Que diriez-vous d'un billet hommage aux premiers journalistes marins ?
(Extrait de mon article dans le magazine Yachting Sud nr 970). « Je verrai de mes yeux les merveilles et les terreurs de l’océan. »
Depuis la nuit des temps, les hommes n’ont eu de cesse de narrer et de transcrire leurs épopées. En mer ou ailleurs, poussés par un besoin pressant de coucher sur le papier leurs aventures et leurs vicissitudes, les chroniqueurs de bord ont légué à l’histoire les faits, les récits et les états d’âme des plus grands voyageurs de notre monde, à travers les siècles.
Journal de circumnavigation
Nous sommes en septembre 1519 et l’équipage du Portugais Ferdinand de Magellan s’apprête à larguer les amarres pour un voyage autour du globe qui marquera un nouveau cap dans la navigation. A bord de la Trinidad, Antonio Pigafetta, un savant vénitien, range soigneusement ses plumes et ses carnets dans le petit coffre de bois, dans un coin de la bannette sombre et humide. Il réalise bien peu alors le fabuleux héritage qu’il léguera à l’univers, à travers les futurs écrits de son journal de bord. On ne sait que peu de choses de Pigafetta, mais sans ses chroniques, les nouvelles du premier voyage autour du monde ne nous seraient jamais parvenues. Il compila des journaux de bord très détaillés, agrémentés de cartes illustrées tout au long du parcours. Il y relate les affres des diverses étapes ainsi que les réussites de l’exploration : mutineries, cannibalisme, scorbut, noyades, tempêtes, famine poussant les hommes à déguster des rats ou de la sciure de bois. Il consigne dans ses notes des descriptifs des phénomènes astronomiques (les nuages de Magellan, deux galaxies visibles). Il y conte également la découverte des îles aux épices, les rencontres avec des peuplades étonnantes telles que les « géants patagons », et le passage vers l’Atlantique, parfois avec une certaine fantaisie en transcrivant les récits de voyageurs ou d’indigènes. Sur les 260 membres d’équipage et les cinq vaisseaux affrétés, un seul en reviendra avec dix-huit hommes, dont Pigafetta, Magellan lui-même faisant partie des victimes qui ne revirent jamais leur port d’attache.
Le travail de chroniqueur de Pigafetta ne fut pas reconnu à l’époque par les divers monarques à qui il les présenta à son retour. Et notre journaliste de l’époque ne reçut qu’une bien maigre compensation pour ses manuscrits. Si Pigafetta ne verra jamais son ouvrage imprimé, quatre de ses versions manuscrites ont néanmoins traversé les siècles et les océans pour nous régaler aujourd’hui de leurs récits fantastiques.
© Photos – Carnets de marins, Huw Lewis-Jones, éditions Paulsen 2019
Carnets de stratèges
© Photos – Carnets de marins, Huw Lewis-Jones, éditions Paulsen 2019
Peintres à bord
« Sa peau, dépourvue d’écailles, avait la texture du cuir et la couleur grise du plomb… »
Si au départ, les carnets nautiques ont une vocation pratique, logistique, voire légale (l’annotation des coordonnées, événements de bord et positions du navire… ), certains calepins de bord se révèlent souvent de petites œuvres d’art. Leurs auteurs maniaient le crayon et le pinceau avec brio : atlas, cartes célestes, bestiaires, anthologies zoologiques. Pour n’en citer que quelques uns : les cartes de Tupaia rédigées pour James Cook sur le HMS Endeavour en Nouvelle-Zélande ou encore les recueils de dessins d’Erik Hesselberg sur le Kon-Tiki, réalisés dans les îles polynésiennes.
© Photos – Carnets de marins, Huw Lewis-Jones, éditions Paulsen 2019
Une plume pour la science
© Photos – Carnets de marins, Huw Lewis-Jones, éditions Paulsen 2019
Ecrire pour survivre
Certains carnets de bord furent griffonnés sur un bout de papier chiffonné au fond d’une cale, dans une mer en furie. D’autres tinrent dans de petits calepins remplis entre deux quarts par des matelots pour prévenir le sommeil. D’autres encore prirent la forme de tableaux de maîtres-peintres, d’encyclopédies ou même de journaux intimes.
Tout événement consigné dans un journal de bord, même minime, est important dans la vie des marins, et transmettra des connaissances et des récits de voyages à travers les époques. Tous ces chroniqueurs marins, petits ou grands, célèbres ou méconnus, ont façonné l’histoire à leur manière. Chaque navigation mérite son écriture et chaque homme de mer mérite d’en faire la lecture. A vos carnets et crayons ! Un excellent dimanche à tous.
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Il y a quasiment 300 ans, le 5 avril 1722, dimanche de Pâques, le navigateur néerlandais Jacob Roggeveen faisait une découverte aussi fabuleuse que mystérieuse dans l’océan Pacifique. Alors, pour ce 300e billet du blog, je vous emmène rêver ce dimanche aux Îles de Pâques.
La Lointaine
Située à 27°7′S 109°22′W, l’île triangulaire (habitée) la plus isolée au monde dépend de Valparaiso (Chili). Ses premiers habitants y trouvèrent refuge au IVe ou au IXe siècle. Râpa Nui, son nom polynésien signifie “la lointaine”, ou encore "grande rame”. Dans les siècles qui suivirent, l'île sera ensuite visitée par l'explorateur britannique James Cook puis par le comte de La Pérouse.
Selon les légendes, le roi Motu Ha Matu’a, aurait rejoint l'île à bord de catamarans en provenance des Îles Marquises. Il aurait ainsi créé une civilisation à la croyance que ses monarques pouvaient dialoguer avec les dieux par l’intermédiaire des "Moaï", mystérieuses statues géantes aux visages taillés dans la pierre volcanique locale. Ces statues étaient au centre de l'idée de fertilité et dans la croyance rapanui. Leur présence stimulait la production agricole alimentaire. Leur rôle n'était donc pas purement religieux, ni signe de pouvoir entre les tribus.
