La seule chose qu’on ne puisse pas nous enlever, ce sont nos souvenirs. Même lorsqu’on pense en avoir oublié les méandres les plus reculés, ils nous retrouvent toujours au détour d’un bord en mer (ou ailleurs). C’est pour cela que les voyages font partie de nos biens les plus précieux. Et cela, les marins l’ont compris depuis toujours.
"La mer n'a pas de mémoire... Le sillage est la seule trace du marin, éphémère... L'arrivée n'est que le retour à la terre des humains, c'est tout..." (Large - Sensations de Marins, A. Guillaume)
Une trace, un peu d’écume, quelques remous. C’est tout. Et la trace s’efface.
L'eau se referme. Et le souvenir s’égrène peu à peu. Ne reste que la mémoire. Ensuite, la mémoire s’embrume, jusqu’a devenir brouillard, léger puis plus épais Le flou s’installe, les couleurs s’étiolent, une à une comme une étoile qui s’éteint Et lorsque le vague se dissipe, il laisse un immense vide derrière lui. Comme si cela n’avait jamais existé... Les souvenirs s’évaporent, comme des bulles d’eau les images se fanent comme de vieilles photos Et le doute s’installe... Et la crainte de n’avoir que rêvé Et l’interrogation de ses navigations passées Suis-je réellement passé ici ? Mon navire a -t-il donc croisé ces eaux ?
Parfois, les sillages se croisent, s'entrecroisent ou se mêlent
Dans les plus belles navigations, ils vont jusqu'à fusionner et ne plus former qu'un Unis en une seule même trace dans les flots bleutés Mais dans tous les cas, la mer qui les a réunis, fnit par les séparer Dans la houle, brusquement ou au fur et à mesure, lentement, imperceptiblement Le sillage sombre, inexorablement, sans bruit, sur la pointe des pieds nacrés "Un morçeau de mer vierge, sans mémoire" (Jules Supervielle)
Le temps, les milles et les vies passent
Jour après jour, quart après quart, nuit après nuit Du vacarme des ouragans au sifflement des typhons Du silence de la pétole à celui de la douceur des alizés Des ciels sans étoiles aux firmaments infinis Des obscurités sans lune aux levers de Vénus sur l’horizon bleuté La peur d’oublier les vagues, les crêtes nacrées et les rochers La crainte du vide, de soi et des autres. Le spectre de l’amnésie Et certaines parties de vie disparaissent de l’esprit conscient Et certains morceaux d’existence se volatilisent de la réalité Le présent renie le passé, le futur et le conditionnel Et tout d’un coup, l'obscurité s’installe L’esprit a beau tenter de se remémorer Le corps se désespère de ne plus se souvenir Les mains ne retrouvent pas le chemin Les doigts ont perdu les sens Les yeux ne revoient plus les horizons lointains Et le cœur ne sait plus s’il a jamais réellement battu ou s’il a simplement rêvé Puis un jour, au gré du parfum d’une brise, d’une terre, d’une goutte de pluie La mémoire refait soudainement surface, du fond des abysses, des profondeurs marines Le cœur se souvient et les yeux revoient La route se clarifie et le cap reprend ses certitudes Le marin sait qu’il est déjà passé par là et retrouve ses repères La trace du sillage a disparu mais son empreinte profonde remonte à la surface, indélébile La mer, si elle l’efface, n’oublie jamais un sillage...
© Photos – Rêvesdemarins
Je vous souhaite de très beaux sillages en ce dimanche.
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AuteurArchives
August 2023
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