Le Sud de la Croatie et l'archipel des Elaphites en particulier possèdent un charme indéniable de par la beauté sauvage de leurs innombrables îles, de leur passé mythique et des énigmes de leur météo capricieuse. Une destination de voile hors des sentiers battus, qui ne laisse pas indifférent et pouvant se prolonger par un itinéraire tout aussi exceptionnel à quelques dizaines de milles nautiques seulement, jusqu’aux bouches de Kotor au Monténégro tout proche.
Berceau de l’Odyssée
Jadis, le grand Homère narra les îles éoliennes (entre la Sicile et l'Italie actuelle) comme étant le terrain de jeu des Dieux des vents, gouvernés par le céleste Eole. Dans l'Odyssée, Ulysse enferma ces derniers dans une outre, qui fut ensuite ouverte durant son sommeil par curiosité et appât du gain de ses hommes, ceux-ci étant persuadés que ledit récipient contenait de l'or. Épisode qui valut à notre héros grec de prolonger son périple avant de pouvoir enfin regagner son Ithaque natale. Cependant, rien ne prouve que le célèbre domaine des dieux des vents ne fût en réalité plutôt situé dans les îles dalmates... Ainsi, selon les écrits du philosophe grec, la rencontre d’Ulysse avec la belle Calypso aurait, elle également, eu lieu sur l’île d’Ogygie, que de nombreux chercheurs amoureux de mythologie attribuent sans hésitation à l’île croate de Miljet.
" De là, pendant neuf jours, les flots m'emportaient; la dixième nuit, les dieux m'approchèrent de l'île Ogygie, où habite Calypso aux belles boucles, la terrible déesse au langage humain… " (L'Odyssée, V. )
Un littoral de près de six cents kilomètres en dents de scie, qui quadruple sa longueur si l'on tient compte de sa découpe et des centaines d'îles qui le jalonnent. Partout le lien avec la mer se veut fort. Des fouilles archéologiques marines ont ainsi prouvé que cette région de l'Adriatique fut colonisée dès l'Antiquité. Tirèmes, instruments nautiques et amphores de verre témoignent de larges activités commerciales avec les régions de l'Est de la Méditerannée (empire ottoman, Egypte, Moyen-Orient...) et des connaissances maritimes avancées de ces peuples de la mer.
Joyau de l’Adriatique
© Photos - Rêvesdemarins
Au Sud de sa côte, barricadée par des remparts imprenables, se dresse, sublime, l’ancienne République de Raguse, aujourd'hui Dubrovnik, classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Fondée au VIIe siècle par des réfugiés d'Epidaure, elle devint un important comptoir marchand grâce à sa position centrale en Adriatique et à son mouillage sûr. Sous domination ottomane puis ensuite vénitienne, le port dalmate verra un essor maritime qui lui vaudra une large renommée en termes de construction et de flotte navale.
Quatre baies profondes, trois ports (Dubrovnik, Cavtat et Ston). Une région méridionale de l'Adriatique souvent délaissée par les plaisanciers avides de voile au profit des côtes plus au Nord telles que les Kornati, Trogir ou Split, plus connues, d'autant plus qu'elle ne comptait jusqu'à récemment qu'une seule marina. À tort, car le Sud renferme bien plus à offrir que l'ancienne République de Raguse. L'archipel des îles Elaphites (du grec « elaphos », qui signifie « cerf ») en vaut réellement le détour : Lokrum, Miljet, Lopud, Šipan et ses deux petits ports pittoresques (Suđurađ et Šipanska Luka), Koločep, Jakljan ou encore Olipa. Le parc national de l’île de Miljet (du grec Melita, en référence à ses forêts riches en populations d’abeilles) renferme d’ailleurs une large réserve naturelle, dont deux grande baies reliées à la mer par un passage tellement étroit qu’on les considère comme des lacs salés. Ces îles sont bordées des villages de pêcheurs aux couleurs chaleureuses, maisons en pierre du pays et volets de bois brinquebalants. Du haut de leurs collines verdoyantes couvertes d’oliviers centenaires, de figuiers et de plants de vignes, la vue sur les baies varie des bleus soutenus au turquoise, sous la bienveillante protection de chapelles et monastères aux tuiles orangées.
Le Royaume des Vents
Les cent et un dalmatiens n'étaient pas seulement d'adorables petites créatures tachetées de noir et blanc mais bien cent et un vents dalmates différents...
