Noël ne serait pas Noël sans un petit conte... Allez, zou, c'est parti ! Je vous emmène au fond de nos forêts ardennaises - région de légendes et repère de lutins (aussi nommés "Nutons" ou "Sottais" dans mon pays de la Vesdre) - pour un Noël pas comme les autres.
Il était une fois un petit village perdu au fin fond d'une forêt sombre et froide...
Il était une fois un petit village perdu au fin fond d'une forêt sombre et froide dans une région reculée de nos contrées... C'était l'endroit où la température tombait le plus bas de tout le pays. L'hiver semblait s'y être définitivement installé depuis des mois. Le soleil avait toutes les peines à y percer le brouillard glacé et les habitants avaient pris le pli de vivre dans une obscurité permanente. Les gens du hameau s'étaient habitués à un mode de vie replié sur lui-même, à l'abri du reste du monde. C'est là que vivait Isaline, une fillette, seule avec son oncle et sa tante. Ses parents ayant disparu dès sa tendre enfance.
Les jours s'y ressemblaient, les uns après les autres, dans la froidure et l'ombre. Les habitants y vaquaient à leurs occupations journalières sans lumière et à tâtons. Le temps semblait s'y être arrêté, comme figé par la glace et la pénombre. Un soir plus noir que d'habitude, la neige avait recouvert toutes les maisonnettes jusqu'au toit. Personne n'osait tenter de sortir, par peur de se transformer instantanément en bonhomme de neige ou de geler sur place. Pas un seul bruit ne traversait le manteau blanc. La forêt semblait sans vie. Et pourtant... A travers les arbres, de temps à autre, comme bercée par la brise, une faible lumière venait percer la noirceur. Un infime point doré d'abord, puis une faible flamme vacillante. - "Ce sont des feux follets, les âmes des défunts", clamaient les anciens villageois. - "Ne les approchez surtout pas ! Ils vous emporteront avec eux dans l'au-delà !". Isaline, cependant, ne pouvait s'empêcher de scruter l'horizon dans l'espoir d'aperçevoir une de ces lueurs dorées. Contrairement aux autres villageois, elle pensait qu'il s'agissait de petits anges et non de démons venus damner les habitants. Son oncle avait beau lui répéter de ne pas y prêter attention, elle continuait de croire à la bonté de ces petits êtres de lumière. Il lui interdisait de sortir et de s'aventurer seule dans les bois. Ce soir-là de Noël, les parents adoptifs de la fillette dormaient à poings fermés dans la maisonnette de bois. Tout était calme dans la chaumière. Ils avaient partagé un bon repas et les plats étaient encore chauds sur la vieille table de chêne. Le feu était éteint dans l'âtre mais les braises chauffaient encore la chambrée. Sous ses lourdes couvertures de laine, la fillette ne pouvait fermer l'oeil. Ils n'étaient point fortunés. Elle avait pourtant tout ce dont elle avait besoin : une famille aimante, un toit pour s'abriter et de quoi vivre confortablement. Mais, ses parents lui manquaient. Et tout au fond d’elle, elle cherchait en vain cette lumière dont elle rêvait pour illuminer ses jours. Tout autour du village lui semblait tellement gris, fade et sans couleurs, sans soleil.
© Photos – Rêvesdemarins
Le lendemain soir, alors qu’elle avait le visage collé à la vitre à croisillons joliment décorée par le givre, à côté de son lit, il lui sembla entendre des pas feutrés dans la neige. Puis, elle crut que ces derniers se rapprochaient, jusqu’à faire craquer le vieux plancher. Elle cligna des yeux et ses oreilles écoutèrent attentivement. Une douce aura dorée avait empli sa chambrette. Puis, tout retomba dans le silence. Isaline resta immobile puis remonta dans son lit, sous les couvertures, paralysée à la fois de peur et d’excitation de découvrir l’origine de ce tumulte. Elle attendit et attendit encore, mais plus rien ne bougea autour d’elle. Et la fillette finit par s’endormir. Le lendemain matin, elle se dit qu’elle avait probablement rêvé.
La seconde nuit, les pas reprirent. Mais cette fois-ci, elle n’y tient plus et se leva. L’aura dorée avait finement illuminé la table à manger où quelques morceaux de fromage, un pot de miel et un quignon de pain avaient été oubliés. Par terre, quelques miettes. Et la cuillère de miel avait été vidée. - « Ce doit être des souris. J’aurais dû y penser ! », se dit-elle. Et elle repartit se coucher. Mais le surlendemain, quelle ne fut sa surprise de trouver, à côté de son lit une petite fleur bleue, toute de laine tissée ! D’où pouvait-elle bien donc provenir ? Elle avait été fabriquée par des mains expertes et certainement très fines. Elle la prit délicatement et la posa sous son oreiller. Elle n'en dit mot à son oncle et sa tante. Mais se promit bien d'élucider le mystère.
