquille de noix orange pour une survie précaire sur la Grande Bleue, en attendant les secours, qui ne nous trouveront peut-être jamais à temps. Ma peur à moi en mer? Au début de mes navigations: tout simplement le désagrément d'une forte (ou même moyenne) gîte sans trop savoir comment la gérer. Mais ma plus grande peur a probablement été celle du mal de mer, que je ne contrôlais en rien malgré les médicaments et les astuces les plus créatives (regarder la ligne d'horizon, s'activer, les bracelets, les lunettes spéciales, les patches derrière l'oreille, sans oublier les incantations à la cohorte des Dieux de la Mer, qu'ils soient grecs, romains, celtes, aztèques ou même égyptiens... ). Depuis lors, j'ai eu la chance de naviguer sur des voiliers avec des équipages qui m'ont appris à appréhender ces angoisses et m'ont permis de profiter au mieux de mes sorties en mer. Merci à ces bons samaritains de la voile! Dans ce moment de panique, je n'ai peur que de ceux qui ont peur. (Choses vues, Victor Hugo)
Peur de Soi-Même
Cette peur-ci est terrible... Mon anecdote du mal de mer s'y apparente quelque peu. Il y a ces moments où votre plus ancien allié vous abandonne lâchement... Votre propre corps. Vous étiez absolument sûr de vous-même? Et bien, bardaf, c'est l'embardée, comme on dit à Bruxelles... Ce vieil ami, soudainement, ne vous soutient plus. Au contraire, c'est bien lui qui a besoin d'aide. Vous pensiez avoir la force physique de grignoter quelques heures de sommeil? Raté! À présent, votre meilleure copine, c'est la sieste requise après un moindre effort. Vous comptiez sur vos beaux gros biceps pour hisser les voiles ou faire tournoyer la manivelle du winch? Patatras, c'est la poigne d' un jeune moussaillon qui doit vous sortir d'affaire à présent. Vous pensiez admirer le firmament toutes les nuits de quarts? Les seules constellations que vous verrez sont maintenant celles des petites étoiles qui tournent autour de votre tête après avoir embrassé la bôme de manière un peu plus intime que voulu parce que vous n'avez plus eu le réflexe assez rapide de vous baisser lors du dernier empannage. Et j'en passe...
Et cette question, je me la pose à chaque fois que je monte sur un voilier. A chaque fois que je me lance dans une aventure qui m'oblige à sortir de ma zone de confort. Et j'apprivoise, peu à peu, mes peurs ou un certain manque de confiance en moi. Et je compte bien continuer sur ma lancée car les résultats me procurent une immense satisfaction.
Dans un autre registre, avez-vous jamais eu peur de vous-même? De ne pas maîtriser vos actes, vos mots, vos émotions. La crainte de faire un pas, un geste de trop. Un certain type d'éducation (dont la mienne) fait de nous des champions du contrôle de soi, de l'attitude de raison et de sagesse. Ah, qu'il est confortable de dissimuler ses peurs derrière un bon masque d'invulnérabilité. Un solide heaume qui ne laisse pas rentrer l'autre dans l' intimité de votre cœur de beurre ou de vos petits défauts. Cependant toute armure recèle un point faible. Et pourtant, savoir lâcher prise de temps à autre est indispensable pour vivre des instants de bonheur. No Guts, No Glory...
Peur de Te Perdre
Cette peur-ci s'avère encore bien plus insidieuse. Car elle n'est point logistique. Elle ne se contrôle point. On ne peut la maîtriser car elle émane des sentiments les plus profonds de l'âme et du coeur. Elle peut se révéler dévastatrice lorsqu'on la laisse prendre le dessus.
Tout comme le 22 mars dernier à Bruxelles ou hier encore à Stockholm, mon coeur a sursauté en lisant la presse. "Mon Dieu, et si tu faisais partie des statistiques...". La nouvelle d'amis voileux venant de heurter un OFNI en plein océan quelques jours auparavant (heureusement sans dommages humains) a renforcé ce sentiment. Peur de perdre un être cher. Peur du vide et de l'absence. Peur de ne plus jamais pouvoir te parler, te sentir, te savoir vivant. Étrange comme l’amour nous conduit droit à notre peur, toujours. (Uniques, Dominique Paravel)
Ou plus simplement, sans même penser à un scénario catastophe. Peur du rejet de l'autre, de se sentir non bienvenu ou dédaigné par l'autre. Peur de perdre la considération, le respect, le crédit ou l'amour de l'autre. La hantise du silence ou de l'indifférence de l'autre, Cette peur-ci me hante bien plus que celle des (grosses) araignées (bien velues de surcroît) ! Elle me rend idiote (à moins que je ne le sois déjà, ce qui est aussi possible, me direz-vous... ) et me fait faire des bêtises. Elle me pousse hors de mes retranchements et m'a parfois guidée dans des actes impulsifs (ce qui va totalement à l'encontre de ma personnalité! ), des mots ou gestes désespérés, qui n'ont, bien évidemment, fait qu'empirer mon malaise.