Ayant surgi de l’éruption de trois volcans à chaque coin de l’île, Râpa Nui a aujourd’hui perdu sa végétation originelle. Éloignement considérable, direction défavorable des vents et des courants, faible superficie, âge récent et côtes abruptes ont formé autant d'obstacles au peuplement animal et végétal de l'île : ses ressources sont donc limitées et leur capacité de régénération quasi nulle. Et pourtant, ses habitants parviennent à survivre dans cet environnement ingrat. La civilisation rapanui semble avoir disparu vers la fin du XVIIe siècle. Certaines hypothèses concluent à un écocide, à savoir une surconsommation des ressources naturelles jusqu'à détruire l'écosystème, comme cause principale de l'extinction de ce peuple mystérieux. Les populations locales auraient procédé à une vaste déforestation pour construire leurs canoës et pourvoir au transport des mégalithes de l'île. Ce qui aurait eu les conséquences que l'ont connaît : disparition des forêts, de la faune, famine, guerres tribales et épidémies.
Le Secret de Pierre
Taillés à l'aide de pics dans le tuf volcanique, les moaï, géants de pierre de plus de dix mètres de hauts, pèsent chacuns plus de 80 tonnes. Chapeautés d'une coiffe de tuf rouge ("pukao"), leurs visages sont tous différents. Les monolithes de basalte et de tuf recevaient des yeux de corail, d'obsidienne noire ou de tuf rouge lors des cérémonies religieuses. Il reste un seul moaï encore pourvu de ses yeux, à Ko Te Riku.
Leur redressement était particulièrement délicat. C'est pour cette raison que l'on en a retrouvé plus de 400 ébauches inachevées dans leur carrière d'origine, dont un faisait plus de vingt mètres de haut. Leur taille prenait environ un an. L'île compte 887 moaï. Ils sont tous placés le dos tourné à la mer, sur des talus appelés "Ahu", à l'exception de ceux de l'ahu Akivi, qui, eux, regardent l'océan.
Sur l'ahu Tongariki, se trouve le plus grand ahu jamais restauré : une rangée de 15 moaï dominant l'océan. Un raz de marée eut raison de ces géants dans les années 1960 et achevèrent le travail de destruction entrepris antérieurement par les guerres tribales. Ils doivent leur restauration à des mécènes japonais.
Sur les 887 colosses répertoriés sur l'île, trois individus portent des inscriptions secrètes gravées sur le dos, des "pétroglyphes". L'île possédait également une écriture nommée "Rongorongo", faite de formes pictographiques et géométriques. A l'heure d'aujourd'hui, le mystère de la signification des deux types d'inscriptions n'a toujours pas été élucidé. Le secret de pierre demeure donc entier... Qui sait, renferme-t-il la clé de l'énigme des oeufs de Pâques ?
Alors, je vous laisse rêver au secret de ces pierres et vous souhaite un excellent dimanche ensoleillé.
Travailler à l’international comporte quelques avantages malgré les longues heures et les nuits loin de son lit habituel. Et à chaque opportunité, j’en profite pour prendre quelques clichés entre deux réunions. Je vous emmène prendre un bain d’eau bien fraîche ce week-end. Nous partons dans le fjord d’Oslo, en Norvège.
Berceau des grands explorateurs polaires
Fridtjof Nansen, Otto Sverdrup et Roald Amundsen furent les pionniers des expéditions polaires. On retrouve à Oslo, les traces de leurs exploits et une reconstruction grandeur nature de l’un de leurs bateaux, le Fram ainsi que le Gjøa, premier navire à franchir le passage Nord-Ouest. Ceci fera l’objet d’un billet séparé, mais voici déjà de quoi vous mettre l'eau (froide... ) à la bouche. Lorsqu’on découvre les moyens limités avec lesquels ils ont réussi ces défis, on réalise à quel point ces marins avaient du cran et de la persévérance (avec un grain de folie aussi…) au vu des conditions climatiques extrêmes qu’ils ont dû endurer a l’époque dans ces régions inhospitalières du monde. Chapeau (ou plutôt… bonnet... ) bas, messieurs les explorateurs !
© Photos – Rêvesdemarins
Bygdøy, l’île aux musées
Lors d’un précédent voyage à Oslo, de voile celui-là, j’avais déjà eu la chance de me rendre à la presqu’île aux musées. Une péninsule riche en joyaux culturels et historiques, petit paradis pour les amoureux de la mer et des navires. Musée maritime, musée kon-Tiki, musée Fram, musée du folklore norvégien et surtout musée des bateaux vikings, renfermant trois incroyables épaves originales de drakkars. C'est ce dernier que j'avais eu l'occasion de voir. Il est actuellement malheureusement fermé pour rénovation pour pas moins de cinq ans… Si vous voulez en découvrir quelques images, jetez donc un coup d'oeil à un ancien billet sur le sujet : "les sept vies des navires".
Cette fois-ci, je n’ai donc pas résisté à la tentation de retourner dans ce petit Éden pour quelques heures à mon arrivée sur le sol scandinave. Pour les fans de balades à pied comme moi, il vous faudra environ 1,5h de marche pour y parvenir au départ du centre. Mais la promenade, qui passe notamment près des jardins royaux, en vaut la peine (à condition d’être bien emmitouflé en cette saison). Sinon, le vélo et le bus sont de bonnes alternatives pour les plus pressés. Même après le coucher du soleil, on se sent en sécurité dans ces ruelles désertes. Oslo est reconnue comme une ville sûre, avec un taux très bas de criminalité et de chômage.
