Superbe dans sa robe immaculée drapée d'une large plume d'or. Lorsqu'on le croise en mer, on ne peut s'empêcher de le regarder planer sans bruit sur les flots. On ne voit le magnifique doré de son plumage que lorsqu’il étend ses larges ailes en vol. Sa cape couleur de soleil attire l'oeil au loin. Il ne laisse pas indifférent. Qu'on aime ou non ses formes, il en impose. Il file avec le vent, le poursuit, le devance et joue avec ses humeurs. Il vole sur les vagues, tel un grand goéland. Un oiseau de mer à la fois puissant et léger qui plane juste à la surface de l'eau. Une véritable bête de course, un champion du vol à voile.
Une mouette géante, acrobate silencieux que ce soit à travers les grands vents ou les grains. Lorsqu'il prend son envol, il laisse le monde et ses soucis loin derrière lui pour partir vers le grand large. Il tourne gracieusement sur les crêtes nacrées, batifole savamment entre les écueils et prend quelques pauses rafraîchaissantes au soleil lorsque l'air le boude. Un oiseau de mer pas comme les autres. Une espèce rare à protéger. Une espèce surtout belle à découvrir et admirer. Son petit nom : un Amalia (du vieil allemand qui signifie "brave"). Joli, non ?
© Photos – Rêvesdemarins
Oiseau de mer, oiseau de feu.
Il niche actuellement aux abords du littoral belge. Même si on le trouve parfois dans des contrées bien plus reculées telles que dans l'Atlantique ou les mers du Sud. Il aime le soleil et les mers turquoises. C'est un oiseau sociable qui apprécie la bonne compagnie. Un grand voyageur d'humeur taquine et joyeuse, toujours prêt à de nouvelles aventures marines.
Alors, aux amoureux de la nature, c'est le moment où jamais de faire un peu d'ornithologie marine. Si un vol sur ce magnifique volatile marin vous tente, n'hésitez pas à planifier une journée ou un WE pour le découvrir. Pour plus d'infos : www.sailaway.be (Alexis ou Sylvie Guillaume). Vous ne le regretterez pas !
Un excellent dimanche à tous. Et bon vent si vous décidez d'aller faire un tour sur ce joli oiseau !
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Les cloches étant confinées à Rome, je vous propose un petit conte en lieu et place d’œufs en chocolat. De quoi faire rêver les enfants (petits et grands) confinés à la maison en ce WE pascal et sans risque de crise de foie ;-).
Il était une fois un arbre et une fleur...
Il était une fois un arbre en bordure de mer et une fleur des champs.
L’arbre était grand et fort. Large de carrure et robuste de son tronc. Sa chevelure de feuilles volait au gré de la brise et lui donnait des airs de géant. Dans le zénith de l'âge, il resplendissait de toute sa taille dans l'ombre des vagues toutes proches. On le disait invincible, sans peur de rien. Ni les vents tempétueux, ni les rafales iodées n'avaient eu raison de sa stature. Il avait résisté aux assauts du temps et de la mer. Et pour cela, on parlait de lui comme d'un arbre de raison, solide et sage. A quelques mètres seulement du rivage, commençait la ligne des champs. Des pâtures allant du vert fluorescent au blond mordoré des blés. En bordure des champs, quelques herbes folles avaient bravé l'air marin et tenaient bon la brise salée. Ainsi y trouvait-on de jolies fleurettes aux tons doux, entre les graminées, là où les épis dorés n'avaient pas poussé.
© Photos – Rêvesdemarins
Les vents dominants venant de l'océan, poussaient les branches de l'arbre en direction de la terre. Et il ne pouvait apercevoir sur le champs tout proches que les tiges des nombreuses plantes et de la flore qui lui tournaient le dos pour se protéger de la bise maritime. Et des fleurs, il y en avait des milliers... Des milliers qu'il regardait sans jamais vraiment les voir... Jusqu'à ce matin-là.
Ce matin de printemps, le vent est tombé. C'est exceptionnel sur cette côte. Les champs demeurent immobiles, silencieux, dans les rayons du soleil levant. L'arbre peut enfin observer les environs qui le séparent des domaines un peu plus loin. Pour la première fois, il pose son regard sur l'horizon terrien. Il s'aperçoit alors qu'à quelques mètres de lui à peine, se trouve un petit trésor de la nature, dont il n'avait encore jamais encore réalisé la présence. Il écarquille les yeux et l'inspecte de ses grands yeux ronds.
Là, à seulement quelques pieds de ses racines se trouve une kyrielle de fleurs champêtres. Elles se ressemblent toutes. Sauf une... Cette dernière petite fleur semble frêle et fine. Ses pétales d’azur renvoyent les teintes du ciel. Et son cœur doré celui du soleil. Elle attire son attention. Elle est différente du reste. Si fragile et si forte à la fois pour résister aux assauts des bourrasques et des intémpéries.
Séparé d'elle par quelques mètres de distance, il la regarde sans pouvoir la toucher ni lui parler. Jusqu'alors, le vent marin les amenant à se pencher inlassablement dans la même direction et lui tourner le dos. Elle l'intrigue et titille son intérêt.
© Photos – Rêvesdemarins
Au milieu des milliers d'autres, elle est là, discrète et à peine visible... La petite fleur, si proche de lui, ses pétales de velours discrètement éclairés par rayons de l’astre du jour. Pour la première fois, il aperçoit son regard de feu et la douceur de ses pétales. Le choc de cette vision lui est tellement fort qu'il en perd quelques feuilles et s'en retrouve tout ébouriffé. Il ne sait trop ce qui lui arrive. Le vent s'est calmé depuis quelques jours mais l'arbre ne parvient plus à fermer l’oeil. La petite fleur occupe toutes ses pensées. Après quelque temps, l’arbre se rend à l'évidence : il est éperdument amoureux de cette petite fleur. Mais que voudrait bien une petite fleur d'un arbre, géant, qui ne pourrait que l'écraser par sa taille et son âge ? Il peut vivre des siècles et elle quelques jours à peine. C'est là pure folie. Une chimère, sans plus.
