Qui d'entre vous se souvient de Jonathan Swift et de ses récits de voyage ?
Je vous rafraîchis la mémoire ?
Vous avez trouvé ? Mon tout narre les fameux Voyages de Gulliver... Dissimulé sous l'aspect d'un conte marin pour enfants, il s'agit en réalité d'une satire véhémente contre les mœurs et les gouvernements de l'époque de son auteur.
Les habitants de Lilliput sont de petits êtres mesurant six pouces de haut (ou moins de quinze centimètres) à la langue incompréhensible. Ils vivent dans une société parfaitement organisée et s'opposent aux habitants de l'île voisine. Gulliver, chirurgien de marine, atterrit sur leur île suite à un naufrage et se faire prendre prisonnier par ces petits êtres très particuliers. Il finira par les aider à capturer et emmener la flotte ennemie grâce à sa grande taille. Mais sera rapidement mis en discrédit par les monarques locaux en éteignant l'incendie du palais d'une manière, disons, ... inhabituelle, bien qu'efficace...
Gulliver découvre l'origine de la guerre entre Lilliput et Blefuscu qui est l'île voisine : un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les œufs à la coque : d'où le nom des partisans de chaque doctrine, les Gros-boutiens et les Petits-boutiens.
"N'est-ce pas le défaut naturel à tous les hommes qui se plaisent ordinairement à parler et à raisonner sur ce qu'ils entendent le moins ? " (Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift)
Lemuel Gulliver fera quatre voyages : à Lilliput, puis à Brobdinggag, le pays des Géants, dans l'océan pacifique. Il ira ensuite, à Laputa, Balnibarbi, Glubbdubdrib et Luggnagg, pour terminer ses aventures quelque part au Japon.
© Photos – Wikipedia
Je ne vous entretiendrai pas dans ce bref billet des détails du récit des voyages de notre ami Gulliver. J'ai simplement l'intention de vous donner l'envie et l'occasion de ressortir cet ouvrage de vos archives. A votre échelle pour aller le dénicher au fond de votre bibliothèque !
Alors, en mangeant votre oeuf à la coque ce dimanche matin, posez-vous la question de savoir si vous êtes un Gros ou un Petit-boutien !
Je vous souhaite un superbe dimanche ensoleillé.
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Du temps de mon grand-père, le soir du 24 décembre était toujours une soirée inoubliable, riche en folkore, mystères, magie et contes de fées. Alors, en son souvenir, puisque ce site web lui est dédié, voici un petit conte de Noël, histoire de perpétuer la tradition en hommage à un bel auteur cher à mon coeur.
En rencontrant mon filleul en Suède début de ce mois, j'ai découvert que cet adorable petit garçon de cinq ans affectionne beaucoup les animaux. Et un d'eux en particulier. (Comme son prénom pouvait le présager) Attila est en effet fasciné par les équidés à longue crinière. Alors, en ce WE de Noël, je n'ai pas pu résister à l'envie de lui composer un petit conte de circonstance sur ce thème. "Il était une fois un petit cheval... "
Il était une fois un petit cheval qui se nommait Kelpi. Il vivait dans les Highlands écossais, là où l'homme a du mal à se frayer un chemin dans une nature sauvage. Son pelage était gris ardoise. Le bout de ses pattes était couvert de larges fanons couleur d'anthracite. Il possédait un regard très particulier : des yeux vert de gris parsemé de quelques étincelles dorées avec de longs cils noirs. Sa crinière, entièrement cendrée, presqu'argentée, volait dans le vent de l'Est. Sa robe était incroyablement épaisse et le protégeait du froid piquant de l'hiver. Son museau, d'un rosé tendre, était doux comme de la soie au toucher. Ses pattes étaient sensiblement plus courtes que celles de ses congénaires et son poitrail plus costaud. Etonnamment pour sa stature, il possédait une force hors du commun.
Cependant, son aspect extérieur le désolait. Il ne ressemblait en rien à tous les autres chevaux des étendues où il aimait à gambader. Tous les autres arboraient une autre teinte : bruns, noirs, blancs ou encore bai. Leurs yeux étaient tous foncés : marrons, dorés ou ébène. Son regard clair intriguait ses compagnons. Et on le regardait souvent de travers. De plus, sa petite taille l'affligeait comparé aux longues et fines jambes de ses congénères. En outre, les siennes se terminaient par une sorte de houpette de longs poils derrière ses sabots, donnant l'impression de bottines de fourrure. Les autres se moquaient souvent de lui en référant à l'imperfection de ses pattes et de sa modeste taille. Et le petit cheval se sentait très seul... Il ne comprenait point pourquoi sa différence le rendait si peu acceptable pour ses pairs. Mais, il ne leur en voulait pas. Il se contentait de rester à part et de vivre une vie d'ermite.
Kelpi faisait preuve d'une grande intelligence. Il était doux et sensible. Il était toujours le premier à flairer le danger et repérer les bruits inhabituels. Et puis, surtout, le petit cheval était libre : il n'appartenait à personne et ne laissait aucun humain l'apprivoiser. Les hommes avaient beau tenter de lui mettre un licou et de les accompagner dans leurs écuries, le petit cheval se libérait toujours et s'enfuyait au galop dans les collines. Ces caractéristiques rendaient ses congénaires incroyablement jaloux de lui. C'est ainsi qu'il fut nommé Kelpi par son entourage. Dans la mythologie écossaise, les "Kelpies" représentaient de puissants êtres mi-chevalins, mi-aquatiques, capables de prendre forme humaine, attirant les voyageurs imprudents dans cette région hostile. Ces derniers, souvent perdus et fatigués dans les montagnes des Highlands, étaient heureux de trouver une monture acceptant de les porter sur leur dos, sans réaliser que cette monture allait ensuite les emmener au fond des lochs (lacs) de la région, d'où ils ne ressortiraient jamais. Tous craignaient ces créatures fantastiques. La légende avait donc suivi Kelpi et le mystère qui entourait son existence solitaire.
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Ce soir-là de fin Décembre, alors que la bise soufflait rageusement sur les collines et que la neige tombait sans discontinuité, tout le monde célébrait la Noël dans les maisonnées de pierre. Les quelques rares habitants de la région faisaient bonne chère au coin d'une bonne flambée au son des violons et cornemuses. Sur la table, "haggis", "broth", "black pudding", marrons et saumon faisaient saliver les papilles des invités, arrrosés du whisky ambré de la distillerie locale.
Au dehors, le petit cheval se pelotonnait au fond d'une grange abandonnée près du loch Duich, en tentant tant bien que mal de se réchauffer dans la nuit glacée. Il se sentait bien solitaire ce soir-là... Mais, à quoi bon rejoindre ceux qui ne l'acceptaient de toute manière pas comme il était et le lui faisaient bien comprendre. De son promontoire qui donnait sur les lac de mers environnants, le petit cheval pouvait aperçevoir la ferme où ses frères dormaient, de l'autre côté de l'eau. Au loin vers l'Est, les monts enneigés. Vers l'Ouest, le vieux château d'Eilean Donan se profilait sur l'onde, comme un enchanteur de pierre. Les prairies qui le bordaient étaient emplies de givre et immaculées sous la neige fraîche. Il se disait qu'il habitait là une région magnifique : trois immenses lacs de mer se rejoignaient à cet endroit, à proximité de l'océan et de l'Île de Skye. Et cette pensée le réconfortait quelque peu.