Bien souvent, c'est également une peur qui se trahit à travers l'agression verbale. On mord pour se défendre, comme un animal traqué, acculé dans un coin, parce que la brutalité verbale permet de dissimuler nos craintes, du moins, le croit-on. Alors, apprenez à lire à travers la rudesse des mots de l'autre. Ne lui en voulez pas trop. Un peu de recul, et de la patience surtout, permettra souvent de découvrir le vrai message qui se cache derrière une phrase qui vous assaille. Nos peurs nous font nous sentir vivants...
Tout cela fait beaucoup de peurs diverses... Ne croyez pas qu'elles m'empêchent de vivre. Loin de là. Il est primordial d'apprendre à les côtoyer, et même d'apprendre à les apprécier. Nos peurs nous font grandir et nous apprennent à nous dépasser. C'est pour cette raison qu'elles nous sont bénéfiques, dans un certain sens.
Alors, si demain vous sentez la peur monter en vous, écoutez son murmure, mais jamais ne la laissez parler plus fort que vous. Et je vous promets que vous aurez le dernier mot!
Certains ne rêvent que de croisière à bord d'un confortable paquebot building, en route vers les Caraïbes ou l'Alaska. Cependant, j'avoue que l'idée de me retrouver en compagnie de quelques milliers de vacanciers sur un même bateau, même s'il comprend le luxe le plus indécent, me donne des boutons... Serait-ce de la claustrophobie ou de l'agoraphobie? Aucun des deux. Juste une autre conception du sentiment de liberté et de la découverte de contrées lointaines.
Pour découvrir le monde, la voile reste, indubitablement, le moyen que je préfère. Cela dit, un autre moyen de transport me charme depuis ma tendre enfance: la bonne vieille locomotive. Alors, c'est parti pour un billet sur le Chemin de Fer.
"Il avance lentement dans la lumière dorée de l’aube, tel un long fleuve grenat et gris qui ondule silencieusement sur la plaine et se fraye un chemin à travers les paysages champêtres. " (Il Navigatore , Perwann Maren)
Rêves Express
.J'aurais voulu naître un siècle plus tôt pour avoir la chance de monter à bord d'un des wagons de ce train féérique: l'Orient-Express. Créé en 1883 par la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. Son itinéraire originel: au départ de la gare de l'Est à Paris, rallier Constantinople (Istanbul), en passant par Strasbourg, Munich, Budapest et Belgrade. Ce dernier fut ensuite modifié plusieurs fois via Londres, Lausanne, Zurich, Munich, Lausanne, Milan, Venise, Belgrade, Sofia et enfin Athènes. Mais bien plus que l'opulence et le raffinement de ses wagons, ce sont les contrées lointaines à travers lesquelles ce train fabuleux emmenait ses voyageurs qui me font rêver.
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"Il disait qu'il y avait là-bas de la neige, parfois dans de telles épaisseurs qu'il avait l'impression d'un enfouissement. Il aimait ça. Il aimait aussi prendre les trains, peu importe la destination, trainer dans les gares et regarder vivre les gens. " (Les Déferlantes, Claudie Gallay) Une version moderne du voyage très réduite, mais à travers les Alpes, me tenterait bien. Le Glacier Express emmène aujourd'hui des voyageurs en mal de paysages entre St Moritz, Davos, Chur, Brig et Zermatt, à travers des décors montagneux époustouflants. Je me souviens avoir pris un superbe train rouge, à la fameuse ponctualité et propreté helvète, il y a cela plus de vingt cinq ans pour un long week end de ski. J'en garde un souvenir impérissable. Je me serai crue dans "Docteur Jivago": des plaines enneigées, des arbres figés par le givre, des sommets aux allures de géants immaculés. Et la cerise sur le gâteau: le majestueux Cervin. La Compagnie des Wagons-Lits - celle-là même qui fut à l'origine de l'Orient-Express et fondée en 1872 en Belgique (hé oui...), par Georges Nagelmackers - qui n'existe malheureusement plus aujourd'hui, a permis à des milliers de passagers de rallier des villes les plus diverses, par un mode de transport non seulement confortable, fiable mais également véritablement magique. Souvenez-vous du "toum-toum" régulier des roues passant sur les traverses des rails, un bruit qui me berçait, qui s'est également perdu à présent, les glissières ayant été remplacées par des matériaux plus modernes et plus silencieux. Rappelez-vous des anciens signaux d'alarme à la poignée de cuivre, ou encore de ces couchettes (plus ou moins luxueuses selon votre budget) qui permettaient une nuit de sommeil dans un lit (ou de fête!) selon la compagnie accompagnante. Cette fascination pour les locomotives semble bien ancrée dans mes gènes... Rien ne pouvant plaire plus à mon paternel qu'un voyage dans un train suisse blinquant et rouge de préférence.
