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Pierre de Soleil

10/1/2021

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Et si nous repartions dans les mers nordiques ce dimanche ? Allez, zou ! C'est parti pour un billet sur les Vikings et une de leurs techniques ancestrales de navigation. 

Boussoles de pierre
Les marins nordiques étaient des navigateurs émérites, à travers des mers complexes et des circonstances météorologiques on ne peut plus intenses. Brouillards, grains, manque de visibilité, froid, neige et j'en passe. Et pourtant, aux environs de l'an mil, ils sembleraient avoir traversé la grande mer pour atteindre les Amériques par le Nord. Bien avant l'avènement de la boussole et du sextant, ils sont parvenus à se diriger en mer par tous temps, à l'aide d'autres techniques d'orientation. 
Ceux qui ont un peu suivi ce blog se souviendront peut-être que j'aime les pierres depuis mon enfance... Au point de les ramasser en bord de mer ou en haute montagne et de les mettre dans mon sac à dos (avec leur poids, au grand dam de mes pauvres parents :-)). Les marins scandinaves devaient partager ce hobby car ils sembleraient s'en être servi comme un de leurs divers instruments de navigation hauturière.

​En effet, différents indices de l’histoire laissent penser que les navigateurs nordiques s’orientaient grâce à une pierre aux propriétés particulières telles que la magnétite ou encore, la “sólarsstein” ou “pierre de soleil”. La mythologie nordique accordait à cette dernière - aussi parfois nommée “pierre d’étoiles” - le pouvoir d’accès au Valhalla. Chez les anciens Grecs, les Bouddhistes où les Celtes, elle représentait prospérité, protection ou lumière cosmique. Ses teintes scintillantes variant du brun, orange au rouge métallisé lui ont valu sa dénomination.
“Il frotta le caillou sur l’aiguille. Puis il posa celle-ci sur le bois, qu’il fit flotter. - Quand on s’éloigne de la côte et qu’on ne voit pas l’étoile-guide, on peut naviguer à l’aiguille et à la pierre...” (Jón l’Islandais, Bruno d’Halluin)
Les hypothèses varient concernant la nature de cette célèbre “pierre de soleil”.

Certains pensent qu’il s’agirait de “cordiérite” ou d’”héliolite”. Dans les années 1960, un archéologue danois, Thorkild Ramkou, émit l’hypothèse que les navigateurs Vikings auraient utilisé ses propriétés en termes de polarisation de la lumière pour se guider en mer et ainsi naviguer par “polarimétrie” pour retrouver la position du soleil par temps couvert. Plusieurs textes médiévaux du IXe au XIe siècle font mention d’un cristal extraordinairement pur permettant de définir la position du soleil, notamment la saga relatant les hauts faits du roi viking Olaf Haraldsson II, celles de Hrafn ou encore de Rauðúlf et ses fils.
" Le temps était couvert et neigeux, comme Sigurður l'avait prédit. Alors le roi convoqua Sigurður et Dagur. Il demanda à ses hommes de regarder autour d'eux, personne ne trouva le moindre coin de ciel bleu. Puis, il somma Sigurður de désigner le soleil, lequel donna une réponse ferme. Alors, le roi envoya chercher la pierre de soleil et, la tenant au-dessus de lui, vit la lumière jaillir et ainsi, pu vérifier directement que la prédiction de Sigurður était bonne. " (Saga de Rauðúlfs þáttur, XIIIe siècle)
Plusieurs de ces pierres (ou du moins leur poudre) furent retrouvées dans des épaves de navires ainsi que sur certains sites archéologiques Vikings en Islande. Des détails de la tapisserie de Bayeux indiqueraient également l’usage de telles pierres.

Une autre hypothèse affirme qu’il s’agirait de “calcite” (ou “spath d’Islande”, courante dans les îles nordiques). Cette pierre aurait le pouvoir de polariser la lumière du soleil, On la dit “biréfringente”, a savoir, elle divise la lumière en deux. Et suivant l’inclinaison de la pierre par rapport à la source de lumière, elle peut « l’éteindre ». 
Guy Ropars et Albert Lefloch, deux physiciens bretons spécialisés en lasers de l’université de Rennes se sont penchés sur la question de cette pierre soi-disant magique. Grâce à une loi physique, la moindre lumière polarisée apparaît sous la forme de deux petits rectangles dans un tel cristal. Lorsqu’ils ne forment plus qu’ un, c’est que le soleil est juste en face. Même sous l’horizon, on peut ainsi relever la position du soleil à un degré près. Cette technique ferait usage de l'effet de "pinceau de Haidinger", une image de la lumière polarisée créée par l'oeil en forme de croix au halo bleu et jaune, indiquant la direction de la polarisation. ​
© Photos – Wikipedia
Si les récits historiques dans ces contrées vous tentent, je vous recommande chaudement (mis à part les températures locales....) le roman “Jón l’Islandais” de Bruno d’Halluin. Une épopée maritime qui vous emmènera de Bristol, à l’Islande jusqu’aux Amériques, en passant par les pays nordiques, le Groenland avec un détour aux Açores. Un périple naval à mon goût, sur fond de faits historiques d’une époque de grandes découvertes.

Alors, lors de votre prochaine navigation, n’oubliez pas d’emporter votre pierre en poche ! J'en profite pour souhaiter une très bonne fête à mon cher papa, qui m'a souvent fourni une belle pierre d’ancrage et guidé dans les navigations brumeuses de ma vie ! Ainsi qu'un tout bel anniversaire à Sylvie. fidèle boussole et rayon de soleil pour ses Vikings et que j'admire beaucoup.

Un excellent dimanche à tous !
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Le Japon est une Huître

22/11/2020

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Nous avons tous connu des personnes qui ont marqué notre vie. Les enseignants font partie de cette catégorie de privilégiés dont le métier peut exercer une certaine influence sur notre vision de l’univers. Certains de leurs mots demeurent indélébiles en nos mémoires. En hommage à l’un d’eux, je vous offre ici un point de vue sur une région de l’Asie un peu différente de celle des livres traditionnels d’histoire ou de géographie. Nous partons donc ce dimanche vers le pays du Soleil Levant : le Japon.

Akoya
Dans la baie d’Ago, entre littoral escarpé et chapelet d’îlots naît, à la fin du XIXe siècle, « Akoya », la perle de culture, qui se répandra plus tard à travers le monde entier. Mikimoto, un ostréiculteur local imagine de reproduire la magie du processus naturel de « perlification » en introduisant un corps étranger dans la coquille des huîtres de sa région. Après de nombreux essais infructueux, ses efforts parviennent aux résultats escomptés. La perle de culture d’eau de mer naît au pays du Levant et inondera bientôt le marché comme un tsunami. 
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© Photos – AFP.com/Martin Bureau
​Le processus est ingrat : sur une population de mollusques ainsi élevés à la ferme, la moitié périt en cours de culture et sur les survivants, seulement 5% seront considérés comme de qualité suffisante pour les standards de qualité de vente pour les bijouteries haut de gamme. La concurrence chinoise est puissante. Cependant, la persévérance, le savoir-faire et l’élégance nipponne ont conquis une clientèle à travers la planète.

Tel un Haïku :

“Le Japon est une huître, qui s’ouvre et se referme aux différentes cultures... “
(Pr. Jacques Rifflet)
Le Japon a pris l’exemple de notre huîtrier... Le pays va successivement « avaler » différentes cultures étrangères pour se refermer ensuite sur lui-même pour quelques temps. Un cycle qui s'est réitéré à plusieurs reprises à travers les siècles. 
Le Japon. La taille des deux tiers de la France avec deux fois sa population (126 mio). Seulement 15% de terres cultivables, coincé entre montagnes et mer. Une activité piscicole insuffisante pour nourrir la totalité de ses habitants. Ni fer, ni pétrole, ni matières premières. Il doit importer le blé et le soja. Un pays dépendant des autres pour sa subsistance. Alors, il doit rivaliser de créativité pour alimenter les siens. Il compense alors par une force commerciale, une discipline bien rouée et une organisation sans failles. Et si l'on a longtemps accusé ce pays de n'être q'un pâle "copieur", le Japon peut se targer aujourd'hui d'avoir relevé le défi que lui a lancé son environnement naturel.

L'ère Taïka
Mais revenons un instant en arrière. Nous sommes en 640. Jusque là, le Japon est déchiré en un patchwork de clans disparates. La nation va alors connaître une évolution différente. Le nouvel empereur Kōtoku divise l'empire en huit provinces. Il revoit la structure hiérarchique et gouvernementale de manière ordonnée à travers le pays et déplace la capitale impériale dans la baie d'Osaka. C'est là une manière de centraliser le pouvoir autour de la cour impériale. Il ouvre une nouvelle ère, celle du "Taîka", qui signifie "Grand changement". Il s'inspire pour ce faire du modèle de la dynastie T'ang, basé sur le Confusianisme et les philosophies chinoises.  L'influence de la Chine se retrouvera d'ailleurs à de multiples aspects au Japon : écriture, architecture, religion, arts, jusqu'à certaines habitudes alimentaires. Mais c'est bien le planning et l'implémentation méticuleuse japonaise des réformes qui permettra au pays de passer à un nouveau modèle de fonctionnement.
​
Des siècles durant, le Japon avance, pour ensuite céder à une série de guerres civiles et de dissentions internes. Au XVe siècle, il s'ouvre timidement aux premiers occidentaux à travers le christianisme. Mais le pays retombe ensuite dans un isolationnisme strict, le "sakoku", jusqu'en... 1853 ! Les frontières sont fermées aux étrangers sous peine de mort ! Seuls sont permis quelques liens diplomatiques avec la Corée et des relations commerciales avec la Chine et les Provinces-Unies. Quant aux Européens, seuls les vaisseaux de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sont autorisés à commercer dans le comptoir à l'entrée du port de Nagasaki.

