Rencontre avec le temps, les jours et les heures parfois bien longues et si courtes à la fois...
Si les émotions se font fréquemment sources d'inspiration, il y en certaines qui, par contre, requièrent le silence. Et du temps pour passer... C'était le cas le WE dernier.
Il y a des moments qui semblent étirer le temps. Des minutes qui nous paraissent des heures. Et des jours qui durent une éternité, Un peu comme un sommeil agité dont on ne se réveille pas. Comme si les aiguilles de l’horloge avaient décidé de se mettre en grève.
Le temps, ce coquillage au bruit de mer latent... (L’infini dans le temps, Suzanne Charoux-Mamet)
Dans la pétole, lorsque le vent boude les voiles et où le navire fait du sur place. Lorsque le marin voit l’orage arriver au loin et que le vent capricieux pousse les nuages sombres de plus en plus près du voilier, lui tourne autour comme un prédateur qui joue avec sa proie avant l’attaque. Dans l'approche des vagues scélérates, qu'on ne voit pas vraiment, mais dont on devine la présence sans savoir où et lorsqu'elles vont frapper. Ou encore, dans un ciel serein, où le vent tourne brusquement et où l'horizon se noircit en une fois dans la direction où l'on doit aller.
Alors, le bon marin fait le dos rond, remonte le zip de son ciré et attend patiemment, couragement, que cela passe. Il n'a pas le contrôle sur son environnement et les évènements. Il n'a d'autre choix que de les subir tant bien que mal. Il peut se préparer, anticiper, se cuirasser et prendre les devants. Mais il y a parfois des odyssées auxquelles on n'est jamais assez paré, quoi que l'on fasse, aussi rationnel et prévenant soit-on. Et Dieu qu'il en coûte parfois d'être un bon marin. Et quelque fois, l'attente dure et dure encore...
Le temps est comme une vague éternelle, qui se prolonge à l'infini...
L'attente d'une nouvelle, d'une présence, d'un coup de fil, d'une décision. L'attente d'un signe, d'une indication, d'un présage, d'un pronostic. L'attente d'une amélioration d’un état ou d'une aggravation qui amène une réelle évolution dans un sens ou dans l’autre. Le plus dur est le status-quo. Celui où l'on demeure dans l'incertitude, l'ambiguïté, l'indécision, le flottement, l'hésitation sur la suite. Et dans ce cas-là, aussi bizarre que cela paraisse, malgré la lourdeur de l'équivoque, on n’a pourtant pas envie que le temps prenne fin. On en vient à souhaiter l'étendre à l’infini pour profiter d’une trêve. Pour garder l'autre encore un peu près de soi avant la séparation définitive qu'on sait inévitable à terme.
Et puis vient le moment où l'on n'en peut plus de ne pas trancher. Et puis vient l'instant de prendre une décision pour sortir de l’impasse. Celle qui coupera le fil. Celle qui changera la vie. Celle qui détournera la navigation. Et le coeur ferait tout pour ne pas la prendre cette décision-là. Cependant, la raison sait. La raison exige. Elle prône la paix et la fin de la souffrance pour l'autre. Elle guide le geste ou les mots fatals.
Il n’est point de cordeau pour amarrer le temps... (Proverbe allemand)
Ensuite, tout va en une fois très vite. Les choses s'enchaînent et le temps se rattrape sur ces longues heures où il s'est arrêté de couler. Le sable s'engouffre en une fois dans le sablier. Et reste alors le vide... Le vide de l'autre. Le vide de soi... Le vide autour de soi. Et l'on continue de faire avancer le voilier par habitude, par automatisme. A chaque recoin du bateau, on est confronté à l’absence, aux souvenirs, aux objets qui rappellent, aux bruits qui ne sont plus là, aux petites choses qui nous agaçaient autrefois mais qui nous manquent tellement à présent. Et le navire reprend sa course, inlassablement, sans laisser rien d'autre que le sillage derrière lui. Et la mer engloutit les quelques restes de mémoire.
Tu nous manques, Kastaar. Ainsi qu' à ta petite soeur qui trouve le temps bien long sans toi... Tu as été le plus fidèle et affectueux compagnon durant ces dernières presqu'onze années de vie commune à nos côtés. Toi, mon attachant garde du corps personnel, mon gros ours à l'imposante force, mais au tout petit coeur. Chasse bien le bison et les étoiles dans les terres tout là-haut. Et chante encore de temps à autre, mon zouzou, comme tu savais si bien le faire, à travers les murmures du vent pour nous faire savoir que tu ne nous oublies pas non plus.
© Photos – Rêvesdemarins
Ceux d'entre mes lecteurs qui ont (eu) un fidèle compagnon à quatre pattes comprendront. Et quant aux autres, vous retrouverez un sujet qui vous plaira peut-être plus dès la semaine prochaine.
Un bon dimanche à tous. Et en termes de temps, profitez bien de la petite heure de sommeil en plus.
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On affirme que seuls les hommes parlent d'elles ainsi. Que les femmes n'y sont pas sensibles. Je dois donc faire l'exception...