L'arbre tente de se faire une raison. Mais les jours passent et il pleure alors toutes les nuits en silence. Il voudrait tellement l’effleurer, ne fut-ce qu’une seule fois.
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Une nuit de pleine lune, alors que l'arbre sanglote en silence, une luciole, qui passe par là s'arrête sur une de ses branches...
- Sèche tes larmes, mon ami... - Quoi ? Pardon ? - Sèche tes larmes, mon ami... Je comprends ton chagrin. Je peux t'aider, si tu le souhaites... J'ai des pouvoirs, disons... spéciaux... Mais comme moi, ils sont de très courte durée. Je peux réaliser tes rêves pour un jour. Un seul. - Quoi ? M'aider ? Mais c'est impossible, voyons, je suis un arbre, enchaîné à mes racines. Et ma fleur, elle n'a pas de jambes. Elle ne peut me rejoindre. Et puis, qui me dit qu'elle m'aimerait ? Un titan de ma sorte, elle aurait peur que je l'écrase sous le poids de mes branches ? De plus, je dois lui paraître affreux. - Aie confiance... Je vous offre à tous les deux un moment unique... Après quoi, vous retrouverez vos états respectifs. Accepte mon soutien pour réaliser ton rêve. Le temps presse. Ne laisse pas passer cette exclusive chance.
Et la luciole reprend son envol, laissant l'arbre tout pantois et surtout incrédule. Et pourtant, la petite bête à lumière tient parole : cette nuit-là, elle les libère de leur terre pour une brève trêve en dehors de leurs mondes respectifs.
Il dort longtemps d'un sommeil de plomb. Lorsqu'il rouvre les paupières, l'arbre se sent soudainement libre comme l'air. Pour la première fois de son existence, il peut enfin se mouvoir et se déplacer loin du rivage. La petite fleur est toujours là. Au lieu de lui tourner le dos comme à l'habitude, elle le regarde à présent d'un air timide. Elle ne s'enfuit pas. Sans un mot, leurs regards se croisent. Sa sève ne fait qu'un tour en lui. Il voudrait la prendre dans ses grandes branches mais il a tellement peur de la casser. Alors, il s’approche doucement d'elle et caresse ses pétales du bout de ses feuilles. Sa longue chevelure jade vole dans le vent du jour qui s'éteint. Ses yeux brillent du doré du soleil couchant. De la douceur de son bois, il caresse prudemment la beauté qui s’offre ainsi à lui. Il y butine et glane le nectar du bonheur avec une tendresse infinie. Elle le laisse faire, sans le repousser. De quelques branches fines, il s’enfonce très délicatement dans la terre jusqu’à ses racines pour se rapprocher d’elle. Et contre toute attente, il sent alors ses racines à elle enserrer ses longs doigts de bois. Ils restent ainsi enlacés, longuement. Tout est devenu silencieux. Même la mer s'est tue. Il ne sait s'il rêve. Mais si c'est le cas, il donnerait tout pour ne pas se réveiller.
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Le lendemain à son réveil, l'océan a recommencé à murmurer et les vagues à chanter. Le vent a repris sa course. L'arbre a retrouvé sa place près du rivage. Et la petite fleur, la sienne près des champs. Aucune de trace de la luciole. En jetant un regard emplein de mélancolie en direction des prairies, l'arbre se dit qu'il a simplement dû faire un songe... Un beau songe... Mais tout au fond de lui, au tréfonds de la terre, quelque chose a changé. Le long de ses larges racines, de minuscules boutons floraux viennent de faire leur apparition...
Je vous souhaite un excellent dimanche, empli de jolis rêves de lucioles.
Après les dragons des mers de notre billet de la semaine passée, peut-être certains d'entre vous affrontent-t-ils à présent un autre géant des mers : le raz de marée.
Le vent ne s’est pas même levé. Une brise légère, à peine une averse
© Photos – Rêvesdemarins
Semaine triste. Deux départs de parents d’amis ces deux derniers jours. Même si l’âge était un facteur aggravant, c’est toujours terrible de voir partir ceux qui comptent pour nous, et parfois sans même pouvoir leur dire adieu à leurs côtés au moment du grand départ. Des nouvelles qui me rappellent à mes propres peurs de savoir souffrir ou de perdre ceux que j’aime, qu’ils soient proches ou éloignés de moi, en temps passé ou présent, ou en distance.
Ce billet est pour vous mes amis et tous ceux qui ont vu leurs aimés emportés, trop tôt, par le raz de marée... Je vous souhaite de la douceur et du soleil ce dimanche, pour réchauffer vos pauvres âmes meurtries. De tout coeur avec vous. V.
Faisons une exception au thème culte de ce site web pour un petit voyage au pays des femmes en blancs ce WE. Une dédicace à ceux et celles qui poursuivent leur labeur dans l’ombre sans discontinuer au service de la communauté, surtout en ces temps chahutés. Et pour qui j’ai le plus grand respect.
Les femmes invisibles
On ne les voit pas, ne les entend pas. Elles débutent leur journée lorsque nous rentrons chez nous. Elles vivent souvent au rythme saccadé de la lumière des néons, du lever ou du coucher du soleil. Elles travaillent dans le silence et l’isolement de couloirs, de chambres ou de bureaux vides. Elles sont invisibles. Et même lorsque nous les croisons, nous ne les regardons pas, ne les remarquons pas. Comme des petites abeilles qui virevoltent autour de nous, frénétiquement. Parfois aussi considérées comme des insectes, ou de la vermine... Toujours les mains dans nos crasses, le résultat de nos paresses ou de notre manque de civisme. Un papier par ci, une cannette par là, des miettes ailleurs ou pire.