L'huître nipponne se referme...
© Photos – Wikipedia & Britannica.com

L'ère Meiji
En 1854, l'ère Edo se termine et les Américains (le commodore Matthew Perry et sa flotte de guerre) forcent une ouverture aux ports nippons. Les Japonais acceptent à contre coeur, par peur d'une guerre par un refus.

En 1858, l'huître nipponne va enfin se réouvrir volontairement pour une période de modernisation à travers l'ère "Meiji" , qui signifie "lumière".  Cette période de changement amène le Japon d'un système féodal vers un système industriel à l'occidentale. Une évolution radicale en termes sociaux, politiques et culturels permettra diverses avancées de l’industrie, de l’économie, de l’agriculture et d’échanges commerciaux. Une ouverture sur le monde extérieur. Une réforme importante y sera l’abolition de la classe guerrière des samouraïs, dont bon nombre se reconvertiront en hommes d'affaires. Libération des religions, développement du chemin de fer, nouveau modèle politique, abolition des privilèges, création d'un armée nationale, création d'une monnaie unique (Yen), adoption du calendrier grégorien, obligation de l'enseignement...  
© Photos – Wikipedia & Britannica.com

L'ère Mac Arthur...
Et puis dans les années 1930, tout bascule à nouveau... L’époque est marquée par l’influence du fascisme, du totalitarisme et du nationalisme, du militarisme, avec une promotion de l’idéal guerrier japonais traditionnel. L'empereur Hiro-Hito monte sur le trône.

Et l'huître nippone se referme à nouveau, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît en 1945. 
© Photos – Wikipedia & Britannica.com
En 1945, le Japon est un pays totalement détruit par les bombardements américains, sous occupation. Ses dirigeants sont mis en procès et l'empereur échappe de peu aux poursuites. Cependant, Mac Arthur propose un plan de relance hors du commun : pas question de réitérer le scénario allemand de l'après-première guerre mondiale. Les Américains mettent en place une occupation pacifique. Ils maintiennent l'empereur en place sans toutefois lui laisser de réel pouvoir politique. L'objectif des Américains est d'y favoriser la reconstruction rapide. Et surtout d'éviter que le communisme n’y triomphe... 
Un miracle économique édifié sur un esprit de fourmilière" (Pr. Jacques Rifflet)
Et le plan fonctionne. La culture nipponne de briller ensuite par l'excellence, la discipline de fer ainsi que le travail d'équipe pour créer une société "kaisha" (social et harmonie). Le Japon devient une puissance commerciale évidente, puissante et solide. Il s'ouvre enfin au reste du monde, pour même y exporter une partie de sa propre culture. Le pays du Soleil Levant a réussi le défi de se transformer pour un mieux, sans vraiment perdre ses propres valeurs et traditions profondes en cours de route. ​​​
La grande question aujourd'hui reste donc : combien de temps l'huître nipponne va-t-elle rester ouverte ? Seul l'avenir pourra répondre à cette inconnue. En attendant, j'ai goûté à ce mets aux accents subtils. J'en ai réellement apprécié la saveur et j'espère pouvoir continuer longtemps encore à en déguster les finesses.

Divers personnages ont laissé une trace plus profonde que les autres dans mon existence. Grands voyageurs, esprits ouverts au monde, à la tolérance et au rapprochement des esprits et des idéologies. Professeurs universitaires, journalistes internationaux, scientifiques ou encore musiciens. Ils rient de nos insignifiantes querelles politiques locales face à l'immensité des problématiques du monde. Ces hommes me laissent admirative de tant de soif de connaissance et de philanthropie. Ils m' ont élargi l'esprit. 
Celui d'entre eux à qui je souhaite rendre hommage aujourd’hui à travers ce billet a laissé en héritage à son public un incroyable appétit de découverte du monde, une volonté d’en embrasser la diversité à travers la connaissance de son histoire. Un orateur qui a su captiver son audience avec une trace indélébile. Au lieu de raconter l'Histoire, il racontait Une histoire... Qu’on l’ait aimé ou non pour son franc-parler, il n’a pas laissé indifférent. Docteur en droit, politologue, conférencier, journaliste, professeur d’université, libre penseur, il a été un de nos meilleurs spécialistes en matière de comparaison des religions et de leur influence sur les faits politiques et l'économie internationale.
​"Un de ces hommes qui, par delà les clivages, oeuvrent à rapprocher les rives du dialogue... " (Christian Laporte, Le Soir)

A 91 ans, cet homme pas comme les autres vient de s’embarquer pour son dernier voyage. Bon vent, cher Monsieur Jacques Rifflet...
Un excellent dimanche à tous.
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© Photos – Maison de la francité.be

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Crossing the Line

25/4/2020

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Au lieu d'attendre frénétiquement la conférence de presse du conseil de sécurité belge, j'ai pris le parti de m'évader en mer, hier soir. A travers le petit écran... J'ai ainsi rejoint la très jolie Vaiana sur son catamaran dans les océans du Sud. Et ce fut une très belle nav ! Alors, pourquoi pas un petit billet sur un des thèmes de son récit, ce WE (clin d'oeil à mon petit filleul qui vit sur le littoral suédois et semble beaucoup aimer l'histoire de Vaiana ;-)). 

Le récit
Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire, le récit a lieu dans l'île polynésienne de Motunui, au nord de la Nouvelle Zélande. Vaiana, une petite vahiné aux longs cheveux bouclés, ne rêve que de mer et de navigation. Elle semble entretenir un lien tout particulier avec l'océan depuis sa plus jeune enfance. Un peu comme si les flots l'avaient choisie comme une des leurs. Elle regarde avec envie le récif coralien tout proche qui entoure l'île verdoyante comme d'une ligne infranchissable, synonyme de tempêtes, vents aux humeurs imprévisibles et grands dangers. L'eau l'attire inexorablement malgré la crainte que le grand large provoque en elle. Elle se sent incroyablement intime et proche de ce grand bleu. Elle s'y sent complète, accomplie. La mer lui donne enfin le sentiment d'être elle-même. Cependant, ce même océan a englouti de nombreux habitants du village s'étant aventurés au-delà du récif. Et nul ne sait jusqu'où la mer se poursuit dans son immensité et sa force. Son désir de se laisser aller à son rêve est immense, elle ne peut réprimer un étrange sentiment de peur face à l'idée de suivre ses envies.
© Photos – Disney
Vaiana est la fille du chef du village. Son père lui interdit de naviguer et la destine à reprendre son rôle à terre, en fille modèle. Partir en mer serait considéré comme une trahison, un abandon des siens. Vaiana ne veut pas les chagriner. Durant des années, elle suit à la lettre les instructions des siens et s'abstient de poursuivre ses rêves de voyage. Elle a peur. Elle hésite. Elle sait que l'horizon bleuté est implacable. Et elle se résigne alors à suivre son destin terrestre. Mais au fond d'elle, son coeur continue irrémédiablement de battre pour la grande bleue.
Un jour, les réserves naturelles de l'île dépérissent et le poisson disparaît des eaux toutes proches. Les anciens affirment qu'il s'agit là d'un mauvais sort infligé par les dieux maoris. Elle découvre ainsi que ses ancêtres étaient de grands navigateurs, exploreurs de l'océan. Les Polynésiens étaient des maîtres dans la science des vagues et du ciel. (Leurs incroyables techniques de navigation astronomique ont d'ailleurs été brièvement introduites dans le billet du blog "wayfinders". Et elles feront - avec un peu de chance et de patience - bientôt l'objet d'un article détaillé dans mon magazine de voile favori. )
 
​Vaiana décide alors d'aider son village contre l'avis des siens. Elle s'empare en cachette d'un des catamarans de ses ancêtres et franchit le récif coralien pour aller affronter les dieux et tenter de renverser le sortilège. Pour tout équipier à bord au départ : juste une poule (non, elle ne s'appelle pas Monique). Mais, au-delà du récif, de nombreux périls et écueils attendent la jeune fille, qui, malgré son amour passionné pour l'océan, ne sait pas vraiment comment naviguer... ​​(Et la poule non plus... ;-))
© Photos – Disney
Je ne vous raconte pas ici la suite du voyage en mer de notre héroïne, histoire de vous donner envie de voir ce film un soir où, comme moi hier, vous aurez une envie irrépressible de retrouver le murmure du vent, le chant de la houle et les sensations véliques, même en virtuel.

Franchir la ligne
"To cross the line or not to cross the line... "
Il y a des jours qui passent. Et nos peurs nous retiennent prisonniers. Peur de ne pas savoir où cela va nous emmener. Plus loin, trop loin, sans possibilité de retour... Peur de l'inconnu, peur de faire mal, de casser quelque chose, de souffrir. Peur de soi-même ou des autres, et dix mille motifs raisonnables ou irrationnels de ne pas faire le pas.
Et puis un jour, le coeur se décide à prendre les devants. Et il se lance pour franchir la ligne, peu importe les conséquences. Parce qu'il sait au fond de lui que c'est ce qu'il veut, ce dont il a besoin pour battre, ce par quoi il doit passer pour se sentir vivre. Sans plus d'hésitations, ni regrets. Et le récif coralien se trouve soudainement sous nos pieds. On a franchi la ligne. On a tout offert. Surmonter sa crainte, c'est se donner inconditionnellement en cadeau, peu importe le prix à payer. On a osé rejoindre le grand large, la pleine mer et ses sensations incomparables.
Le bonheur est à la hauteur de la peur...
Les alpinistes et marins de haute mer doivent parfois faire ce choix cornélien (ou coralien dans le dernier cas), pour suivre leurs rêves d'ascension ou d'odyssée. Même s'ils ont peur, même s'ils savent qu'il vont devoir affronter des tempête de neige ou des vagues scélérates. Mais, à un moment, ils prennent la décision de tout de même se lancer. Et ils comptent sur leur bonne étoile pour les guider dans leur épopée. Et si quelques fois, quelques uns se perdent en voyage, beaucoup en reviennent le sourire aux lèvres.

