Un peu de mythologie ce dimanche. Histoire de nous remémorer nos ancêtres gréco-latins. Et puis surtout, de suivre mon envie de vous emmener quelque part sur un archipel ensoleillé, riche en récits de volcans et de créatures fantastiques (et non, ce ne sont pas les Açores cette fois-ci).
Eole avait Sept Filles...
Le Dieu Eole avait sept filles, toutes plus belles les unes que les autres. Elles se prénommaient Vulcano, Lipari, Stromboli, Panarea, Salina, Filicudi et Alicudi. Elles vivaient dans une région reculée de la mer du Milieu, sur un continent aujourd’hui disparu. Eole tenait tellement à sa progéniture qu’il ne laissait personne s’approcher de ses filles ni ne leur permettait d’aller se promener hors de cette partie de son royaume. Et les pauvrettes se lamentaient en silence de devoir demeurer en marge du reste du monde. Cependant, Eole aimait tendrement ses filles et il finit par écouter leurs souhaits de sortir de leur prison dorée pour aller prendre l’air.
Lors d’une de leurs balades, l’une d’elles, la plus jeune des sept, Stromboli, à la longue chevelure couleur de feu, tomba éperdument amoureuse de Polyphème, un Cyclope venu d’une lointaine contrée du Levant. Polyphème était un berger. Il était laid, avait l’air d’une brute et faisait peur aux habitants par son air repoussant. Mais il avait bon cœur. Et Stromboli l’avait remarqué. Au fond de son gros œil unique, brillait une lueur de grande gentillesse et de tristesse aussi. S’il était un demi-Dieu, la nature ne l’avait pas doté là d’un physique très attirant. Stromboli n’avait cure de son aspect et elle sut que son cœur lui appartiendrait. Elle avait beau se pavaner devant lui et se parer de ses plus beaux atours, ce dernier ne semblait pas la remarquer. Des semaines durant, elle lui montra sa tendresse et son attention. Elle lui envoyait des pétales de fleurs et des senteurs délicieuses, en vain. Le géant demeurait insensible à ses charmes. En réalité, Polyphème ne pouvait pas voir Stromboli car elle, tout comme ses sœurs et son père, avaient une forme éthérée, donc invisible aux yeux des autres. Il pouvait, tout au plus, sentir la caresse de sa main sur sa joue, sans se douter qu’il s’agissait là d’un geste d’amour, En outre, Polyphème ne partageait pas les sentiments de la belle. Le géant n’avait d’yeux (au singulier... ) que pour une nymphe au regard couleur de l’océan se prénommant Galatea. Et la fille d’Eole se lamentait de son malheur. Elle en devint tellement triste qu’elle en pleurait à chaudes larmes toutes les nuits. Et de ses larmes naissait une nature verdoyante. Son père décida alors de régler la situation une fois pour toutes en éliminant la cause du problème : il lui fallait trouver un moyen de rendre Stromboli visible à son prétendant et de lui faire comprendre à quel point sa fille cadette était un bon parti. Eole se mit donc en route pour rencontrer le Cyclope, lui montrer le chemin de son palais et lui parler en tête à tête, Arrivé en bord de mer où le géant faisait paître ses moutons, il commença à lui souffler à l’oreille la route vers le continent éolien ainsi que toutes les qualités de sa fille, doucement puis avec plus d’insistance. Cependant, puisque Polyphème ne pouvait pas distinguer Eole non plus, il ne remarqua qu’une forte brise, se muant ensuite en bourrasques dans les voiles des navires croisant au large. Et plus Eole s’appliquait dans son discours, plus le Cyclope prenait peur en voyant la houle monter et les arbres se plier sous le vent de manière incontrôlable. Par crainte d’afronter un ouragan, le géant prit ainsi parti de s’enfuir. Voyant son futur beau-fils prendre la poudre d’escampette face à ses insistances, Eole en prit ombrage et se mit à crier si fort que toute la mer se leva d’un coup. Et ce n’est que par miracle que le géant réchappa à la vague titanesque que le Dieu des vents avait ainsi soulevée jusque sur la terre.