© Photos - Rêvesdemarins (Muséee maritime de Dubrovnik)
"Eole me donne une outre faite avec la peau d’un bœuf de neuf années : dans cette outre sont renfermés les vents ; car le fils de Saturne l’en a rendu maître, afin qu’il les apaise ou les excite à son gré. Ce dieu attache l’outre avec une chaîne d’argent ; puis il la place dans mon vaisseau pour qu’aucun de ces vents ne puisse sortir ; il abandonne seulement en notre faveur le souffle du zéphyr, afin qu’il pousse nos vaisseaux vers les rivages de la patrie… " (L’Odyssée, X. ) Leurs noms diffèrent selon leur origine. Que les hommes les nomment Eole, Zéphyr, Llyr, Gwynt, ou encore Borée, les dieux des vents ne sont cependant nulle part ailleurs vénérés comme en Adriatique. En Croatie, il existe un vent pour chaque souffle d’air selon son origine, sa direction, sa région, sa température ou encore sa légende locale. Ils sculptent le paysage et représentent des incontournables pour tout marin, que ce soit dans son choix du moment idéal où s’embarquer, du meilleur endroit pour s'amarrer ou jeter l'ancre. Chacun d’entre eux apporte présage de l’état de la mer, des vagues et de la navigation qu’il va falloir prévoir. Il est donc impératif de se familiariser avec ces souffles célestes avant de larguer les amarres car ils influenceront l’itinéraire et les étapes à prévoir. Mais quels sont donc les principaux dieux des vents de l’Olympe croate ? Les alliés des marins : Etezije, Sjevernjak et Maestral
Les oracles de tempête : Yugo, Stončica et Bora
Histoire de ne pas les froisser, nous mentionnerons également leurs autres parents tels que Burin, Levantara, Ostro, Lostracina, Pulenat, Lebič, Garbin, Nevera et autres révérentes divinités aériennes siégeant au panthéon dalmate.
© Photos - Rêvesdemarins
Dans le billet précédent "Tempête", les dieux des vents étaient clairement en colère. En rage, même... Et pourtant, je ne sais ce qui avait bien pu attirer leur mauvaise humeur. Qui sait, le nom de notre voilier : « Ružica » (« la Petite Rose ») leur avait-il semblé incomplet sans son adjectif venteux… La mini-tempête que nous avons essuyé dura finalement deux jours et deux nuits. Le dieu furibond n’était autre que Yugo, qui s’était manifestement levé du mauvais pied (et pas du tout marin, le pied ! )…
La Menace des Ouragans
Si les vents capricieux balaient le Sud de la Croatie dans tous les sens depuis des millénaires, la région voit peser sur elle depuis quelques années la menace d’ouragans bien plus dévastateurs encore que ceux engendrés par les fils d’Eole. Un cyclone de tourisme de masse souffle en effet sur la Cité de Raguse. Depuis peu, les paquebots géants et répliques d’anciens galions ont fait leur apparition dans le port de Dubrovnik et vomissent quotidiennement leur flot de passagers par milliers. Et si les îles Elaphites échappent encore à cette invasion terrestre, la vieille ville côtière se voit, elle, par contre prise d’assaut (surtout durant l’été) par des hordes d’envahisseurs en uniformes bariolés de shorts, chaussures de plage et lunettes de soleil.
A chaque débarquement d’un de ces gratte-ciels des mers, des cohortes entières de ces hôtes pourtant ardemment désirés par l’économie locale, submergent alors les petits ports de pêche ou les anciennes ruelles, trop étroites pour accueillir un tel volume de visiteurs en une seule fois. Les autobus, bondés à toute heure du jour, ne laissent quasi plus de places libres pour les indigènes. Aujourd’hui, Dubrovnik parvient encore à gérer cette marée humaine (en allant même jusqu’à régler le trafic piétonnier ! ), qui lui a permis de retrouver une stabilité financière. Toutefois, si l’argent du tourisme rentre à flots et fait vivre l’économie locale, ce nouvel essor des affaires amène également le risque de nuisances sonores, soucis de propreté, voire oubli du respect de l’habitant et de sa culture. Alors, l’on pourrait parfois comprendre l’exaspération des locaux. Au même titre que Florence ou Venise, la Croatie et Dubrovnik deviennent victimes de leur propre succès. La solution ? Réguler le flot des navires de croisière et le nombre de visiteurs par jour. Comptons sur la future sagesse des autorités croates à ce propos.
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Le Pays des Tuiles et des Chats
Hé oui, cette contrée m'a séduite... Aussi en raison de ses tuiles aux couleurs chaleureuses et de ses habitants... à quatre pattes !
Dubrovnik fut partiellement détruite en 1991 suite à la guerre civile et il fallut réparer. Plus de 500.000 tuiles à remplacer. Et comme l'usine locale avait, elle aussi, été fermée, on en commanda donc à Toulouse, même si les couleurs n'étaient pas tout à fait pareilles... Le mélange donna le joli résultat ci-après.
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Qui dit tuiles, dit gouttière. Et qui dit gouttière, dit... Chat ! Ses locataires félins sont absolument partout : au beau milieu des rues, à l'abri de la pluie sous les parasols (même fermés ! ), à la plage, au port, sans gêne sur le paillasson de la capitainerie, jusque dans le cockpit de notre voilier. Tout est bon pour aller tenir leur numéro de séduction, chat-parder quelques poissons et trouver une place douillette pour une bonne sieste. Il n'en fallait pas plus pour me faire fondre le coeur...
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Ainsi, la Croatie du Sud demeure sans aucun doute une splendide destination à explorer. La nature sauvage de ses îles, son patrimoine riche et ses eaux enchanteresses en valent vraiment le détour. L’arrivée en voilier devant les murailles et le vieux port de Dubrovnik reste un moment tout simplement magique, donnant la sensation d’être soudainement projeté hors du temps pour quelques instants.
