Sur un navire, on a toujours besoin d’un équipier aux mains habiles. Un touche à tout capable de réparer n’importe quoi avec n’importe quel moyen du bord : des mains en or. Si j’en connais plusieurs dans le milieu marin, j’ai la chance d’avoir un ami terrien dont les mains valent tout l’or du monde. J'ai connu ses débuts. Et depuis toutes ces années, je le suis dans ses pérégrinations et voyages intérieurs. Et à chaque nouvelle oeuvre, je mémerveille de ses créations. Des mains en or et une imagination sans bornes. Sculpteur, comédien, régisseur lumières, constructeur de décors, forgeron, instructeur de combats de spectacle, maître en arts martiaux et dans le jeu du fleuret, formateur en communication, dessinateur, soudeur... Bref, un "épouvantable touche à tout", comme il aime à le dire de lui-même.
Si les deux dernières années de crise les ont souvent abandonnés à leur sort, bannis de la scène publique pour des raisons sanitaires, les artistes et leur art sont toujours restés dans mon cœur. Et cet artiste-là, sculpteur de talent, en particulier. Alors, un petit billet en son honneur en ce jour pour célébrer son anniversaire.
Un peu plus loin, à une table ronde, une ombre, seule, les vêtements et les cheveux en bataille, sans un mot. Juste un regard particulièrement souriant. Des yeux qui pétillent. Un tatouage sur le poignet. Et le barman nous fait savoir que le régisseur du théâtre nous offre le verre… Et la soirée passe sans même rencontrer le bienfaiteur inconnu aux mains d'or de la petite table ronde. C’est le coup de foudre « plastonique ».
C’est ainsi que débute une longue et profonde amitié qui va durer vingt cinq ans. jusqu’à aujourd’hui encore.
© Photos – Rêvesdemarins
De simple spectatrice, je deviens baby-sitter pour sa famille et ses petits deux garçons, aujourd’hui devenus deux artistes confirmés à leur tour, l’un émérite pianiste de jazz, l’autre danseur puis acteur confirmé. De régie en acteur de spectacles, l’artiste évolue pour donner naissance à ses propres œuvres. Et j’ai le grand bonheur d’assister à ses premières créations, de rouages mécaniques en sculptures équilibristes. De personnages en papier mâché en poupées de cire. Et la magie s’opère : les poupées deviennent figurines de bronze et d’acier. J’ai vingt sept ans et je m’émerveille à chacune de ses créations. Je côtoie un milieu qui me charme, rencontre un monde nouveau, libre et innovant. Je passe des soirées inoubliables dans des greniers dans les Marolles à refaire le monde, les théâtres ou les ateliers de sculptures à l’embellir. Et j’adore cela.
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Sa première œuvre est pour moi un honneur. Il m’en offrira d’ailleurs quelques unes à mon ravissement dont une épée à la garde finement entrelacée à en faire pâlir d’envie D’Artagnan. Je suis sous l’admiration et le charme de la création. Et dès que mes moyens me le permettent, je me fais régulièrement son humble mécène. Une amitié sans faille dans mes plus grands soleils et mes pires ombres. Les années passant, ses œuvres grandissent, se parfondissent et s’arrondissent. Ses teintes prennent des tons chatoyants, Ses cuivres et bronzés adoptent des éclats nouveaux, des reflets miroités allant de l’or à l’émeraude en passant par le bleu pétrole. Ses personnages arborent des formes parfois inégales. Un corps n'en est-il pas d'autant plus désirable que par ses quelques imperfections ? Ses acrobates en acier défient les lois de la gravité. Et l'artiste finit par céder à mes insistances pour me créer un voilier tout de bronze aux voiles cuivrées rubescentes. (Un travail de titan ! ). Et je me délecte…
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Les expositions se suivent et ne se ressemblent pas malgré le monopole des galeries d’art aux propriétaires sans scrupules, souvent plus attirés par l’appât du gain que la promotion de nouveaux artistes ou la reconnaissance d’un art de réelle qualité. Le milieu est sans pitié. La compétition rude et exige de larges moyens financiers pour certaines œuvres. Et pourtant, il persévère et continue sa montée.
Il se renouvelle. Les résultats sont bluffants. Et sa créativité semble infinie. Et ma maison se remplit de ses œuvres sans jamais me lasser. Celle de ma famille et mes amis aussi. Et à chaque nouvelle bouffée créationniste, je m’esclaffe toujours bien sur au moins un ou deux sujets. Bref, le charme continue d’opérer après vingt cinq ans.
Il vit aujourd’hui dans un havre de paix, loin de tout, naufragé sur son île déserte avec vue sur les Pyrénées, où il peut imaginer et façonner à sa guise, Et de ses mains continue de naître un océan de beauté peuplé de créatures imaginaires plus palpitantes les unes que les autres que je vous invite à découvrir sans modération.
Poursuis ton odyssée artistique et continue à me faire rêver Didier, s'il te plaît... Un très joyeux anniversaire, cher artiste de mon coeur.
Alors, si ces mains en or vous inspirent, n’hésitez pas à pousser plus loin vos pérégrinations sur ses œuvres. www.didiercaffonnette.com.
Un excellent dimanche à tous.
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Un marin, cela aime l’eau. Mais parfois l'eau fait froid dans le dos. Sa force gigantesque effraie et étonne sans cesse. Elle demeure incontrôlable. La nature conserve sa propre volonté, son propre chemin. Et malheur à l’homme qui la défie sans la respecter. Elle gagne indéfiniment.
Un billet de circonstance. Un billet de solidarité. Un billet en guise de soutien.