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Compartiment du Possible
Un train constitue également un endroit clos, à l'abri du monde réel, où quelques rêves peuvent alors prendre vie, pour la durée du voyage. Un cocon où tout est permis et où l'inespéré devient possible en quelque sorte. Espace de rencontres improbables ailleurs, lieu de mélanges culturels, où les conversations entre passagers vont... bon train. Le contact y est aisé, puisque les interlocuteurs savent qu'à l'arrivée, ils repartiront chacun vers leurs mondes et existences respectifs. Cependant, durant le voyage, les idées et les projets les plus fous peuvent alors s'y réaliser.
"Les voyages en chemin de fer rapprochent parfois des gens qui ont peu de choses en commun et qui, en d'autres circonstances, ne se parleraient même pas". (Appel de Nuit/Le Visiteur du Soir, B. Traven)
Quelques auteurs ont d'ailleurs reflété cette nature particulière des trains dans leurs oeuvres: le Crime de l'Orient-Express (Agatha Christie), le Cerveau (Gérard Oury), le Polar Express (Chris Van Allsburg), ou encore les peintres William Turner (Pluie, Vapeur, Vitesse - ma peinture préférée... ), Monet (la gare St Lazare) et Lionel Walden (les docks de Cardiff).
© Photos - Rêves de Marins
Café de la Gare
"L'âge est un dernier long voyage. Un quai de gare et l'on s'en va. Il ne faut prendre en ses bagages. Que ce qui vraiment compta. (Je voudrais vous revoir, J.J. Goldman)
Les gares, tout comme les trains, forment des espaces particuliers. Départs ou arrivées, elles font, elles aussi, partie du voyage. Avec leurs bonheurs et leurs désespoirs. Durant longtemps, j'ai pensé qu'une gare, c'était triste... Parce qu'elle porte en elle des souvenirs de séparations. Mais en réalité, une gare, c'est un réceptacle de l'espoir. Un endroit où tout peut débuter ou recommencer. Un endroit où, à présent, je me sens chez moi et où j'aime à déambuler.
Et puis, un bon vieux bistrot de gare, n'est-il donc point un havre de paix charmant pour tuer le temps en attendant un train ou un correspondance? Que ce soit au Train Bleu de la Gare de Lyon ou dans un quelconque "Café de la Gare" beaucoup plus modeste, où il fait bon déguster un repas, en charmante compagnie ou avec un bon bouquin? Certaines gares se révèlent de véritables joyaux d'architecture. Je suis d'ailleurs fière que l'un de mes ancêtres ait construit celle de Verviers-Central (même si ses talents d'esthétique architecturale sont très discutables). Peut-être en reconnaîtrez-vous quelques unes à travers ces photographies.
© Photos - Rêves de Marins (sauf dernière: Beaumistral)
"Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort. Le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c'est le train, ce n'est pas la gare. " (Paulo Coelho)
Enfin, je terminerai avec quelques idées de voyages ferrovières sur ma liste de souhaits (fichtre, ma liste s'allonge au fur et à mesure de mes billets... ) : en plus d'un séjour vers le Cervin en Glacier-Express ou vers Venise en Orient-Express, la traversée de la Norvège par le Train du Nord (de Oslo à Bergen), un voyage dans les Andes, sur les traces de Tintin au Pérou, ou tout simplement, une balade dans la vieille locomotive conduisant au château de Reinhardstein surplombant la Warche (Ovifat, près de Waimes), un jour où je ne suis pas pressée d'arriver.
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May 2023
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