Enfin, aux navigateurs tentés de découvrir cette magnifique région : inutile de faire des offrandes aux dieux des vents dalmates avant votre départ en mer. Un simple coup d’œil régulier à la météo locale et une large dose de bon sens maritime suffira à vous attirer les bonnes grâces des dieux (ou de vous mettre à l’abri de leurs sautes d’humeur)... Bon vent ! Et bon dimanche à tous !
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Tu avais surgi de nulle part, avec ta robe de soie blanche pointillée de noir, tes longues jambes et tes fines mains. Tes grands yeux marrons aux longs cils et ton air mélancolique m'avaient envoûté sur le champs. Je t'ai nommée Slona, en référence au petit port - Slano - où je t'ai rencontrée. Tu avais peut-être déjà un autre nom, ou pas, mais peu importe. C'est ainsi que tu demeureras dans ma mémoire.
En route vers le Nord-Ouest de Dubrovnik, entre les îles Elaphites. ce dimanche-là de septembre, les Dieux des vents étaient clairement en colère. En rage, même... Une barre de plus en plus dure à tenir, des sautes de vent incessantes, des moutons bien formés sur les vagues. Des instruments qui jouaient au yoyo : baromètre en descente à pic et anémomètre qui dépassait de plus en plus régulièrement les trente noeuds de vent. Les messages de sécurité à la VHF se suivaient, annonçant jusqu'à cinquante cinq noeuds de vent en mer dans les heures à venir avec des éclairs à illuminer toute la côte et invitant tous les embarcations à chercher un abri dès que possible. Même la ligne de ferries avait été temporairement stoppée. Probablement un "pet" de vent pour des marins professionnels, mais un tantinet trop pour nous, simples voileux du dimanche, sur un voilier que nous ne connaissions pas encore, dans une région inconnue. Nous décidâmes donc de miser la prudence et de faire relâche dans le port le plus proche, à savoir Slano, qui se targuait d'une toute nouvelle marina, relativement abritée, le temps que les Dieux se calment un peu. Tant pis, nous retarderions notre arrivée à destination d'une journée ou deux.
Nous voici donc solidement amarrés au milieu de la marina, désolés de devoir ainsi interrompre nos projets de voile alors que le soleil brillait encore. Il faisait une chaleur étouffante. À peine le temps de s'installer et d'effectuer une balade de reconnaissance des lieux.
C'est là que tu apparus...
Tu te réchauffais au soleil avant la tempête. Dans un coin. Loin de la foule. Nos regards se croisèrent. Quelques civilités. Un bonjour prudent. Un peu hésitant à t'aborder ainsi, par crainte de t'effrayer et de te faire fuir. Tu me paraissais tellement belle... Un premier contact. Tu me semblais sauvage un peu, téméraire un peu aussi. Je ne savais tes origines. Roma ? Fille du voyage ? Ou encore t'etais-tu perdue, enfuie ? Ou pire, avais-tu été maltraitée par les tiens ? Ta taille un peu trop fine et cette sale blessure visible sur ta jambe ne présageaient rien de bon et m'affligeaient de ne pouvoir soulager ton état, t'imaginant ainsi un passé et une âme malheureuses.
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L'air était lourd, la chaleur accablante. Je t'offris donc un verre d'eau fraîche, que tu t'empressas de vider. Tu avais l'air assoiffée. En revenant à la marina un peu plus tard, tu n'avais pas bougé. Je n'hésitai cette fois plus et t'invitai à partager un repas, au grand dam de mes compagnons de voyage. Une fois passé ton étonnement de l'offre d'un parfait inconnu, étranger de surcroît, tu acceptas et je vis avec délice que mon cadeau te faisait plaisir. Ensuite, tu t'installas à mes côtés et posas ta fine tête sur mes genoux. Je n'osais pas bouger. Je caressai ta joue doucement, pris tes doigts dans les miens et nous restâmes ainsi pour un long moment de bonheur, immobiles, blottis l'un contre l'autre.
Le ciel bleu tourna au blanc, puis au gris, pour terminer par un noir orangé dans son entièreté. Le souffle d'Eole se transforma en mugissement puis en sourd grondement au loin. Et le spectacle débuta. Les mâts des voiliers s'entrechoquaient à présent dans un vacarme métallique assourdissant. Les voiles mal ferlées menaçaient de se détacher et les premières gouttes firent leur apparition, lourdes et puissantes. En fin de compte, la météo locale ne s'était pas trompée.. La mer commença à bouillonner. La mer à l'entrée du port avait fait place à une rivière continue avec des vagues déferlantes à l'écume baveuse. Le capitaine nous attendait à bord, inspectant avec angoisse les amarres (les nôtres comme celles de nos voisins ! ) en espérant qu'elles tiennent bon. Une seule ligne de mouillage qui lâcherait, entraînerait inévitablement le restant des navires dans un jeu de dominos géants que nous osions à peine imaginer. Toutes nos amarres avaient été doublées par sécurité. Les voiles avaient reçu un ferlage additionnel et tout ce qui pouvait s'envoler retiré du bord. Le voilier dansait la samba dans son emplacement et la grosse Bertha (notre plus gros pare-battage) tanguait et roulait comme une gigantesque boule de billard bleue et blanche sur l'eau en furie entre le ponton et l'étrave.