La goutte froide…
La glacée. La glaçante. Celle qui s’insinue, s’inflitre, se faufile. Celle qui se coule en douce d’abord, puis de force. Celle qui surgit et surprend au détour d’une averse, au méandre d’une rive. Celle qu’on n’attendait pas, qu’on n’imaginait même pas. Le ru qui se fait ruisseau, La ravine qui devient rivière. Et le flot tourne en torrent. La flaque s’étale en mare. L’étang grandit en lac. Le fleuve se transforme en mer… Et la vague prend un tournant décisif en se faisant tsunami… La goutte qui renverse et fait basculer tout un univers vers un océan de désolation. Cela n’arrive que dans les films à la télévision, où dans les pays dits « en développement », loin de chez nous. Cela ne nous concerne pas. On ne s’apitoie pas sur le sort de ceux qu’on ne connaît pas, ceux qui semblent d’un autre monde que le nôtre. Et puis là… Les images montrent les endroits de notre jeunesse. Les deux villes et régions qui m’ont vue grandir. La patrie de mon grand-père. Je suis quelque part heureuse que mes grands-parents ne soient plus là pour vivre ce drame dans cette partie de mon pays qui avait été le berceau de leur vie. Ils auraient été dévastés dans leur coeur et dans leur existence. Les coins préférés de ma mémoire d’enfant. Les rapports des médias décrivent les rues et les ponts de nos balades. Les messages ont l’accent de nos villages. Et la consternation s’insinue. La révélation pénètre les sens. La réalité dépasse les cauchemars. Une seule heure, une seule nuit détruit toute une existence et engloutit le travail de toute une vie. Mon cœur saigne…
Il y a un peu plus d’une semaine, le sort s’acharnait sur une série de régions entre la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas en bordure de fleuves et rivières. Le charme d’habiter en regard d’un cours d’eau s’est rapidement muté en mauvais rêve. Le drame a continué vers l' Asie, dans des proportions encore bien plus cataclysmiques que près de chez nous. À peine sept jours après ce mauvais rêve, le méchante goutte revient, une fois encore. Elle renaît de ses cendres encore humides. Elle refait surface alors qu’on pensait en être débarrassé. Et je croise les doigts ce week-end pour qu’elle reparte bien vite, qu’elle demeure pendue en l’air, au bord de ses nuages noirs, sans plus se déverser et déferler sur d’innocentes vies.
La goutte de trop…
Et puis suit l’autre goutte… Celle qui fait déborder la vie. Celle qui fait chavirer le navire. La goutte qui donne la nausée et enlève ce qui reste d’énergie pour se battre. Celle dont on boit la tasse et dont le goût salé reste comme un poids immense sur l’estomac. La goutte minuscule au pouvoir de Titan. Celle qui annihile la raison et les forces. Celle qu’on évite à tout prix d’avaler. Cette insidieuse bulle d’eau dans laquelle les pensées et les esprits se noient. Ce phylactère fourbe et sournois qui prend possession des volontés et des courages les plus vaillants.
Les miens, habitant les régions sinistrées, ont été heureusement épargnés par les flots. Nous avons beaucoup de veine. J'espère qu'il en est de même pour vous, chers lecteurs, et pour tous ceux qui comptent pour vous. Toutes mes pensées à tous ceux qui n'ont pas eu cette chance et sont dans le besoin en ce jour, en particulier ceux dont une méchante goutte a refroidi les vies. Courage. Après la pluie revient toujours le soleil. La solidarité réchauffe les coeurs et les corps trempés. Et le temps sèche toutes les gouttes, y compris celles des larmes.
Un bon dimanche à tous, le plus sec possible.
L’océan emporte nos corps et nos cœurs
Brinquebalant nos sens et nos humeurs Assoiffés de sel, d’eau et de mémoires Désespérés de brises, de vagues et d’exutoires Par vents et marées, le goût de l’eau persiste Par temps et années, l’image du bonheur résiste Les voyages finissent sans pourtant s’envoler Les visages demeurent immortels à jamais Les vagues reculent pour laisser place aux brisants Les sables avancent comme les aiguilles des ans Marin d’un jour, marin toujours Navire d’un détour, d’une vie parcours Le ressac qui revient avec insistance Visages qui portent la souvenance Un instant de rêve sur les bords de nos routes Des épopées qu’on regarde par la poupe L’horizon qui recule un peu plus chaque instant Le bleuté du miroir devenu incandescent Ces embruns qu’on regrette durant les jours sans vent Et les lames de fond qui prennent les devants Les mois et les journées refoulent les images Mais pas le souvenir d’hier Les vents et les marées repoussent les vagues Mais pas la force de la mer…
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Il y a tout juste six mois, les voiles du destin emmenaient un grand marin de l’autre côté de l’horizon, bien trop tôt. Aujourd’hui, il aurait également célébré son nouveau printemps en agréable compagnie, sans aucun doute en mer et très probablement avec un bon ‘ti punch à l’arrivée au port. Alors, bon anniversaire cher capitaine... Merci pour tous ces merveilleux souvenirs et ces belles leçons de vie en mer que tu nous as léguées. Les vents et les marées repoussent les vagues mais pas la mer.
Un excellent dimanche à tous. “Dans le clair-obscur, le silence est encore le meilleur interprète des âmes.” (Sa raison de vivre, Paul Javor)
Parce que nos vies sont faites d’ombres et de lumières, de contrastes entre ciels bas et horizons limpides, de tempêtes et de pétoles. Les instants radieux nous font surmonter les zones d'ombres. Et les moments les plus sombres nous font d'autant plus nous sentir exister. Et cela leur donne une raison d’être vécus. Alors, pas vraiment d’histoire cette fois, juste quelques images en clair-obscur ce WE...
L’Empire des Lumières
Clair Obscur : « Le clair-obscur est une technique utilisée en peinture, gravure sur bois et dessin. Elle consiste à créer des contrastes forts entre zones claires et sombres toutes proches. Elle est souvent utilisée pour augmenter l'effet de volume ou accentuer les mouvements et l'expression des corps et visages. Ce procédé a été expérimenté dès la Renaissance, notamment par Polidoro da Caravaggio, puis maitrisé par Le Caravage et ses suiveurs ainsi que des peintres des écoles du nord, notamment Rembrandt et William Turner. (Wikipedia). »
Depuis des années, les œuvres mettant en avant cette technique particulière de représentation titillent ma curiosité et me plaisent inexorablement. Je me souviens de cette reproduction dans le cabinet de mon père, qui m'attirait toujours le regard : l'extraordinaire « Empire des lumières » de René Magritte. Ni jour, ni nuit, hypnotisant par la clarté de l'obscur et le mystère qu'il inspire. Les contours et les formes y sont sublimées. Les volumes et les contrastes y sont mis en valeur. Les jeux de lumières y font appel à l’imagination et les détails y ressortent différemment. Une autre réalité. Une autre perspective. On y voit un tout autre monde. Plus intense, plus passionné, plus profond... Tout comme un récit de vie et ses moments forts. Ceux qu'on retient toute une vie.