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Par contre, bien au chaud dans leurs écuries, ses frères et soeurs se prélassaient dans leur enclos la panse pleine, car il ne faisait pas une température à mettre un cheval dehors ! Lorsque soudain retentit un bruit inquiétant au loin. Un crépitement frémit, puis une odeur âcre leur monta aux naseaux. Leur coeur se serra. Dans le grenier à foin voisin, une lanterne s'était renversée avec la force du vent. Le feu avait pris dans les combles et commençait à se propager malgré la neige. En panique, les chevaux prisonniers de leur étable se mirent à hennir et ruer de toutes leurs forces. Mais les fermiers n'entendaient rien, trop occupés à faire la fête.
A présent, le brasier se rapprochait dangereusement et menaçait de gagner les écuries toutes proches, où se trouvaient les bêtes prisonnières. Ils avaient beau faire un potin d'enfer et se démener comme des diables pour se libérer, la lourde porte du hangar était solidement fermée à clé. Ils étaient captifs !
Les premières flammes commençèrent à lécher la porte d'entrée et la fumée avait à présent envahi la bâtisse de bois. Les chevaux, avec leurs fines pattes, tentaient désespérément de se frayer une brêche dans la porte de chêne. En vain. Elle résistait à leurs assauts. Lorsque tout d'un coup, ils entendirent un bruit cadencé au dehors. On aurait dit... des sabots ! Puis des voix d'hommes, des cris et des jurons. C'était Kelpi ! Il était venu à leur aide ! Et le petit cheval avait été prévenir les fermiers en hennissant et tambourinant sur l'huis de la maison. Mais au moment où le fermier voulut ouvrir la porte de l'écurie pour libérer les bêtes, elle se révéla impossible à ouvrir, les fers des battants déjà rougis par le feu, ayant été scellés par la chaleur.
Alors, Kelpi risqua le tout pour le tout. Il se plaça juste devant la porte, rua et frappa de toute ses forces avec ses sabots dans le bois en flammes. La fournaise lui brûlait les pattes et quelques flammèches lui roussissaient les fanons. Mais, il continua, encore et encore, sans relâche jusqu'au moment où une des planches céda. Le fermier, armé d'une hache, continua le travail déjà ébauché par le petit cheval. Et un des battants du portique finit par céder. Les animaux prisonniers déboulèrent vers la sortie et la liberté. Ils étaient enfin sauvés...
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Kelpi était épuisé. Il s'écroula sur le sol enneigé, à quelque distance de la grange en feu. Alors, se passa l'impensable : les autres chevaux s'approchèrent de lui et l'entourèrent. Une jument se coucha tout contre lui pour le réchauffer et ils restèrent ainsi durant un long moment. Le fermier appela les bêtes, qui refusaient à présent de le rejoindre. Intrigué par leur manège, il s'approcha du petit groupe et découvrit Kelpi allongé sur le sol, les pattes méchamment brûlées par son effort. Et pour une fois, le petit cheval se laissa toucher. Le fermier lui caressa les naseaux et l'échine. Il le couvrit de son manteau et lui apporta de l'eau à boire. Le feu avait à présent été maîtrisé et il emmena les animaux au sec dans une grange. Dès que Kelpi eut repris quelques forces, il se laissa transporter par les hommes, qui soignèrent ses blessures aux pattes, le nourrirent et prirent soin de lui, comme un de leurs propres chevaux.
Depuis cette nuit de Noël-là, le petit cheval demeura près des fermiers et de la compagnie de ses frères aux longues jambes, bien à l'abri du blizzard et du gel. Plus jamais aucun autre cheval n'osa mépriser son aspect. Il fut enfin considéré comme un membre de leur famille à part entière. Ils vécurent ainsi encore de longues années de bonheur dans les collines écossaises, dans lesquelles il aimait tant à galoper.
Alors, je vous souhaite à tous un merveilleux Noël. Qu'il vous soit doux et heureux. Et surtout qu'il vous soit source de tolérance, réconciliation et surtout de beaucoup d'amour. Et comme on dit en gaélique écossais : Nollaig Chridheil ! Joyeux Noël !
Il était une fois trois frères...
Il était une fois trois frères...
Les frères avaient quelques années de différence et un caractère relativement dissemblable. Cependant, ils aimaient tous trois passionnément la mer. Et ce trait les rapprochait. Les trois hommes avaient, chacun à leur tour, dû affronter de nombreux revers de la vie, qui les avaient non seulement durement éprouvés, mais les avaient quelque peu contraints à s'éloigner de leur passion commune.
Première Rencontre
L'aîné des trois frères était un ancien capitaine de navire. Privé de son violon d'Ingres, il se sentait quelque peu infirme et se désolait car l'océan lui manquait cruellement. Même s'il avait repris une vie normale à terre, le moindre effort le fatiguait à présent. Son impuissance face à sa situation le rendait rageur et irritable. Son égo en avait pris ombrage. Tout ce qu'il ne pouvait contrôler le chagrinait. Et plus l'homme se désolait de sa posture, plus il se renfermait sur lui-même. Il avait désormais peu à peu repoussé la sollicitude de ses anciens compagnons et amis. Il ne les écoutait plus que d'une oreille distraite lorsque ces derniers lui rendaient visite et lui parlaient de leurs navigations et de leurs vies. Au contraire, le rappel à cette vie passée le peinait et leurs récits semblaient ne plus guère l'intéresser. Son esprit était totalement préoccupé par son état et il ne trouvait plus la force d'utiliser son énergie pour gérer quelqu' autre chose que sa propre situation. Il se sentait incompris de tous. En réalité, il souffrait cruellement de la privation de son ancien métier et il refusait le sentiment de manque de quelque chose qu'il pensait ne plus jamais pouvoir obtenir. Les seuls moments où il se sentait mieux étaient ceux où il se retrouvait seul. Il avait ainsi pris l'habitude d'aller se promener le long du rivage. Il ne désirait pas être dérangé dans ses pensées.
Un beau matin, lors de sa promenade quotidienne en bord de mer, alors qu'il maugréait de sa situation assis sur un rocher près de la grève, il entendit du bruit derrière lui. Il se retourna subrepticement. Il eut beau regarder du mieux qu'il pouvait et écarquiller les yeux tout grands, il ne décela point ce qui interrompait sa solitude. - Qui ose ainsi perturber ma méditation ? Réagit-il. Mais le bruissement se poursuivit : doux et discret. L'ancien marin remarqua alors une forme fluette aux longues ailes diaphanes, virevoltant d'abord de ses pieds nus dans le sable à ses genoux, puis un peu plus téméraire, de son épaule à sa chevelure grisonnante. Sa première réaction fut de chasser la créature indésirable de grands mouvements de bras. Mais la demoiselle insista et finit par venir se poser sur sa joue rugueuse, puis atterrit... sur le bout de son grand nez en rhombe ! L'homme loucha de toute ses forces pour tenter d'identifier l'intrus. Toutefois, il ne put ainsi aperçevoir que deux grands yeux qui le regardaient d'un air doux mais inquisiteur, qu'il interpréta comme narquois. Il le chassa d'un vif geste de la main. "Je ne veux pas avoir envie de ce que je ne peux plus avoir. Je refuse le sentiment de manque... "
- Sâle bête. Tu viens me narguer du haut de ta petite taille ! Cependant, je ne suis pas encore mort ! Sors de ma vue, immédiatement !