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Mon cœur se serra. Il était vraiment temps de rentrer au voilier. Je t'écartai de moi le plus tendrement possible pour ne pas te brusquer et t'embrassai longuement sur le front. Ton regard triste me transperça au plus profond. Tu me murmuras quelques mots que je crus comprendre malgré nos langues distinctes. Je dus faire un effort de Titan pour ne pas laisser couler mes larmes. Je me levai et t'enjoignis à te mettre à l'abri. Je partis sans me retourner par crainte que tu ne tentes de me suivre. Et je m'en retournai donc rejoindre le reste de l'équipage de retour à bord, à contre-cœur de te laisser seule derrière moi, dans la tourmente. J'insistai auprès des autres d'un regard pour t'emmener mais leur réponse fut sans pitié. Alors, je n'eus d'autre choix que de t'abandonner à ton sort. Tu avais certainement un endroit où t'abriter, pensai-je pour me rassurer.
Nous assistâmes alors á un spectacle impressionnant. Le vent devint si puissant qu'il était impossible de s'entendre parler. Des trombes d'eau s'abattirent sur le petit port, soudainement, sans crier gare. Les éclairs zigzaguaient au loin derrière les collines environnantes. Tout d'un coup, un claquement sec suivit par un faseyment inhabituel : le génois d'un voilier voisin venait de se détacher et était en train de se faire littéralement déchirer en lambeaux. Un second suivit. Notre skipper regardait le nôtre d'un œil inquiet, mais il tenait bon. Le clapot de l'eau s'était fait tintamarre. Le chuintement du vent s'etait mué en chambard. Et tout le petit port dalmate n'était plus que cacophonie des éléments, dirigée par un chef d'orchestre céleste sans oreille musicale. L'impressionnant numéro de Music-Houle se poursuivit toute la nuit. Le bateau craquait de partout. Et la houle nous trimballait d'un bord sur l'autre de manière erratique. La marina était pleine à craquer, ayant accueilli les embarcations en dernière minute jusqu'à ses emplacements les plus reculés pour leur offrir refuge durant l'ouragan. Les tempêtes sont souvent prévisibles. Sauf celles du cœur. Ces dernières sont inexplicables...
Toute la soirée, je ne cessai de penser à toi. Je me demandais où tu avais trouvé refuge dans cette météo tempétueuse. Je craignais pour toi. Serais-tu encore là à m'attendre à mon retour ? Ou un autre t'aurait-il finalement emmenée avec lui ? Serais-tu retournée aux tiens si tu avais une famille sur cette île ? Les idées les plus folles me passaient par la tête : et si je revenais te chercher malgré la tempête (et l'interdit ) et t'emmenais tout de même ? Peu importe les tracas administratifs et douaniers. Peu importe ta santé fragile. Peu importe mes obligations sociales. Je ne pouvais imaginer t'abandonner seule, qui sait sans ressources et sans toit dans ce coin perdu, loin de moi. Et si le Destin avait voulu que je te rencontre ? Et si... Et si...
Le soir, lors d'une brêve accalmie entre deux trombes de vent, je refis un tour à quai sous la pluie pour te revoir, sans succès. Et si ma nuit fut blanche, ce fut bien moins la tempête qui battait les pontons que ton image qui me tint éveillé. Le lendemain matin, avant notre départ, j'arpentai une dernière fois les pontons pour te retrouver, en vain. Tu avais disparu. Pas de trace de ta présence. L'endroit où je t'avais laissée quelques heures auparavant avait été nettoyé par les pluies et ne me restait de toi que le souvenir. Je regardai dans tous les recoins, sans trouver la moindre trace de ta présence. Tu avais dû attendre mon retour en vain dans l'orage et le coup de tabac. Et lasse de ne point me voir revenir, tu avais dû te dire que je n'étais que comme tous ces autres hommes de passage, désinvoltes et superficiels, seulement intéressés d' un bref jeu avec toi. Mais, je ne suis vraiment point de ces gens-là, Slona...
Le moment venu de larguer définitivement les amarres, je scrutai l'horizon en espérant entendre ta voix ou apercevoir ta robe banche et noire, en vain. Durant de longues minutes, alors que notre navire s'éloignait vers le large, je ne pouvais détourner mon regard du quai du port. Si la tempête s'était enfin tue au-dehors, elle faisait encore rage dans mon cœur. Et ses vagues me donnaient la nausée. Le mal de mer, le mal du vide que tu laissais. Le mal de ne point avoir pu suivre mon cœur et te sortir de cet endroit. Le mal de toi...
Les jours qui suivirent, les nuages avaient déserté la région et fait place à un soleil radieux. Et notre périple reprit ainsi sa course, d'île en île, de baie en baie. Nous y avons découvert nombre de charmants villages et ports locaux. Mais aucun d'eux ne m'a laissé la même impression que Slano. Le plus beau port restait bien celui balayé par cette mini-tornade. Et de tous les souvenirs de notre voyage, c'est bien cet ouragan imprévu sur le Sud de la Croatie qui restera le plus poignant dans ma mémoire.