La clarté ne naît pas de ce qu'on imagine le clair, mais de ce qu'on prend conscience de l'obscur. (Carl Gustav Jung)
Et comme la magie de la pellicule fait partie de mes activités (très) amateuristiques... Alors, je vous offre ici quelques humbles clichés, en mer ou ailleurs, en honneur à ces grands artistes du clair obscur, tellement représentatifs de nos existences mouvantes.
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"Ombres et Lumières", c'est également le qualificatif de Souki (alias Dominique), une de mes anciennes cheffes guides aux boucles brunes rebelles. Quelqu'un qui m'a magnifiquement guidée dans ma jeune vie et m'a laissé des souvenirs forts : mon premier camp scout, ma totemisation, une nuit à la belle étoile sous un pont dans le Sud de la France, l'apprentissage de la guitare et tant d'autres jolis moments. Mais nos vies nous ont séparées avec les années. Et je ne l'ai malheureusement jamais retrouvée. Qui sait ce billet me donnera-t-il l'occasion de la remercier un jour de ces belles ombres et lumières qu'elle a ainsi jadis dessiné dans mon existence.
Je vous souhaite un excellent dimanche. Et à choisir, qu’il vous soit surtout lumineux.
Il y a lui. Il y a elle. L’homme et la mer. Le marin et sa sirène. Et lorsqu’ils se rencontrent, c’est tout l’univers qui bascule. C’est tout le cosmos qui s’unit. Un petit billet sur la femme qui se cache derrière chaque marin.
L‘élément féminin a depuis toujours fait partie inhérente des abords de la mer et de la vie des marins. Que ce soit dans la mythologie ou dans les légendes, sur les quais ou à bord des navires, à terre dans les maisonnées ou encore dans les bars des ports. Dans l’ombre ou en pleine lumière, la présence de la femme demeure inlassablement indissociable du monde maritime.
Croyances & superstitions
« Une femme à bord, cela porte malheur », disait l’adage… Cela n’apporte que querelles et convoitises entre les hommes, ennuis logistiques ou fortunes de mer. Homère a décrit les malheurs qui s’abattraient sur Troie si les marins ne ramenaient pas la belle Hélène à son époux, embarquée en cachette par son amant, à bord d’une frégate, vers la célèbre ville du roi Priam. Autre légende : celle de Thésée. Revenant de Crète à bord de son bateau, après avoir vaincu le Minotaure, il célébra tant et si bien son retour au pays en compagnie de la jolie Ariane, qu’il en oublia de changer les voiles noires - signe de deuil, par des voiles blanches - signe de victoire. Son père, le roi Egée, apercevant le gréement sombre à l’horizon, pensa ainsi son fils mort et se jeta dans la mer (qui porte aujourd’hui son nom). Et la liste s’allonge des récits où les femmes et les sirènes furent considérées comme portant la guigne en mer.
«Longues oreilles et robe noire, autant que cape et moire, mènent marin au désespoir. »
Alors, faute de les laisser déambuler sur leur pont, les frégates emmenaient souvent une belle à la chevelure d’écume, sirène de bois fièrement dressée à la proue, parfois même joliment dévêtue. Ainsi, la proue du Cutty Sark représente une sorcière nommée Nannie Dee tenant une queue de cheval dans la main gauche. Un poème de l’Ecossais Robert Burns conte l’histoire de Tam, un fermier à cheval poursuivi par la jeune magicienne portant une chemise courte (« cutty sark »), qui parvient à échapper à ses charmes grâce à son fidèle destrier. Nombre de grands navires célèbres arborent une figure féminine à la proue : l’Etoile du Roy, le Stad Amsterdam, la Recouvrance, le Christian Radich, le Libertad ou encore l’Antiguav et bien d’autres.
Femme matelot, femme chef de bord ou capitaine demeurèrent ainsi longtemps des exceptions dans l’histoire de la marine, boudées des encyclopédies. Cependant, certaines d’entre elles ont laissé leurs marques dans la communauté des gens de mer. Par exemple, la piraterie a connu une poignée de tigresses des mers. D’abord, deux bretonnes : Jeanne de Belleville, qui écuma la Manche vers 1350 et Anne Dieu-le-veut dont le terrain de jeu se trouvait dans les Caraïbes. En Méditerranée, Sayyida al Hurra s’est alliée au célèbre Barberousse vers 1530. Il y eut aussi Mary Read et Anne Bonny, l’épouse de Jack Rackham, capitaine du Revenge, vers 1700. En Chine, une boucanière redoutée de la fin du XVIIIe siècle, Ching Shih, possédait une flotte de pas moins de 300 navires et une armée de 30.000 hommes. Au tournant du XIXe siècle, des femmes d’officiers de frégates et de bricks de la marine royale française purent suivre leur époux en campagne. Entre 1897 et 1921, plus de quatre-vingts embarquements de femmes à bord furent enfin autorisés pour des voyages au long cours, notamment pour le passage du Cap Horn. La marine marchande à voile, moins coûteuse que celle au charbon, connaissant une recrudescence, une centaine de navires furent affrétés, pour lesquels il fallait recruter de jeunes capitaines. Ces derniers furent à l’origine d’un changement de mentalité en exigeant d’avoir leur femme et leur famille à bord pour ces navigations au long cours. Ces Cap-Hornières endurèrent ainsi les mêmes épreuves que le restant de l’équipage masculin pour des voyages de plus de dix mois en mer, accouchant parfois même à bord (à découvrir dans l’ouvrage « Les Cap-Hornières » d’Etienne Bernet, éditions Maîtres du Vent). «Croix du Sud, étoile du Nord et femme à bord conduiront navire à bon port.»
Ce n’est donc que depuis peu dans l’histoire internationale que quelques femmes d’exception ont redoré le blason de la galerie des grands navigateurs : Florence Arthaud, Isabelle Autissier, Ellen Mc Arthur, Maud Fontenoy, Alexia Barrier, Samantha Davies ou encore Jeanne Socrates. Bien d’autres ont suivi depuis et démontrent chaque jour leurs talents en mer, à la barre d’un voilier, d’un navire commercial ou militaire. Il faudra attendre 2002 en France pour que la première femme soit nommée vice-amiral. De nombreux pays comptent ainsi aujourd’hui des femmes pêcheurs, des officiers mariniers commandants et des capitaines de frégate féminins.
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Une femme dans chaque port et un port dans chaque femme...