Titine, ma douce Titine,
C'était il y a douze ans... Tu es née à Cologne, en Allemagne un 30 janvier. Et ton baptême fut célébré le 6 mars, où tu fus prénommée des chiffres et des lettres XFH344. Ton prénom fut modifié à plusieurs reprises au cours des années. Mais pour moi, tu devins pour toujours ma “Titine”. Ta peau de nouveau-né était douce. Elle fleurait bon le cuir neuf. Qu’il était bon caresser ta peau d’ébène pour la première fois. Tu ronronnais comme un chaton, souple, pleine d’énergie, rapide et jouette en nous faisant découvrir ensemble ton caractère indépendant et quelque peu rebelle. Je t’ai immédiatement adorée. Et nous sommes rapidement devenues inséparables. Sous tes dehors sans prétention, se cachait un caractère vif, nerveux, puissant. Sous ta silhouette modeste et ta petite taille, tu recélais des qualités cossues, racées, modernistes et résolument sportives. Au dehors, une apparence sans grand interêt au premier abord. Au dedans, tu étonnais les plus incrédules et adorateurs de grandes dames. J’étais fière d’entendre ces messieurs qui ne juraient que par les top modèles, stars du car-walk, finalement avouer “Mmm, oui, tout compte fait, vraiment pas mal, cette petite... “, lorsque tu les emmenais pour une promenade.
© Photos – Rêvesdemarins
Arche de Noé
Tu as été mon vaisseau, ma nef, ma barque, mon radeau de sauvetage, mon arche de Noé.
A trois reprises, j'ai failli te perdre dans les méandres de mes changements de vie. Cependant, à chaque fois, j'ai toujours trouvé le moyen de te garder près de moi. Peu importe la paperasse, les coûts ou les embarras que ta ré-adoption allait engager. C'était plus fort que moi : je ne parvenais pas à t'abandonner. Il me fallait ta présence à mes côtés.
Tu as été ma plus grande histoire d’amour. Tu as emmené mon cœur, mon corps, mon âme, dans des voyages inoubliables. Tu as vu naître et mourir mes plus grands et mes pires moments. Tu as vu mon cœur s’emballer et se déchirer. Tu as soigneusement gardé ses secrets. Tu m’as laissé décider du cap et nous emmener dans des mers dangereuses, bordées d’ecueils et de rochers sous-jacents. Dans des océans de bonheurs que je pensais inaccessibles. Pour y parvenir, tu en connaissais les chemins secrets qui ne sont repris sur aucune carte. Et toujours, tu m’as ramenée à bon port.
Tu m’as poussée dans mes retranchements, bien au delà de mes limites, bien plus loin que ma raison. Et bien au delà de mes espérances. Avec toi, j’ai cru mourir quelques fois, de chagrin, de désespoir, de folie ou de désespérance. Le cuir de ton carré en porte encore les marques. Leurs formes y sont restées à jamais imprimées. Tu m’as accompagnée dans mes raisons et dans mes déraisons, sans jamais me juger, sans jamais me lâcher. Tu m’as épaulée dans mes envies, mes rêves et mes cauchemars. Tu m’as relevée dans mes échecs, mes déceptions et mes désespoirs. Sans relâche, j’ai toujours pu compter sur toi. Tu as été mon refuge secret, mon île au trésor, mon atoll doré, mon repère de consolation.
Ton toit se transformait en lac immense aux reflets du soleil couchant. Et des couchers du soleil, j'en ai vu des milliers en ta compagnie ! Tes rétroviseurs me laissaient souvent profiter des tons chatoyants du crépuscule qui s'éloignait de moi, un peu plus longtemps alors que le chemin sombrissait devant nous.
Tu as écouté mes joies, mes larmes, mes colères, mes fureurs, mes haines et mes absences. Tu les as épanchées, apaisées, acceptées. Tu as été ma confidente, ma sœur, mon confesseur intime. J’ai toujours pu me réfugier dans ton cocon lorsque le monde me semblait trop petit pour me porter.
© Photos – Rêvesdemarins
Déchéance
Les grands ports te seront bientôt interdits, Bruxelles, Anvers.... « Trop polluant ton moteur », disent-ils.... Alors que ces milliers de cargos que nous croisons tous les jours sur nos routes, en mer et dans le ciel en recrachent, eux, mille fois plus. Mais, eux, on ne les juge pas. Ils rapportent trop aux magnats de l'économie.
Douze ans de bons et loyaux services sur plus de 293.309 milles terriens. Une performance en soi. Et toujours aussi belle.... De l'extérieur, tu ne fais vraiment pas ton âge. J'ai pris grand soin de toi durant toutes ces années. Et pourtant...Ton moteur se meurt en silence. Ta carène porte quelques rares rides et cicatrices de ton âge. Ton électronique rend l’âme, petit à petit. Ton safran vacille. Et chaque réparation ne se peut plus qu’un bricolage de fortune avant qu’une autre pièce ne décide à rendre son dernier souffle. Ton préparateur ne sait plus où donner de la tête pour te faire tenir la mer encore...