Et voici Slona... (© Photos – Rêvesdemarins)
Une tempête qui laissera encore longtemps tanguer mon cœur. Et tout au fond de moi, une petite voix me dit que nous nous retrouverons peut-être un jour, Slona...
Bien entendu, aucune comparaison avec Irma, José ou autres monstres météo qu'ont connu les îles atlantiques dernièrement. Cependant, si vous passez jamais par un petit port et qu'un mini-tempête vous fait chavirer le cœur, souvenez-vous de Slona, et s'il vous plaît, emmenez-la... Bon dimanche (sans cyclone) à tous !
Il était une fois un petit village de pêcheurs sur une île dalmate, au fond d'une charmante baie entourée d'oliviers, de cyprès et de vignes...
Ce hameau portait le nom de Sipanska Luka. Dans ce patelin perdu, il ne se passait jamais rien d'extraordinaire. Les jours se succèdaient au rythme des marées, des coups de vent et des barques de pêche qui allaient et venaient dans le soleil,de plomb sur la mer turquoise. Au bout du petit port bordé de maisons délabrées aux toits de tuiles rouges, vivait un pêcheur qui se prénommait Pevska. L'homme était dur et sévère avec ses hommes de mer. Il avait le courage de ces marins prêts à affronter les pires tempêtes sans sourciller. Dans ces contrées, le temps pouvait passer d'un ciel sans nuages à un orage terrifiant en quelques heures seulement. Le métier de marin-pêcheur était rude, physique et souvent ingrat. S'il n'hésitait pas à houspiller ses hommes et à leur passer une bonne colère lorsqu'ils ne lui donnaient pas satisfaction dans leurs tâches à bord (ou à quai ! ), il avait cependant le cœur bon et juste. Et l'homme savait reconnaître le labeur bien fait. Pevska avait un jeune fils : Luka, dont il était très fier et au prénom évocateur puisqu'il signifiait "port" dans la langue locale. Les deux hommes se ressemblaient : une peau hâlée, des yeux de braise espiègles et une chevelure noir geais en bataille. Ils partageaient tous deux la même passion de l'aventure et des flots. Un beau jour, un étranger blond aux yeux bleus parlant une drôle de langue et armé d'outils bizarres tels que pelles, pioches et brosses, débarqua au village. Il se mit à y creuser la terre autour de la vieille porte en pierre à l'entrée du hameau et décrèta cette dernière patrimoine archéologique. Selon le savant, elle aurait jadis protégé la flotte de Pompée des troupes de César. Et il lui donna ainsi le nom illustre de Porta Pompeiana. Il parlait un peu le patois local. Et le soir, sur la petite place de l'église, Luka était fasciné par les récits de cet homme différent des siens. Luka et son père aimaient leur contrée plus que tout. Ils vivaient simplement, du produit de leur pêche et des récoltes des vignes et oliviers centenaires, ainsi que de leur petit jardinet et verger où poussaient figuiers, citronniers, plants de tomates et pommes grenades. Toutefois, Luka rêvait souvent d'autres horizons. Lors de ses journées de pêche au large, il aperçevait souvent au loin ces navires grands comme des immeubles de dix étages ou aux allures d'anciens gallions pirates, à bord desquels il semblait bon vivre : on y entendait musique, rires et joyeusetés. Les gens y étaient habillés pour la plage, le restaurant ou encore le casino. Tous avaient l'air de s'y amuser follement. Et Luka rêvait secrètement de s'embarquer un jour avec l'un d'eux. Son père avait beau l'emmener en mer et lui faire découvrir les merveilles de son métier, la passion de la pêche ne parvenait plus à sortir son fils de ses rêveries chimériques. A ses dix-huit ans, Luka décida de tenter sa chance dans cet autre monde et un matin au lever du soleil, il se prépara à quitter la maison familiale. Son père l'attendait sur le pas de la porte et lui dit : Mon cher fils, je vois bien que la vie calme de ce hameau t'attriste et que tu songes en secret à une autre existence, là-bas où vont les gens de la terre ferme et d'où est jadis venu cet étranger. Alors, je ne te retiendrai pas ici. Tu es libre de faire ta vie comme tu l'entends, même si cela signifie que tu doives t'éloigner de moi. Ton bonheur est la chose qui m'importe le plus au monde. Alors, voici un peu d'argent, une paire de nouvelles chaussures et une redingote. Prends aussi ce filet et cet hameçon, ils pourront toujours te servir les jours de disette. Ces quelques présents te permettront de commencer cette nouvelle vie dont tu rêves tant depuis toutes ces années. Luka ne su quoi dire. Il était ému du geste de Pevska. Il s'attendait à une dispute et voici que ses parents lui souhaitent bon vent... Il se contenta donc de serrer son père dans ses bras et d'embrasser sa mère. Puis, il se rendit, guilleret, vers le ferry qui allait l'emmener vers sa nouvelle vie. Il ne vit pas les larmes de sa mère. - Crois-tu réellement qu'il trouvera son bonheur sur ces cathédrales de touristes ? - Non, ma chère femme, mais cela, il faudra qu'il le comprenne d'abord par lui-même. Il nous reviendra ensuite. Sois sans crainte. - J'espère que tu dis vrai, Pevska...