© Photos – Rêvesdemarins
Pause photos
Après un petit déjeûner de roulades à la cannelle, que diriez-vous d’un sauna bien bouillant suivi d’un petit plongeon dans l’eau glacée du fjord avec vue sur le château, histoire de vous rafraîchir les idées avant d’aller au boulot? Voici ce que mes collègues ont le loisir de faire avant de rejoindre Aker Brugge, ancien quartier des docks transformé aujourd’hui en district financier de la capitale norvégienne, près du centre Nobel. Chaussures de marche fourrées aux pieds et petits escarpins dans le sac. Le sol y reste gelé durant de longues heures et la balade le long des anciens docks se révèle une véritable patinoire. Le soir, après une journée bien remplie, on remet le bonnet, les moufles et les bottines pour un repas traditionnel près du théâtre royal, bien arrosé à la chaleur des lampions et des couvertures de laine dont seuls les Scandinaves ont le secret.
Mais, mon plaisir solitaire reste bien une petite flânerie photos matinale le long du fjord avant de débuter mon marathon de réunions sans pauses. Et ce matin-là, j’ai eu la chance d’avoir le soleil pour réchauffer mes doigts engourdis par le gel sur l’appareil photo et les quais où dormaient encore les vieux gréements de bois blond couverts de givre.
© Photos – Rêvesdemarins
Figurines
La ville regorge de figurines et statues à chaque coin de rue ou en bord de mer. Telles des marionnettes inanimées, elles peuplent les places et les quais de leurs regards figés. L’art contemporain y est célébré de toutes parts, des œuvres les plus raffinées aux plus kitchs. Ces femmes de marins scrutant l’horizon en attendant le retour de leur aimé. Ce plongeur d’argent nommé "Dykkaren", digne d'appartenir à la ligue des 4 Fantastiques superhéros, parfaitement équipé et prêt à pousser une tête dans les eaux glaciales du fjord. Ou encore cet échassier tentant désespérément de garder les pieds au sec (au contraire de sa tête qui n’a pas échappé aux “cadeaux humides” des mouettes ;-)).
En tout cas, moi, j'y retournerai certainement, mais peut-être en été cette fois-ci ! Alors, envie d’un petit voyage au pays du plongeur d’argent ? Un excellent dimanche à tous.
Pourquoi pas un petit billet lecture ce WE ? Allez zou, c'est parti pour une présentation d'un bon roman : "Le Cimetière des Bateaux sans Nom", de l'auteur espagnol Arturo Pérez-Reverte (traduit de l'espagnol).
Roman de mer, évidemment... Mais un ouvrage qui plaira peut-être également aux férus d'histoire, de politique, de jeux de pouvoir, de cartographie, méridiens et latitudes, de géographie, batailles navales, et de suspense avec un zeste de désir et une bonne histoire de corsaires. Envie d'en savoir plus ?
Carte Urrutia
Nous sommes en Espagne. Tout débute dans une salle de ventes aux enchères de Madrid où le prix d'une ancienne carte marine, l'Urrutia, monte indécemment dans le nombre de zéros pour son acquisition, entre une mystérieuse acheteuse blonde aux taches de rousseur et un mafiosi aux yeux globuleux. Mais pourquoi tant d'acharnement à obtenir cette vieille carte? Un homme, Coy, erre dans cette salle de vente, le vague à l'âme. Coy est un marin sans navire. Exilé de la mer suite à un naufrage malheureux, il tente de retrouver son océan à travers les musées maritimes, les balades sur le port et les almanachs nautiques. Coy va mettre les pieds dans une affaire aussi étrange que complexe, à la recherche d’un navire - le Dei Gloria - naufragé au XVIIIe siècle dans les eaux espagnoles, à la suite de la poursuite impitoyable du brigantin par un chébec corsaire. Un seul survivant et témoin du drame, un jeune pilotin... Mais ses écrits reflètent-t-ils réellement toute la vérité des faits ? Le marin exilé se lance à la recherche d'un navire et d’une déesse aux milliers de taches de rousseur, qui l'attire inéluctablement dans ses filets… La promesse d'une cassette contenant pas moins de quatre cents émeraudes… Une chasse au trésor pas comme les autres.
Le Méridien secret
Pour retrouver une épave, il faut des coordonnées marines fiables…. Mais voilà, les méridiens de l’époque - celui de Greenwich n’étant pas encore la référence -, étaient divers… Paris, Carthagena, Tenerife, Cadix… Sur lequel se baser pour lancer les recherches du navire disparu? Et puis comment traduire les anciennes coordonnées sur une carte moderne pour retrouver la localisation exacte des navires perdus? Et si sa longitude était calculée sur un méridien secret,,,, Une énigme liée à l’histoire des Jésuites, à l’époque où leur ordre est sur le point d’être banni du territoire… Un prisonnier qui subit la question durant plus de vingt ans, pour révéler la clé du secret du capitaine du navire enfoui dans les flots avec son trésor et sa localisation marine… Une plongée dans l’univers fascinant des religieux aux secrets marins bien gardés.
© Photos – Wikipedia
Les Langoustes vertes
Un fond de sable. Des langoustes d’une couleur inhabituelle…. Vertes, comme le bronze des canons coulés de la frégate pirate. Leur carapace ayant la propriété de prendre la teinte de leur environnement pour se camoufler… Mais où et comment trouver ces fameuses langoustes ? Comment retrouver leur trace dans les eaux troubles ? Et une fois les épaves mises à jour, contiendront-elles encore les précieuses émeraudes ? La structure de bois n’aura-t-elle pas enfoui leur fabuleux chargement ? Les plans du navire permettront-ils de découvrir le trésor des Jésuites ? Tant de questions à résoudre à bord d’un simple voilier pour parvenir au but tant convoité avant les chasseurs de trésors aux moyens mafieux illimités et surtout sans scrupules pour parvenir à leurs fins,,,
Un roman qui débute lentement, à la langue quelquefois un peu plus ardue à suivre par son vocabulaire technico-historique. Mais qui vaut la peine de s’accrocher. Le suspense étant total au fur et à mesure de la lecture. Et qu’en est-il du fameux cimetière des bateaux sans noms auquel le titre du roman fait référence, me direz-vous ? Je vous laisse découvrir de quoi il en ressort en lisant ce roman accrocheur !