© Photos - Rêvesdemarins
Blessé dans son égo divin et sa fierté de père, le Dieu des Vents décida alors de se venger. Et pour se faire, il lui fallait éliminer la cause du problème, a savoir, Galatea. Sans Galatea, Polyphème allait certainement épancher son chagrin chez Stromboli et le tour serait joué. Il imagina alors un stratagème machiavélique pour écarter la nymphe. Il susurra alors à l’oreille d’un autre berger, le très beau Acis, que Galatea ne rêvait que de lui et qu’il lui fallait à tout prix conquérir la damoiselle. Aussitôt murmuré, aussitôt fait. Il mit Acis sur le chemin de la jolie nymphe. À leur rencontre, près de la rivière au pied de la montagne toute proche, l’Etna, ils tombèrent tous deux immédiatement sous le charme et décidèrent de s’enfuir ensemble. En découvrant que sa belle lui échappait ainsi pour un autre, le Cyclope poussa un cri inhumain, déracina les arbres à mains nues et arracha un énorme rocher de basalte pour le précipiter sur les deux tourtereaux. Galatea parvint à s’enfuir de justesse et alla se jeter dans les flots de la mer toute proche. Acis, lui, ne survécu pas à la fureur du géant et son sang se versa dans la rivière. Et les méandres de la rivière se mêlent aujourd’hui encore aux vagues marines, réunissant ainsi les deux infortunés à jamais.
Eole, voyant le résultat de ses manigances, se retira, se frottant les mains, l’air guilleret, la rivale ayant ainsi été prestement éliminée. Le Cyclope allait certainement oublier son chagrin dans les bras de sa fille Stromboli. Cependant, il restait un souci, et pas un moindre : comment Stromboli allait-elle se faire aimer du géant sans qu’il ne puisse la voir ??? Eole avait beau réfléchir, il ne voyait pas de solution. Alors, il s’en alla demander conseil au Dieu du feu, Ephaïstos, son ami de toujours. Ephaïstos tenait sa forge dans l’Etna. Ephaïstos sourit en entendant son récit et lui dit : « Mon cher Eole, si tu acceptes de me donner ta fille Vulcano en noces, je rendrai Stromboli visible pour Polyphème. Acceptes-tu? ». Et comme Eole ne pouvait rien refuser à sa fille cadette, il accepta le marché.
En rentrant chez lui, au lieu de retrouver ses filles diaphanes sur une mer bleue sans fin, il aperçut sept formes noires se dresser dans la brume du petit matin sur son royaume. Et la plus haute d’entre elles brillait d’une chevelure de feu volant dans les nuages. Il reconnut alors immédiatement Stromboli et ses cheveux flavescents. Ephaïstos avait tenu parole, il avait bel et bien donné une forme visible à sa fille. Et à ses six autres sœurs.... Et non, le Dieu avait un peu trop bien fait les choses. À présent toutes ses filles avaient un aspect bien tangible et formaient un incroyable archipel au Nord de la montagne Etna. Les sept îles se dressaient fièrement dans leur écrin marin sur un océan miroité des lumières rosées du soleil couchant. Eole gémit de tout son être en réalisant qu’il venait de laisser pétrifier ses filles à jamais et continue encore aujourd’hui à geindre entre les différentes îles éoliennes. Tres fréquemment avec une force imprévue, lorsqu’il ne peut contenir sa colère vis à vis d’Ephaïstos. Et le Cyclope, me direz-vous? Polyphème, pour épancher son chagrin, s’assied depuis toutes les nuits en bord de mer pour admirer le mont Stromboli au loin, ses gerbes de feu et ses torrents rougeâtres de lave en fusion. Sans le savoir, il est finalement tombé amoureux de la belle Stromboli, qu’il peut à présent contempler de son œil triste et s’émerveiller. On prétend qu’il ne s’en est jamais lassé depuis et que la belle continue depuis les millénaires à offrir son spectacle de feu toutes les. nuits à son berger.
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May 2023
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