Les cloches étant confinées à Rome, je vous propose un petit conte en lieu et place d’œufs en chocolat. De quoi faire rêver les enfants (petits et grands) confinés à la maison en ce WE pascal et sans risque de crise de foie ;-).
Il était une fois un arbre et une fleur...
Il était une fois un arbre en bordure de mer et une fleur des champs.
L’arbre était grand et fort. Large de carrure et robuste de son tronc. Sa chevelure de feuilles volait au gré de la brise et lui donnait des airs de géant. Dans le zénith de l'âge, il resplendissait de toute sa taille dans l'ombre des vagues toutes proches. On le disait invincible, sans peur de rien. Ni les vents tempétueux, ni les rafales iodées n'avaient eu raison de sa stature. Il avait résisté aux assauts du temps et de la mer. Et pour cela, on parlait de lui comme d'un arbre de raison, solide et sage. A quelques mètres seulement du rivage, commençait la ligne des champs. Des pâtures allant du vert fluorescent au blond mordoré des blés. En bordure des champs, quelques herbes folles avaient bravé l'air marin et tenaient bon la brise salée. Ainsi y trouvait-on de jolies fleurettes aux tons doux, entre les graminées, là où les épis dorés n'avaient pas poussé.
© Photos – Rêvesdemarins
Les vents dominants venant de l'océan, poussaient les branches de l'arbre en direction de la terre. Et il ne pouvait apercevoir sur le champs tout proches que les tiges des nombreuses plantes et de la flore qui lui tournaient le dos pour se protéger de la bise maritime. Et des fleurs, il y en avait des milliers... Des milliers qu'il regardait sans jamais vraiment les voir... Jusqu'à ce matin-là.
Ce matin de printemps, le vent est tombé. C'est exceptionnel sur cette côte. Les champs demeurent immobiles, silencieux, dans les rayons du soleil levant. L'arbre peut enfin observer les environs qui le séparent des domaines un peu plus loin. Pour la première fois, il pose son regard sur l'horizon terrien. Il s'aperçoit alors qu'à quelques mètres de lui à peine, se trouve un petit trésor de la nature, dont il n'avait encore jamais encore réalisé la présence. Il écarquille les yeux et l'inspecte de ses grands yeux ronds.
Là, à seulement quelques pieds de ses racines se trouve une kyrielle de fleurs champêtres. Elles se ressemblent toutes. Sauf une... Cette dernière petite fleur semble frêle et fine. Ses pétales d’azur renvoyent les teintes du ciel. Et son cœur doré celui du soleil. Elle attire son attention. Elle est différente du reste. Si fragile et si forte à la fois pour résister aux assauts des bourrasques et des intémpéries.
Séparé d'elle par quelques mètres de distance, il la regarde sans pouvoir la toucher ni lui parler. Jusqu'alors, le vent marin les amenant à se pencher inlassablement dans la même direction et lui tourner le dos. Elle l'intrigue et titille son intérêt.
© Photos – Rêvesdemarins
Au milieu des milliers d'autres, elle est là, discrète et à peine visible... La petite fleur, si proche de lui, ses pétales de velours discrètement éclairés par rayons de l’astre du jour. Pour la première fois, il aperçoit son regard de feu et la douceur de ses pétales. Le choc de cette vision lui est tellement fort qu'il en perd quelques feuilles et s'en retrouve tout ébouriffé. Il ne sait trop ce qui lui arrive. Le vent s'est calmé depuis quelques jours mais l'arbre ne parvient plus à fermer l’oeil. La petite fleur occupe toutes ses pensées. Après quelque temps, l’arbre se rend à l'évidence : il est éperdument amoureux de cette petite fleur. Mais que voudrait bien une petite fleur d'un arbre, géant, qui ne pourrait que l'écraser par sa taille et son âge ? Il peut vivre des siècles et elle quelques jours à peine. C'est là pure folie. Une chimère, sans plus.
L'arbre tente de se faire une raison. Mais les jours passent et il pleure alors toutes les nuits en silence. Il voudrait tellement l’effleurer, ne fut-ce qu’une seule fois.
© Photos – Rêvesdemarins
Une nuit de pleine lune, alors que l'arbre sanglote en silence, une luciole, qui passe par là s'arrête sur une de ses branches...
- Sèche tes larmes, mon ami... - Quoi ? Pardon ? - Sèche tes larmes, mon ami... Je comprends ton chagrin. Je peux t'aider, si tu le souhaites... J'ai des pouvoirs, disons... spéciaux... Mais comme moi, ils sont de très courte durée. Je peux réaliser tes rêves pour un jour. Un seul. - Quoi ? M'aider ? Mais c'est impossible, voyons, je suis un arbre, enchaîné à mes racines. Et ma fleur, elle n'a pas de jambes. Elle ne peut me rejoindre. Et puis, qui me dit qu'elle m'aimerait ? Un titan de ma sorte, elle aurait peur que je l'écrase sous le poids de mes branches ? De plus, je dois lui paraître affreux. - Aie confiance... Je vous offre à tous les deux un moment unique... Après quoi, vous retrouverez vos états respectifs. Accepte mon soutien pour réaliser ton rêve. Le temps presse. Ne laisse pas passer cette exclusive chance.
Et la luciole reprend son envol, laissant l'arbre tout pantois et surtout incrédule. Et pourtant, la petite bête à lumière tient parole : cette nuit-là, elle les libère de leur terre pour une brève trêve en dehors de leurs mondes respectifs.
Il dort longtemps d'un sommeil de plomb. Lorsqu'il rouvre les paupières, l'arbre se sent soudainement libre comme l'air. Pour la première fois de son existence, il peut enfin se mouvoir et se déplacer loin du rivage. La petite fleur est toujours là. Au lieu de lui tourner le dos comme à l'habitude, elle le regarde à présent d'un air timide. Elle ne s'enfuit pas. Sans un mot, leurs regards se croisent. Sa sève ne fait qu'un tour en lui. Il voudrait la prendre dans ses grandes branches mais il a tellement peur de la casser. Alors, il s’approche doucement d'elle et caresse ses pétales du bout de ses feuilles. Sa longue chevelure jade vole dans le vent du jour qui s'éteint. Ses yeux brillent du doré du soleil couchant. De la douceur de son bois, il caresse prudemment la beauté qui s’offre ainsi à lui. Il y butine et glane le nectar du bonheur avec une tendresse infinie. Elle le laisse faire, sans le repousser. De quelques branches fines, il s’enfonce très délicatement dans la terre jusqu’à ses racines pour se rapprocher d’elle. Et contre toute attente, il sent alors ses racines à elle enserrer ses longs doigts de bois. Ils restent ainsi enlacés, longuement. Tout est devenu silencieux. Même la mer s'est tue. Il ne sait s'il rêve. Mais si c'est le cas, il donnerait tout pour ne pas se réveiller.
© Photos – Rêvesdemarins
Le lendemain à son réveil, l'océan a recommencé à murmurer et les vagues à chanter. Le vent a repris sa course. L'arbre a retrouvé sa place près du rivage. Et la petite fleur, la sienne près des champs. Aucune de trace de la luciole. En jetant un regard emplein de mélancolie en direction des prairies, l'arbre se dit qu'il a simplement dû faire un songe... Un beau songe... Mais tout au fond de lui, au tréfonds de la terre, quelque chose a changé. Le long de ses larges racines, de minuscules boutons floraux viennent de faire leur apparition...
Je vous souhaite un excellent dimanche, empli de jolis rêves de lucioles.
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AuteurArchives
August 2023
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