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Luka était parvenu à se faire un ami du capitaine du ferry qui l'emmenait loin de son île natale. Et ce dernier lui proposa de lui trouver un emploi sur un grand navire de tourisme, comme manutentionnaire. Luka sauta de joie : il allait enfin réaliser son rêve ! Le lendemain matin, il se rendit aux aurores au port de la métropole. Au quai était amarré un Titan : le "Queen Mary". De loin, on aurait dit un gratte-ciel. Il dépassait tous les toits et tours des églises environnantes. Ses trois cheminées immenses crachaient des fumées grises nauséabondes. Une fois á bord, Luka eut le sentiment de se trouver dans une fourmilière : plus de deux mille passagers et membres d'équipage. Un peu perdu, il demanda au premier homme en uniforme qu'il rencontra :
- Excusez-moi, je commence aujourd'hui comme manutentionnaire. Pourriez-vous me... - Ah, encore un nouveau mandaï ! Probablement pour remplacer ceux qu' on a mis dehors hier. Va voir sur le pont numéro moins quatre, lui jeta l'homme habillé de blanc, d'un ton bourru et d'un regard dédaigneux. - Quel accueil déçevant, se dit en lui-même Luka. Cet homme doit probablement être énervé á cause du départ. Et il continua son chemin à la recherche du quartier où il avait été assigné. Après de longues pérégrinations pour trouver le fameux pont, Luka finit par parvenir à son futur lieu de travail : les cales bruyantes où se trouvaient les moteurs. Il y faisait une chaleur dantesque. Et il pouvait à peine y entendre les ordres de son contremaître. On lui expliqua en quelques mots en quoi allait consister son travail, puis il fut laissé pour compte dans le local pestilentiel. Ses infortunés compagnons de labeur suaient à grosses gouttes. Et lorsque des heures plus tard, une fois en mer, on leur permit de sortir de leur cale pour une demi-heure de pause, Luka poussa un soupir de soulagement : de l'air enfin... Il se promena sur le pont et se dirigea vers l'étrave pour voir la mer ! En chemin, il croisa des passagers. Á chacun d'entre eux, il dit gentiment bonjour. Mais aucun ne lui rendit son salut. Ils le regardaient d'un air dégoûté de ses pantalons emplis d'huile de moteur et de ses mains encore noires de diesel, même encore après les avoir lavées. Ils parlaient une langue incompréhensible. Une autre fois même, lors d'une de ses sorties, il voulu ramasser le jouet d'un enfant tombé et le rendre à ce dernier. Et là, les parents l'injurièrent tellement fort qu' un officier intervint et renvoya Luka à son local de travail avant la fin de sa pause en lui interdisant tout contact avec les passagers à l'avenir, sous risque de se voir limoger sur le champs.
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Les jours et les mois passaient, et Luka n'avait toujours pas vu la terre ferme. Mais, ce matin-là, quelle ne fut sa surprise de reconnaître sa côte natale. Il ne put se contenir de joie lorsqu'il réalisa que le navire jetait l'ancre au large d'un village qu'il connaissait bien. C'était son jour de congé. Il demanda donc l'autorisation de quitter le bâtiment pour quelques heures. Enfin de l'air ! La grande porte à battant vomissait son flot de passagers. Il dut attendre la fin du débarquement pour pouvoir entrer dans la grande barque qui allait le mener à terre. Quelle joie de se retrouver sur l'eau et de croiser quelques uns de ses compagnons de pêche... Là au moins, les habitants indigènes lui faisaient signe de la main et lui adressaient la parole. Une fois à terre, Luka sentit à nouveau l'odeur des pins parasols, des cyprès et de la menthe. Il emplissait ses narines des effluves des poissons fraîchement pêchés. Son village n'avait pas changé, mis à part peut-être... ces quelques cafés et petits magasins qu'il n'avait jamais vus auparavant. Et puis aussi, sur le sol, des détritus laissés pour compte, des bouteilles, mégots de cigarettes et emballages de crème-glace. Les filets de pêches sèchaient toujours sur le vieux mur au bord de l'eau. Mais un stand de canoës remplaçait à présent l'emplacement des vieilles barques, lesquelles avaient été reléguées dans un coin sombre de la minuscule marina. Et de nombreux bateaux à moteur avait pris la place des barques en bois.