Mais qui sont donc ces femmes de l’ombre, que les marins évoquent souvent ? Celles qu’ils se languissent de voir ou de revoir à l’arrivée dans un port. Celles qui leur font oublier leurs longues heures de navigation dans la pluie et la tourmente salée. La véritable rivale des femmes de marins, c’est la mer. Celle contre laquelle on ne se bat pas. C’est le bleu profond de ses abysses, et non celui des prunelles d’une autre terrienne qui envoûte les gens de mer. Alors, faute de pouvoir le combattre, les femmes de marins apprennent à aimer l’océan en accueillant les marins à leur retour, comme un port où l’on aime jeter l’ancre.
« L’amour est une mer dont la femme est la rive » (Victor Hugo)
La femme à terre, c’est un amer, un port où l’on peut se réfugier, où l’on retrouve un repère, une certitude, une empreinte qui rassure et donne de nouvelles forces pour repartir affronter les facéties de la mer. Et plus longue ou pénible est la séparation, plus intense sera le besoin de retrouver ce port.
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Capitaine à terre
Avant le départ du marin, la femme représente un associé précieux pour la préparation de son matériel, de son baluchon et quelques fois même des documents officiels nécessaires à la navigation. Une fois les amarres larguées, elle endosse la redingote de capitaine. Elle prend la barre des activités terrestres requérant une gestion intense durant les longs mois de navigation : la logistique, les enfants, la maison, la comptabilité, la gouvernance du patrimoine ou des terres et les activités additionnelles permettant de générer des rentrées financières. Au retour des hommes de mer, de nombreuses femmes de marins prouvent ainsi qu’elles sont particulièrement efficaces pour faire tourner les affaires, préparer et suivre la vente du produit des pêches. Si le métier de marin est laborieux, la navigation terrestre comporte pas mal d’écueils à travers lesquels leurs femmes tracent leur sillage avec brio. Etre femme de marin, c’est une vie indépendante et solitaire durant de longs mois. Il s’agit d’un métier en soi.
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Longue est l’attente
La mer n’a pas de calendrier… Elle n’a d’empathie ni pour les anniversaires, ni pour les célébrations familiales, ni même pour les naissances ou les deuils. Seules comptent ses propres éphémérides. Il en faut de la patience pour être navigateur. Inutile de vouloir être rentré à une date fixe pour la réunion des parents à l’école ou à une heure donnée pour le repas du soir. Et tant pis si madame a mis le potage sur le feu. Monsieur arrivera lorsque les éléments en auront décidé ainsi…
Homère, une fois encore, dans son récit de l’Odyssée, nous fait l’éloge de Pénélope, la femme de marin par excellence, qui attendra patiemment vingt longues années le retour de son époux, prisonnier du jeu des Dieux en mer. L’attente à terre est longue et pesante, surtout sans nouvelles de celui qui est parti en mer. Les adieux sont souvent pénibles et l’angoisse profonde les soirs de tempête. Les technologies actuelles permettent de rester en contact bien plus aisément que par le passé. Les techniques de navigation et les modes de communication se sont foncièrement améliorés. Toutefois, un coup de tabac demeure un coup de tabac… Le danger ne s’en trouve pas amoindri. Les textos ont remplacé les prières et les bougies à la fenêtre. Internet a quelque peu évincé les émissions de radio Ostende pour obtenir des nouvelles de l’homme à bord. Mais rien encore n’a pu encore détrôner la bonne vieille communication par téléphone ou par VHF, permettant d’entendre la voix de celui qui se bat contre les éléments.
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Le retour du guerrier de la mer
Femmes de marins, immuables amers des navigateurs...
Lorsqu’il rentre enfin du large, l’homme de mer a besoin de temps pour se réhabituer à la vie terrienne et digérer (au sens propre et au figuré) ses pérégrinations océanes. Les mauvaises langues raconteront que la première chose que fait un marin lorsqu’il rentre de la pêche – bien avant d’aller voir sa femme et ses enfants - , c’est se précipiter au café pour y boire le salaire qu’il vient de gagner et y vanter ses aventures en mer. Mais c’est loin d’être toujours vrai. Alors, la femme du marin profitera des moments de retrouvailles. Le mieux et le plus longtemps possible. Parce qu’elle sait qu’il finira par repartir en mer, quoi qu’il arrive. L’eau salée coule dans ses veines. Marin un jour, marin toujours… Et la passion des flots passe fréquemment d’une fratrie ou d’une génération à une autre. Difficile de ne pas y succomber. Et à la longue attente du père s’ajoutera alors celle des fils. On n’échappe pas à certaines vocations.
De nombreuses statues ont été érigées en l’honneur de ces femmes à la patience infinie et à l’inébranlable espoir du retour de leur marin. Comme la Fiskerkona (la femme du pêcheur), qui trône à l’entrée du petit port de Svolvaer dans les Lofoten (Norvège), ou ces autres femmes de pierre scrutant l’horizon bleuté au Grau-du-Roi (France) et à Cascais (Portugal).
Les femmes de marins et navigatrices d’aujourd’hui incarnent, chacune à leur manière, l’engagement pour les métiers de la mer et le dévouement à une passion. Elle prouvent ainsi que la détermination et le courage ne sont plus uniquement l’apanage des équipages masculins. Chapeau bas, les filles…
Un billet ce dimanche, dédié à ces femmes formidables, Malgré la mer et les tempêtes qui défient vos aimés ou le sort terrien qui vous a ravies beaucoup trop tôt de votre amour de marin : Sylvie, Dawn, Chantal, Josette, Marie-Jeanne, Catherine et tant d'autres.. Votre force, courage et endurance sont admirables.
Un excellent dimanche à tous. (PS. © Crédits - Ce texte est partiellement issu de mon article paru l'année passée dans Yachting Sud © nr 962 ).
Il y a des billet que l'on espère ne jamais écrire. Mais le temps a rattrapé ma plume. Celui-ci est pour toi, cher Alexis... Et tous les autres qui suivront et parleront de mer et de voyages te porteront dans leurs lignes et dans nos cœurs. Tristesse immense de te voir larguer les amarres pour ta grande navigation de l’autre côté de l’eau...