Mais la petite bête resta impassible et fit fi du regard courroucé de l'homme. Elle prit simplement ses distances et alla s'installer sur une grosse pierre en face de lui. Elle l'examina à son tour. Malgré la température de l'air relativement clémente pour la saison, l'ambiance était glaciale. - J'ai déjà bien assez de soucis ainsi. Je n'ai pas besoin de toi. Fiche-moi la paix et sors de ma vue ! Je n'ai pas envie de te voir. Je ne t'ai pas invitée ici. D'ailleurs, c'est ma plage ! La petite créature ne se laissa pas intimider par la gestuelle bourrue de l'homme. Elle ne bougea point de son promontoire et continua de fixer l'homme du haut de sa menue carrure.
Exaspéré et désespéré par la détermination de l'animal, l'homme finit par cesser ses plaintes et se contenta de rester assis en face d'elle. Il vit le regard de son visiteur qui l'observait et, comme il se sentait diminué, cette situation le rendit d'autant plus mal à l'aise. Ils demeurèrent un long instant ainsi, en silence, l'un face à l'autre.
En réalité, l'homme, surpris de cette rencontre inattendue, était déconcerté de la tournure que prenaient les choses. Il regarda la bestiole d'un peu plus près. Sa visiteuse n'était autre qu'une jolie petite libellule. Son corps fin se déclinait dans des teintes du bleu vif au vert émeraude agrémenté d'une collerette dorée. Ses grands yeux lui faisaient penser à la couleur du vert de gris, celle de la mer lorsque le ciel se couvre. Ses ailes semblaient tellement fragiles, d'une transparence diaphane et laissaient entrevoir les vagues et l'écume de l'océan tout proche. Finalement, elle n'a pas l'air bien féroce, se dit-il. Que du contraire. L'homme se calma peu à peu. C'est alors que l'impensable eut lieu : une voix sortit du petit corps fluet. - Qu'est-ce qui te rend malheureux ? - Hein ? Quoi ? Qui me parle? - Ne fais pas semblant de ne pas comprendre, marin... C'est moi qui t'adresse la parole. Qu'est-ce qui te rend à ce point malheureux ? L'homme resta interloqué. Il se demanda un instant si son esprit ne lui jouait pas un tour pendable. Ce doivent être ces fichues pilules que je prends qui me rendent fou ! Je suis en train de parler à une libellule ! Ridicule, voyons ! - Je dois rêver. Les libellules ne parlent pas. - Et pourquoi pas ? En outre, je ne suis pas une simple libellule. Je suis une libellule de mer et je te connais bien. Tu viens ici chaque jour pour te promener le long du rivage. Et même si tu n'en dis rien, je vois bien, moi, que tu es malheureux... S'il n'avait pas déjà été assis, le marin serait tombé par terre de stupéfaction. Son esprit rationnel refusant d'accepter ce que ses oreilles et ses yeux lui clamaient. - Voyons, je ne vais pas te manger ni même te piquer. Réalises-tu ta taille de géant par rapport à la mienne ? Je ne te veux aucun mal. Mais cela me peine de te voir ainsi. Malgré la froideur de ton regard, je sais que ton coeur est bon. Tu portes une profonde tristesse en toi. Et je peux t'aider, à condition que tu acceptes de me laisser te soulager... Une fois remis de ses émotions, le marin retrouva la parole et se décida enfin à répondre à son interlocuteur : - Ma tristesse ne regarde que moi ! Et puis, pourquoi cela t'intéresse-t-il ? De toute manière, tu ne peux pas m'aider ! Suis-je donc fou à lier pour parler à un insecte idiot !?! - Ne sois pas ingrat. Et ne me méprise pas. Je te connais mieux que tu ne le penses. Je t'ai très souvent croisé sur ton bateau depuis des années. Mais, tu n'as jamais fait attention à moi ; tu étais bien trop occupé à tenir la barre et à donner tes ordres à l'équipage que pour me remarquer. Il y a d'ailleurs bien longtemps que je ne t'ai plus rencontré en mer. Ne désires-tu donc plus naviguer ? - Oh si... Dit-il avec un long soupir. Que ne donnerais-je pour pouvoir reprendre mon ancienne vie. Mais tout cela n'est plus possible à présent. J'ai perdu mes forces et mon navire. Il ne sert strictement à rien de ressasser le passé. Je ne peux point le changer. - Crois-tu vraiment cela? Il y a toujours de l'espoir. - Pas pour moi. - Ne soit pas défaîtiste. Je te prouverai le contraire. Attends-moi ici ! Et sur ces mots, la libellule s'envola. L'homme resta sans mots, en se demandant s'il ne s'était pas tout simplement assoupi et avait rêvé ce dialogue surréaliste. Il se mit alors debout pour prendre le chemin de retour. Si j'ai de telles hallucinations, il doit vraiment être temps pour moi de me reposer.
© Photos - Armand & Isabelle Burguet
Le lendemain matin, le marin se leva après un sommeil agité. Toute la journée qui suivit, il tenta d'oublier sa rencontre de la plage, sans pourtant y parvenir. Et contre toute attente, il regretta un peu d'être parti si vite. La visite impromptue lui avait, malgré lui et même s'il refusait de se l'avouer, apporté quelque réconfort. En fin d'après-midi, il décida alors à retourner sur la plage. Je dois en avoir le coeur net. Il voulait se persuader qu'il avait bel et bien imaginé cette entrevue insensée.