Tu vogues toujours, mais pour combien de temps encore ? L’hiver approche et la saison qui te fait tousser, gémir et te donne des courbatures. On me dit qu’un beau jour tu t’éteindras et cesseras de me porter, qui sait en pleine tempête. On me dit qu’un beau jour, bientôt, tes forces t’abandonneront malgré ton incroyable courage. J’ai peine à le croire. Tu restes pour moi une fringante nef, jeune à jamais dans mon esprit. J’avais espéré passer le cap des 300.000 milles avec toi. Et la tentation m’est grande de te garder jusqu’au dernier moment et de vivre ta fin avec toi. Hélas, la raison dit autre. Terrible et implacable raison...
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Notre dernier voyage ensemble
Je t’ai refait une beauté, je t’ai bichonnée ce dernier matin. Et toutes deux vêtues de noir, nous avons largué les amarres pour une dernière navigation en tête à tête, toi et moi. Dieu que j’ai aimé poser les mains sur ta barre à roue chaleureuse, sur tes manettes de cuir, sur les sièges de ton cockpit quelque peu sculptés à mes formes par le temps. J’ai aimé ta silhouette, la courbe de ta carène sombre, à la fois sportive et sensuelle. Aucun autre top modèle du car-walk n’a à ce jour dépassé ta beauté. Et lorsque le moment est venu de se faire nos adieux, j’ai posé un dernier tendre baiser sur ta peau irisée. Et je me suis enfuie pour que tu ne voies pas le perlé de mes joues.
Un hivernage dans le grand Sud
Il paraît que tu vas peut-être t’envoler pour un dernier hivernage. Dans le grand Sud, avant de commencer une nouvelle vie et profiter de ton troisième âge au soleil, loin des brumes d’automne et des gelures hivernales. J'espère que ton prochain amour, là-bas, s’occupera bien de toi. Qu’il prendra bien soin de toi et te refera une santé, au loin dans les terres africaines...
Quant à moi, j’ai rencontré celle qui te suivra. Ta sœur cadette de douze ans. Un top modèle qui te ressemble comme deux gouttes d'eau, mais avec la fringance, les bijoux et les vêtements de la dernière mode. Elle est très jolie et en pleine santé de sa jeunesse. Oh, je sais que nous nous entendrons bien. Cependant, ce ne sera pas la même chose. Ce sera, avec elle, une nouvelle destination, une nouvelle manière de voyager et de nouvelles aventures. Je l'espère du moins. Mais jamais elle ne pourra te remplacer vraiment. Il y a des deuils qu'on ne fait jamais tout à fait. Tu as été unique. Adieu, ma Titine... Merci de ce long bout de chemin à mes côtés. Tu as été formidable. Tu me manques déjà.
Quel est votre moment de détente favori après de longs mois d'une période éreintante et stressante ?
Selon Mary Poppins...
Raindrops on roses, And whiskers on kittens, Bright copper kettles and warm woolen mittens. Brown paper packages tied up with strings
Selon les terriens...
Un bon bouquin dans un fauteuil confortable avec un fond de musique et un bon verre. Ou encore un jeu de société avec ses proches. Une séance de fitness, jogging, yoga, vélo ou tennis. Une sortie en boîte pour aller danser sur des rythmes endiablés de samba ou de tango argentin. Une balade en forêt, Un concert, une visite de musée, un repas autour d’une bonne table. Un tour en voiture ou en moto. Une soirée cocooning devant un film captivant ou au cinéma avec un pot géant de popcorns ou une crème glacée... Une séance de cuisine ou de dégustation. Bref, à chacun sa manière.
Selon les marins...
Souvent un long bord de près où le loch double ses chiffres, une rencontre avec des dauphins en mer, une navigation sportive avec juste assez de vent dans la bonne direction pour suivre un cap vitesse idéal. Une bonne gîte, le bruit des vagues et de la brise. Une sieste au soleil. Un quart de nuit calme sous les étoiles et le lever de Vénus. Un lever de soleil en mer. Un arrimage parfait au ponton. Le soir à l’arrivée, une douche brûlante et un verre dans le bar du port pour y échanger ses récits de voyages et y refaire le monde avant de reprendre la mer le lendemain matin ou la nuit même.
Selon moi, pour l’instant...
Faute de pouvoir suivre les marins dans une période encore très chargée : une parenthèse de tendresse avec le chat qui ronronne sur mes genoux, les chiens qui demandent des caresses ou une petite séance de toilettage-maison (pas toujours de tout repos ;-)), un massage des pieds, une escapade de lecture dans un bon bouquin, regarder le lever ou le coucher du soleil, m'émerveiller des biches ou des petits veaux dans le champs d' à côté, quelques notes de musique improvisées, chanter (faux) à tue tête seule dans ma voiture ou encore écrire ce blog comme à ce moment précis.
Et le WE passé, un très bref passage à Nieuport, Mer du Nord. My favourite place. Une balade le long de la côte ou du port. Un clin d’oeil aux phoques qui se chauffent au soleil sur la rampe de mise à l’eau et l'occasion de prendre quelques jolies photos...
© Photos – RevesdeMarins
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August 2023
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