Elles frottent, astiquent, lavent et épongent. Elles repassent, plient, essuient et déplacent. Et depuis peu, elles désinfectent fébrilement en plus. Elles sentent leur dos, leurs bras, leurs doigts de tant de mouvements. Et pourtant, ce n’est jamais assez bon, assez bien, assez propre. Il y a toujours bien quelqu'un pour y redire quelque chose, pour se plaindre ou pour les médire. Parfois, elles travaillent la journée ici et recommencent le soir, là-bas. Et les deux bouts demeurent souvent difficiles à nouer. Leur tâche semble sans fin. Elle est là, sans cesse à recommencer. Demain, le lendemain et le surlendemain, rien n’aura changé.
Les abeilles
D’autres femmes en blanc portent des masques, des gants et même parfois des chaussons. Elles marchent sur la pointe des pieds. Des pieds ailés qui courent incessamment d’une tâche à l’autre. Des pieds qui font mal après une journée ou une nuit de garde. Des mains qui piquent des aiguilles et des désinfectants. Des cernes sous les yeux et pourtant, elles les gardent souvent souriants. Malgré les heures, malgré les pleurs et les grincements de dents. Elles soignent, réparent, recousent ou consolent. Elles piquent, pompent, pansent ou portent. Elles n’en ont jamais fini. Et sans elles, les grands maîtres d’Hippocrate ne pourraient pas grand’chose. Et parfois, ils oublient qu’une ruche sans abeilles ne peut pas faire pas de miel. Et ces derniers temps, la ruche est en incroyable effervescence.
Si certains sont mis au repos forcé ou se tournent les pouces en cette période bizarre, vous, les femmes en blanc, êtes mises à rude contribution en compensation. Durant des semaines, voire des mois de folie, vous voici seules face à l’urgence, fortes et résiliantes comme à votre habitude. Et que ferait-on sans vous... Ce monde s'arrêterait de tourner. Déjà qu’il tourne un peu carré pour l’instant. Alors, faute de pouvoir le détourner dans la bonne direction, je vous donne un peu d’humour sarcastique de Cauvin et Bercovici (on aime ou non), pour dédramatiser une actualité quelque peu trop confinante à mon goût .
© Photos – Cauvin & Bercovici
À tous mes collègues du personnel soignant, logistique ou d’entretien. Si on ne vous le dit pas assez : merci de veiller sur nous. Vous êtes formidables. Un excellent dimanche à tous. Prenez bien soin de vous.
On ne parle plus que de cela depuis des semaines. Corona-ci. Corona-ça. La presse s’en délecte. Quarantaines et messages politiques semant le doute et la panique dans les esprits. Alors, j’ai choisi d’attaquer le sujet de face en nous rappelant que notre bon vieux monde n’en est pas à sa première frayeur face à la maladie, tout comme chez les marins. Et qu’il a en fin de compte, toujours trouvé une issue et le moyen de venir à bout de ses pires maux.
Le grand blond avec une augure noire
On la relate officiellement pour la première fois en 541. Elle durera jusqu’en 767 pour ensuite se rendormir durant six siècles. Elle ne se réveillera qu’á l’arrivée de navires génois. À leur bord, du blé bien blond, des vivres, des rats et... des malades en provenance de la mer noire... Noire comme son augure et ses conséquences. La peste se répandra alors en Europe durant pas moins de quatre siècles, comme un immense voile sombre à l’aube des grandes découvertes de notre monde. Elle touchera 25 millions de personnes. En 1348, elle frappe la Sérénissime de plein fouet.
Elle est arrivée par la mer...
Le spectacle doit être affolant si l’on en croit les chroniqueurs de l’époque. La peur de la contagion n’a pas de limites. La ville de Venise est déserte, les commerces fermés, les malades séquestrés et considérés comme des rejetons. La délation est encouragée pour dénoncer les foyers et les porteurs du mal. On va même jusqu’à placer des boîtes aux lettres « le Bocce » (« les bouches ») à cet effet. Plusieurs épidémies se succèdent et déciment la population. Les autorités vénitiennes décident alors de mettre en place des mesures sanitaires structurelles. C’est ainsi que naissent les premiers « lazarets », des hôpitaux ou îles villages pour accueillir les pestiférés, les personnes contaminées ainsi que les vivres suspects de porter les germes de la maladie. On nomme des inspecteurs sanitaires qui vont administrer les lazarets, contrôler les navires, leurs équipages et leurs marchandises. Ils obtiennent ainsi également des informations sur les zones et ports à risques, y compris à l'étranger. Ils vérifient les passeports de santé et ont le droit de recourir à des méthodes policières pour faire respecter les mesures sanitaires. Les périodes de quarantaine sont de plusieurs semaines à plusieurs mois (source : La Peste à Venise, Willy Burguet).
«... Beaucoup moururent de faim parce que, lorsque quelqu’un s'allongeait malade sur le lit, les gens de la maison disaient « je vais chercher le médecin » et ils fermaient doucement la porte de la maison et ne revenaient plus... » (Chronique florentine, Marchione di Coppo Stefani, 1380)
Les recherches thérapeutiques se suivent sans beaucoup de succès. On invente des remèdes plus farfelus les uns que les autres (parfums, élixirs à base de venin, régimes divers... ). Et il faudra attendre 1894 et Alexandre Yersin pour la découverte de l’origine bactérienne de la maladie (à savoir les puces des rats) et sa transmission à l'homme.