Je vous souhaite beaucoup de plaisir de lecture. Un excellent dimanche à tous, pas trop venteux.
Nous partons sur les traces de l'Atlantide, ce week-end.
Akrotiri, la Pompeii grecque
Thera, une île au sud de l'archipel de Santorin. En quête de pierres ponces dans le cadre de la construction du Canal de Suez, des ouvriers butent sur les restes d’une cité enfouie. Probablement suite à une éruption volcanique d’un ancien volcan tout proche. Une projection de cendres semble avoir anéanti la ville d'un seul coup, en la conservant sous des couches de pierre ponce et de cendres, un peu comme Herculaneum et Pompeii. Il faudra des années pour que les archéologues s’y intéressent de plus près, trop occupés à découvrir d'autres trésors minoéens, ceux de la Crète 100 km plus au Sud. Et pourtant, la cité d’Akrotiri n’a pas fini de délivrer ses secrets.
Akrotiri, l'inspiration de Platon pour l'Atlantide...
© Photos – Wikipedia
Les bâtisses mises à jour indiquent un haut degré de civilisation pour l'âge du bronze, par exemple à travers les salles de bains reliées à l'égout, les chauffages par le sol, la circulation d'eau chaude et froide, jusqu'à la présence de sanitaires dans les maisons. La cité ne reflète, par contre, aucune traces de palais ni fortifications. On suppose donc qu'elle entretenait de bonnes relations avec les îles voisines. Sur les parois, des fresques fabuleuses relatent la vie d'antan. Un lien clair à la mer et à l'eau. Des métiers à tisser et du safran, denrée précieuse, pour les teintures. De nombreux indices laissent penser que la ville était un carrefour entre l'Europe et le Moyen-Orient pour le transport et le commerce maritime, notamment avec la Crète toute proche. Et si l'on n'y a pas encore mis à jour de traces de port, de nombreux éléments poussent à croire qu'elle en possédait un. Les fresques représentent des navires et des rameurs de manière particulièrement précise : des navires de 5 à 24 rameurs de chaque côté. Des coques ornées de motifs animaliers, notamment des oiseaux marins, des ouettes d'Egypte ainsi que des "lis maritimes", ces merveilleux papyrus. La fresque de la "procession nautique", notamment, est un petit chef- d'oeuvre des artistes de l'époque.
© Photos – Wikipedia
Contrairement à la catastrophe au pied du Vésuve, les habitants d'Akrotiri semblent avoir eu le temps de quitter la cité en danger par la mer, aux signes annonciateurs d'un séisme. Le tremblement de terre sera suivi plus tard par l'éruption du volcan Thera. Aucun objet de valeur n'a été retrouvé et les fouilles ne démontrent aucuns signes de victimes. Les vestiges mycéniens indiquent une datation vers 1600 AC. On estime que l'éruption fut une des plus importantes au monde, créant une caldeira géante et un nuage de cendres gigantesque. On affirme également que son éruption aurait provoqué un tsunami haut d'une centaine de mètres, balayant tout sur son passage jusqu'aux côtes crétoises et égyptiennes. L'île, abandonnée par ses habitants, et recouverte d'une épaisse couche de cendres et de débris, restera dans l'oubli durant des siècles, jusqu'à sa recolonisation entre autre par les Phéniciens et Romains. Ce n'est que dans les années 1860, que ses vestiges referont alors surface, lors des travaux du Canal de Suez.
Encore un endroit qui vient rallonger ma liste de souhaits de destinations à venir.
Je m'en vais donc rêver à cette île fantastique et vous souhaite un excellent dimanche.
Une histoire de corbeaux bien noirs et de reliques lugubres en mer, cela colle pas mal avec Halloween, non ? Alors voici une version de la fable revue et corrigée par les marins lusitaniens, ce dimanche. Je vous emmène me rejoindre à Lisbonne (mais sans la pluie ! ).
Gabarre : Substantif féminin. Peut s’écrire « gabare » ou « gabarre ».
Tout débute il ya bien longtemps... près de Sagrès, au Portugal. Dans la lumière sombre du matin, les restes d'un homme sont retrouvés sur les rochers à l'extrême pointe Sud-Ouest de l'Europe. Ils sont gardés par des corbeaux (la légende raconte que c'est pour éviter que les vautours n'en fassent une bouchée). Ces restes humains, il s'agit de ceux du très vénéré Saint Vincent de Saragosse, un diacre chrétien persécuté avec une infinie créativité ( ! ) et décédé plus de quatre siècles plus tôt en Espagne à Valence.
De cet endroit hors du commun, s'élanceront des siècles plus tard, les plus grands navigateurs de ce monde, à la découverte de nouveaux continents (dont Henri le Navigateur). Le récit sera à l'origine du nom de ce cap : le Cabo de São Vicente ou Cap Saint Vincent.
© Photos : Wikipedia
En 1147, Afonso Enriques, le premier roi du Portugal fait le vœu de protéger les reliques de Saint Vincent s’il guide ses armées, en infériorité numérique face aux Maures, vers la victoire lors du siège de Lisbonne. Les Portugais conquèrent ainsi la ville. Et le roi, étant un homme de parole, les fait alors rassembler (le pauvre Saint avait été quelque peu "éparpillé" entre divers lieux de culte). Il les fait ainsi transporter jusqu'à la capitale du royaume lusitanien et inhumer dans la cathédrale de Santa Maria Maior ("la Sé") dans le quartier de l'Alfama. Pour ce faire, le Saint entame son dernier voyage - plus de trois cents kilomètres - via les eaux tumultueuses des côtes portugaises de l'Atlantique. La légende prétend que des corbeaux accompagneront, ici une fois encore, le navire tout au long de son dernier périple pour protéger la dépouille de leur défunt maître.