Lorsqu'il parvint à l'endroit qu'il avait quitté le jour d'avant, la libellule était là, sur le rocher. L'attendait-elle donc ? Mais, la petite bête ne dit mot cette fois-ci. S'il avait effectivement vu cette bestiole hier, il avait dû rêver qu'elle pouvait parler. Il se rassit un peu plus loin. La libellule ne bougea toujours pas. Ceci lui sembla plus rassurant. Sa nature rationnelle se réjouit de sa constatation. Les minutes passèrent. Il observa le soleil couchant sur les vagues. La lumière était splendide : un arc-en-ciel de rosés tendant vers l'orangé avec des pointes de doré sur la grève mouillée. Soudain, dans la lumière du crépuscule, dans le sable devant le rocher où siègeait encore l'insecte, brillait un objet qui l'intrigua. Il ne put tout de suite décerner de quoi il s'agissait. Il s'approcha de l'endroit et fit mine d'avancer son pied sur la tache de lumière. La libellule sortit alors de son mutisme : - Attention, c'est fragile ! L'homme sursauta, interloqué d'entendre à nouveau une voix, tout autant que de sa découverte dans le sable. - Mais alors, je n'ai pas rêvé ? Tu parles réellement ! - Rationnel incrédule, va... Bien sûr que je suis bien réelle. Ramasse plutôt ce que je t'ai apporté. L'homme avança prudemment sa main sur le sable. Ses doigts rencontrèrent une surface dure. - Ce que tu m'as apporté ? On dirait... Un oeuf ? Il regarda alors le petit insecte d'un air dubitatif. Cette libellule n'a tout de même pas pu pondre un oeuf trois fois plus grand qu'elle !?! Il prit l'objet avec précaution dans sa grande main hâlée. Un oeuf de... De verre ? Et qui contient du sable ? Il ne savait quoi penser. Il l'examina sous toutes ses coutures. Les milliers de grains de sable qu'il contenait s'animèrent de dorés et de gris-noirs. Les couleurs formèrent alors une image qu'il eut d'abord du mal à distinguer. Puis, son oeil aguerri, s'habitua au matériau et il finit par y reconnaître une forme qu'il ne connaissait que trop bien... Il se tourna vers la libellule d'un air décontenancé : - Oui, tu as bien vu. Il s'agit d'un oeuf. Cependant celui-ci est un oeuf magique... Il possède le pouvoir de prendre la forme de tes rêves ou de tes regrets. Il se compose de milliers de grains de sable. Chaque grain de sable doré représente ainsi une pensée positive qu'un être a pour toi, un bonheur ou un rêve que tu peux encore réaliser. Chaque grain de sable noir représente par contre un de tes regrets ou une pensée triste. Et la forme que tu y distingues à présent est un voilier... Noir... Tu as le pouvoir d'en modifier le dessin et dès lors de réaliser tes rêves. Les images qu'il te donnera dépendront de ta volonté d'accepter le réconfort des autres ainsi que le courage de ne pas abandonner tes projets. Demain, le voilier pourrait redevenir blanc, rien qu'en modifiant la densité et la proportion des grains dorés que tu accepteras d'y voir. Et puis, à chaque fois que tu regarderas cet oeuf, souviens-toi des bons moments passés dans ta vie, en mer ou ailleurs. Et dis-toi que tu réaliseras un jour tes rêves. Encore une chose : le sable coule dans cet oeuf comme le temps. Et si tu ne peux malheureusement rajouter du sable pour prolonger le temps qu'il te reste, par contre, tu peux modifier les visions qu'il contient. "Il ne s'agit point là d'un oeuf comme les autres... Celui-ci est magique... "
L'homme hésita un instant. Il tourna l'oeuf dans sa main, le scruta, fut tenté de le mettre dans sa poche, puis finit par le reposer dans le sable. Il courba la tête. Son visage se referma à nouveau. Sa voix s'était durcie.
- Je ne souhaite pas le prendre. Il me rappellerait trop de beaux souvenirs que je désire oublier et mettre derrière moi. J'aurais bien trop envie de retrouver mes rêves passés et c'est impossible. Chaque souvenir me fera souffrir et je ne veux plus souffrir. Je ne veux pas avoir envie de ce que je ne peux plus avoir. Je refuse le manque. C'est trop dur. Et puis, je ne crois pas à la magie. - Comme tu veux, marin. Libre à toi de refuser mon présent. - Non, c'est tout réfléchi, garde ton cadeau. Je ne le souhaite pas. - A ton gré. Tu sais où me trouver si tu changes d'avis. Au revoir, marin... Et la libellule prit son envol vers l'océan à présent devenu sombre. L'obscurité et le silence retombèrent sur la plage. Il avait froid. Le marin se releva péniblement et se dirigea vers la terre. Il ne put nier le fait que la petite bête avait raison sur un point : il se sentait malheureux tout au fond de lui. Mais qu'est-ce qu'un minuscule insecte pourrait donc y changer ? Les jours suivants, l'homme ressentit une étrange sensation de vide. Et à chaque visite à la plage, il ne put s'empêcher de repasser près du rocher. Mais la petite libellule avait maintenant disparu. Plus de traces de l'oeuf non plus. Ce souvenir n'était sans doute qu'un mirage dans le désert de mon esprit, se dit-il. Il décida d'en parler à son premier frère, avec qui il entretenait une relation chaleureuse. "Si tu ne peux malheureusement rajouter du sable pour prolonger le temps qu'il te reste, par contre, tu peux modifier les visions qu'il contient... "
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Seconde Rencontre
Au récit de l'aventure, son premier frère se moqua tout d'abord de lui. Mais il décida tout de même d'aller voir par lui-même sur la plage si ce soi-disant oeuf magique n'était pas le fruit de l'imagination de son aîné. Il s'inquiétait en effet de la santé morale de ce dernier. Arrivé en bord de mer, il n'eut pas de mal à retrouver l'endroit décrit. Il s'agissait d'une magnifique soirée de crépuscule. Et s'installa sur le sol humide. Et étonnamment, la libellule ne se fit pas attendre. Quelques instants plus tard, elle apparut sur son rocher. Comme la première fois, elle prit la parole la première :
- Qui es-tu, marin ? L'homme n'en croyait pas ses oreilles. Mon frère n'avait donc pas imaginé cette conversation ! Incroyable... - Je suis un des frères du marin à qui tu as parlé récemment. - C'est lui qui t'envoie ? Aurait-il donc changé d'avis ? - Non, je suis venu de ma propre initiative. Il est bien trop rationnel que pour croire en la magie ou autres phénomènes qu'il ne peut expliquer. - Alors, dois-je comprendre par ta présence que, toi, tu y crois, par contre ? - Un peu... A voir... A toi de me le prouver. Alors, où est donc ce fameux oeuf ? - Tu es assis dessus ! - Oh ! Et l'homme se releva précipitamment. Il ne l'avait pas cassé, heureusement. L'image qu'il reflétait était toujours sombre et noire dans l'immensité des grains qu'il contenait. - Mmm... Est-il réellement magique ? Je ne vois là qu'un oeuf plein de sable noir. - A toi de me le dire... Tu peux le reprendre si tu veux. Je te l'offre. - D'accord. Merci. Nous verrons les résultats. Mais, je suis perplexe. - Ne sois pas sceptique, marin. Sinon, les pouvoirs de l'oeuf seront vains. Bon vent. Et sur ces mots, la libellule reprit son envol. L'homme la regarda s'éloigner dans la lumière du soleil couchant sur les vagues. Il décida d'aller d'abord nager avant de rentrer chez lui. Je reprendrai cet oeuf en revenant. Il me gênera dans mon bain de mer. Et il partit se baigner. A son retour, il n'y pensa plus et s'en alla vers son logis sans plus s'être soucié du cadeau de la libellule. Arrivé à destination, il s'aperçut alors de son oubli. Bah, je reviendrai demain pour le reprendre. Personne ne vient jamais à cet endroit. Le lendemain, il eut beau chercher l'oeuf, ce dernier avait disparu. En y regardant mieux, il finit par découvrir avec consternation quelques morceaux de verre éparpillés et une trace noire dans le sable. Son oeuf avait été cassé et tous les grains de sable s'étaient mêlés à ceux de la plage. L'homme se sentit soudainement ridicule et honteux de son attitude. Si j'avais pris ce cadeau lorsqu'on me l'avait donné, il ne serait probablement pas détruit à l'heure qu'il est. Il n'osa point en parler à son frère aîné lorsque ce dernier lui posa la question et feignit tout simplement de ne pas avoir trouvé ni la libellule ni l'oeuf. "Ne sois pas sceptique, marin. Sinon, les pouvoirs de l'oeuf seront vains... "
Troisième Rencontre
Quelque temps plus tard, le frère cadet rendit visite à ses aînés. Leurs retrouvailles furent conviviales même s'ils parlèrent peu. Le plus jeune leur proposa d'aller faire un tour sur la plage ensemble. Mais les deux aînés déclinèrent la proposition. Un peu comme s'ils avaient peur de revoir la petite libellule. Et si c'était du regret ? Peut-être aurais-je pu être moins triste aujourd'hui si je n'avais pas repoussé son offre ? Que va-t-elle penser si je dis que j'ai oublié son présent ? J'aurais dû saisir la chance lorsqu'elle se présentait à moi... Toutefois, ils n'en dirent mot à leur petit frère et prétextèrent des activités urgentes pour ne pas l'accompagner à l'océan.