Alors, en attendant de découvrir Vaiana en vidéo, je vous offre un autre moyen de vous changer les idées en bord de mer tout en restant bien confiné à la maison. Il s'agit de "Piper", un véritable petit bijou de Pixar sur le thème de ce blog. A visionner sans... crainte, ni modération ! 

Un excellent dimanche à tous. 
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Here be Dragons

28/3/2020

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Pour le bi-centenaire et 200e billet de ce blog, je me devais de vous offrir un billet un peu spécial... Un véritable article cette fois-ci, et qui vous emmène naviguer sur la mappemonde... Alors, installez-vous confortablement dans votre fauteuil pour un moment un peu plus intense de lecture-voyage.

Je vous emporte ce WE aux confins des océans du monde connu, là où finit la mer et où s'ouvre le monde des dangers... et avant tout des monstres marins !

Ici s'arrête la mer... Au cap des dragons
Il y a un peu plus de cinq cents ans, le 20 septembre 1519, embarquait à Sanlúcar, au nord de Cadix, un navigateur portugais au service de l’Espagne. Ainsi débutait le tour du monde de Ferdinand Magellan, qui allait prendre fin quelque trois ans plus tard. Dans ses coffres à bord, un bien précieux : des cartes marines. Allait-il donc croiser en mer les monstrueux dangers signalés sur le parchemin ?  
 « Hic sunt dracones »
« Ici, il y a des dragons » avertissaient les anciens pour indiquer les territoires inexplorés où il ne faisait pas bon hisser sa voile, et les coins sombres de nos océans, infestés de monstres sanguinaires, d’où les marins ne reviendraient peut-être jamais s’ils osaient s’aventurer à l’endroit où s’arrêtent la mer et le monde d’ici-bas. De tous temps, le sort des gens de mer et des grands voyageurs sur l’eau semble avoir été étrangement lié à celui des monstres marins. Que ce soit dans les récits, dans l’imagination des navigateurs, dans la littérature, la symbolique culturelle ou encore dans la créativité des cartographes. Mais, que révèlent-ils donc en réalité, ces animaux fabuleux, à travers le graphisme des cartes marines ?

 Un mythe vieux comme le monde
Depuis l’Antiquité, les différentes cultures ajoutent à la description du monde des symboles de créatures marines, qu’elles soient fantastiques ou bien réelles. Les Assyriens introduisent sirènes et serpents de mer dans leurs gravures. Les Phéniciens représentent sur leurs monnaies un monstre marin nommé « l’hippocampe ». Ptolémée réalise des cartes géographiques où il est fait mention de monstres et d’une « Terra Incognita ». De nombreux auteurs et artistes de l’Antiquité grecque et romaine (Homère entre autres) décrivent des animaux hybrides, tels que le lion, le cochon, le cheval ou encore le chien de mer, en raison de la croyance que les animaux terrestres avaient tous leur équivalent marin. Dans les écrits bibliques, Jonas n’est-il pas avalé par le Léviathan, un monstre marin à plusieurs têtes ? Et dans nombre de civilisations, il est prêté attention aux dangers d’une traversée au-delà des eaux connues, source potentielle de rencontres fortuites avec des créatures océaniques aux forces légendaires.

Tout commence sur une carte : l’imaginaire au service de l’ignorance
Les premières cartes représentent le monde comme un disque cerné par un océan et divisé en trois continents : l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Elles sont orientées vers l’Orient. Appelées cartes TO (Terrarum Orbis), ces  représentations graphiques perdureront en Occident jusqu’au XIIe siècle.
 
Comme par hasard, les créatures fabuleuses font régulièrement surface là où les croyances prennent le dessus sur la compréhension de l’océan et de la faune des régions dessinées. Ainsi, nombre de cartes anciennes décrivent les mers comme les hommes les percevaient à l’époque. Les peuples des mers, d’apparence ou de taille hors normes, comme les baleines ou les morses, y sont dès lors qualifiés de « monstres ». Cependant, la graphie de ces créatures surgit surtout là où les limites du monde rejoignent celles de la connaissance de la géographie…
 
Plutôt que de laisser des espaces vierges sur les cartes marines, les anciens cartographes trouvent des stratagèmes pour dissimuler leur méconnaissance des dits lieux. Ainsi, les cartes regorgent de larges inscriptions courbes de noms de pays, de références à la nature inhabituelle de certains endroits ou de la  fameuse mention « Terra Incognita » ou « Terra Ignota », dont Ptolémée fut le premier à faire usage sur son atlas. Mais de tous les artifices destinés à combler leur manque de savoir, celui qu’on retiendra comme le plus inventif est bien celui qui consiste à peupler les mers inconnues d’animaux, et en particulier de monstres  imaginaires. « Je n’ai aucune idée de ce qui se trouve à partir de cet endroit. Il pourrait donc bien y avoir des monstres, voire même des dragons ! ». 

« Plus monstrueuses les créatures, plus grands les dangers guettant dans les mers inconnues … 
Les cartes médiévales suivent d’ailleurs la tendance de l’époque qui fait usage de la crainte dans ses leçons de morale. Pour ce faire, elle a recours au portrait des monstres marins les plus énormes, les plus affreux et surtout les plus dentus. Certaines sources affirment que le choix des animaux correspondrait à la faune des régions connues qui, une fois sur les cartes, se transforme en monstres au fur et à mesure que la carte marine prend vie : du morse, on passe à l’éléphant aux longues défenses, puis au terrifiant mammouth aux dents acérées. En ce qui concerne les dragons, le mystère persiste. Une autre hypothèse affirme que les animaux symboles culturels de certaines contrées (en l’occurrence, les dragons pour les régions est-indiennes, c’est à dire la Chine) auraient inspiré les cartographes. D’autres littératures y feraient référence comme le pays des « Dragoniens », en rapport aux voyages de Marco Polo. Nul ne sait réellement…
 
Le monde voit ainsi apparaître deux principaux types de cartes : les Mappamundi (ou Mappemondes) et plus tard, les cartes Portulan. Les premières constituent des cartes du monde génériques, dessinées à la main et peu pratiques pour la navigation. Elles représentent déjà des peuples marins tels que les sirènes et les serpents de mer (par ex. les cartes Beatus, du VIIIe au XIIIe siècle). A part celle d’Ebstorf, les Mappemondes ne font généralement pas mention de monstres marins au sens fort du terme. Pour la première fois dans l’histoire de la cartographie, on retrouve ainsi une rose des vents dans l’Atlas Catalan (en réalité une carte datant de 1375) ainsi que quelques premières références à des créatures fantastiques, qu’on peut assimiler à des requins. Basée sur les récits de voyage de Marco Polo (le Livre des Merveilles),  cette carte allie cosmographie, géographie, premiers éléments de loxodromie et imaginaire.
 
L’engouement pour la fabrication de cartes et de globes croît au XVe siècle, stimulé par la traduction en latin de l’œuvre de Ptolémée, par les découvertes ibériques en Afrique et les explorations transatlantiques. L’avènement de l’imprimerie avec Gutenberg agit comme catalyseur. 

Cartes Portulan
​C’est alors l’apparition des cartes Portulan. Ces dernières constituent de réelles cartes de navigation manuscrites, reprenant des lignes de côtes précises. Elles combinent trois éléments : le dessin, l’écriture et la mesure. Elles permettent au marin de s’orienter et de faire le point en reportant sur la carte la distance qu’il estime avoir parcourue dans une direction donnée. Leur nom vient du « portolano », un livre d’instructions nautiques décrivant les accès aux ports.
​
Elles sont au départ des cartes incomplètes, dont les vides représentent les « terrae incognitae » et les zones de tumultueux naufrages. La fièvre exploratrice engage les cartographes à y insérer plus de détails géographiques. Sur certains exemplaires, on retrouve notamment les fameuses créatures marines, que ce soit comme élément décoratif, ou suite à la requête de leur commissionnaire. Les monstres marins avaient ainsi deux fonctions : d’une part, représenter une indication pour les marins des potentiels dangers en mer, et d’autre part, enjoliver les cartes, de manière à promouvoir la créativité de leur auteur. Dans d’autres cas, ce graphisme particulier pourrait avoir des raisons plus stratégiques : préserver les eaux territoriales de leur auteur (et par exemple, leur potentiel piscicole) contre d’éventuelles intrusions étrangères en effrayant les marins qui envisageraient de les explorer, comme dans le cas de la Carta Marina d’Olaus Magnus qui sera rédigée un peu plus tard (1539).
​
Cependant, les cartes nautiques réellement utilisées pour naviguer demeurent généralement relativement basiques, réduites au strict nécessaire : pas ou peu de monstres marins. Elles sont parcourues de lignes de rhumbs (ou lignes rhombiques, qu’on appellera ensuite loxodromiques après les innovations de Mercator), placées là pour aider le navigateur à déterminer un cap et à indiquer les lignes de compas à l’aide de la boussole. Elles sont « plates » et leur dessin ne tient pas compte d’un système de projection de la rotondité de la terre. Elles sont également bien plus abordables à l’achat que les cartes enjolivées de pensionnaires d’un zoo marin fantasmagorique. Des cartes dont les seuls propriétaires sont principalement des nobles ou les royautés de l’époque (qui ne naviguent pas) et qui pour toute table de navigation, ne voient que celle de la salle de réception des riches demeures. Les cartes sont dressées à partir des observations faites par les gens de terrain, les navigateurs et les « pilotes ». Ce sont eux les véritables guides, possédant d’ailleurs souvent leurs propres croquis détaillés des eaux, reliefs et dangers d’une région qu’ils ont sillonnée de long en large.