© Photos : Rêves de Marins
Lisbonne prendra ainsi Vincent pour Saint patron. Et la capitale lusitanienne adoptera pour emblème, deux corbeaux sur un navire (probablement une caravelle plutôt qu'une gabarre, mais il fallait que cela rime ;-)).
Un protecteur au nom doux à l'oreille et au palais, puisqu'il sera également reconnu comme le patron des vignerons... Même si son histoire est quelque peu lugubre, il me plaît bien, ce Vincent ;-).
Alors, happy Halloween d’un Lisbonne lugubrement pluvieux en ce 31 octobre et je vous souhaite « a todos um bom domingo » comme on dit ici !
Et si mettions un brin de folie dans nos vies ce dimanche ?
Le Navire de Cocagne
Nous sommes en 1494 en Alsace. Sebastian Brant, un humaniste et poète strasbourgeois publie "la Nef des Fous" ("das Narrenschiff"), un ouvrage critique de la faiblesse et de la folie de ses contemporains. Cette métaphore nautique recense divers types de folie, brossant le tableau de la condition humaine, sur un ton satirique et moralisateur. Dans le récit, le navire emporte dans sa cargaison nombre d'imbéciles, flatteurs, joueurs, faiseurs de ragots, paresseux et gourmands. Il y annonce que "le bateau va, simplement, vers son naufrage". Une oeuvre critique et pessimiste, mais qui connaît immédiatement un succès... fou. Elle sera ainsi illustrée par des gravures en bois représentant les diverses sortes de fous à bord : le bibliomane, l'avaricieux, l'usurier, le voyageur, celui qui s'adonne trop à la danse, le fou de luxure, le fou de la goinfrerie et beuverie, etc.
La métaphore de la barque et de la folie de son équipage se retrouve dès le Moyen-Âge, comme notamment dans "la Barque bleue" ("de blauwe schuit") de Jacques van Oestvoren.
En 1509, Erasme de Rotterdam, écrira à son tour "l'Eloge de la Folie". On considère d'ailleurs que c'est l'une des œuvres qui ont eu le plus d'influence sur la littérature du monde occidental et qu'elle a été un des catalyseurs de la Réforme protestante. Il sera suivi en 1516 par Thomas Moore, humaniste et écrivain britannique, et son "Utopie" ("Utopiae" du grec οὐ-τόπος "en aucun lieu"), un récit de voyage vers une lointaine et mythique île imaginaire, représentant une société idéale sans défauts.
Le point commun entre ces auteurs de satire sociale : leur oeuvre utilise comme métaphore un navire ou une île peuplée de fous, ou encore une destination imaginaire pour éviter la censure politique ou religieuse. "La folie n'est pas un péché, elle est la loi inévitable de la vie. C'est seulement quand elle se reconnaît et s'accepte elle-même qu'elle peut éviter la pire forme d'aveuglement, qui est de croire à sa propre sagesse". (Bosch, Hans Belting)
© Photos – Wikipedia
La Nef des fous de Brant et l'île de nulle part de Thomas Moor trouvent aussi leur pendant pictural dans l'oeuvre du célèbre peintre Hieronymus Bosch et sa vision d'une humanité paradisiaque dans son 'jardin des délices". Si vous passez au Louvre à Paris, allez donc admirer sa version en images de la "Nef des Fous" dans son triptyque. Se trouvent dans sa version de la nef, des hommes assez insensés pour s'embarquer sur un navire sans voile ni gouvernail, avec pour toute vergue un mât de cocagne où, trop occupés par leurs plaisirs, les deux nautiers abandonnent leur louche énorme qui pourrait faire office de rame ou de godille . Ces hommes et ces femmes embarqués ensemble ne vont nulle part, ils ne s'en rendent pas compte et ne s'en soucient en rien. Le peintre y critique les mœurs dissolues du clergé et la débauche cédant aux vices. Hieronymus Bosch... dont nombre diront qu'il n'avait pas vraiment toute sa tête pour imaginer des créatures aussi fantasmagoriques... Mais les grands artistes n'ont-ils pas souvent été accusés de folie (Van Gogh, Dali, Claudel, Hemingway, Rimbaud, Maupassant, Baudelaire... ). "Génie" rime-t-il donc avec "folie" ?
© Photos – Wikipedia & Bosch, Le Jardin des Délices, Hans Belting (edition Gallimard 2005)
L'île des fous
Cependant, la folie n'existe pas que dans l'imagination des auteurs du XVIe siècle... L'île des fous a réellement existé : l'île de San Servolo. Elle se trouvait à Venise, entre la place Saint-Marc et le Lido. Ayant d’abord accueilli un monastère bénédictin, elle a ensuite abrité un hôpital militaire avant de recueillir les aliénés de Venise à partir de l’époque napoléonienne. L’ île a ensuite été transformée en un centre universitaire international et abrite le musée de l’hôpital psychiatrique de San Servolo. Une île isolée de la réalité du monde, à l'abri des raisons, tout comme le premier lazaret créé lui aussi sur une des îles de la lagune, pour y séparer les malades des bien portants.
Folie en mer
La mer entretient un lien tout particulier avec la folie... De longues périodes en navigation ou sur une île déserte a de quoi faire chavirer les esprits les plus forts. Chaleur, déshydratation, hallucinations, manque de sommeil, fatigue extrême, solitude, désespoir, peur. Tous les navigateurs solitaires, à un moment ou un autre, doivent se demander s'ils ne sont pas en train de perdre la tête.