Le contexte actuel ne me permet pas de t’accompagner pour ton dernier voyage. Mais si je pouvais venir te faire un signe sur le catway de ta vie, voici ce que je voudrais te dire face à la foule qui se presserait sur le ponton. La foule, oui. Parce que tu es un homme apprécié de beaucoup. Et dans ton impressionnante liste d’amis, je n’ose imaginer quel numéro je compte. Probablement, quelque part au milieu ou au bas de ta longue liste. On ne se connaît que depuis quelques années et je ne suis pas l’élève la plus assidue à l’école de tes voyages. Mais les quelques navs faites ensemble ont été intenses et incroyablement belles. Et comme pour tant d'autres que moi, tu fais partie de ces gens qui marquent et laissent une trace indélébile, un sillage qui ne se fane pas.
"Le meilleur bateau? C'est celui où le skipper est heureux. " (Alexis Guillaume)
Il y a des hommes qui parlent de mer. Toi, tu fais partie d’elle. Il y a des hommes qui parlent de leurs rêves. Toi, tu les vis. Partir loin, sans remords. Voguer et voiler plus fort. Chanter et danser encore. Ton nom résonne comme une corne de brume dans nos brouillards. Ton sourire comme un rai de soleil après l’orage. Qu’on le veuille ou non, on ne peut résister à ta passion des flots et à ta volonté de rire. Elle est naturelle, insouciante, belle. Et surtout totalement contagieuse. Même les plus irréductibles n’y résistent pas. Tu as l’art de partager ta joie et ton enthousiasme.
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"La mer n'a pas de mémoire... Le sillage est la seule trace du marin, éphémère... L'arrivée n'est que le retour à la terre des humains, c'est tout..." (Alexis Guillaume)
Oh Captain ! My Captain !
Je refuse de parler au passé. Parce que pour nous, tu es irrémédiablement là, à nos côtés. Dans chaque bord, dans chaque souffle. Dans chaque coin de ciel bleu ou argenté. Dans chaque goutte de pluie et de rhum. Dans chaque juron lorsque le vent vient à manquer. Dans chaque rayon doré que l’on espère voir verdir (et dieu sait si tu l'as guetté ce fameux rayon ! ) et chaque arc en ciel que l’on vient à saisir. Je veux croire encore à ton regard pétillant et à ta voix rassurante à bord. Je refuse d’oublier les moments difficiles parce que ceux-là aussi, tu les as fait compter. Et je chéris jalousement chaque traversée en mer ou terre qui nous a fait nous croiser. Que de souvenirs : quelques pas de danse sur une gigue en mer au son de la flûte irlandaise en route vers Ramsgate. Mon premier quart de nuit. La découverte du plancton phosphorescent. Ma première régate à Cowes. Ma première brasse de spi. Ma première barre seule. Mon premier cours nautique et la révélation que la voile peut devenir passion pour un néophyte comme moi. La découverte des pubs à l’arrivée et des petites anglaises aux shorts à fleurs. Le plus beaux ciels de l’aube incandescents après le grain. La magie des brouillards et des navs au pied des éoliennes. Mon premier vrai gros mal de mer aux Açores aussi... Ma première transat grâce à ta confiance en mes capacités. Mon premier article comme journaliste nautique, grâce à toi aussi... Un vrai poète, lecteur encourageant et fidèle de ce blog. J'admire tes écrits fabuleux. Et un mentor inspirant, qui m’a fait croire en moi dans mes moments de doute en me faisant confiance à bord, comme équipière et dans ma vie. Tu m'a beaucoup appris. Et surtout, tu m'a rapprochée de mon rêve, au point de le toucher. " L'Océan est l'endroit où l'on est le moins seul au monde, en communion avec nos semblables. Là, la valeur de l'humanité s'exprime vraiment. " (Alexis Guillaume)
Écriture, poésie, photographie, musique, voyages, amour des pays du Nord et des eaux aux glaçons turquoise, voile et mer... Autant de sujets et intérêts communs dans nos conversations, Alexis... Mentor, modèle, coach, professeur, ami, philosophe. Il est rare de rencontrer des personnes qui font vibrer autant de cordes sensibles à la fois. Merci de m’avoir donné cette chance. Merci d’avoir été toi et de m’avoir laissé une petite place dans ton monde. Gentillesse, chaleur, indéfectible optimisme, combativité, humilité, rire et profondeur d’âme. Une combinaison improbable et pourtant tout en un seul homme. Je me souviens de ce morceau des Four Brothers que tu aimais à écouter à bord. En voici une version revue juste pour toi.
- Blue fields -
Tu as pris quelques milles d’avance, parti à l'aube. Tu as toujours aimé être le premier en mer. Mais cette régate-ci, tu l’as faite en solitaire et nous sommes restés sur le quai en te regardant t'éloigner voguer lentement vers l'horizon. Que l’océan croise nos voiles à nouveau un jour, plus tard, sur d'autres flots. Et comme tous ceux qui t’ont connu, qui sait m’attends-tu pour une nouvelle navigation dans des eaux limpides. Bon vent mon capitaine.
Dans chaque vague, tu fus, tu es et tu resteras...
Amiral, Capitaine, Lieutenant, Midship, Quartier-Maître, First Mate, mousse, matelot... Des titres qui comportent une logique implacable en mer. Un petit billet sur les titres honorifiques ce dimanche.
The Sea-Suite
Sur un navire, comme à l’armée, les titres ont été inventés pour une raison impérative: celle de clarifier la chaîne de commandement et des actions à prendre. En cas de crise, tempête ou bataille navale, on n’a pas le temps de tergiverser sur qui fait quoi. Chaque homme a sa place et ses ordres. Chaque marin doit savoir exactement ce qu’il est attendu de lui et ses activités sont très précises. Chacun remplit un rôle et une spécialisation précise : canonnier, pilote, midship man, barreur, gabier ou encore capitaine. Un navire à voile exige une discipline claire et comprise de tous. Les termes (le langage) utilisés se doivent d’être absolument sans équivoque pour tous, de manière à ne perdre aucune précieuse seconde dans les moments critiques. L’organisation d’un navire se doit d’être une machine aux rouages impeccables, bien huilée et sans failles. Une seule pièce de la construction vacille et l’ensemble du navire peut en subir les conséquences. Les marins d’antan avaient bien compris cette exigence. Et tout naturellement, la structure de l’équipage, des instructions et de l’organisation hiérarchique ont fait partie de la vie à bord.