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La troisième nuit qui suivit Noël, Isaline ne s'endormit pas. Elle prit la précaution de laisser un bol de potage encore chaud sur la table, une grande cuillère en bois, du pain, quelques noix et des fruits des bois. Elle attendit, tapie sur son lit, en scrutant le chemin qui menait à la chaumière. C'est là qu'elle "les" vit enfin... Ils étaient cinq. Cinq petits Sottais. Des Nutons de la région, avec leur bonnet rouge, bien emmitouflés, leurs chausses vertes à pointes, et leur gros nez écarlate dans le froid piquant. Les créatures du "petit peuple" comme on les appelait, portaient chacun une menue lanterne, dont la flamme dansait dans le vent ardennais et leur donnait l'allure d'un collier de lumière dans l'obscurité environnante. Ils n'avaient certainement pas l'air bien méchants !
© Photos – Rêvesdemarins & Wikipedia
L’étrange cortège parvient à la chaumière. Et comme par magie, la porte d'entrée s'ouvrit pour laisser rentrer les petits êtres. Elle se referma aussitôt derrière eux. La fillette les observa en silence : ils avaient faim et ils se dirigèrent tout droit sur le repas laissé à leur attention. Ils avaient placé leurs lanternes en rond autour de la table. On aurait dit un ballet aux chandelles. La lumière qu'elles projetaient sur les murs était particulièrement douce et chaleureuse. Isaline eut soudainement le sentiment que ses parents étaient là, tout près d'elle. Et elle sentit une chaleur monter du fond de son âme, sur ses mains, jusqu’au bout de ses doigts. Une incroyable paix monta en elle et tout d’un coup, elle se sentit rassurée. Elle n’était plus seule. A travers les flammèches qui virevoltaient dans les petites lanternes posées sur le plancher, elle reconnut les étoiles dans les yeux de sa mère et la chaleur des bras de son père lorsqu’il la serrait dans ses bras tout enfant. La mélodie des flammes qui brûlaient ainsi lui rappelèrent les douces mélopées des berceuses que lui chantaient ses chers parents pour l’endormir alors qu’elle avait peur de l’obscurité.
Elle resta un long moment ainsi à les observer. Ses yeux croisèrent ceux d’un des petits lutins. Ses pupilles étaient d’un vert profond, avec des points dorés à travers ses cheveux hirsutes et sa longue barbe blanche. Le petit être lui sourit. Il sembla à Isaline qu’il lui disait quelque chose dans son regard. Un peu comme s’il voulait la remercier du repas qu’elle leur avait laissé. Ses paupières se firent subitement lourdes et la fillette s’endormit. Lorsqu’elle les rouvrit le lendemain matin, elle se retrouva dans son lit. Comment était-elle arrivée là ? Et à côté de son lit se trouvait à présent une menue lanterne, la petite fleur bleue attachée à son anse.La lanterne brillait de mille feux. Sa lumière était douce comme de la soie et son toucher chaud pour y revigorer ses menottes engourdies.
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Le jour d’après en se levant, la fillette se sentit quelque peu différente. La neige avait cessé de tomber. Le soleil avait enfin percé les nuages et la forêt avait retrouvé quelques teintes verdâtres. Les habitants étaient enfin sortis de chez eux et avaient repris leurs activités.
Isaline se rendit dans la pièce principale où l’attendaient son oncle et sa tante. - « Bien dormi, mon petit ange ? », demanda sa tante d’un regard bienveillant. « On dirait que les mauvais esprits sont partis avec la neige... ». Isaline ne dit mot de ses découvertes nocturnes. Elle garda son secret bien gardé. Depuis ce jour-là, la petite lanterne ne quitta plus la chaumière et une flamme y brûla toutes les nuits, pour réconforter la fillette à chaque fois qu’elle sentait la tristesse ou la peur monter en elle. Étonnamment, il n’y eut jamais besoin de la rallumer, incandescente d’une lueur éternelle. Isaline ne revit jamais les petits Nutons. Mais on raconte qu’ils reviennent chaque nuit pour alimenter la petite flamme pour que jamais elle ne s'éteigne.
Inutile de vous dire que j'adore les bougies et lanternes. Et que mon habitation - tout comme chez les Scandinaves - en est remplie...
Merci à tous ceux et celles qui ont été ma lanterne magique dans mes nuits et mes jours, que ce soit un soir, un an ou une vie. Un très joyeux Noël à tous !
1 Comment
Murielm
26/12/2022 07:27:51 am
Merci à toi d’avoir été notre lanterne magique!
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May 2023
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