"La Mer rend fou... Parfois, je me demande si ces images ou souvenirs ne sont que le fruit de mon imagination tant leur réalité me semble intense."
Je vous conseille vivement trois excellents romans qui traitent de la folie en mer, et qui vous tiendront en haleine jusqu'à la toute dernière page !
Et puis, après tout, la folie ne fait-elle pas toujours un peu partie de nos vies? Ces moments forts qui nous font brièvement oublier nos raisons, pour retrouver ensuite nos sens. Quelques instants de folie sur la nef des fous qui nous font nous sentir vivre un peu plus intensément, décuple nos forces ou nos émotions, en mer ou ailleurs (sans pour cela nous coûter une oreille... ). Et nous donne des souvenirs à raconter aux gens "sages" et sains d'esprit ;-), une fois de retour sur la terre ferme.
Alors, je vous souhaite un dimanche un peu fou (juste pas trop) !
Tous les beaux voyages débutent souvent par un bon café brûlant avant de larguer les amarres. C'est aussi la petite tasse qui nous réchauffe à bord ou nous aide à tenir l'oeil ouvert durant les quarts. Alors, si nous partions ce dimanche à la quête de cette boisson qui ouvre le sillage vers l'aventure à travers le monde ?
Café ou Thé ?
Originaire d'Ethiopie et du Yémen, les confréries Soufies de l'Arabie utilisèrent le café pour faciliter les veillées de prière. La boisson se diffusa dès le début du XVIe siècle dans les grandes villes du monde arabe du Caire jusqu’à Damas, Istanbul et Ispahan, sans oublier la Turquie ottomane.
"L’art du thé", similairement, a été introduit de Chine par les moines bouddhistes de la secte Zen dans le même but : celui de maintenir l’état de veille pour la méditation. Au Japon, la "cérémonie du thé, "cha-no-yu" ou "sadô", un partage ritualisé d'un boisson chaude non alcoolisée et revigorante, a pris une fonction sociale importante à travers les siècles. Elle touche toutes les classes sociales et tous les milieux, hommes comme femmes. Bien au-delà de sa fonction de bienvenue et d'hospitalité, cette cérémonie joue un rôle majeur dans la cristallisation d'une série de valeurs fondamentales pour les Japonais, telles que la sobriété, la discrétion et le respect.
Le choix du café ou du thé dépend de l’endroit de la planète où nous nous trouvons. Si vous voyagez chez les Bédouins d'Arabie ou de Syrie, en Turquie ou encore au Moyen-Orient, vous aurez beaucoup de chance d'y déguster les grains nord-africains. Par contre, si l'envie vous prend de pousser une tête dans les déserts berbères, en Asie ou tout simplement dans les eaux anglo-saxonnes, vous n'échapperez pas aux fameuses herbes dans de l'eau chaude.
Qu’ils sont doux les levers de soleil dans le fond d’une baie irlandaise… Le bateau, l’équipage dort encore, l’eau limpide est parfaitement calme et le soleil tiède inonde déjà les collines boisées et descend vers les berges de granite. Tout est calme. La bouilloire vient de siffler, la table du petit déjeuner est dressée, les équipiers les plus courageux ouvrent l’oeil et se préparent à une courte baignade dans l’eau fraîche avant d’attaquer l’ « Earl Grey », la marmelade d’orange et le lemon curd.
© Photos – Rêvesdemarins
La Tasse du Faste
La célèbre "türk kahvezi" ou "cérémonie du café" en Turquie ottomane allait jusqu'à un niveau de détail engloblant toute une série d'objets d'art lié au rite du café : cafetières, poêles à griller les grains, cezve (tasses), plateaux, réchauds, étoffes assorties, souvent en métal précieux richement décoré ou en porcelaine... Bien entendu, au départ, ceci était réservé au classes sociales supérieures dont le mobilier raffiné décrit ci-avant servait notamment à quelque peu affirmer la puissance et l'attachement à un ancien régime.
On retrouve les mêmes éléments pour la cérémonie du thé asiatique. Les objets, le lieu et les gestes entourant le rituel du thé revêtent une importance primordiale dans la tradition de la petite boisson herborisée. Olfactif, visuel, gustatif, le partage du café, dans ce contexte très hiérarchisé de la société ottomane, relevait aussi d’une véritable recherche esthétique : ameublement, les motifs des tapis en particulier, s’accordaient à ceux des étoffes et des vêtements portés par les servantes. L’odeur du café, accompagnée parfois de celle de parfums ou d’encens que l’on brûlait participaient à la délimitation d’un espace (même provisoire) réservé au café avec lequel on honorait ses hôtes.
Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle que l'ancêtre du cappucino fait son chemin hors des salons privés, des tentes du caravansérail et des riches demeures vers les coins de rue (les "maisons de café") ou échoppes ambulantes, y compris en Italie et en France, où la tradition du café est restée bien présente jusqu'à nos jours.
Le Breuvage du Dialogue
Les deux boissons, si différentes soient-elles, ont fréquemment été sources d'accueil, rencontres et échanges. Elles constituent un petit havre de paix le temps d’une pause, d’une écoute de l’autre, de l'hospitalité autour d'une tasse et d'un rituel de respect mutuel. Elles facilitent et accompagnent les rapprochements, les voyages, les ouvertures au monde.
Les plus grandes négociations entre nations de ce monde l'ont souvent été autour d'un de nos deux breuvages. La petite tasse y a rempli son rôle de facilitation, de créateur de trêve, le temps d'un dialogue entre belligérants ou nouveaux alliés. Nul doute sur le fait que Lawrence d'Arabie, David Lloyd George, Vittorio Orlando ou encore Benjamin Franklin aient bu leur café ou leur thé bien chaud pour parlementer des traités de paix historiques. On pourrait donc surnommer ces deux boissons des "médiateurs universels" en vertu de leur pouvoir de conciliation.