En mer, on a la "Sea-suite" : un titre aussi, qui donnait jadis à bord, droit à la meilleure cabine, au miroir pour se raser, aux rations de repas les plus larges, aux morceaux de pain les moins rassis et au plus bel uniforme aux boutons brillants. Une culture “top-down”, me direz-vous ? Et oui... Pas trop d’espace pour les palabres de consensus ou interminables négociations. Et si le capitaine était un fumier ou un incapable, me direz-vous ? Bien, pas vraiment de chance, il vous restait à le supporter, ou à lancer une mutinerie... En mer, les vrais titres sont ceux que la mer leur accorde...
Heureusement, dans la voile moderne, les rôles se sont quelque peu flexibilisés. Les capitaines ont délégué une partie de leurs tâches à un équipage travaillant bien en équipe avec des hommes qui s’entr’aident. Toutefois, en cas de pépin, le capitaine reste envers et contre tout celui vers qui on tourne les yeux et qui doit prendre les décisions délicates.
En mer, le titre, on se doit de le mériter. Il est lourd à assumer. Le skipper est responsable de son équipage. Le capitaine porte le poids de son navire sur son rang. Pas question de se cacher derrière un titre face aux éléments et à la force de la nature. En mer, on peut se targuer de ses actes, pas de son grade. À bord, on est fier de remplir son rôle pour le bien de tout l’équipage, pas de sa renommée personnelle. Et les marins du dernier Vendée Globe viennent une fois de plus de le prouver en se déroutant pour secourir leurs pairs en dérive, faisant fi de leur classement de course. En mer, les vrais titres sont ceux que la mer leur accorde. Un capitaine, c’est avant tout un être courageux, solidaire, humble, créatif et résilient face à l’adversité. Son nombre de barrettes se compte à son nombre de milles en mer et de situations délicates gérées avec brio, entr’aide et modestie...
The C-suite : what’s in the name ?
A terre, on a l'autre suite... "The C- Suite" : Chief Executive Officer, Chief Operations Officer, Chief Digital Officer, Chief Happiness Officer, Chief Fool Officer... Et on n’en finit pas d’en créer de nouveaux, plus originaux les uns que les autres. Dans ce monde-ci, les titres honorifiques sont légion. Et les dernières années ont accéléré la tendance.
Au départ, vraiment représentatifs d’un contenu de rôle et de responsabilités, ils ont fini par devenir plutôt un statut, une manière de prouver une position, une autorité de décision et un contrôle des choses vis à vis du monde extérieur surtout. Ils ne coûtent rien et sont donc des outils souvent utilisés pour attirer des candidats, promouvoir une fonction vacante ou faciliter une vente. Un titre crée de la confiance, donne une présence et une raison d’être. Un titre, c’est comme une couverture bien chaude qui couvre les vêtements rapiécés, comme une cape de visibilité, un galon sur l’épaule. Il donne le droit de dire, de faire ou de décider. Il justifie un statut, un niveau, une prestance. Le titre devient incontournable sur un curriculum vitae, une page de profil. Il sert de porte d’entrée, de carton d’invitation. Et certaines sociétés ou personnes s’en servent allègrement. Et lorsqu’on doit trouver du travail, on a aujourd’hui peu de choix que celui de jouer le jeu du paraître. Heureusement, les bons recruteurs verront souvent au-delà d’une appellation chique sur un bout de papier. Dans le monde professionnel terrestre, c'est encore un peu pareil au passé : le titre le plus élevé donne encore souvent droit aux privilèges : la plus grosse voiture ou le chauffeur, le prestigieux bureau de coin, l'accès au restaurant des membres exécutifs, le téléphone dernier cri, et la superbe carte de visite... Même si ceci est en train d'évoluer vers un système moins visible, plus égalitaire (en surface du moins) et où les titres deviennent une forme de reconnaissance personnelle. N'est-t-il point plaisant d'être appelé "vice-président", "managing director", "président directeur général" ou encore "senior exécutif" ? Cela flatte l'égo, rassure et donne une importance vis à vis des autres. Cela donne un sens à une carrière parfois ou à une aspiration d'être reconnu comme quelqu'un "qui compte". Alors, pourquoi se priver de faire plaisir, diront certains ? A méditer...
Capitaine de rafiot
Et pourtant, que se cache-t-il réellement derrière une dénomination ? Après presque trente ans de pérégrinations dans le monde professionnel, principalement dans des grosses structures internationales, j’en ai vu des titres ronflants, des blasons dorés et des cartes de visite pompeuses. Et soyons honnête, j'en ai fait moi-même l'expérience (ce dont je ne me plains nullement puisque cela m'a clairement ouvert des portes).
What's in a name ?
Comme en mer, la taille du bateau qu’on dirige n’a vraiment pas d’importance. Le navire peut être modeste, voire petit en taille ou méconnu des listes des grands mécènes. La qualité du capitaine en demeure tout aussi primordiale. La complexité vient souvent d’ailleurs et le titre ne reflète pas toujours les difficultés qu’un rôle doive affronter. Conduire un cargo de trois cents tonnes où tout se fait par le pilote automatique dans une mer plate est-il réellement plus laborieux que de faire avancer un petit voilier ou un rafiot en pleine tempête, en équipage réduit et sans moteur ? Un skipper de PME est-il moins respectable qu'un CEO de multinationale ? Il doit tout savoir faire, avoir l'oeil sur tout, gérer ses finances comme un bon père de famille et jongler avec les moyens du bord, souvent bien moins généreux que dans des grosses structures. Il mérite tout autant son titre de capitaine...
Alors, ne jugeons pas sur les titres. Regardons derrière la carte de visite et les galons dorées (ou le costume cravate)... Et découvrons les vrais capitaines de ce monde.
Sur cette petite réflexion, je vous souhaite un excellent dimanche. Et un très bel anniversaire à JM, un de mes capitaines préférés (dont la stature et le grand coeur valent bien plus que tous les titres et les uniformes à barrettes :-)).
Et si nous repartions dans les mers nordiques ce dimanche ? Allez, zou ! C'est parti pour un billet sur les Vikings et une de leurs techniques ancestrales de navigation.
Boussoles de pierre
Les marins nordiques étaient des navigateurs émérites, à travers des mers complexes et des circonstances météorologiques on ne peut plus intenses. Brouillards, grains, manque de visibilité, froid, neige et j'en passe. Et pourtant, aux environs de l'an mil, ils sembleraient avoir traversé la grande mer pour atteindre les Amériques par le Nord. Bien avant l'avènement de la boussole et du sextant, ils sont parvenus à se diriger en mer par tous temps, à l'aide d'autres techniques d'orientation.