L’autre mal marin
Les épopées maritimes prennent forme autour du monde. Nous sommes au XVIe siècle, à l’âge d’or des grandes découvertes. Et les illustres noms sont liés à la mer. Mais si les voyages forment la jeunesse (et supposément la richesse, dans ce cas-ci), ils comportent leur lot de risques et de disettes à bord. Dans les cas les plus infortunés d'expéditions au long cours - sans possibilité de ravitaillement - , les vivres à bord sont difficiles à conserver. Les denrées fraîches manquent. Et les équipages en arrivent parfois à manger des rats. Le niveau d’hygiène et d’aération des cales sont loin d’être idéaux. Et les premières maladies font leur apparition à bord : « La peste de mer» (le scorbut, dû à une carence en vitamine C), la dysenterie, la fièvre typhoïde ou encore le choléra, ce dernier étant surtout présent sur la route des Indes. Les maladies voyagent elles aussi et ne connaissent pas de frontières...
Au fur et à mesure des siècles, les techniques et les instruments de navigation se précisent pour permettre des escales plus fréquentes et le ravitaillement en vivres frais. Les règles de bord et l’hygiène s'améliorent. On instaure par exemple la mise à disposition aux matelots de vêtements de rechange, des braseros pour se sècher ainsi que la distribution de vivres plus adaptés pour éviter les maladies de bord et surtout la séparation physique des malades et des sujets sains. En 1753, un médecin de la marine britannique, James Lind, publiera d'ailleurs le "Traité du Scorbut". Le grand navigateur James Cook, notamment, tentera de nouvelles mesures à bord pour éradiquer les maladies en mer, comme l'utilisation du jus de fruits (citron) ou de la choucroute (le chou étant un excellent anti-scorbutique).
« Harbert ne revenait guère d’une excursion sans rapporter quelques végétaux utiles. (…) un autre [jour], c’était une oseille commune, dont les propriétés anti-scorbutiques n’étaient point à dédaigner… « (L’Île mystérieuse -1874, Jules Verne)
© Photos – Wikipedia & W. Burguet
Cette maladie liée à des carences alimentaires, est devenue très rare dans les pays développés. Bien qu'on en ait recensé quelques cas pas plus tard qu'en 2016 encore, chez des adolescents aux mauvaises habitudes ou régimes très déséquilibrés. Ou dans le cas de personnes précarisées et isolées. Dans les régions du monde où frappe encore la famine de nos jours, par contre, la maladie n'a pas encore été totalement éradiquée (notamment dans les camps de réfugiés... ). Dans tous les cas, il existe des solutions. Mais, elles demandent des efforts et investissements de la part de l'environnement socio-économinique, voire des patients eux-mêmes.
C’est assez troublant de se dire que, tout comme il y a sept siècles déjà, le vent a soufflé des pays du Levant pour frapper à nouveau le Nord de l’Italie en premier. Alors, j’ai une pensée tendre pour tous ceux qui sont malades et ceux coincés en quarantaine, chez eux ou ailleurs. Tout particulièrement pour ma proche famille habitant à Milan et pour qui, par précaution, les quatre murs de leur appartement doivent leur sembler bien étroits depuis quelques semaines. On pense à vous d’ici ! Baci à distance !
Un excellent dimanche à tous. Prenez surtout bien soin de vous.
Cette semaine, un homme de mer nous a quitté, trop tôt... Une mer un peu spéciale... Faite d'ondes, d'ondulations, de vents et de musique. Alors, un petit billet en son hommage.
Anchorman
La marine et la navigation ont inspiré un nombre impressionnant d'expressions linguistiques. Vous êtes-vous ainsi jamais demandé d'où venait le terme "anchorman" ?
Au Xe et XIe siècle, ce terme désignait le membre d'équipage responsable du maniement de l'ancre sur un navire... Un poste important. Quoi de plus logique ? Au fur et à mesure des siècles, il a ensuite indentifié le dernier membre d'équipe - mais surtout le plus fiable - dans une course à relais. Pour devenir enfin, au vingtième siècle, un terme réfèrant à un présentateur de télévision ou de radio, rapporteur de nouvelles ou d'un programme impliquant des tierces personnes. Dans tous les cas, une personne solide, porteuse d'un élément important pour le reste du groupe. C'était aussi le cas de celui à qui ce billet rend honneur ce dimanche. Son départ inopiné laisse son équipe sans voix... "Anchorman" - A person who presents and coordinates a live television or radio programme involving other contributors. (Source : Oxford English dictionary)
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Un homme-encyclopédie
Lorsque l'ancre fait vibrer l'onde...
Je ne le connaissais pas personnellement. Je ne l'avais jamais rencontré. Mais j'aimais sa voix, son savoir, ses récits et sa simplicité. Son humour aiguisé, ses anecdotes et surtout sa passion pour tout ce qu'il entreprenait, à commencer par la musique, la BD et la photographie. Dès tôt le matin, il enjolivait mes longues heures passées en route. Il rendait mes jours de pluie un peu moins tristes et emplissait mes oreilles de chefs d'oeuvres du rock. Il était un fan absolu du "boss" (alias Bruce Springsteen) et connaissait les maîtres de la musique moderne jusque dans leurs secrets les mieux gardés. Cet homme valait une véritable encyclopédie de l'histoire de la musique ! Il avait le don de faire apprécier des artistes inconnus, ou des oeuvres moins célèbres. Du blues au heavy metal, en passant par le jazz ou le rock pur et dur. Tout cela avec une touche d'histoire et de socio-politique. Bref, avec lui, on ne s'ennuyait jamais.