Il se rendit à la demeure de ses parents, qui l'accueillirent á bras ouvert. Ils avaient l'air fatigués, mais heureux de le revoir. - Tu es enfin revenu au pays ! - Je ne suis que de passage, ma chère maman. - Es-tu au moins heureux dans ton nouveau métier, dis-moi ? - Bien sûr, je vois du pays, je voyage... Tout cela avec des gens importants, rétorqua-t-il un peu trop prestement, le regard baissé. Mais au fond de lui, Luka ne croyait pas ses propres mots... Son village et son ancienne vie lui manquaient et il ne pouvait s'empêcher d'être déçu par la nouvelle existence qu'il avait choisie. Son regard gêné n'échappa pas à son père. Il passa un peu de temps avec les siens, puis comme l'heure tournait, il leur fit ses adieux et reprit le chemin du navire. Il entendit la sirène qui rappelait les plaisanciers à bord. En retraversant le village, il remarqua alors une altercation : des touristes avaient jeté leurs ordures sur le bord du chemin et un pêcheur local leur avait gentiment demandé de les ramasser. Les visiteurs avaient alors traité le vieil homme de noms d'oiseaux et l'avaient bousculé. Le vieillard aux cheveux blancs était tombé sans pouvoir se relever seul. Luka resta sous le choc et se précipita pour l'aider à se remettre sur ses pieds. - Quels rustres ! Vous n'avez rien grand-père ? - Non, il n'y a que mon cœur qui saigne, mon fils. Ces hôtes indésirables deviennent de plus en plus insupportables et irrespectueux. Jour après jour, ils débarquent ici, parlent fort, mettent de la musique à tout casser, se saoûlent sans gêne et jettent leurs détritus par terre sans sourciller. Ils se croient les rois, jamais ne nous saluent et nous méprisent. Ils rentrent jusque dans l'intimité de nos demeures pour les photographier. Et pourtant, c'est de leurs visites qu'il nous faut vivre à présent car le produit de nos pêches ne suffit plus à notre subsistance. Il nous faut toujours aller pêcher plus loin pour trouver du poisson et je n'ai plus la force. Ton père doit parfois partir toute une semaine en mer pour revenir avec une bonne prise. Mais il se fait vieux, lui aussi. Il n'y a plus suffisamment de jeunes pour nous aider. Ils sont tous partis comme toi... Dans la grande ville où sur ces monstres des mers pour y trouver une vie meilleure.
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Luka se remit alors en marche vers le navire. Au loin, il entendit la cloche de l'église sur le belvédère au sommet de la colline. Elle lui rappella son enfance et ses jours heureux dans le village. Son pas se fit plus lourd, et au moment d'embarquer, il hésita. Puis il fit soudain demi-tour et repartit vers le petit port dalmate. Sa décision fut prise : son rêve, il venait de le retrouver. Et il était là, sous ses yeux, au beau milieu des vieux filets de pêche multicolores et des oliviers centenaires...
Je vous rassure, ce récit romancé ne représente pas la réalité de la petite île de Sinpa et ses ports pittoresques au Sud-Ouest de Dubrovnik. Ces derniers n'ont pas encore capitulé face au tourisme de masse, bien présents par contre sur le continent tout proche. Et j'ai découvert le village de Luka comme un havre de paix avec délectation. Mais la menace est bien réelle... Libre à nous de l'empêcher de se réaliser...
Je vous souhaite un excellent dimanche à tous d' un joli port croate.
Il y a de ces voyages qui nous emmènent loin de nos marques. Certains sont désirés, d'autres sont entrepris par nécessité, d'autres encore s'accomplissent en dépit de nos volontés. Tous pourtant définissent qui nous sommes au fond de nous et gravent leur empreinte dans une existence : les Exils.
A la Recherche de la Terre Perdue
Avez-vous jamais rêvé de vous expatrier ? Moi oui. Non pas parce que je ne me sentais pas bien chez moi, mais par attrait d'une autre région, d'une autre culture, par besoin d'élargir mon horizon. Si vous rêvassez probablement d'un petit coin de Paradis au climat plus clément, voire une petite île au sud du Pacifique aux eaux turquoises et où le soleil brille toujours, mes rêves d'exil à moi sont un peu plus septentrionaux : le Danemark et la Scandinavie en général, le Nord-Est des États-Unis (Boston, New-York, la région des Grands Lacs... ), le Canada (Vancouver... ), le Québec, Paris ou encore même quelques idées folles (lors d'une journée sans pluie ! ) comme la Bretagne ou les Highlands écossais (rien à faire, le Nord et le froid m'attirent inexorablement... Je dois décidément avoir du sang Viking dans les veines... ).
J'ai eu l'occasion de voyager et séjourner intensivement à travers le monde pour mon métier et mon privé. Et si j'ai eu la chance de recevoir des propositions professionnelles de m'expatrier, les circonstances de vie m'ont cependant fait prendre le choix de fixer mon domicile dans mon petit plat pays, que j'aime beaucoup, cela dit. J'ai connu des endroits où je me suis sentie "chez moi" et où j'aurais pu en effet envisager de poursuivre ma vie. Des lieux fortement liés à des éléments culturels, personnels ou historiques. Des regrets de ne jamais avoir fait le pas définitivement ? Jamais. Je pars du principe que toute action et choix que l'on fait dans sa vie a toujours un sens et une raison particulière à un moment donné. Ce qui ne m'empêche pas de continuer à rêver pour la cause.
© Photos - Rêvesdemarins
Terre Promise
Certains avaient embarqué sur un radeau de fortune. D'autres avaient traversé des déserts à pied. D'autres encore avaient tenté de rallier une autre rive en bravant les flots, à la nage ou sur un cargo bondé payé a prix d'or à des trafiquants d'hommes sans scrupules. Tous portaient en eux cette insigne espérance de parvenir à une vie meilleure au bout de leur périple. Cependant, nombreux sont ceux qui ne virent jamais leur Terre Promise... Et chacun de leurs récits nous fait trembler le cœur, surtout en cette période où le nombre de candidats à tenter leur chance ailleurs ne fait que se multiplier.