Le plus jeune se rendit donc seul à la plage. Le soleil était sur le point de disparaître derrière la ligne d'horizon bordée d'or et de pourpre. Il soupira de la beauté qui s'offrait ainsi à lui et s'assit brièvement dans le sable humide pour admirer le paysage enchanteur. C'est alors qu'il entendit une petite voix. - Tu leur ressembles... - Pardon ? - Je disais : tu leur ressembles. Le marin tressaillit. Grand fut son étonnement de découvrir le petit être qui lui adressait ainsi la parole. Cependant, contrairement à ses frères, il ne se fâcha point et écouta avec attention la petite libellule installée sur le rocher en face de l'endroit où il s'était arrêté. - A qui ressemble-je, donc ? - Au marin qui se promenait ici tous les jours et qui a refusé mon cadeau. Tu ressembles également à son frère qui est venu me voir récemment et qui n'a pas jugé important de reprendre mon cadeau en l'oubliant sur la plage. Ils ne croyaient pas à la magie de l'oeuf... Et la petite libellule lui conta sa rencontre avec les deux frères aînés. - Il s'agit probablement de mes frères que tu parles. Oui, ils aiment à se balader le long du rivage, c'est vrai. Et ce sont tous deux d'indécrottables rationnels qui n'aiment point se laisser aller à leurs émotions, ni à tout ce qu'ils ne peuvent maîtriser.
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Le récit de la libellule le toucha profondément. Il aimait beaucoup sa fraterie et en particulier son frère aîné malgré son caractère difficile et la maladroitesse de ses mots parfois. Il eut alors une idée. Ancien charpentier de bord, il en avait construit et réparé des navires et l'envie lui prit soudain de se remettre à sa table à dessin.
- L'oeuf magique dont tu m'as parlé, pourrais-tu m'en procurer un nouveau ? Et accepterais-tu de me le céder, s'il te plaît ? - Pourquoi faire ? - Je souhaite aider mon frère aîné. Ce qu' il n'ose entreprendre, je le ferai pour lui. Je dessinerai des plans pour un nouveau navire et le ferai construire. Et nous l'emmènerons naviguer à nouveau ! Même s'il me faudra du temps pour y parvenir, s'il ne croit plus à ses rêves, alors, moi j'y croirai pour lui ! La libellule n'en attendait pas moins du jeune marin. Et sur ces entrefaites, elle lui indiqua une petite bosse brillante, dissimulée sous le sable un peu plus loin. Le marin s'en empara et remercia chaleureusement la libellule. Il repartit, l'oeuf bien à l'abri dans la poche de sa veste, heureux de son acquisition. Lorsqu'il retrouva ses deux frères, il ne leur dit mot de sa rencontre ni de l'oeuf et repartit chez lui. Il se mit immédiatement au travail et dessina toute la nuit. Des coques, des gréements, des quilles, des voiles. L'inspiration lui était soudainement revenue, plus puissante que jamais. Il avait posé l'oeuf magique sur sa table de bureau et chaque soir, il le contemplait. Au fur et à mesure que ses plans avançaient, l'oeuf perdait un peu de sa teinte foncée et l'image du bateau dans le sable se colorait de doré et de blanc. Lorsque ses plans furent fin prêts et qu'il les envoya au chantier pour la mise en construction de sa création, il décida d'aller revoir son frère aîné. Cette fois-ci, il emporta l'oeuf avec lui.
- Mon bien aimé frère, viens avec moi. J'ai quelque chose à te montrer. Il s'agit d'une surprise.
L'aîné rumina un peu. Il n'avait pas trop envie de se déplacer, surtout sans savoir où ils allaient. Mais après quelqu' insistance de son cadet, il finit par accepter. Lorsqu'ils parvinrent au chantier naval où le navire était sur le point d'être mis à l'eau, l'aîné n'en revint pas de ce que son frère avait réalisé. - C'est pour toi, frérot ! Et nous irons l'étrenner ensemble. Demain, je t'emmène en mer, sur notre nouveau navire ! Les yeux du marin brillaient. Il ne savait quoi dire. La persistance de son cadet à lui rendre le sourire et ses rêves le submergeait de sentiments controversés : à la fois, il lui en voulait rageusement de son projet malgré lui. Mais il était touché au plus profond de son geste. Il le prit dans ses bras et pleura pour la première fois.
Alors, si un jour, quelqu'un vous offre un oeuf, ne laissez pas passer l'occasion... Qui sait, ce dernier pourrait se révéler être un oeuf enchanté...
Je vous promets qu'après ce billet, vous ne regarderez plus jamais votre oeuf à la coque (de bateau ! ) de la même manière dans son coquetier... Je vous souhaite que celui que vous dégusterez ce matin au petit déjeûner dominical soit, lui aussi, magique... Un excellent dimanche à tous !
Pas étonnant que les Norvégiens soient initiés à la navigation et la pêche dès leur plus jeune âge. Pas surprenant non plus que la région soit fertile en forêts et bois. Le sol est noir, saturé de couleur tourbe, tout comme l'or liquide qui sort de ses entrailles et fait, lui aussi, la richesse du pays. Un océan irradié de verts et de bleus, entre montagnes, lacs et mers.
Le navire vogue depuis de longues heures sur l'immensité couleur acier. Le ciel bas, le vent capricieux. Les deux voiles fièrement gonflées du souffle de Njörd, dieu de l'abondance, du vent et de la mer (autrement dit, le dieu Eole local...). L'Abeille est heureuse de naviguer ainsi: du vent, des vagues, de la vitesse, bref de la vraie voile. Ils quittent la grande Mer du Nord pour s'enfoncer alors dans un immense fjord: le Hardanger. Entre-temps, la pluie s'est totalement éclipsée et a cédé la place à un magnifique soleil tombant. La lumière dorée scintille sur l'eau calme du fjord. Ils décident de faire halte à Vedholmen pour la première nuit à bord. A l'endroit de leur logis nocturne: quelques barques de pêcheurs, deux minuscules cabanes colorées et un ponton de bois. Les amis s'installent pour la veillée. Le firmament sera couvert; la température plutôt automnale.. Les deux soeurs se sont emmitouflées sous un drap douillet pour se protéger de l'humidité ambiante. La Coccinelle questionne le Dragon des Mers: - Øivind, notre cher guide, tu nous as parlé des Contes des Mille et Une Mers lors de notre départ. Je t'en prie, raconte-nous quelques unes de ces histoires extraordinaires... - D'accord. Installez-vous confortablement pour mon premier récit. Je vais vous narrer ce soir un conte de l'endroit où nous faisons relâche pour la nuit... Il était une fois... 1er Conte - Le Petit Cygne de Vedholmen
Il était une fois un couple de cygnes au plumage aussi blanc que la neige des glaciers, et aussi doux que la mousse des forêts de Trolls. Ils se nommaient Finn et Fia. Ils s'aimaient d'un amour tendre. Vous savez probablement, que contrairement à beaucoup d'autres oiseaux, les cygnes restent avec le même partenaire toute leur vie...