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Alors, je vous propose de ré-entendre sa voix, une dernière fois (elle ne laisse pas indifférent) dans une conférence sur le rock et les femmes... (Si, si, messieurs, elles vont vous étonner). A écouter sans modération via le lien suivant.
https://www.telemb.be/index.php/article/mons-eric-laforge-presente-les-femmes-dans-le-rock "Que Laforge soit avec vous... "
Eric Laforge, notre anchorman de Radio 21, nous apprenait inlassablement d'innombrables anecdotes. Aviez-vous ainsi jamais remarqué que la musique de "Mission Impossible" comportait un code morse secret dans son générique ? Ecoutez attentivement le rythme de ce dernier. Vous y entendrez clairement le code correspondant aux lettres " M--I.. " (Mission Impossible"). Pour ceux qui sont friands de ce type de récits, je vous recommande un des Almanachs - croustillants de ce genre d'historiettes - compilés par notre auteur au fur et à mesure de ses années de recherches et d'interviews avec les plus grands artistes.
https://www.telemb.be/article/mons-un-almanach-pop-rock-signe-eric-laforge
Classic 21 ne sera plus vraiment la même sans toi... Bon vent, Eric. Et... que Laforge soit avec toi là où tu vogues à présent...
Un excellent dimanche à tous.
Nous voici presque au crépuscule de 2019 et à l’aube d’une nouvelle année. Je pourrais suivre les traditions et vous acter ici une rétrospective de ces douze derniers mois. Cependant, cette année a porté son lot de difficultés sans vraiment beaucoup de choses ni drôles, ni utiles à vous raconter. Alors, pourquoi pas un petit billet posé vers le bleu infini plutôt que le gris du passé pour terminer l’année ?
Aéro-nautique
Mon premier cours de voile m’a appris que les voiliers avancent en mer selon une série de principes similaires à ceux qui propulsent les avions dans les airs. Les voiles sont les ailes des navires. Il existe de nombreuses similitudes entre les navigations célestes et maritimes. À commencer par leur sémantique et leur vocabulaire. Nauticus (naval), nauta (matelot), navis (navire), cockpit, pilote, cabine, jusqu’ à même nausea (nausée), alias mal de mer... Tout un monde autour de la notion de navire et de voyage. L'aéronautique est confrontée aux mêmes difficultés de positionnement et de définition de route, avec une troisième dimension en plus. Il semble donc logique que leurs terminologies soient assez proches.
Le principe qui fait avancer les navires à voile (appelé en physique principe de Bernouilli) repose sur la différence de pression entre les deux faces de la voile. Un voilier, le côté qui pointe vers le vent, crée plus de pression du côté face au vent et fait baisser la pression du côté sous le vent. La voile incurvée comme une aile, se déplace ainsi vers la zone où la pression est moins grande, et tire le bateau avec elle. La portance causée par la voile fait avancer le bateau, comme dans un avion. Enfin, pour que le bateau n’évolue pas en crabe; de côté, il lui est nécessaire d’avoir un moyen de contrer cette poussée dans l’eau grâce à une quille (ou dérive) et un (ou plusieurs) safran(s). Ces appendices créent ainsi un frein dans l'eau qui limite le glissement du bateau sur l'eau et une force anti-dérive. La combinaison des vecteurs de poussée vélique et de dérive génèrent alors un vecteur vitesse de propulsion du bateau. C'est aussi simple que cela.
Dès lors, un pilote d’avion mis à la barre d’un bateau retrouverait, en toute logique, rapidement des similarités avec son cockpit et se débrouillerait relativement vite sur un voilier (comme j’ai pu le constater avec mes amis pilotes ! ).
Les voiliers du ciel
Parfois, le matin, j’ouvre les rideaux et j’aperçois des traces dans le ciel endormi, qu’on pourrait méprendre pour des météorites. Deux, trois, cinq, jusqu’à plus de dix simultanément à l’horizon parfois. Et les teintes du petit matin les font flamber, rosir ou les rendent écarlates selon l’humeur du soleil levant. Et je me dis que la troisième dimension doit être bien large pour permettre un tel trafic aérien sans qu'ils ne se croisent jamais de trop près. Un peu comme si le ciel s’était transformé en une immense mer suspendue où voguent en l’air tous ces voiliers d’acier. Seule différence, les rejets de ceux-là sont moins inoffensifs pour notre planète que ceux de voileux responsables et respectueux de la nature. Et bien plus de gens y naviguent chaque jour pour rejoindre l’autre côté de la planète. Il est vrai que les billets d’avion « low-cost » permettent à des millions de jeunes (et de moins jeunes) de voyager aujourd’hui pour des prix défiant les porte-monnaies anorexiques.
© Photos - Rêvesdemarins
Depuis quelques années, la recherche technologique évolue vers le développement d’avions fonctionnant sur des énergies vertes, par exemple le Solar Impulse (piloté par Bertrand Piccard et André Broschberg pour un tour du monde en autonomie verte) ou encore le futur Odysseus actuellement en préparation par les ateliers Boeing. Mais, nous sommes encore loin de solutions à grande échelle. D’ici-là, je continuerai d’admirer les jolis dessins qu’ils tracent devant ma fenêtre dans les rayons du levant.
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À Tire d’aile
Je vous souhaite d’ores et déjà une excellente année 2020. Qu’elle soit sereine, vous garde avant tout en bonne santé ou vous en épargne du moins les gros ennuis. Et puis surtout, de l’amitié et de l’amour, du vrai, du profond. Un parent, un ami, un compagnon, un animal... Le secret réside dans la qualité et non dans la quantité. Un seul être suffit pour vous prouver que vous en valez la peine, que vous n’êtes pas seul(e) au monde. Que ce dernier soit proche ou lointain, exprimé ou silencieux. Cette âme-là vibre quelque part pour chacun et en 2020 aussi.