Mythe ou réalité ?
L’allégorie de St Brendan le Navigateur, un prêtre irlandais du Ve siècle ayant voyagé sur les sept mers, relate que certains marins auraient pris des baleines pour des îles. En réalité, les récits posthumes basés sur ce mythe illustrent probablement les débuts de la chasse à la baleine. On décrit ces mammifères marins comme « aussi grands que des montagnes ». Avec les activités piscicoles, les monstres deviennent un peu moins effrayants et surtout plus authentiques. La plupart des monstres des cartes marines n’existaient pas que dans l’imagination et la créativité débordantes de leurs auteurs, mais représentaient parfois des animaux bien réels, méconnus des marins traversant les mers pour la première fois. 
« Les hommes de bord décident d’accoster sur cette île sombre et y allument un feu. Et soudain, l’île se met en branle et s’enfonce dans l’onde glacée. Les hommes, surpris par cette terre noire en mouvement, tombent à l’eau et se noient. 
Ailleurs, on parle également de monstres qui arrêteraient la course des navires. On découvrira plus tard qu’il s’agit probablement de bancs de thons qui, vu leur nombre, ralentissent la marche du navire. Et lorsque, dans son Odyssée, Homère mentionne Charybde et Scylla, deux monstres marins situés de part et d’autre du détroit de Messine, il indique en réalité l’emplacement d’une zone de récifs et de tourbillons, passe redoutable pour les marins à cause de son étroitesse, où la rencontre de deux courants opposés produit, en divers endroits du détroit, des tourbillons et de grands remous appelés « garofali ». 

Carta Marina, première carte nordique
La carte la plus importante en termes de représentation de monstres marins apparaît au XVIe siècle avec le Suédois Olaus Magnus et sa célèbre Carta Marina (1539). Un chef d’œuvre de cartographie et de créativité graphique.
 
Il s’agit là de la première carte de la Scandinavie proprement dite. Olaus Magnus est le premier à y suggérer un passage Nord-Est. Il s’inspire des connaissances de Ptolémée, de l’œuvre d’astronomes et de descriptions de marins. Sur sa Carta Marina, on peut distinguer des monstres que l’on pourrait apparenter à des baleines (et des hommes allumant un feu sur leur dos…), des « monocéros » (sortes de narvals), des vaches marines, des morses ou des éléphants de mer. On y retrouve également des serpents de mer géants attaquant les navires, des poissons-scie, des cochons de mer ou encore de gigantesques homards mangeurs d’hommes. Les marins à bord de navires de pêche ou de commerce le long des côtes norvégiennes affirment haut et fort avoir vu, au large de Bergen, un serpent-dragon long de plus de quatre-vingt mètres et large de 6 mètres, ayant une longue chevelure noire le long du corps, des crocs acérés et des yeux d’un rouge de braise.
 
Et pourtant, si de nombreuses cartes représentent des animaux fantastiques, aucune ne mentionne d’avertissement faisant allusion à des dragons. Cependant, en 1510, apparaît pour la toute première fois une notation majeure sur un globe terrestre : « Hic Synt Dracones ». Cette référence est notée aux alentours de la côte Sud-Est de l’Asie sur le globe Hunt-Lenox. Il s’agit là de la seule et unique inscription en toutes lettres évoquant des dragons de mer.

Les îles  fantômes
Dans son œuvre, Olaus décrit entre autres la fameuse île fantôme de Thulé, où il fait apparaître diverses créatures effrayantes. Tout comme nos monstres marins, les îles fantômes ont toujours fait couler l’encre et titillé l'imagination des marins (surtout dans les tavernes des ports).
 
Cependant, les îles fantômes ne sont pas une fiction, sur papier du moins... Les cartographes et les marins les ont nommées Avalon, Baltia, Pepys, Satanzes, Thulé... Ces îles sont répertoriées et topographiées par des cartographes ou des marins réputés. Durant des années, voire des siècles, elles demeurent sur les mappemondes, sur les cartes marines et dans les atlas de géographie. Mais lorsque les navigateurs parviennent à l’endroit de leurs coordonnées, ils tournent désespérément en rond, sans jamais les trouver. Même Google Maps y perd le nord. Ces fameuses îles semblent s’être soudainement évaporées. Ces îles se sont-elles déplacées suite à des mouvements sous-marins de plaques tectoniques ? Etaient-elles des bancs de sable qui ont fini par disparaître ? Se sont-elles précipitamment englouties, emportées par un tsunami ou une éruption volcanique marine ? Ou pire, avalées par un de ces fameux monstres des abysses ? Nul ne sait...
L'origine de leur apparition
Une des premières raisons de ce phénomène résulte de la méconnaissance de la géographie d'un lieu ou de la confusion avec d'autres endroits. Par exemple, des parties de continent dont on pensait au départ qu'elles n'étaient qu'une île, n'en voyant que la péninsule. Christophe Colomb n'avait-il pas identifié l'Amérique comme étant les Indes lors de sa découverte ? La Corée fut longtemps considérée comme une île avant qu'on ne la  relie à l'Asie, tout comme le Brésil (anciennement nommé Vera Cruz). L'île Pepys, censée se trouver à 230 milles au nord des îles Malouines, est apparue suite à une mauvaise identification des Malouines. Et la liste est longue...
 
Une seconde éventualité pourrait venir de l’approximation des cartes de l’époque. Les cartes nautiques Portulan ressemblaient à des toiles d’araignée, quadrillées de lignes de couleur indiquant les vents ou les "rhumbs". Les autres signes graphiques les caractérisant étaient les roses des vents et les lieux selon leur importance. Ces tracés formaient ainsi des carrés, des rectangles et des parallélogrammes de couleur, appelés un "marteloire" (de l'italien "mar" : la mer et "teloio" : la toile), sans être pourtant  un système de coordonnées ou de projection comme celui des méridiens et des parallèles qui n'apparaîtra que plus tard dans l'histoire de la géographie. Ces portulans étaient à l'époque le symbole d'une connaissance approfondie des mers côtières et du pouvoir commercial et naval d'un royaume.
 
Les portulans étaient basés sur des observations faites à base d'outils assez élémentaires : boussole (indiquant le nord magnétique), sextant et alidade, et pourtant ils étaient remarquablement précis. Ainsi, un des premiers portulans, la carte Pisane, ne déformait la Mer Méditerranée que d'un seul degré (environ 90 km) par rapport à la réalité. Mais toutes ces cartes de navigation ne se targuaient pas d’une telle exactitude. D'où les libertés créatives de certains de leurs auteurs pour y faire apparaître de mystérieuses protubérances dans la mer ou le long des côtes.

Thulé
Une autre explication plausible de la présence d'îles fantômes sur les cartes provient de leur disparition ou d'un oubli de leur découverte au cours des siècles. C'est le cas de l'île de Thulé (ou Tile) décrite par Olaus Magnus. Cette dernière aurait été identifiée au IVe siècle av. J.C. et citée comme telle dans la littérature grecque et romaine, pour ensuite se perdre dans les méandres du temps qui passe. Les écrits classiques en font mention comme d’"une île à six jours de navigation du Nord de la Grande Bretagne et proche de la "mer gelée", où le soleil ne se couche jamais en été". D'autres la placèrent du côté des îles Shetland. La Carta Marina fait mention de cette île, au Nord-Ouest des Îles Orkney. En 1775, le capitaine Cook nomma une île de ce même nom dans le sud de l'océan atlantique, dans l'archipel des îles Sandwich. Clairement, un peu trop au sud...
 
Thulé fut ensuite référencée comme l'Islande, le Groenland actuel, l'île de Saaremaa en Estonie ou encore celle de Smøla en Norvège. On donna d'ailleurs au nom d’"Ultima Thule" dans le passé la signification de "lieu aux frontières du monde connu". Ce n'est qu'en 1910 qu'un explorateur-anthropologue Groenlandais-Danois, Knud Rasmussen, établit un poste de missionnaires au Nord-Est du Groenland, qu'il nomma "Thulé" (ou "Qaanaaq").

Cartographie de stratèges : « mon royaume pour une carte ! »
Une dernière explication possible de la mention d'îles fantômes serait la propension de certains monarques à "adapter" les cartes marines de manière à étendre leur territoire, à l'époque des grandes découvertes et à l'aube de l'histoire de la cartographie. Dès le traité de Tordesillas en 1494, les cartes sont d’ailleurs considérées comme des secrets d’Etat dans les royaumes du Portugal et d’Espagne. Toute nouvelle découverte fait l’objet d'une discrétion toute particulière lorsqu’il s’agit de la coucher sur le papier. L'agrandissement des zones sous contrôle constituait un atout majeur pour le pouvoir d'un souverain. Le mécénat de grands voyageurs qui affrétaient des navires avec pour mission de découvrir le nouveau monde et d'y planter des comptoirs commerciaux, reste le leitmotiv des grandes explorations. Les courbes de l’Amérique du Sud auraient ainsi, affirme-t-on à tort ou à raison, été «déplacées» de quelques kilomètres pour les besoins du règne lusitanien.

Les Monstres de Mercator
Mais revenons à nos dragons de mer… On connaît Gérard Mercator comme un grand cartographe et le père de la fameuse projection. L’histoire le décrit généralement moins fréquemment comme dessinateur de monstres…

Et pourtant, la carte d’Olaus Magnus va clairement influencer divers cartographes, dont Mercator dans sa création d’un globe terrestre. Dans sa première version, ce dernier comporte onze monstres marins, dont pas moins de sept ont été copiés de la carte nordique. La localisation de ces monstres révèle les croyances de l’époque sur les endroits de la planète regorgeant de merveilles ou de mystères maritimes encore non décryptés. Le Nouveau Monde compte déjà deux monstres exotiques : le lamantin et l’iguane. Au fur et à mesure des découvertes géographiques, les monstres changent d’aspect et de localisation. La majorité des monstres sont représentés dans le Pacifique, quelques-uns dans l’Atlantique et un dans l’Océan Indien. Pas un seul n’apparaît au-delà du cinquantième degré Nord alors qu’il y a amplement la place d’y mettre quelques exemplaires. Au fur et à mesure des versions de son globe et de ses cartes, les proportions des monstres et les régions où ils se trouvent varient. On peut en déduire soit un intérêt déclinant pour les monstres de la part du savant ou tout simplement la diminution du besoin d’enjolivures sur ces cartes pour sa clientèle, sa réputation de cartographe émérite n’étant plus vraiment à faire.
 