Notre couple avait décidé d'élire domicile au bord d'un fjord au milieu des montagnes toutes proches et d'y fonder leur foyer, du nom de Vedholmen. L'endroit était merveilleux: au loin, des neiges éternelles au turquoise transparent, des rochers aux couleurs d'ardoise, des cascades infinies, une eau noir d'ébène, des poissons en abondance et surtout peu d'hommes pour les déranger. Finn et Fia avaient déjà préparé soigneusement leur nid et s'apprêtaient à un heureux événement. Seul ombrage à leur bonheur: un point semblant inquiéter Fia au point qu'elle ne pouvait plus en trouver le sommeil. - Ma douce amie, qu'est-ce qui te tracasse donc ainsi? N'es-tu donc point heureuse d'attendre nos chers petits? - Mon doux Finn, je me réjouis autant que toi. Cependant, je ne cesse de voir tournoyer les grands aigles de mer dans les alentours. Et j'ai crainte qu'ils ne nous volent nos enfants lorsqu'ils seront encore en bas âge. Ils seront tellement visibles avec leur plumage immaculé. Ils feront une proie facile pour ces grands prédateurs. J'ai tellement peur, Finn. A cette époque, les cygnets (si, si, c'est bien le nom des petits, d'ailleurs les moins férus d'orthographe ne mettent-ils donc point une de leur plumes dans un livre pour en marquer la page.... ) avaient encore un plumage de cette couleur dès leur naissance. Plus les jours passaient et plus Fia dépérissait d'inquiétude. Finn ne savait plus quoi faire. Alors, un soir, à la tombée de la nuit, il décide d'agir et s'envole pour la forêt toute proche s'en quérir Tryllar, le grand Troll... Il s'agit d'une entreprise hasardeuse. Les Trolls sont des êtres immenses, laids, aux longs cheveux, bossus. Et les hommes les décrivent comme des créatures malfaisantes. Mais si les Trolls n'aiment pas les hommes, ils ne cultivent, par contre, aucune animosité envers la gent animale. Et il sait surtout que Trylla possède de puissants pouvoirs magiques.
Au petit matin, lorsque Fia dort encore à pattes fermées dans le nid, Finn s'envole dans le fjord en direction du Nord. Tout est baigné dans une brume épaisse. Le vent frais le porte rapidement dans la direction de sa destination. Il sait d'instinct vers où voler (contrairement à nous, misérables humains incapables de survivre sans gps, carte ou boussole - mis à part les pêcheurs bretons, probablement autrefois cétacés ou saumons réincarnés en humains - , les animaux ont un vrai compas dans le ventre!).
Après de longues heures de vol au-dessus du Fjord, il parvient enfin à sa destination: une petite maison à l'orée de la forêt au toit couvert de mousse et de plantes tout près d'un chêne centenaire. Des racines tortueuses qui semblent sortir de terre un peu partout. Finn n'a pas besoin d'annoncer son arrivée, Trylla l'a devancé: il l'attend sur le pas de la porte. - Sois le bienvenu, Finn. - Merci Trylla. Je viens quérir ton aide pour mon épouse Fia. - Je sais déjà, Finn. Elle craint le grand aigle de mer et voudrait ma protection pour vos futurs enfants, n'est-ce pas?. - Tu es un sorcier magicien, Trylla. Je vois que je ne peux rien te cacher. Peux-tu m'aider s'il te plaît? - Va Finn. Tes petits ne doivent rien craindre. A partir de ce jour, je vais les rendre invisibles pour l'aigle de mer, ceci jusqu'à l'âge adulte, où ils seront alors capables de lui échapper. A leur naissance, ils prendront la couleur de la roche, de la mer et de la terre. - C'est là un stratagème ingénieux. Que désires-tu en retour de ton intervention? - Tu sais que ma réputation n'est point bonne dans le monde extérieur. J'ai besoin d'un ambassadeur qui m'aide à changer cela. Ainsi, tu apprendras à tes fils que les Trolls ne sont pas des êtres malfaisants, mais au contraire, des êtres tout simplement un peu timides et maladroits mais au coeur bon. Tu demanderas à ta progéniture de faire passer le message à ses propres enfants. Cela me suffira comme rétribution pour mes services. - Merci Trylla. Je réalise en effet que tu caches un être au coeur pur sous ton apparence rude et bourrue. Je te promets de leur inculquer ces principes. Merci du fond du coeur pour ton assistance. Et Finn s'en repart vers sa Veldholmen et sa dulcinée.
A son retour incognito de chez le Troll, Finn se peletonne tendrement contre Fia.
- Mon ami, je sens que le moment est venu. Nos petits seront là demain matin. Regarde, les oeufs sont déjà en mouvement. - Ma douce, promets-moi une chose, veux-tu? Lorsque nos petits naîtront, ne te préoccupe pas de leur aspect, même s'il est différent de celui que tu auras espéré. Et n'aie crainte, ils seront protégés de l'aigle des mers. Je te le promets. - Tu es bien mystérieux, mon ami. Mais, je suivrai tes recommandations. Quelques heures plus tard, quatres adorables petites boules de plumes sortent à grand peine de leur coquille, un fin duvet sur le corps. Au fur et à mesure des jours qui passent, et à la grande surprise de Fia, les bébés n'arborent pas la robe d'argent de leurs parents mais bien celle du fjord: brun-taupe. Fia est quelque peu déçue, mais n'en montre rien à son compagnon. Elle le lui a promis. Leur progéniture grandit en bonne santé et un matin ils nagent tous ensemble dans l'eau grisâtre du fjord. Les petits se sont éloignés de leurs parents pour explorer les environs à l'aise. Soudain, un cri strident retentit et déchire le silence. Une immense ombre plane dans le ciel nordique. - Finn, c'est l'aigle! L'aigle des mers! Et nos petits qui sont loins de nous. Il va les emporter! - Ne t'inquiète pas, Fia. Il ne verra pas nos petits. Le Troll me l'a garanti. - Le Troll? Mais? De quoi parles-tu? Fia est paniquée. Mais l'oiseau de proie tourne autour d'eux sans paraître aperçevoir les quatres petits cygnets: leur couleur acier se confondant dans la teinte de l'eau. Et le prédateur s'éloigne finalement, déçu, le ventre vide. Le Troll avait tenu parole... Depuis ce jour, et grâce aux Trolls, les bébés cygnes restent bruns-gris jusqu'à leur âge adulte et non blancs, partout au monde.
Et voici le premier de nos Contes des Mille et Une Mers... J'espère qu'il vous aura plu. Je veux croire que Hans Christian Andersen (tiens, encore un Viking), ne m'en voudra pas d'avoir adapté son sujet de récit dans une humble version personnelle. Un second conte dans un prochain billet.
Mais ce matin-là, le ciel leur tombe littéralement sur la tête... Des trombes d'eau se déversent sur la marina. Elles qui craignaient le mal de mer, c'est plutôt de la noyade dans une grosse goutte de pluie qu'elle doivent avoir peur... Mais, elles n'en ont cure: elles sont parvenues sur le voilier et leur rêve va enfin pouvoir se réaliser, peu importe la météo.
Ils lèvent l'ancre. Et le voilier s'élance vers l'horizon couvert de brouillard. La mer est bien formée, la brise bonne, la température basse. Le voilier avance à une belle allure, plus de 9 noeuds de vitesse fond. Direction la Mer du Nord. Une très belle navigation, sportive. A bord, la Coccinelle sent son estomac danser la java. Mais, le sentiment de mal de mer disparaît rapidement, pour laisser la place à l'émerveillement d'être en mer. Au fur et à mesure des heures qui passent, les nuages se parsèment et la pluie cesse. La nuit arrive, bleue et claire, sans jamais vraiment noircir, comme dans ces hautes latitudes en été.