Le lever du jour, un de mes moments préférés, à la voile ou ailleurs - même si mon cycle biologique me catégorise parmi les oiseaux de nuit plutôt que ceux du petit matin. Et novembre est la saison où les levers de soleil sont les plus fabuleux en termes de teintes. Alors pourquoi pas un petit billet pour le célébrer ce dimanche...
Aurore, Aube et Crépuscule
Leurs lueurs diffèrent... L’aube (de alba, blanche en latin) est la première lueur du soleil qui commence à blanchir l’horizon. Sa durée varie beaucoup selon la latitude. Dans les régions polaires, elle peut ne jamais apparaître, voire durer jusqu'à soixante-huit jours en plein hiver. Cette semaine, au nord de la Norvège, le petit port de Mehamn est entré dans la nuit polaire. Le soleil s'y est levé à 10:24am pour se coucher 59 minutes plus tard... Et il ne se lèvera plus avant le 22 janvier, soit 65 jours plus tard ! Je sais, certains diront qu'ils ne comprennent décidément pas mon attirance pour les pays nordiques...
L’aurore est la lueur brillante et rosée qui suit l’aube et précède le lever du soleil. Lorsque le bord supérieur du disque solaire apparaît au-dessus de l'horizon. En anglais “Dawn”, du vieil anglais “Dagian” ou “to become Day” (devenir jour). Un terme qui révèle tellement de douceur et de lumière... “Aurore se lève après l’aube“.
Le crépuscule du matin, quant à lui, peut être différent selon la position du soleil.
Sans précision en français, Il s’agit du crépuscule du soir.
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(...) L’aurore s’allume, L’ombre épaisse fuit
Un prénom qui sonne doux
Dans la mythologie, Aurore était une divinité chargée d'ouvrir les portes du ciel au char du soleil. C'est également l'héroine de la Belle au Bois Dormant de Charles Perrault ou encore de la fille du chevalier de Lagardère dans "Le Bossu" (avec l'excellent Daniel Auteuil). Bref, elle représente à tous les coups, la beauté, la douceur et une jolie dame qui illumine les rêves de ces messieurs.
En navigation, plusieurs frégates ou navires français et russes ont été nommées d'après le point du jour. En outre, les éphémérides - ouvrages périodiques indispensables pour faire le point en mer avec des moyens traditionnels tels que le sextant et le chronomètre - sont basées sur les horaires des astres célestes, dont le soleil. "L'aurore se levait, l'aurore instable d'un navire en marche, née légèrement sur le dos d'une vague sans nom" (Le voleur d'enfants, Jules Supervieille)
Quel bonheur de voit pointer les douces lueurs du petit matin sur la mer après une longue nuit (surtout si cette dernière a été sans étoiles). Mon quart de navigation préféré : celui où l'on peut apprécier le lever du soleil, lentement, peu à peu et sentir sa clarté nous réchauffer. Ou encore, larguer les amarres au moment où le ciel s'illumine après une nuit de grain, encore parsemé de nuages noirs en contre-jour de l'orangé de l'horizon. Un moment de grâce où les âmes et les coeurs s'ouvrent. Le rêve du marin !
C'est à la lumière du lever du soleil que les les âmes se révèlent...
Enfin, le petit jour est souvent synonyme de la fin d'un sortilège. Avec le chant du coq et le lever du soleil, les enchantements prennent un terme. Qu'ils soient bons ou maléfiques.
Et je vous passe les fabuleuses aurores australes ou boréales, que je n'ai pas encore eu l'occasion d'admirer (sur ma liste à tous les coups ! Dès que je serai parvenue à convaincre mes compagnons de voyage de partir dans le Grand Nord en plein hiver par moins 20°-c ! ) (...) "L'aurore est un lac de vin d'or" (...) (Aumône, Stéphane Mallarmé)
Bref, l'aurore demeure incontournable... Et lorsque que je l'admire, je ne peux m'empêcher de me dire que j'ai beaucoup de chance de la voir chacun matin à nouveau. (Pour l'anecdote, le lever du soleil demeure une des rares motivations qui parviennent à m'arracher de ma couette bien chaude spontanément avant le petit matin, pour en prendre une bonne dizaine de photographies malgré le froid piquant).
Alors, je dédie ce billet à une amie chère, qui porte le nom du lever du jour et le porte admirablement bien... A very happy birthday, Dawn !
Un excellent dimanche à tous.
Rencontre avec le temps, les jours et les heures parfois bien longues et si courtes à la fois...
Si les émotions se font fréquemment sources d'inspiration, il y en certaines qui, par contre, requièrent le silence. Et du temps pour passer... C'était le cas le WE dernier.
Il y a des moments qui semblent étirer le temps. Des minutes qui nous paraissent des heures. Et des jours qui durent une éternité, Un peu comme un sommeil agité dont on ne se réveille pas. Comme si les aiguilles de l’horloge avaient décidé de se mettre en grève.
Le temps, ce coquillage au bruit de mer latent... (L’infini dans le temps, Suzanne Charoux-Mamet)
Dans la pétole, lorsque le vent boude les voiles et où le navire fait du sur place. Lorsque le marin voit l’orage arriver au loin et que le vent capricieux pousse les nuages sombres de plus en plus près du voilier, lui tourne autour comme un prédateur qui joue avec sa proie avant l’attaque. Dans l'approche des vagues scélérates, qu'on ne voit pas vraiment, mais dont on devine la présence sans savoir où et lorsqu'elles vont frapper. Ou encore, dans un ciel serein, où le vent tourne brusquement et où l'horizon se noircit en une fois dans la direction où l'on doit aller.