Un peu plus tard, son rival Abraham Ortelius, élabore « Le Théâtre du Monde », le premier atlas moderne digne de ce nom. Dans cet ouvrage, il décrit une kyrielle de monstres marins autour de l’Islande, dont de nombreux spécimens (qu’il s’agisse du fameux Kraken ou encore du Roider, une sorte de rorqual…) qui proviennent, à leur tour, de la carte d’Olaus Magnus. Si la géolocalisation de l’Islande y est remarquablement plus précise que celle des cartes précédentes, le foisonnement des monstres barbotant allègrement autour de l’île tendent à indiquer que l’endroit était une région difficilement accessible, à la limite du monde connu.
 
La cartographie du Moyen-Âge et de la Renaissance a été faste en termes de monstres marins. Toutefois, le développement de la navigation, la découverte du monde et de la zoologie, ainsi que le contrôle progressif des hommes sur les océans et leur faune, ont peu à peu éradiqué les dragons des mers, les animaux fabuleux et les autres bestioles chimériques des cartes marines. Etonnamment, à la même époque que les monstres, le graphisme des cartes a foisonné en navires, peut-être pour prouver la capacité des hommes à traverser les océans, pour les encourager à voyager ou à montrer le pouvoir politique de plusieurs royaumes sur certaines régions du monde. Ce n’est que des siècles plus tard que les cartes marines se sont rationnalisées, pour ne plus devenir que des atlas de géographie ou des outils de navigation purement pragmatiques. 
© Totalité des photos (Carta Marina, Olaus Magnus - Bibliothèque nationale de Suède, Globe Hunt-Lenox - New York Public Library, L’Aspidochelone - Bibliothèque Royale du Danemark, Atlas portulan, Italie - Joan Martines,  Carte nautique des Frères Pizzigani - Bibliothèque palatine,  Theatrum Orbis Terratum, Abraham Ortelius - British Library, Sea Monsters on Medieval & Renaissance Maps – Chet Van Duzer, Bestiaire Médiéval – Bibliothèque de Valenciennes) 

Entre-temps, nous savons que la mer est ronde et qu’elle ne s’arrête pas là où apparaissent les monstres… Alors, pas de panique, lors de vos prochaines navigations, les seuls dragons des mers que vous risquez de croiser seront ceux sur la bouteille que vous comptez ouvrir à l’escale. Bon vent et santé !

Un excellent dimanche à tous. Stay safe !
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L'Île aux Epices

22/9/2019

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Le 20 septembre 1519, embarque un navigateur portugais au service de la couronne espagnole pour un premier tour du monde. Fernão de Magalhães (Fernand de Magellan) largue les amarres du nord de Cadix pour une incroyable traversée de trois ans autour du monde. Un billet en l'honneur du 500e anniversaire de son exploit, ce dimanche.

Deux Mondes en Un
Nous sommes au début du XVIe siècle. Remettons-nous un instant dans le contexte politico-géographique de l'époque. Le monde maritime se retrouve séparé en deux parties, entre les royaumes respectifs de Castille (Espagne) et du Portugal. Cette scission est actée dans le Traité de Tordesillas (1494). Ce traité sépare les territoires entre les deux grandes puissances : les îles Canaries reviennent à l'Espagne. Tandis que Madère, Porto Santo, les Açores, les îles du Cap Vert ainsi que le royaume de Fès (Maroc) et le droit de navigation au sud du parallèle des Canaries sont acquis au Portugal. Ce traité vise également à résoudre les conflits liés à la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Il a ainsi une incidence considérable sur la géopolitique qui en suivra : l'Amérique est cédée à l'Espagne dans sa totalité. Cependant, lorsque Pedro Cabral découvre le Brésil en 1500, ce dernier est alors attribué au Portugal, en partie d'abord, puis dans sa globalité.

Inutile de dire que les autres puissances navales européennes (anglaises, françaises, hollandaises... ) ne voient pas ce partage d'un bon oeil. Ces découvertes leur ôtent tout accès aux richesses exotiques du Nouveau Monde. C'est d'ailleurs une des motivations qui va pousser la France à financer ultérieurement l'expédition de Jacques Cartier vers le Canada, pour y avoir légitimement droit en tant que "découvreur d'une terre libre d'attache". Aucun autre Etat ne reconnaît donc le Traité de Tordesillas. Mais la supériorité navale des deux royaumes concernés leur permet d'en jouir durant un petit siècle. 
© Photos – Wikipedia
Mais revenons à Magellan. Après diverses navigations vers les Indes, le Maroc et Malacca (où il compte un ami proche), Magellan ne rêve que de repartir en mer. Il ne se trouve plus en termes trop amicaux avec son souverain lusitanien suite à de sombres histoires militaires et de conflits financiers. Il a donc besoin de se refaire une réputation, des honneurs et une fortune... 
Voyons voir... Quel est donc le bien le plus précieux à posséder, se demande le navigateur ? Écus sonnants et trébuchants ? Rubis, topazes et émeraudes ? Fines soieries et brocarts ? Ou seraient-ce ces fameuses plantes odorantes que l’on nomme “épices” ? Cannelle, girofle, poivre, muscade et tant d’autres joyaux olfactifs. Certains aux vertus médicinales, analgésiques, esthétiques ou encore tout simplement culinaires. Et surtout leur juteux potentiel commercial.

En secret, le navigateur rêve d'atteindre la fameuse "île aux épices" (l'archipel des Moluques, dans l'est de l'Indonésie) en empruntant une route par l'ouest. Il prend des contacts et son projet mûrit peu à peu. En 1518, il soumet son projet au futur Charles Quint, qui n’a encore que dix-huit ans à l'époque. Pour obtenir le soutien de la couronne castillane, Fernand compte sur les ambitions latentes de l’Espagne d’ouvrir la route occidentale des Indes. Avec succès. Il est nommé commandeur de l'ordre de Santiago. Il se voit octroyer le monopole sur la route découverte pour une durée de dix ans ainsi qu’une série de nominations et rétributions financières. Il affrète ainsi cinq navires pour partir à la découverte du royaume des épices. Après pas mal de pérégrinations et de complications, le jour du départ est fixé au 20 septembre 1519, à Sanlúcar.
© Photos – Pixabay.com

Premier Tour du Monde
Victoria, Santiago, Trinidad, San Antonio et Concepçion. Cinq solides nefs (appelées « caraques ») avec, répartis à leurs bords respectifs, 237 hommes dont seulement... 18 reviendront. Des vivres pour deux ans de voyage. Et des rêves pleins les yeux pour larguer les amarres. A bord d’un des navires, se trouve un chroniqueur italien du nom d’Antonio Pigafetta. Pigafetta fera partie des survivants et narrera de manière très complète tout le récit du voyage d’exploration dans un journal de bord dont il reste aujourd’hui quatre copies de l’original perdu (trois en français à Paris et une en italien à Milan).
« Pendant cet espace de trois mois et vingt jours nous parcourûmes à peu près quatre mille lieues dans cette mer que nous appelâmes Pacifique, parce que durant tout le temps de notre traversée nous n’essuyâmes pas la moindre tempête. Nous ne découvrîmes non plus pendant ce temps aucune terre, excepté deux îles désertes, où nous ne trouvâmes que des oiseaux, et des arbres, et par cette raison nous les désignâmes par le nom d’îles Infortunées. (…) Je ne pense pas que personne à l’avenir veuille entreprendre un pareil voyage. »

(Extrait de Premier voyage autour du monde par Antonio Pigafetta sur l’escadre de Magellan, édition H.J. Jansen, 1800- 1801, Bibliothèque Nationale de France - orthographe de l'édition de 1801)
Des Canaries, la flotte met le cap sur le Brésil. Ils atteignent la baie de Santa Lucia (aujourd’hui Rio de Janeiro) après quatre mois de navigation. De là, ils décident de contourner le continent par le sud en faisant une escale en Patagonie durant la mauvaise saison. Mais sans succès. Après avoir fait face à une mutinerie (Magellan est détesté par ses équipages) et l’échouage d’un des navires, ils cherchent alors un passage vers l’ouest. C’est ainsi que les équipages découvrent un détroit par lequel ils traversent le continent. Leur transit à travers les terres inhospitalières dure plus d’un mois.
« Pendant la traversée du détroit, les marins aperçoivent de nombreuses fumées à l'intérieur des terres. La Tierra del Humo (en français : Terre des Fumées) qui apparaît sur les cartes postérieures au voyage, devient plus tard la Tierra del Fuego (Terre de Feu). Le détroit, nommé d’abord « chenal de Tous-les-Saints », prend rapidement le nom de détroit de Magellan en l’honneur du navigateur » (source : Wikipedia)
Une fois arrivés au Pacifique (ainsi nommé en raison des circonstances particulièrement calmes de navigation), il faut aux navires restants presque quatre autres mois pour rejoindre les Philippines. Rationnement, manque d'eau potable et de vivres, scorbut et maladies n’épargnent pas les hommes de Magellan. À Mactan, une bataille éclate avec la population locale qui refuse de se soumettre aux conquistadors. Magellan est grièvement blessé par une flèche empoisonnée. Il succombera à cet épisode fin avril 1521 sans encore avoir pu atteindre sa destination finale.