Ceux qui ont un peu suivi ce blog se souviendront peut-être que j'aime les pierres depuis mon enfance... Au point de les ramasser en bord de mer ou en haute montagne et de les mettre dans mon sac à dos (avec leur poids, au grand dam de mes pauvres parents :-)). Les marins scandinaves devaient partager ce hobby car ils sembleraient s'en être servi comme un de leurs divers instruments de navigation hauturière.
En effet, différents indices de l’histoire laissent penser que les navigateurs nordiques s’orientaient grâce à une pierre aux propriétés particulières telles que la magnétite ou encore, la “sólarsstein” ou “pierre de soleil”. La mythologie nordique accordait à cette dernière - aussi parfois nommée “pierre d’étoiles” - le pouvoir d’accès au Valhalla. Chez les anciens Grecs, les Bouddhistes où les Celtes, elle représentait prospérité, protection ou lumière cosmique. Ses teintes scintillantes variant du brun, orange au rouge métallisé lui ont valu sa dénomination. “Il frotta le caillou sur l’aiguille. Puis il posa celle-ci sur le bois, qu’il fit flotter. - Quand on s’éloigne de la côte et qu’on ne voit pas l’étoile-guide, on peut naviguer à l’aiguille et à la pierre...” (Jón l’Islandais, Bruno d’Halluin)
Les hypothèses varient concernant la nature de cette célèbre “pierre de soleil”.
Certains pensent qu’il s’agirait de “cordiérite” ou d’”héliolite”. Dans les années 1960, un archéologue danois, Thorkild Ramkou, émit l’hypothèse que les navigateurs Vikings auraient utilisé ses propriétés en termes de polarisation de la lumière pour se guider en mer et ainsi naviguer par “polarimétrie” pour retrouver la position du soleil par temps couvert. Plusieurs textes médiévaux du IXe au XIe siècle font mention d’un cristal extraordinairement pur permettant de définir la position du soleil, notamment la saga relatant les hauts faits du roi viking Olaf Haraldsson II, celles de Hrafn ou encore de Rauðúlf et ses fils. " Le temps était couvert et neigeux, comme Sigurður l'avait prédit. Alors le roi convoqua Sigurður et Dagur. Il demanda à ses hommes de regarder autour d'eux, personne ne trouva le moindre coin de ciel bleu. Puis, il somma Sigurður de désigner le soleil, lequel donna une réponse ferme. Alors, le roi envoya chercher la pierre de soleil et, la tenant au-dessus de lui, vit la lumière jaillir et ainsi, pu vérifier directement que la prédiction de Sigurður était bonne. " (Saga de Rauðúlfs þáttur, XIIIe siècle)
Plusieurs de ces pierres (ou du moins leur poudre) furent retrouvées dans des épaves de navires ainsi que sur certains sites archéologiques Vikings en Islande. Des détails de la tapisserie de Bayeux indiqueraient également l’usage de telles pierres.
Une autre hypothèse affirme qu’il s’agirait de “calcite” (ou “spath d’Islande”, courante dans les îles nordiques). Cette pierre aurait le pouvoir de polariser la lumière du soleil, On la dit “biréfringente”, a savoir, elle divise la lumière en deux. Et suivant l’inclinaison de la pierre par rapport à la source de lumière, elle peut « l’éteindre ». Guy Ropars et Albert Lefloch, deux physiciens bretons spécialisés en lasers de l’université de Rennes se sont penchés sur la question de cette pierre soi-disant magique. Grâce à une loi physique, la moindre lumière polarisée apparaît sous la forme de deux petits rectangles dans un tel cristal. Lorsqu’ils ne forment plus qu’ un, c’est que le soleil est juste en face. Même sous l’horizon, on peut ainsi relever la position du soleil à un degré près. Cette technique ferait usage de l'effet de "pinceau de Haidinger", une image de la lumière polarisée créée par l'oeil en forme de croix au halo bleu et jaune, indiquant la direction de la polarisation.
© Photos – Wikipedia
Si les récits historiques dans ces contrées vous tentent, je vous recommande chaudement (mis à part les températures locales....) le roman “Jón l’Islandais” de Bruno d’Halluin. Une épopée maritime qui vous emmènera de Bristol, à l’Islande jusqu’aux Amériques, en passant par les pays nordiques, le Groenland avec un détour aux Açores. Un périple naval à mon goût, sur fond de faits historiques d’une époque de grandes découvertes.
Alors, lors de votre prochaine navigation, n’oubliez pas d’emporter votre pierre en poche ! J'en profite pour souhaiter une très bonne fête à mon cher papa, qui m'a souvent fourni une belle pierre d’ancrage et guidé dans les navigations brumeuses de ma vie ! Ainsi qu'un tout bel anniversaire à Sylvie. fidèle boussole et rayon de soleil pour ses Vikings et que j'admire beaucoup.
Un excellent dimanche à tous !
Nous avons tous connu des personnes qui ont marqué notre vie. Les enseignants font partie de cette catégorie de privilégiés dont le métier peut exercer une certaine influence sur notre vision de l’univers. Certains de leurs mots demeurent indélébiles en nos mémoires. En hommage à l’un d’eux, je vous offre ici un point de vue sur une région de l’Asie un peu différente de celle des livres traditionnels d’histoire ou de géographie. Nous partons donc ce dimanche vers le pays du Soleil Levant : le Japon.
Akoya
Le processus est ingrat : sur une population de mollusques ainsi élevés à la ferme, la moitié périt en cours de culture et sur les survivants, seulement 5% seront considérés comme de qualité suffisante pour les standards de qualité de vente pour les bijouteries haut de gamme. La concurrence chinoise est puissante. Cependant, la persévérance, le savoir-faire et l’élégance nipponne ont conquis une clientèle à travers la planète.
Tel un Haïku :
Le Japon a pris l’exemple de notre huîtrier... Le pays va successivement « avaler » différentes cultures étrangères pour se refermer ensuite sur lui-même pour quelques temps. Un cycle qui s'est réitéré à plusieurs reprises à travers les siècles.