Nos deux aventurières décident de faire une tour sur le pont pour admirer l'azur de ce ciel nordique où le soleil ne se couche jamais vraiment en cette saison. Elles s'approchent alors de la proue du navire pour y observer la tête de Dragon qui se dresse fièrement comme gardien de l'embarcation. L'Abeille dresse l'oreille. Il lui semble entendre... Non, ce n'est pas possible... Mais, si... : - J'entends une respiration! - Tu divagues, soeurette, tu as du forcer un peu sur le miel ce soir... - Je t'assure... Ce Dragon n'est pas fait que de bois! La Coccinelle s'approche alors de la tête ornée de volutes et se pose insolemment sur le museau de la créature fantastique. - Tu vois bien qu'il ne s'agit que d'une vulgaire statue de pin! - Aaatchoum!!! Le Dragon éternue alors violemment et la Coccinelle dégringole le long de son cou, pour atterrir, bien heureusement, à l'intérieur de la coque. - Veuillez m'excuser... - A vos souhaits, Monsieur le Dragon...
La Coccinelle, qui a entretemps rejoint les deux interlocuteurs s'exclame alors:
- Mais, dis-nous, d'habitude les Dragons volent et crachent du feu. Toi, tu n'as pas d'ailes et tu nages en mer... D'accord, tu as, toi aussi, l'air très costaud. Mais es-tu vraiment un Dragon? La créature extraordinaire adresse alors un regard amusé à la petite bête incrédule: - Mais je ne suis pas un Dragon ordinaire, voyons. Je suis un Dragon des Mers ! C'est très différent. Regarde moi bien. De quelle couleur mes yeux sont-ils? - Euh... Bleus! D'un bleu très profond! - Les autres Dragons ont-ils donc également ce genre d'yeux? - Euh... Je ne sais pas, je n'en ai encore jamais rencontré d'autres. Mais, je pense qu'ils ont les yeux couleur feu ou rouges d'habitude. - Et ma peau, de quelle couleur est-elle? - Euh... blonde, enfin, claire du moins. - As-tu jamais entendu dire des Dragons qui volent qu'ils ressemblent à ceci? - Non, ils sont toujours verts, ou bruns, mais foncés du moins. - Alors, tu me crois à présent? Et qui crois-tu dirige ce navire, mmm? - D'accord. Tu m'as convaincue. Alors, c'est un peu toi le capitaine, en quelque sorte? - Oui, si je laisse les hommes d'équipage prendre la barre et les décisions, c'est moi qui les inspire et les conseille dans leur choix de l'itinéraire ainsi que dans les situations délicates. Je suis leur Gardien. Et puis, je suis né ici... J'ai navigué sur les Milles et Une Mers, accosté sur les Mille et Une Îles. Elles n'ont plus aucun secret pour moi. - Les Milles et Une Mers? Les Milles et Une Îles? Où est-ce? Raconte-nous, je t'en prie... - Vous n'auriez pas assez d'une existence terrestre pour les découvrir toutes malheureusement. Il existe Mille et Un Contes à leur propos. Cependant, je vous emmène visiter les quelques plus proches durant votre séjour. - Nous sommes impatientes d'entendre et de réaliser tes récits de mer. - Il y a cependant une condition... - Nous t'écoutons... - Ceux qui embarquent à bord d'un navire dirigé par un Dragon de Mer ont l'obligation de lui obéir à la patte et à l'oeil et de le nourrir (si possible de bonnes choses...). Êtes vous prêtes à respecter ces quelques règles? - Absolument. Nous nous occuperons bien de toi! Tu n'as aucun souçi à avoir. Nous venons d'un pays où les bonnes manières, le respect et la bonne chère font partie de nos valeurs. - Alors, nous allons bien nous entendre à bord. - Sur ces bonnes paroles: en route et bon vent, mon cher Dragon des Mers!
Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Les Musiciens de Brême, Raiponce, Le Vaillant Petit Tailleur, Le Joueur de flûte, Cendrillon, Le petit chaperon rouge. Vous les connaissez tous déjà? Je suis à peu près certaine que vous n'aurez pas lu celui que je désire vous narrer aujourd'hui. Et pour honorer le titre de ce blog, il aura, bien entendu, trait à la Mer...
Parlons tout d'abord de leurs auteurs : Jacob Grimm (1785-1863) et Wilhelm Grimm (1786-1859), sont originaires de Hesse (Allemagne). Leur diplôme de droit en poche, les deux frères débutent leur carrière: Jacob en tant que secrétaire à l’école de guerre de Kassel, puis du fait de la guerre napoléonienne contre la Prusse et la Russie, il est chargé du ravitaillement des troupes de combat. Les deux frères commencent à rassembler des contes et des histoires, et en 1811 Jacob fait paraître son premier ouvrage sur les fameux Maîtres troubadours allemands. Ensuite, tous deux devenus entre-temps secrétaires à la bibliothèque de Kassel, ils en profitent pour faire des recherches et trouver une documentation importante. En sus des nombreux récits et contines, on leur attribue aussi, chose moins connue, l'écriture du Dictionnaire d’Allemand.
Pas mal de contes ont été réécrits par plusieurs auteurs (par exemple, Cendrillon par Charles Perrault puis par les frères Grimm), ce qui fait que l'on se souvient souvent seulement de leur dernière version. Mais ils ne sont pas toujours aussi féériques que l'on imagine. Ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion de lire leurs écrits dans leur langue originale vous clameront que ces soi-disant histoires douces et merveilleuses, se révèlent en réalité brutales, cruelles et souvent plus proches du cauchemar que du rêve. Plutôt étrange comme lecture enfantine "tout conte fait" : le Petit Poucet est abandonné par ses parents, les belle-soeurs de Cendrillon sont condamnées à danser avec des chaussures chauffées au fer rouge, et autres mutilations joyeuses... Pas mal de contes sont directement issus des anciennes traditions populaires et donc antérieurs aux versions courantes et ont été adaptés pour les enfants, alors qu'à l'origine ils servaient à véhiculer un certain nombre de principes, valeurs morales et sagesses.
Puis, les enfants n'adorent-ils donc pas les histoires qui leur font peur? La recherche de sensations... Durant ma tendre enfance, lorsque ce n'étaient pas les membres de ma famille, c'étaient ma gardienne et ses parents qui me gâtaient de récits fabuleux. Son père était un homme de connaissance, d'art et de littérature. Diacre à l'Eglise orthodoxe russe, une culture locale abondant en histoires plus belles et plus terrifiantes les unes que les autres. Le pauvre se faisait toujours gronder lorsqu'à la grande insistance de la petite fille que j'étais (je n'ai pas beaucoup grandi depuis, me direz-vous...), il me racontait l'un ou l'autre récit russe qui me donnait ensuite des cauchemars toute la nuit! La nature humaine m'étonnera décidément toujours... Mes chers parents, ne lui en voulez pas... L'infortuné vieil homme m'a ainsi laissé des souvenirs fabuleux... Mais revenons à nos moutons (puisque nous allons parler de mer, mmm?). Voici un résumé de ce très beau conte. Je possède encore l'édition originale (1942) de laquelle mon père me lisait le soir, qu'il avait probablement lui-même reçue de son propre père ou aïeul et que je conserve précieusement telle une relique de moments heureux de mon enfance. J'ai particulièrement apprécié les illustrations de cet ouvrage, qui rendaient le ridicule des situations encore plus marquant.