​L’équipage restant de la Victoria met le cap sur Bornéo sans son capitaine et parvient enfin à la Terre promise des Moluques quelques quatre mois plus tard. Ils peuvent enfin y remplir leurs cales du trésor d’épices tant convoité. Les marins restants prennent ensuite le chemin du retour vers l’Espagne, à travers l’Océan Indien et le Cap de Bonne Espérance. Il parviendront à leur port de départ en septembre 1522, leur précieux chargement à bord, mais épuisés et ruinés par les pertes encourues en chemin. Bref, le commerce résultant de leur pérégrinations ne donnera pas les résultats escomptés.

C’est la première fois dans l’histoire que des marins font un tour du monde complet.
“Jamais le monde n'a été aussi grand qu'au lendemain du périple de Magellan” (Pierre Chaunu)
© Photos – Wikipedia
Il faudra attendre 58 ans avec Francis Drake pour une nouvelle circumnavigation en 1580. Et 1769 pour qu’une première femme, Jeanne Baret, en réitère l’exploit. Chaque fois en deux à trois ans de navigation. Aujourd’hui, les tour du mondistes à la voile le réalisent en quelques... 40 jours (notamment le trimaran IDC3 avec Françis Joyon en 2017). Un peu comme si le monde s'était mis à tourner plus vite avec les années, autour des bateaux.
Grâce aux explorations de Magellan et de ses hommes (et bien d'autres ayant poursuivi cette quête ensuite), ces délicieux épices exotiques peuvent aujourd'hui venir flatter votre palais et vos sens. Je vous laisse dès lors rêver autour d'un bon plat (épicé à souhait) de projets de tour du monde et qui sait, serez-vous le prochain détenteur d'un nouveau record... Un excellent dimanche à tous !

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Marins malgré Eux

2/9/2018

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”All ships, all ships, all ships. This is Tarifa marina, Tarifa marina, Tarifa marina. This is an emergency call. A rib containing a number of people is currently sailing across the zone. All vessels in their neighbourhood are requested to lend immediate assistance if circumstances prove necessary.... »
Voici bientôt deux heures que la VHF diffuse en boucle ce message. En espagnol, que je comprends à demi mais que mes compagnons à bord maîtrisent parfaitement. Puis dans un anglais sommaire aux consonances hispaniques. Le jour se lève. Nous arrivons à cet endroit mythique à la pointe de l’Europe. Ce petit bras de mer entre deux continents. À bâbord, l’Europe et ses rivages brûlés par le soleil estival. À tribord, l’Afrique et ses splendides montagnes qui se profilent dans la brume matinale.
La vue est imprenable. Entre les monts brumeux de l’Atlas et les côtes andalouses, nous avons l’impression de nous trouver au bout du monde. Ou plutôt, au début du monde... Au loin derrière, le cap portugais de Saint Vincent, pointe mythique d’où partirent jadis les navigateurs à la découverte du Nouveau Monde et de l’Océan Atlantique, que nous venons de traverser. Puis, l’anse de la baie de Cadix, la belle. Au loin devant, l’entrée vers le Monde du Milieu et la mer des navigateurs carthaginois et phéniciens, Ulysse et les autres. Une expérience fabuleuse. Un sentiment de faire partie de ces grands navigateurs de cet univers.
© RevesdeMarins

Quelque voiliers derrière. Un peu moins devant nous. Une bonne brise, en poupe, juste ce qu’il nous faut pour pouvoir franchir le fameux détroit qui nous attend quelques milles plus loin sous son célèbre rocher aux singes avant qu’Eole ne décide de changer à nouveau de direction et en bloque, pour quelques jours, l’entrée aux marins venant de l’Ouest. À bâbord, la navette Tarifa-Tanger, écarlate et vrombissante. Le code D, notre ersatz de spinnaker, orangé de la lumière du Levant, nous guide sans faille vers l’Est. Notre périple va bientôt se terminer.

A tribord, le rail des cargos. Ils se suivent à la queue leu-leu. Les uns plus gigantesques que les autres. Et de temps à autre, un preux et intrépide voilier ou catamaran lilliputien qui se risque à venir s’insérer entre eux dans la file des Titans.

Nous avons beau scruter les flots avec les jumelles, pas de trace de ce fameux radeau itinérant au milieu de cette petite flaque que représente le territoire nautique reliant le Maroc au Sud de l’Espagne. Encore des malheureux qui tentent leur chance vers l’Europe et la soi-disant Terre Promise.

Vient alors la question : “Et si en fin de compte, nous croisons leur route et les apercevons, alors que faire ??? “. Je regarde mes compagnons de bord avec un regard empli d’incertitude. Mon cœur me dit : “On ne peut tout de même pas les laisser voguer ainsi, au petit bonheur la chance (ou au grand malheur la malchance, serait-il plus approprié de dire dans ce cas... ) ! Peut-on les prendre à bord? Les réchauffer, les nourrir, les rassurer? “. Mais la réponse sensée et rationnelle est différente... Les aider, oui, mais à distance. Ne pas les laisser monter à bord pour éviter le danger. Le risque de chavirer par le poids ou la gîte incontrôlée. Pire, le risque, bien réel, qu’ils se noient en tentant de rejoindre le voilier. Le risque de violence et de gestes désespérés. Se tenir à une distance de sécurité tout en les gardant à vue et prévenir les autorités côtières en urgence via la VHF. Et espérer qu’un cargo plus grand et plus solide que notre frêle voilier, capable de les accueillir, les fasse monter à bord pour les amener à une destination côtière où ils pourront trouver asile. Reflexion déconcertante.​

Je me demande pourquoi les gardes-côtes de Tarifa continuent à inviter les navires croisant au large à porter assistance à ce rafiot au lieu d’agir eux-mêmes et de leur venir en secours. Puis, je me souviens... La crise des migrants. La fameuse crise ou les pays, les uns après les autres refusent l’asile aux migrants clandestins qui tentent de rallier le continent du Nord au départ de l’Afrique ou du Moyen-Orient. Et l’Espagne en fait partie. “Not in my backyard... Pas chez nous... “. Les autorités portuaires locales n’ont sans doute pas obtenu l’autorisation de les ramener à quai.


Alors, tour d’abord ballottés par les flots, ensuite ballottés par les politiques, ces marins malgré eux, attendent et attendent encore que les décideurs de ce monde de nantis décident de leur sort et qu’une nation limitrophe daigne enfin accepter de les accueillir dans leurs ports ou de les renvoyer d’où ils viennent pour, dans les deux cas, un avenir on ne peut plus incertain. Les mal-aimés, les mal-venus, les mal-reçus. Et pourtant, la traversée de la Méditerranée et la migration à tout prix n’est pas forcément la solution miracle... Et les loups aux longues dents sans scrupules font légion parmi les passeurs.

Après de longs jours de discussions parlementaires et de négoce humain (la traite des hommes ne serait-elle donc pas encore un trait du passé?), Malte accepte enfin de recueillir les navigateurs sous conditions strictes, Cependant, Malte est bien loin de l’endroit où nous nous trouvions. Quasiment impossible à rejoindre sur une embarcation de fortune...

Très bientôt, je serai à nouveau en mer, en navigation cette fois-ci entre la Sicile et les îles éoliennes... Encore un endroit où le hasard nous fera, qui sait..., là également croiser un radeau de la Méduse, en route probablement vers l’Italie. Quelque part, la peur en moi me fait appréhender telle rencontre pour ne pas avoir à décider. Néanmoins, j’espère, tout de même, le cas échéant, pouvoir agir au mieux avec mes compagnons de bord pour les aider, sans mettre l’équipage (ni le leur, ni le nôtre) en danger et prendre les bonnes décisions pour tous.

Nous ne saurons pas ce qu’il est advenu de ce petit bateau clandestin croisé à Tarifa. J’espère qu’ils ont eu cette chance de pouvoir accoster sains et saufs sur un rivage bienveillant et leur souhaite le meilleur.

Ce billet ne se veut ni juge ni polémique politique ou économique quant à la crise des migrants. Il reflète simplement une question humaine, à laquelle nous pourrions tous nous trouver confrontés un jour, en mer ou ailleurs.

Sur cette réflexion, je vous souhaite un excellent dimanche.
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Way Finders

29/7/2018

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Si certains d'entre vous ont eu la chance d'observer l'éclipse lunaire, ces derniers jours, le firmament et ses secrets ne les laissera pas indifférents. Un petit billet ce dimanche pour introduire un thème qui titille ma curiosité, mais qui demeure encore un sacré défi à mon esprit littéraire... Comme je ne connais encore que très peu  le domaine (je compte bien le décrypter un peu plus ces prochaines mois), je débuterai donc ici par une introduction élémentaire avant de parvenir à écrire un billet plus solide sur le sujet. Je vous emmène aujourd'hui dans l'Océan Pacifique pour découvrir...  la navigation astronomique.