Se réunir autour d'un café ou d'un thé, c'est ainsi toujours une manière aisée pour lancer un dialogue ouvert, une base pour une (ré)conciliation, un premier regard à l'autre, un moment convivial et chaleureux même pour une conversation difficile. Un peu comme si la tasse bouillante contenait une potion magique créant une certaine intimité, faisant s'ouvrir les esprits et s'envoler les animosités dans ses volutes de fumée.
Si je suis passée au thé le matin depuis quelques années, je ne dédaigne pas un café léger, latté et sucré. Et vous, comment aimez-vous votre "caoua" ?
En attendant des cieux plus cléments pour enfin partager un de ces cafés, je vous souhaite un excellent premier jour de printemps, avec une bonne tasse pour vous réchauffer le corps, le coeur et l’esprit.
Et si nous repartions dans les mers nordiques ce dimanche ? Allez, zou ! C'est parti pour un billet sur les Vikings et une de leurs techniques ancestrales de navigation.
Boussoles de pierre
Les marins nordiques étaient des navigateurs émérites, à travers des mers complexes et des circonstances météorologiques on ne peut plus intenses. Brouillards, grains, manque de visibilité, froid, neige et j'en passe. Et pourtant, aux environs de l'an mil, ils sembleraient avoir traversé la grande mer pour atteindre les Amériques par le Nord. Bien avant l'avènement de la boussole et du sextant, ils sont parvenus à se diriger en mer par tous temps, à l'aide d'autres techniques d'orientation.
Ceux qui ont un peu suivi ce blog se souviendront peut-être que j'aime les pierres depuis mon enfance... Au point de les ramasser en bord de mer ou en haute montagne et de les mettre dans mon sac à dos (avec leur poids, au grand dam de mes pauvres parents :-)). Les marins scandinaves devaient partager ce hobby car ils sembleraient s'en être servi comme un de leurs divers instruments de navigation hauturière.
En effet, différents indices de l’histoire laissent penser que les navigateurs nordiques s’orientaient grâce à une pierre aux propriétés particulières telles que la magnétite ou encore, la “sólarsstein” ou “pierre de soleil”. La mythologie nordique accordait à cette dernière - aussi parfois nommée “pierre d’étoiles” - le pouvoir d’accès au Valhalla. Chez les anciens Grecs, les Bouddhistes où les Celtes, elle représentait prospérité, protection ou lumière cosmique. Ses teintes scintillantes variant du brun, orange au rouge métallisé lui ont valu sa dénomination. “Il frotta le caillou sur l’aiguille. Puis il posa celle-ci sur le bois, qu’il fit flotter. - Quand on s’éloigne de la côte et qu’on ne voit pas l’étoile-guide, on peut naviguer à l’aiguille et à la pierre...” (Jón l’Islandais, Bruno d’Halluin)
Les hypothèses varient concernant la nature de cette célèbre “pierre de soleil”.
Certains pensent qu’il s’agirait de “cordiérite” ou d’”héliolite”. Dans les années 1960, un archéologue danois, Thorkild Ramkou, émit l’hypothèse que les navigateurs Vikings auraient utilisé ses propriétés en termes de polarisation de la lumière pour se guider en mer et ainsi naviguer par “polarimétrie” pour retrouver la position du soleil par temps couvert. Plusieurs textes médiévaux du IXe au XIe siècle font mention d’un cristal extraordinairement pur permettant de définir la position du soleil, notamment la saga relatant les hauts faits du roi viking Olaf Haraldsson II, celles de Hrafn ou encore de Rauðúlf et ses fils. " Le temps était couvert et neigeux, comme Sigurður l'avait prédit. Alors le roi convoqua Sigurður et Dagur. Il demanda à ses hommes de regarder autour d'eux, personne ne trouva le moindre coin de ciel bleu. Puis, il somma Sigurður de désigner le soleil, lequel donna une réponse ferme. Alors, le roi envoya chercher la pierre de soleil et, la tenant au-dessus de lui, vit la lumière jaillir et ainsi, pu vérifier directement que la prédiction de Sigurður était bonne. " (Saga de Rauðúlfs þáttur, XIIIe siècle)
Plusieurs de ces pierres (ou du moins leur poudre) furent retrouvées dans des épaves de navires ainsi que sur certains sites archéologiques Vikings en Islande. Des détails de la tapisserie de Bayeux indiqueraient également l’usage de telles pierres.
Une autre hypothèse affirme qu’il s’agirait de “calcite” (ou “spath d’Islande”, courante dans les îles nordiques). Cette pierre aurait le pouvoir de polariser la lumière du soleil, On la dit “biréfringente”, a savoir, elle divise la lumière en deux. Et suivant l’inclinaison de la pierre par rapport à la source de lumière, elle peut « l’éteindre ». Guy Ropars et Albert Lefloch, deux physiciens bretons spécialisés en lasers de l’université de Rennes se sont penchés sur la question de cette pierre soi-disant magique. Grâce à une loi physique, la moindre lumière polarisée apparaît sous la forme de deux petits rectangles dans un tel cristal. Lorsqu’ils ne forment plus qu’ un, c’est que le soleil est juste en face. Même sous l’horizon, on peut ainsi relever la position du soleil à un degré près. Cette technique ferait usage de l'effet de "pinceau de Haidinger", une image de la lumière polarisée créée par l'oeil en forme de croix au halo bleu et jaune, indiquant la direction de la polarisation.
© Photos – Wikipedia
Si les récits historiques dans ces contrées vous tentent, je vous recommande chaudement (mis à part les températures locales....) le roman “Jón l’Islandais” de Bruno d’Halluin. Une épopée maritime qui vous emmènera de Bristol, à l’Islande jusqu’aux Amériques, en passant par les pays nordiques, le Groenland avec un détour aux Açores. Un périple naval à mon goût, sur fond de faits historiques d’une époque de grandes découvertes.