Les pérégrinations de ces infortunés migrants nous semblent bien loin de nos vies d'aisance et de facilité. J'ai autrefois vécu d'un peu plus près une de leurs errances à travers une belle amitié avec deux pèlerins de l'exil. Ils étaient jeunes, beaux et pleins d'espoir, avec pour tout bagage une vieille guitare. Une peau d'ébène, de longs cheveux nattés, un sourire à faire pâlir la neige. Il s'appelait Dominic. Elle se prénommait Marlène. Ils chantaient comme des rossignols avec une émotion bouleversante dans leurs deux voix qui se mêlaient parfaitement, aux intonations polyrythmiques. Il avait quitté sa Zambie natale et elle son Haïti adoré pour trouver une vie meilleure en Europe. Ils s'étaient rencontrés en chemin. Je jouais à l'époque avec un groupe de musiciens à Paris, qui les avait accueillis. Et la parfaite harmonie de ces voix aux rythmes du Kilimanjaro et de la savane me donnaient des frissons à chaque fois. Malgré un chemin semé d'embûches et de batailles administratives avec les services de l'immigration, ces deux jeunes exilés ont fini par trouver leur "chez eux". Une de leurs chansons ne m'a jamais quitté la tête. Je vous l'offre ici avec quelques autres qui m'ont fait découvrir la culture et la musique du grand Continent du Sud.
Malaika est une chanson populaire en Swahili. Probablement la chanson d'amour Swahili la plus connue au monde et en Afrique orientale (Kenya, Tanzanie... ). Dans son contexte, le mot "Malaika" signifie "Ange", ce qui réfère dans cette culture à la beauté d'une femme. Et lorsque Dominic la chantait en regardant Marlène, elle prenait vraiment tout son sens...
Exil d'un Futur Roi
Si les belles polyphonies rythmées vous parlent, à découvrir absolument sans modération : le Musical "The Lion King/Le Roi Lion", de préférence en version originale. Un des plus beaux spectacles musicaux jamais réalisés... L'occasion d'un petit séjour dans les Broadways de Paris, Londres ou New York... Un récit d'exil poignant, en plein continent africain dont voici quelques extraits moins connus que "Hakuna Matata".
Exil de Soi
"Je reste là, les yeux dans le vide. Ils sont devant moi, mais je ne les vois pas vraiment. Une voix qui m'appelle "maman", "grand-maman" ou qui s'adresse à moi par un prénom que je ne connais plus. Si mes souvenirs lointains sont encore très clairs dans ma mémoire, pourtant je ne sais pas où je suis. Est-ce une prison? Est-ce un hôtel ? Que fais-je ici ? Pourquoi ceux que j'aime ne viennent-ils donc pas me voir et me ramener chez moi ? Je ne reconnais pas cette chambre, ces meubles, et tous ces inconnus qui viennent me rendre visite. Je me sens loin de moi-même. Loin du présent... Je me sens tellement perdue. Pourquoi ne puis-je retourner dans ma maison, et à ces endroits où je me sentais "chez moi" ?
Et vous mes mains, pourquoi tremblez-vous à ce point ? Et vous mes jambes, pourquoi ne me portez-vous donc plus ? Et puis, cette vieille dame toute ridée dans le miroir qui me regarde toujours avec ses cernes et son regard hagard, je ne la connais pas. Que me veut-elle donc ? Pourquoi m'épie-t-elle à chaque fois que je veux me regarder dans la glace ? Combien de temps cet exil va-t-il donc durer ? Je voudrais tant qu'il cesse. Dieu qu'il est long d'être loin de soi-même... "
© Photos - Wikipedia
Exil du Coeur
Enfin, l'exil du cœur demeure, à mon sens un des plus poignants à vivre. Devoir rester loin de ceux qu'on aime, sans savoir si l'on les reverra et si l'on les retrouvera un jour. Sans pouvoir les contacter. Sans savoir ce qu'ils deviennent. Un exode du coeur qui ronge et déchire. Une déportation que chacun voudrait ne jamais avoir à endurer. Cet exil-ci peut toucher tout un chacun. Pas besoin d'être dissident, libre penseur, héros ni prix Nobel de la Paix. Je pourrais bien entendu vous parler du Grec Ulysse, du Xhosa Mandela ou Stephen Biko, de la Birmane Aung San Suu Ky ou encore d'autres grands hommes ou femmes bannis pour leurs actes de bravoure ou leurs opinions à l'encontre de leur entourage. Cet éloignement-ci est bien plus proche de vous et moi. Il existe dans nombre de familles, frateries, en amour ou amitié...
Un exil volontaire dans ce sens semble encore bien plus long lorsqu'il s'est mué en indifférence ou rancoeur. Combien de familles ne comptent-elles pas de membres qui ne se parlent plus. Et comme je ne prêche vraiment pas la rancune, ces banissements-là m'attristent donc profondément. Je fais alors toujours un voeu pour que ces êtres-là reviennent un jour de leur exil, se réconcilient et se retrouvent enfin.
Sur ces quelques paroles, je vous souhaite un excellent dimanche à tous.
Où que vous vous soyez exilés pour la journée : bon vent ! |
AuteurArchives
August 2023
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