On se souvient souvent des prouesses des navigateurs espagnols, anglais, portuguais ou encore celles des Vikings (ces derniers ayant atteint le Canada). On connaît par contre moins celles des peuples polynésiens. Derrière l'image des vahinés, aux colliers de fleurs, des hommes aux tatouages mystérieux, des mélodies de yuculélés et des volcans insulaires, se cache un peuple aux ressources insoupçonnées. Toute une génération de marins et voyageurs, qui a colonisé l'Océan Pacifique, grâce à sa connaissance traditionnelle, mais déjà sophistiquée du positionnement géographique et de la navigation astronomique.
La Polynésie, dont le Grand Jacques était épris, forme un triangle à travers le Pacifique allant d'Hawaï au Nord, Rapa Nui (Les Îles de Pâques) au Sud-Est et Aotearoa (Nouvelle Zélande) au Sud-Ouest, avec Tahiti en son centre. Cependant, les navigateurs polynésiens semblent avoir été bien au-delà de ce triangle. En effet, les recherches prouvent qu'ils auraient atteint la côte d'Amérique du Sud ainsi que les îles sub-arctiques.
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© Photos - The Conversation/Opinion Global

Naviguer au Doigt et à l'Oeil
Pour naviguer, il faut d'abord parvenir à se positionner par rapport aux astres. Et les Polynésiens avaient développé une technique leur permettant de définir leur position à l'aide de ... leurs mains.
"If you can identify the stars as they rise and set, and if you have memorised where they rise and set, you can find your direction. " (Polynesian Voyage Society, Nainoa Thompson)
Pour calculer leur position sur terre, les navigateurs connaissaient par coeur la carte du ciel et mesuraient l'angle entre les étoiles et l'horizon pour déterminer la latitude. Pour se faire, ils utilisaient leurs mains. La largeur du petit doigt en son extrémité, à bout de bras, compte environ pour 1°, ou le double du diamètre angulaire du soleil ou de la lune. On compte que la largeur de la paume (la distance du pouce au petit doigt étendu représente environ 25 degrés. En tenant la main face à l'horizon, bras tendu, chaque partie de la main permet ainsi la mesure d'une altitude spécifique.
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© Photos - Polynesian Voyage Society
Comme les positions des étoiles ne sont pas fixes dans le temps, les marins utilisant cette technique de navigation doivent régulièrement ajuster leurs mesures. En effet, depuis des millénaires, les étoiles ont graduellement bougé de position en raison du lent changement de direction de l'axe de rotation de la terre (ou "précession des équinoxes"). Par exemple, au départ de la latitude de Samoa, on a pu observer un shift de -19° de la Croix du Sud par rapport aux observations antiques.
Si l'envie vous dit et le ciel clair, jetez donc un coup d'oeil à l'article en annexe pour mesurer votre position avec vos mains. (http://www.abc.net.au/science/articles/2009/07/27/3169109.htm). Il ne vous reste plus qu'à mémoriser la carte du ciel et le tour est joué !

Vaiana et les Way Finders
Cette très belle technique de navigation ancestrale a été relatée dans les aventures d'une petite polynésienne, nommée Vaiana (ou Moana), l'héroïne d'un Walt Disney dont je ne me lasse pas (vous me pardonnerez mes références littéraires). "Vai" signifiant "eau" en tahitien. Même si ce film a causé quelques polémiques sur la manière dont il dépeignait les peuples du Pacifique, j'en ai retenu cette belle parenthèse sur la navigation "à la main" et m'a donné envie de me renseigner un peu plus sur cette pratique ancestrale.

Je vous laisse en découvrir quelques extraits. Une petite héroïne, amoureuse de la mer, qui rêve de partir en catamaran parcourir l'océan au-delà des récifs de corail, où les flots deviennent sauvages malgré la peur d'un univers inconnu. Elle découvre alors que ses ancêtres ont été des "Way Finders", de grands voyageurs et un peuple de navigateurs. Un rêve que je partage un peu et qui sait, que je réaliserai peut-être bientôt ?...  


Sur ce, je m'en vais réviser ma carte stellaire et compter les étoiles au lieu de compter les moutons... Je vous souhaite de voir de nombreuses étoiles filantes ! Bon dimanche à tous.

PS. Petite pause du blog la semaine prochaine. Mais je vous retrouverai avec plaisir mi-août.
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Les Voyages de Lemuel

1/7/2018

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Qui d'entre vous se souvient de Jonathan Swift et de ses récits de voyage ? 
Je vous rafraîchis la mémoire ?
  • Mon premier est un chirurgien de marine
  • Mon second est un naufrage
  • Mon troisième est minuscule mais travaille comme une fourmi
  • Mon quatrième se passe au bout du monde, dans un pays imaginaire
  • Mon cinquième est un prisonnier géant qui répond au charmant prénom de Lemuel
  • Mon tout est un roman satirique et fine critique politique de 1721

Vous avez trouvé ? Mon tout narre les fameux Voyages de Gulliver... Dissimulé sous l'aspect d'un conte marin pour enfants, il s'agit en réalité d'une satire véhémente contre les mœurs et les gouvernements de l'époque de son auteur.

Les habitants de Lilliput sont de petits êtres mesurant six pouces de haut (ou moins de quinze centimètres) à la langue incompréhensible. Ils vivent dans une société parfaitement organisée et s'opposent aux habitants de l'île voisine. Gulliver, chirurgien de marine, atterrit sur leur île suite à un naufrage et se faire prendre prisonnier par ces petits êtres très particuliers. Il finira par les aider à capturer et emmener la flotte ennemie grâce à sa grande taille. Mais sera rapidement mis en discrédit par les monarques locaux en éteignant l'incendie du palais d'une manière, disons, ... inhabituelle, bien qu'efficace...
Gulliver découvre l'origine de la guerre entre Lilliput et Blefuscu qui est l'île voisine : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque : d'où le nom des partisans de chaque doctrine, les Gros-boutiens et les Petits-boutiens.
"N'est-ce pas le défaut naturel à tous les hommes qui se plaisent ordinairement à parler et à raisonner sur ce qu'ils entendent le moins ? " (Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift)
Lemuel Gulliver fera quatre voyages : à Lilliput, puis à Brobdinggag, le pays des Géants, dans l'océan pacifique. Il ira ensuite, à Laputa, Balnibarbi, Glubbdubdrib et Luggnagg, pour terminer ses aventures quelque part au Japon.
© Photos – Wikipedia

Je ne vous entretiendrai pas dans ce bref billet des détails du récit des voyages de notre ami Gulliver. J'ai simplement l'intention de vous donner l'envie et l'occasion de ressortir cet ouvrage de vos archives. A votre échelle pour aller le dénicher au fond de votre bibliothèque !
Alors, en mangeant votre oeuf à la coque ce dimanche matin, posez-vous la question de savoir si vous êtes un Gros ou un Petit-boutien !

Je vous souhaite un superbe dimanche ensoleillé.
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La Mouette Rieuse

25/2/2017

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Qui dit mer, dit aussi grands voyageurs... Et quoi de mieux qu'une paire d'ailes pour découvrir le monde...

Dans un des billets précédents à propos de la Russie, je vous avais promis des oiseaux de mer. Je tiens donc parole. Je vous emmène aujourd'hui rencontrer quelques spécimens particulièrement attachants  de ces volatiles marins, explorateurs du monde, à travers des destinations qui ont marqué leur sillage aérien... ainsi que ma mémoire.


A la quête de l'Absolu
Premières destinations de nos amis à plumes: Carlsbad Caverns National Park, New Mexico. Ensuite Santa Fe, California et ensuite Monterey Peninsula Landfill et Death Valley National Park, USA. 

Notre premier goéland s'appelle Jonathan. Il s'agit du cousin à duvet d'un grand explorateur de l'Afrique.

Voyage pour son rôle dans la version cinématographique d'un ouvrage de Richard Bach. Des images époustouflantes et une musique à vous crever le coeur. Le tout sur la voix profonde au timbre troublant de Neil Diamond. Une épopée métaphorique et allégorique d'un jeune goéland que l'amour du vol entraîne dans une quête d'absolu, et qui quitte son groupe à cette fin. A voir ou à revoir si l'on aime la poésie, les images de mer et de solitude.

" You have the freedom to be yourself, your true self, here and now, and nothing can stand in your way." (Jonathan Livingston Seagull, Richard Bach)    

Convoyeurs de fonds (marins)
Notre second héros du jour se fait appeler Capitaine Orville. Un tout autre registre. Un envol au départ de New York pour le Bayou de Louisiane, en réponse à un message dans une bouteille d'une petite fille. Une traversée aérienne - et surtout des décollages délicats - pour conduire un mini duo Sherlock & Watson vers l'objet de leurs recherches de souris détectives.

Notre troisième protagoniste n'est autre que l'Amiral. Nigel, de son petit nom. Un désopilant pélican  débordant de générosité, qui offrira ses services de taximan à quelques poissons en mal de mer, sous l'oeil avide des mouettes du port de Sydney. 
Un passage, avec un poisson clown et son adorable compagne amnésique, dans les abysses marines, à travers les bancs de méduses et les migrations de tortues dans les grands courants océaniques. Un périple  jusqu'aux marinas australiennes.

En parlant d'Amiral, la ressemblance avec son homonyme humain, grand marin et écrivain que j'apprécie tout autant, viendrait-elle donc de la grande gueule ou serait-ce plutôt du grand coeur?

Air-udit
Notre quatrième acteur porte le nom emblêmatique d'Eurêka ou Scuttle. 

Se disant grand savant, ce goéland farfelu constitue le lien entre la Petite Sirène et le monde des terriens. Prétendu grand connaisseur des hommes, ses explications quant aux objets trouvés au fond de l'océan s'avèrent plus abracadantes les unes que les autres. 
Mais notre ami à plumes permettra surtout à la Petite Sirène de rencontrer le Prince Erik. Marin qu'elle sauvera d'un naufrage et dont elle tombera éperdument amoureuse. Je ne vous en dis pas plus: vous connaissez déjà la suite de ce récit.

Yves & Yvette
Je ne me souviens malheureusement pas des noms de tous les autres oiseaux croisés en mer, mis à part du couple entrevu à St Malo: Yves et Yvette, que je vous ai présenté dans un billet précédent. Mais toutes ces rencontres avec ces voyageurs de l'air ont été mémorables.

Retour donc en Europe par le Nord pour revoir Bergen, Oslo et la magie nordique. Et comme il y a fait un peu froid tout de même, nos amis décident de redescendre vers la chaleur. Passage par notre chère Mer du Nord, pour continuer vers le Sud et prendre une petite semaine de relâche en Andalousie, à Cadix la toute belle. Le temps d'y admirer des couchers de soleil fabuleux et d'y faire le plein de soleil. Ils remontent alors par Saint Malo et le Mont Saint Michel, le temps de saluer Yves et Yvette, toujours aussi friands de frime sur la pellicule!