Alors, le bon marin fait le dos rond, remonte le zip de son ciré et attend patiemment, couragement, que cela passe. Il n'a pas le contrôle sur son environnement et les évènements. Il n'a d'autre choix que de les subir tant bien que mal. Il peut se préparer, anticiper, se cuirasser et prendre les devants. Mais il y a parfois des odyssées auxquelles on n'est jamais assez paré, quoi que l'on fasse, aussi rationnel et prévenant soit-on. Et Dieu qu'il en coûte parfois d'être un bon marin. Et quelque fois, l'attente dure et dure encore...
Le temps est comme une vague éternelle, qui se prolonge à l'infini...
L'attente d'une nouvelle, d'une présence, d'un coup de fil, d'une décision. L'attente d'un signe, d'une indication, d'un présage, d'un pronostic. L'attente d'une amélioration d’un état ou d'une aggravation qui amène une réelle évolution dans un sens ou dans l’autre. Le plus dur est le status-quo. Celui où l'on demeure dans l'incertitude, l'ambiguïté, l'indécision, le flottement, l'hésitation sur la suite. Et dans ce cas-là, aussi bizarre que cela paraisse, malgré la lourdeur de l'équivoque, on n’a pourtant pas envie que le temps prenne fin. On en vient à souhaiter l'étendre à l’infini pour profiter d’une trêve. Pour garder l'autre encore un peu près de soi avant la séparation définitive qu'on sait inévitable à terme.
Et puis vient le moment où l'on n'en peut plus de ne pas trancher. Et puis vient l'instant de prendre une décision pour sortir de l’impasse. Celle qui coupera le fil. Celle qui changera la vie. Celle qui détournera la navigation. Et le coeur ferait tout pour ne pas la prendre cette décision-là. Cependant, la raison sait. La raison exige. Elle prône la paix et la fin de la souffrance pour l'autre. Elle guide le geste ou les mots fatals.
Il n’est point de cordeau pour amarrer le temps... (Proverbe allemand)
Ensuite, tout va en une fois très vite. Les choses s'enchaînent et le temps se rattrape sur ces longues heures où il s'est arrêté de couler. Le sable s'engouffre en une fois dans le sablier. Et reste alors le vide... Le vide de l'autre. Le vide de soi... Le vide autour de soi. Et l'on continue de faire avancer le voilier par habitude, par automatisme. A chaque recoin du bateau, on est confronté à l’absence, aux souvenirs, aux objets qui rappellent, aux bruits qui ne sont plus là, aux petites choses qui nous agaçaient autrefois mais qui nous manquent tellement à présent. Et le navire reprend sa course, inlassablement, sans laisser rien d'autre que le sillage derrière lui. Et la mer engloutit les quelques restes de mémoire.
Tu nous manques, Kastaar. Ainsi qu' à ta petite soeur qui trouve le temps bien long sans toi... Tu as été le plus fidèle et affectueux compagnon durant ces dernières presqu'onze années de vie commune à nos côtés. Toi, mon attachant garde du corps personnel, mon gros ours à l'imposante force, mais au tout petit coeur. Chasse bien le bison et les étoiles dans les terres tout là-haut. Et chante encore de temps à autre, mon zouzou, comme tu savais si bien le faire, à travers les murmures du vent pour nous faire savoir que tu ne nous oublies pas non plus.
© Photos – Rêvesdemarins
Ceux d'entre mes lecteurs qui ont (eu) un fidèle compagnon à quatre pattes comprendront. Et quant aux autres, vous retrouverez un sujet qui vous plaira peut-être plus dès la semaine prochaine.
Un bon dimanche à tous. Et en termes de temps, profitez bien de la petite heure de sommeil en plus.
On affirme que seuls les hommes parlent d'elles ainsi. Que les femmes n'y sont pas sensibles. Je dois donc faire l'exception...
Titine, ma douce Titine,
C'était il y a douze ans... Tu es née à Cologne, en Allemagne un 30 janvier. Et ton baptême fut célébré le 6 mars, où tu fus prénommée des chiffres et des lettres XFH344. Ton prénom fut modifié à plusieurs reprises au cours des années. Mais pour moi, tu devins pour toujours ma “Titine”. Ta peau de nouveau-né était douce. Elle fleurait bon le cuir neuf. Qu’il était bon caresser ta peau d’ébène pour la première fois. Tu ronronnais comme un chaton, souple, pleine d’énergie, rapide et jouette en nous faisant découvrir ensemble ton caractère indépendant et quelque peu rebelle. Je t’ai immédiatement adorée. Et nous sommes rapidement devenues inséparables. Sous tes dehors sans prétention, se cachait un caractère vif, nerveux, puissant. Sous ta silhouette modeste et ta petite taille, tu recélais des qualités cossues, racées, modernistes et résolument sportives. Au dehors, une apparence sans grand interêt au premier abord. Au dedans, tu étonnais les plus incrédules et adorateurs de grandes dames. J’étais fière d’entendre ces messieurs qui ne juraient que par les top modèles, stars du car-walk, finalement avouer “Mmm, oui, tout compte fait, vraiment pas mal, cette petite... “, lorsque tu les emmenais pour une promenade.
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Arche de Noé
Tu as été mon vaisseau, ma nef, ma barque, mon radeau de sauvetage, mon arche de Noé.
A trois reprises, j'ai failli te perdre dans les méandres de mes changements de vie. Cependant, à chaque fois, j'ai toujours trouvé le moyen de te garder près de moi. Peu importe la paperasse, les coûts ou les embarras que ta ré-adoption allait engager. C'était plus fort que moi : je ne parvenais pas à t'abandonner. Il me fallait ta présence à mes côtés.