- Rien pris, mon homme? Dit la femme.
- Non, dit l'homme. Attrapé un turbot qui a prétendu être un prince changé en poisson. Je l'ai relâché. - Sot! Dit la femme. Lui as-tu au moins demandé quelque chose? - Non, dit l'homme. Que souhaiterais-je? - Ah, dit la femme. Tu trouves sans doute amusant d'habiter ainsi dans une vieille marmite! Tu aurais bien pu demander une cabane de pêcheur. Allons, retourne au bord de l'eau et dis- lui que nous aimerions bien avoir une hutte. Il t'écoutera certainement. - Il faut donc que je retourne? Dit le pêcheur. - Tu l'avais attrapé et tu l'as relâché. Il te doit bien quelque chose. Allons! En avant! Dépêche-toi! L'homme n'avait pas envie de rappeler le turbot mais il ne voulait pas non plus contrarier sa femme: c'est pourquoi il finit par se diriger vers le rivage. La mer, cette fois, n'était plus calme et scintillante, mais entièrement verte, jaune et glauque. Il s'approcha de l'eau et dit: - "Petit poisson, menu fretin, mon Isabeau crie et tempête, il faut bien en faire à sa tête!". Le turbot nagea vers le bord et dit: - Eh bien! Que veut-elle? - Voilà, je t'ai relâché tout à l'heure et maintenant mon Isabeau m'a dit que j'aurais dû souhaiter quelque chose. Elle ne veut plus habiter dans une vieille marmite. Elle veut une cabane. - Retourne-t'en, dit le poisson. Elle l'a déjà. L'homme prit le chemin de retour. A la place de la vieille marmite se dressait à présent une cabane et la femme était assise sur un banc devant la porte. Deux chambres, des lits, une cuisine, un jardinet, des poules, des canards et quelques arbres fruitiers. Tout alla à merveille pendant huit jours, quinze jours... Mais alors la femme dit: - Écoute mon homme. Cette cabane est très petite et le jardin fort étroit. Le turbot aurait tout aussi bien nous donner un beau château de pierre. Retourne au bord de mer et demande un château. - Mais, cette cabane est bien assez grande pour nous deux! Qu'irions- nous faire, grands dieux, dans un château? Et si ce poisson allait se fâcher? Je n'irai plus le déranger. - Ta, ta, ta! Dit la femme. Vas-y. Il le fera avec plaisir. Le pêcheur partit à contre-coeur, sentant que c'était là exiger beaucoup du turbot. Lorsqu'il arriva au bord de l'eau, il vit la mer non plus jaune et verte comme l'autre fois, mais violette, sombre, épaisse et grisâtre. Il appela: - "Petit poisson, menu fretin, mon Isabeau crie et tempête. Il faut bien en faire à sa tête!" - Et que veut-elle? - Voilà, dit l'homme embarrassé... Elle veut habiter un château de pierre... - Retourne! Elle t'attend déjà devant la porte. Une fois rentré, le pêcheur découvrit que son château était pavé de dalles de marbres, les murs couverts de tapis d'Orient, avec des lustres de cristal, de la vaisselle d'or et d'argent et un immense parc à gibier. Sa femme était ravie. Ils allèrent se coucher après avoir dégusté un repas plantureux. Le lendemain matin, sa femme lui donna un coup dans les côtes et lui dit: - Mon homme, cet endroit est merveilleux. Mais ne pourrions- nous pas devenir les souverains de cette belle région? Retourne voir le turbot et dis lui de nous faire empereurs. Vas-y! L'homme fut bien forcé d'obéir, très malheureux de cette soudaine exigence de sa femme. Ce n'est pas bien, ce n'est pas bien, ne faisait-il que répéter. Mais il y alla tout de même. Lorsqu'il arriva au bord de l'eau, la mer était cette fois tout noire et furieuse. Elle commençait à bouillonner et se couvrait de bulles et d'écume. Le vent se leva et et forma sur l'eau des tourbillons terribles. L'homme frissonna, parcouru d'un effroyable pressentiment. Malgré tout, il appela: - "Petit poisson, menu fretin, mon Isabeau crie et tempête. Il faut bien en faire à sa tête!" - Et que veut-elle encore? - Hélas, voilà qu'elle veut devenir empereur... - Retourne près d'elle. Elle l'est déjà. De retour chez lui, sa femme l'attendait dans une grande salle de réception, sur un trône de cent coudées, coiffée d'une couronne haute de six pieds et entièrement couverte de pierres précieuses. Devant le trône, toute une cour de rois, princes et ducs. Sa femme rayonnait.
Dehors, une tempête terrible faisait rage. Il pouvait à peine avancer: des maisons et des arbres étaient arrachés de terre. Les montagnes tremblaient sur leur base. Des rochers entiers étaient précipités dans la mer. Le ciel était d'un noir d'encre. Les éclairs sillonnaient l'air et la mer se soulevait en vagues aussi hautes que des tours d'églises. De leur sommet balayé par les vents jaillissaient des crêtes d'écume. Le pêcheur cria de toutes ses forces et entendait à peine ses propres paroles:
- "Petit poisson, menu fretin, mon Isabeau crie et tempête. Il faut bien en faire à sa tête!" - Et que veut-elle, enfin? - Hélas, elle veut être... Et il hésita un instant. Elle veut être le Bon Dieu... - Retourne-t'en, dit le petit poisson. Elle est de nouveau dans sa vieille marmite. Et c'est là qu'ils habitent encore aujourd'hui.
Aujourd'hui encore, cette histoire me rappelle à quel point nous vivons dans une société de consommation, de richesse et où l'on en veut toujours plus. Tout cela semble devenu tout à fait acceptable. Et je ne jette ici point la pierre car, si je travaille beaucoup, je jouis, moi aussi, des avantages de cette société de consommation. Le monde occidental d'aujourd'hui nous apporte tant de facilités et de confort, que nous avons tendance à considérer ce luxe comme la norme. Certains manifestent chez nous pour leurs soi-disant "droits acquis", là où d'autres ne disposent pas même des premières nécessités. En voyageant un peu, l'on se rend compte que l'on vit bien dans nos contrées et particulièrement grâce à des systèmes sociaux généreux. Quoi que l'on puisse en penser, il est, quelque part, un peu logique que d'autres nous envient.
En outre, tout cet environnement nous rend trop souvent aveugle aux bonheurs simples: la beauté d'un soleil couchant, de la rosée du matin, d'un regard, d'un sourire, d'une caresse. Et avant tout, à celui d'être en vie et en bonne santé.
Alors, la prochaine fois que vous lirez un conte à un enfant, j'espère que vous vous souviendrez du petit turbot. Et quant à vous, Messieurs, qui vous vous considérez parfois pauvres pêcheurs, si votre femme vous demande le soleil ou la lune... Prenez délicatement son visage entre vos mains, caressez lui la joue, serrez-la doucement dans vos bras, embrassez-la tendrement et glissez-lui à l'oreille, simplement, que vous l'aimez... Cela vaudra tous les châteaux du monde...
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August 2023
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