La Mouette Rieuse
Enfin, nous voici de retour au port de Bruxelles, pour y rejoindre notre Mouette Rieuse nationale. Vous savez, celle qui oblige tous les membres  de l'équipe de rédaction du journal de Spirou à porter un casque lors de ses accès d'humeur et qui ouvre les boîtes de sardines pour le chat avec son bec...
Voici la fin d'une navigation aviaire à travers un petit billet "poids plume" (légèreté du sujet oblige...). Et si vous avez pris des congés en cette semaine de Carnaval et adopté la mer comme endroit de villégiature, remettez donc mon bonjour aux goélands, mouettes et autres navigateurs ailés que vous y croiserez!

Bon dimanche à tous.

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Traversée vers le Grand Sud

23/4/2016

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Les canges ont toutes deux grandes voiles croisées qui font ressembler le bateau à une hirondelle volant avec deux immenses ailes... (Gustave Flaubert, Correspondance)
La mer n'en finit pas. L'horizon semble infini avec sa ligne courbe grisâtre dans la brume du matin. Les deux compagnons persistent dans l'effort pour poursuivre leur longue route vers le Grand Sud. Mais leurs forces faiblissent au fur et à mesure qu'ils avancent dans l'univers ouaté. 
- Mon ami, je n'en puis plus. Ne pouvons-nous donc pas faire une petite relâche? Son compagnon scrute les vagues pour y aperçevoir un endroit où se reposer. Rien devant, rien derrière.
- Courage, ma belle, encore un petit effort. Nous finirons bien par trouver un refuge.  Les quelques rares rayons de soleil parvenant à traverser l'écrin nuageux réchauffent brièvement leurs corps endoloris. Soudain au loin, apparaît l'ombre d'une voile triangulaire.
- Enfin, un abri où nous reposer. Nous sommes sauvés!

Mais pourquoi cette petite bête atteignant tout juste 20 grammes ressent-elle, à la mauvaise saison, la nécessité de parcourir plus de 10.000 kilomètres ? L'instinct est le plus fort, la nature surprenante. Pour réaliser cet exploit, elle utilise le vol battu, c'est à dire que ses ailes sont presque toujours en mouvement. Pas de GPS, ni boussole. Pas de cartes aériennes ni de sextant pour indiquer le chemin. Juste un don et une connaissance géographique innée. Et la cohésion du groupe. Difficile à croire! Nous ne pouvons qu' imaginer leur périple durant l'hiver. Quelle peut bien être leur destination: Saint Tropez, Tanger, Palerme, Beyrouth, Smyrne, ou même Ougadougou? Que de kilomètres à parcourir à tire d'ailes. Que de dangers à affronter. Que de régions à traverser. Vont-ils survivre? Vont-ils revenir, surtout? Et s'ils allaient se perdre en route? Et s'ils décidaient de s'installer dans leur résidence estivale pour de bon? 
Rassurez-vous, je ne compte pas vous faire un cours d'ornithologie à travers ce billet. Mais le récit de ces petites merveilles de la nature vaut , à mon sens, tout de même la peine d'y consacrer quelques lignes...

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Une Hirondelle ne fait pas le Printemps...
L'expression consacrée signifie qu'un seul événement ne suffit point à confirmer une généralité. Elle vient du latin "una hirondo non facit ver", lui-même venu du grec. Certaines hirondelles peuvent en effet revenir plus tôt qu'elles ne devraient.  Puis il y a celles qui,  n'ont pas eu la force de migrer, et qui ont trouvé refuge au chaud et donneront signe de vie bien plus tôt que leurs congénères voyageuses. Du coup, il n'est pas toujours possible d'affirmer que le fait de voir une hirondelle suffise à confirmer qu'on soit au printemps.
Et pourtant, moi, je vous assure que si... Contrairement à l'adage, pour moi, les hirondelles font bien mon printemps à moi... Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

L'année passée, début juillet, nous avons eu le plus grand bonheur de voir arriver un couple d'hirondelles rustiques, passer et repasser sur la terrasse couverte, dans un ballet incessant de gracieuses arabesques aériennes. Par habitude, nous donnons un nom à tous les animaux du jardin et les avons ainsi nommés Isidore et Anabelle. Dans leur langue, probablement "chiipputiiii et chiiiiiputtttiaaaa"...  (Excusez-moi pour la traduction littérale de leur gazouilli).

Tout a commencé par des séances de haute voltige et de vocalises dignes des plus grands artistes de cirque et chanteurs d'opéra, avant de décider que notre terrasse couverte serait leur endroit de prédilection pour leur lune de miel. Après de moultes tentatives infructueuses, elles ont fini par débuter la construction d'un lit nuptial dans un coin supérieur bien abrité du plafond de bois, avec de la boue, de la paille et de la salive (je ne vous dis pas l'état du sol en-dessous). Après quelques semaines, Anabelle s'est confortablement installée dans son petit lit d'amour et s'est fait servir son repas au lit par Isidore durant quelque temps. (Messieurs, prenez-en de la graine! Petit déjeûner au lit tous les jours pour Madame!). Par pluie, vent, orage, elle n'a pas bougé d'un milimètre de son lit à baldaquin. Isidore, quant à lui, n'ayant qu'à faire chambre à part durant la période... (Heureusement, il y avait pas mal de Beds & Breakfasts à proximité).

Puis un jour, Anabelle s'est mise à furieusement donner des coups de bec dans son lit. Non, non, ce n'était pas pour secouer la couette, ni aérer les oreillers... Et Isidore ne cessait de faire des aller-retours le bec rempli à ras bord du déjeûner (miam, miam, c'est bon les mouches et les moustiques!). Nous attendions donc avec impatience les résultants de l'heureux événement.

Quelques temps plus tard, le gazouilli s'est fait plus aigu, plus sonore, plus insistant surtout... Sont alors apparues quelques petites têtes blanches et noires: 1, 2, 3 puis 4... Nous les avons alors baptisés notre "Quatre Moustiquaires": Athos, Aramis, Porthos et D'Artagnan, le petit dernier...

Les parents ont été modèles: durant des semaines entières, ils n'ont eu de cesse que de venir nourrir leur progéniture, dans un ballet incessant (dur dur d'être parents...). Se relayant les nuits venteuses pour demeurer au chevet de leurs bambins dans des conditions de plus en plus inconfortables vu la place restreinte dans le nid. Et je peux vous assurer que ces petits goinfres n'en avaient jamais assez! Sans vous parler de l'état de la terrasse sous le nid ;-(. 

Puis, enfin, un midi ensoleillé où nous étions en train de prendre l'apéro, confortablement installés sur la terrasse, à moins de deux mètres du logement de nos petits amis, nous avons été envahis de la belle-famille... Sans gène aucune, virevotlant au-dessus de nos têtes, dans un brouhaha indescriptible. Une vraie réunion de famille digne d'une tribu sicilienne! Ils étaient des dizaines, à pépier et encourager nos quatre moustiquaires à sortir du nid et à prendre leur envol. Et peu à peu, après quelques essais maladroits et de bonnes chutes (heureusement sans conséquences), nos petits amis ont pris leur envol sous nos yeux. Un seul des quatres n'est malheureusement pas revenu d'une de ses premières ballades. Puis, les parents ont pris la route vers leur seconde résidence. Et fin de l'été, les trois moustiquaires restants ont fini par prendre la route du Grand Sud.

A commencé alors une interminable attente hivernale, en espérant que nos petits pensionnaires reviendraient égayer notre terrasse dans leur nid douillet l'année suivante. Et Dieu que cet hiver m' a paru long cette année.
Et puis, un matin de cette semaine, entre les pépiements assourdissants des moineaux, mésanges, troglodytes et bergeronnettes, soudain une vocalise bien connue dans la cour intérieure... L'ombre d'un F16 noir et blanc aux cabrioles vertigineuses, qui se livre à des acrobaties aériennes entre la vigne et les vieilles poutres en bois massif de la terrasse. Les hirondelles sont revenues!!! Elles n'ont pas encore tout à fait repris possession de leur nid, mais cela ne peut tarder... Alors, avec elles, mon printemps à moi est revenu, lui aussi. Malgré la pluie et la température maussade ce WE (si, si, on annonce de la neige dans mon pays d'Ardenne!), nos hirondelles ont ramené le printemps dans mon coeur...  Elles ne nous ont pas oubliés: nous faisons toujours partie de leur vie.

Alors, si même des êtres chers vous boudent et gardent le silence durant de longues années, cela ne signifie pas qu'ils vous ont banni de leur coeur ou que vous leur soyez indifférent. Peut-être ont-ils ce besoin de passer du temps dans d'autres contrées, sous d'autres saisons, en d'autres compagnies, et de vivre d'autres vies. Je continue à croire qu'un jour, ils reviendront là où un jour leur coeur a appartenu. Ne leur en veuillez pas. Et ne les attendez-pas non plus. Mais, le jour où ils refont surface chez vous: accueillez-les comme si c'était hier, sans reproches, les bras ouverts, avec gratitude et cette même tendresse. Une ancienne amie d'enfance m'a récemment recontactée après plus de 25 ans d'absence. Et son coup de fil m'a fait chaud au coeur. Et je me réjouis sincèrement de la revoir. Peu importe si nous n'avons plus d'anciens sujets en commun. Nous en aurons de nouveaux, bon sang! 
Alors, si un jour, une hirondelle revient vous voir après de longs hivers d'absence... Ne l'ignorez ni ne la repoussez pas. Accordez-vous simplement de lui laisser faire votre printemps...
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