Tu as été ma plus grande histoire d’amour. Tu as emmené mon cœur, mon corps, mon âme, dans des voyages inoubliables. Tu as vu naître et mourir mes plus grands et mes pires moments. Tu as vu mon cœur s’emballer et se déchirer. Tu as soigneusement gardé ses secrets. Tu m’as laissé décider du cap et nous emmener dans des mers dangereuses, bordées d’ecueils et de rochers sous-jacents. Dans des océans de bonheurs que je pensais inaccessibles. Pour y parvenir, tu en connaissais les chemins secrets qui ne sont repris sur aucune carte. Et toujours, tu m’as ramenée à bon port.
Tu m’as poussée dans mes retranchements, bien au delà de mes limites, bien plus loin que ma raison. Et bien au delà de mes espérances. Avec toi, j’ai cru mourir quelques fois, de chagrin, de désespoir, de folie ou de désespérance. Le cuir de ton carré en porte encore les marques. Leurs formes y sont restées à jamais imprimées. Tu m’as accompagnée dans mes raisons et dans mes déraisons, sans jamais me juger, sans jamais me lâcher. Tu m’as épaulée dans mes envies, mes rêves et mes cauchemars. Tu m’as relevée dans mes échecs, mes déceptions et mes désespoirs. Sans relâche, j’ai toujours pu compter sur toi. Tu as été mon refuge secret, mon île au trésor, mon atoll doré, mon repère de consolation.
Ton toit se transformait en lac immense aux reflets du soleil couchant. Et des couchers du soleil, j'en ai vu des milliers en ta compagnie ! Tes rétroviseurs me laissaient souvent profiter des tons chatoyants du crépuscule qui s'éloignait de moi, un peu plus longtemps alors que le chemin sombrissait devant nous.
Tu as écouté mes joies, mes larmes, mes colères, mes fureurs, mes haines et mes absences. Tu les as épanchées, apaisées, acceptées. Tu as été ma confidente, ma sœur, mon confesseur intime. J’ai toujours pu me réfugier dans ton cocon lorsque le monde me semblait trop petit pour me porter.
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Déchéance
Les grands ports te seront bientôt interdits, Bruxelles, Anvers.... « Trop polluant ton moteur », disent-ils.... Alors que ces milliers de cargos que nous croisons tous les jours sur nos routes, en mer et dans le ciel en recrachent, eux, mille fois plus. Mais, eux, on ne les juge pas. Ils rapportent trop aux magnats de l'économie.
Douze ans de bons et loyaux services sur plus de 293.309 milles terriens. Une performance en soi. Et toujours aussi belle.... De l'extérieur, tu ne fais vraiment pas ton âge. J'ai pris grand soin de toi durant toutes ces années. Et pourtant...Ton moteur se meurt en silence. Ta carène porte quelques rares rides et cicatrices de ton âge. Ton électronique rend l’âme, petit à petit. Ton safran vacille. Et chaque réparation ne se peut plus qu’un bricolage de fortune avant qu’une autre pièce ne décide à rendre son dernier souffle. Ton préparateur ne sait plus où donner de la tête pour te faire tenir la mer encore...
Tu vogues toujours, mais pour combien de temps encore ? L’hiver approche et la saison qui te fait tousser, gémir et te donne des courbatures. On me dit qu’un beau jour tu t’éteindras et cesseras de me porter, qui sait en pleine tempête. On me dit qu’un beau jour, bientôt, tes forces t’abandonneront malgré ton incroyable courage. J’ai peine à le croire. Tu restes pour moi une fringante nef, jeune à jamais dans mon esprit. J’avais espéré passer le cap des 300.000 milles avec toi. Et la tentation m’est grande de te garder jusqu’au dernier moment et de vivre ta fin avec toi. Hélas, la raison dit autre. Terrible et implacable raison...
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Notre dernier voyage ensemble
Je t’ai refait une beauté, je t’ai bichonnée ce dernier matin. Et toutes deux vêtues de noir, nous avons largué les amarres pour une dernière navigation en tête à tête, toi et moi. Dieu que j’ai aimé poser les mains sur ta barre à roue chaleureuse, sur tes manettes de cuir, sur les sièges de ton cockpit quelque peu sculptés à mes formes par le temps. J’ai aimé ta silhouette, la courbe de ta carène sombre, à la fois sportive et sensuelle. Aucun autre top modèle du car-walk n’a à ce jour dépassé ta beauté. Et lorsque le moment est venu de se faire nos adieux, j’ai posé un dernier tendre baiser sur ta peau irisée. Et je me suis enfuie pour que tu ne voies pas le perlé de mes joues.
Un hivernage dans le grand Sud
Il paraît que tu vas peut-être t’envoler pour un dernier hivernage. Dans le grand Sud, avant de commencer une nouvelle vie et profiter de ton troisième âge au soleil, loin des brumes d’automne et des gelures hivernales. J'espère que ton prochain amour, là-bas, s’occupera bien de toi. Qu’il prendra bien soin de toi et te refera une santé, au loin dans les terres africaines...
Quant à moi, j’ai rencontré celle qui te suivra. Ta sœur cadette de douze ans. Un top modèle qui te ressemble comme deux gouttes d'eau, mais avec la fringance, les bijoux et les vêtements de la dernière mode. Elle est très jolie et en pleine santé de sa jeunesse. Oh, je sais que nous nous entendrons bien. Cependant, ce ne sera pas la même chose. Ce sera, avec elle, une nouvelle destination, une nouvelle manière de voyager et de nouvelles aventures. Je l'espère du moins. Mais jamais elle ne pourra te remplacer vraiment. Il y a des deuils qu'on ne fait jamais tout à fait. Tu as été unique. Adieu, ma Titine... Merci de ce long bout de chemin à mes côtés. Tu as été formidable. Tu me manques déjà. |
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August 2023
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