Alors, lors de votre prochaine navigation, n’oubliez pas d’emporter votre pierre en poche ! J'en profite pour souhaiter une très bonne fête à mon cher papa, qui m'a souvent fourni une belle pierre d’ancrage et guidé dans les navigations brumeuses de ma vie ! Ainsi qu'un tout bel anniversaire à Sylvie. fidèle boussole et rayon de soleil pour ses Vikings et que j'admire beaucoup.
Un excellent dimanche à tous !
Christophe Colomb a sans aucun doute atteint les Amériques. Cependant, fut-il réellement le tout premier à découvrir les pays du Couchant ?
Le règne de Carthage
Tout débute vers 1.200 AC, en Afrique du Nord. Les Phéniciens illuminent la civilisation européenne de leur savoir. Ils créent l’alphabet dont sera tirée notre écriture latine et montent des comptoirs de commerce un peu partout en Méditerranée, de l’Espagne aux pays du Levant. Sidon, Tyr, Carthage (actuelle Tunisie). La puissance de cette dernière est impressionnante et jette de l’ombre sur le règne romain durant quelques siècles avant de disparaître en 146 A.C.
Mais en plus de leur art du commerce, les marchands phéniciens sont des marins expérimentés. Ils sillonnent la Mer du Milieu en tous sens (et cette dernière n’est pas toujours aussi plate que les plaisanciers l’affirment... ). Ils ont l’habitude de passer les terribles colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar actuel) et de s’aventurer dans la “grande mer”, pour leur commerce de l’étain avec les Cornouailles. Certaines sources affirment qu’ils ont été les premiers à descendre plus au Sud de l’Afrique.
Selon les dires, ce peuple de commerçants aurait risqué la traversée à la voile jusqu’ au Brésil ou au Mexique, environ 600 ans avant J.C., à savoir plus de deux mille ans avant Christophe Colomb...
Selon des archéologues et historiens de la fin du XIXe siècle, certaines régions portent toujours des noms d’origine phénicienne, comme la rivière de Yuna ou la zone de Samana, qui pourrait être associée au capitaine phénicien Zamman. Il y a de même une roche sculptée de main d’homme qui pourrait représenter un dieu phénicien. » (Rania Nawar, l’Orient-Le Jour)
Cependant, malgré certaines indications (par exemple une stèle avec des inscriptions faisant référence à des dieux phéniciens) comme au Brésil, la thèse de la découverte des pays du Couchant par les marins de Carthage n’a, à ce jour pas été confirmée.
En 2019, Philip Beale, un aventurier écrivain britannique, ancien de la marine royale, passionné de la culture et de l’histoire phénicienne, lance une expédition intitulée “Phoenician Before Colombus Expedition”. Il commandite ainsi la construction du ”Phoenicia “, une réplique d’un navire antique sur la base d’informations recueillies sur des vestiges. Le chantier prend vie à Arwad en Syrie, une localité renommée pour sa longue tradition de construction navale en bois. Le Britannique dirige alors une traversée de l’Atlantique au départ des environs de l’ancienne Carthage jusqu’à Saint Domingue selon les techniques de navigation traditionnelles. À son bord, douze membres d’équipage de nationalités très diverses, tous prêts à se mettre dans la peau de nos ancêtres pour un voyage épique.
Le Phoenicia fera escale à Essaouira, Gibraltar, Cadix puis aux Canaries avant de traverser “la grande flaque”. 90 mètres carrés de voile, 20 mètres de planches et 50 tonnes de bois vont ainsi affronter les vagues à l’assaut de l’océan atlantique. Le voyage durera trois mois dans des conditions spartiates. Il prouvera que la traversée aurait dès lors été possible au temps des civilisations puniques. Plus de détails sur cette expédition via ce lien.
© Photos – Wikipedia & www.phoeniciansbeforecolumbus.com
Helluland, Markland & Vinland
Ceci dit, les Vikings sont probablement la première civilisation européenne à découvrir “le Nouveau Monde”. Vers l’an mil, des navires provenant du Groenland dirigés par Leif Eriksson parviennent à une terre relativement inhospitalière qui sera nommée “Vinland” (Terre-Neuve). Les conditions rudes, les conflits avec les populations autochtones et l’arrivée du petit âge glaciaire de la fin du Moyen-Âge auront raison de leurs tentatives de colonisation. Deux textes antiques islandais (la "Saga des groenlandais" et "la Saga d’Erik Le Rouge") reprennent des éléments topographiques. Et la découverte de vestiges dans la région de l’Anse aux Meadows permettra de considérer la véracité de cette supposition. Suivront les découvertes de Helluland (Terre de Baffin) et de Markland (Labrador). Nous reparlerons de ces sagas vikings et du rôle important joué par les peuples du Nord dans les grandes découvertes via la mer dans un billet ultérieur. Je vous y présenterai ainsi une œuvre littéraire historique fascinante que je viens de finir avec grand plaisir “Jon, l'islandais” (de Bruno d’Halluin). À suivre bientôt.
En ce qui me concerne, j’aime à croire que ce sont les Vikings qui ont devancé notre capitaine génois. Mais, qui sait... entre les Phéniciens et les Vikings, peu importe. De toute manière, le premier officier de la Santa Maria ne semble manifestement pas avoir été le premier à fouler le sol du Nouveau Monde même si les livres d’histoire continuent de lui en donner le crédit.
Alors, si cette saga des Phéniciens a titillé votre curiosité, c’est peut-être le moment de ressortir vos livres d’histoire de votre grenier pour une petite relecture lors d’une journée automnale un peu pluvieuse comme aujourd'hui. Un excellent dimanche à tous !
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August 2023
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