Le Japon. La taille des deux tiers de la France avec deux fois sa population (126 mio). Seulement 15% de terres cultivables, coincé entre montagnes et mer. Une activité piscicole insuffisante pour nourrir la totalité de ses habitants. Ni fer, ni pétrole, ni matières premières. Il doit importer le blé et le soja. Un pays dépendant des autres pour sa subsistance. Alors, il doit rivaliser de créativité pour alimenter les siens. Il compense alors par une force commerciale, une discipline bien rouée et une organisation sans failles. Et si l'on a longtemps accusé ce pays de n'être q'un pâle "copieur", le Japon peut se targer aujourd'hui d'avoir relevé le défi que lui a lancé son environnement naturel.
L'ère Taïka
Mais revenons un instant en arrière. Nous sommes en 640. Jusque là, le Japon est déchiré en un patchwork de clans disparates. La nation va alors connaître une évolution différente. Le nouvel empereur Kōtoku divise l'empire en huit provinces. Il revoit la structure hiérarchique et gouvernementale de manière ordonnée à travers le pays et déplace la capitale impériale dans la baie d'Osaka. C'est là une manière de centraliser le pouvoir autour de la cour impériale. Il ouvre une nouvelle ère, celle du "Taîka", qui signifie "Grand changement". Il s'inspire pour ce faire du modèle de la dynastie T'ang, basé sur le Confusianisme et les philosophies chinoises. L'influence de la Chine se retrouvera d'ailleurs à de multiples aspects au Japon : écriture, architecture, religion, arts, jusqu'à certaines habitudes alimentaires. Mais c'est bien le planning et l'implémentation méticuleuse japonaise des réformes qui permettra au pays de passer à un nouveau modèle de fonctionnement.
Des siècles durant, le Japon avance, pour ensuite céder à une série de guerres civiles et de dissentions internes. Au XVe siècle, il s'ouvre timidement aux premiers occidentaux à travers le christianisme. Mais le pays retombe ensuite dans un isolationnisme strict, le "sakoku", jusqu'en... 1853 ! Les frontières sont fermées aux étrangers sous peine de mort ! Seuls sont permis quelques liens diplomatiques avec la Corée et des relations commerciales avec la Chine et les Provinces-Unies. Quant aux Européens, seuls les vaisseaux de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sont autorisés à commercer dans le comptoir à l'entrée du port de Nagasaki. L'huître nipponne se referme...
© Photos – Wikipedia & Britannica.com
L'ère Meiji
En 1854, l'ère Edo se termine et les Américains (le commodore Matthew Perry et sa flotte de guerre) forcent une ouverture aux ports nippons. Les Japonais acceptent à contre coeur, par peur d'une guerre par un refus.
En 1858, l'huître nipponne va enfin se réouvrir volontairement pour une période de modernisation à travers l'ère "Meiji" , qui signifie "lumière". Cette période de changement amène le Japon d'un système féodal vers un système industriel à l'occidentale. Une évolution radicale en termes sociaux, politiques et culturels permettra diverses avancées de l’industrie, de l’économie, de l’agriculture et d’échanges commerciaux. Une ouverture sur le monde extérieur. Une réforme importante y sera l’abolition de la classe guerrière des samouraïs, dont bon nombre se reconvertiront en hommes d'affaires. Libération des religions, développement du chemin de fer, nouveau modèle politique, abolition des privilèges, création d'un armée nationale, création d'une monnaie unique (Yen), adoption du calendrier grégorien, obligation de l'enseignement...
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L'ère Mac Arthur...
Et puis dans les années 1930, tout bascule à nouveau... L’époque est marquée par l’influence du fascisme, du totalitarisme et du nationalisme, du militarisme, avec une promotion de l’idéal guerrier japonais traditionnel. L'empereur Hiro-Hito monte sur le trône.
Et l'huître nippone se referme à nouveau, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît en 1945.
© Photos – Wikipedia & Britannica.com
En 1945, le Japon est un pays totalement détruit par les bombardements américains, sous occupation. Ses dirigeants sont mis en procès et l'empereur échappe de peu aux poursuites. Cependant, Mac Arthur propose un plan de relance hors du commun : pas question de réitérer le scénario allemand de l'après-première guerre mondiale. Les Américains mettent en place une occupation pacifique. Ils maintiennent l'empereur en place sans toutefois lui laisser de réel pouvoir politique. L'objectif des Américains est d'y favoriser la reconstruction rapide. Et surtout d'éviter que le communisme n’y triomphe...
Un miracle économique édifié sur un esprit de fourmilière" (Pr. Jacques Rifflet)
Et le plan fonctionne. La culture nipponne de briller ensuite par l'excellence, la discipline de fer ainsi que le travail d'équipe pour créer une société "kaisha" (social et harmonie). Le Japon devient une puissance commerciale évidente, puissante et solide. Il s'ouvre enfin au reste du monde, pour même y exporter une partie de sa propre culture. Le pays du Soleil Levant a réussi le défi de se transformer pour un mieux, sans vraiment perdre ses propres valeurs et traditions profondes en cours de route.
La grande question aujourd'hui reste donc : combien de temps l'huître nipponne va-t-elle rester ouverte ? Seul l'avenir pourra répondre à cette inconnue. En attendant, j'ai goûté à ce mets aux accents subtils. J'en ai réellement apprécié la saveur et j'espère pouvoir continuer longtemps encore à en déguster les finesses.
Divers personnages ont laissé une trace plus profonde que les autres dans mon existence. Grands voyageurs, esprits ouverts au monde, à la tolérance et au rapprochement des esprits et des idéologies. Professeurs universitaires, journalistes internationaux, scientifiques ou encore musiciens. Ils rient de nos insignifiantes querelles politiques locales face à l'immensité des problématiques du monde. Ces hommes me laissent admirative de tant de soif de connaissance et de philanthropie. Ils m' ont élargi l'esprit.
Celui d'entre eux à qui je souhaite rendre hommage aujourd’hui à travers ce billet a laissé en héritage à son public un incroyable appétit de découverte du monde, une volonté d’en embrasser la diversité à travers la connaissance de son histoire. Un orateur qui a su captiver son audience avec une trace indélébile. Au lieu de raconter l'Histoire, il racontait Une histoire... Qu’on l’ait aimé ou non pour son franc-parler, il n’a pas laissé indifférent. Docteur en droit, politologue, conférencier, journaliste, professeur d’université, libre penseur, il a été un de nos meilleurs spécialistes en matière de comparaison des religions et de leur influence sur les faits politiques et l'économie internationale.
Dernier jour d'octobre. Je pourrais vous reparler de fantômes et autres monstres halloweeniens. Je pourrais vous sussurer le souvenir de nos ancêtres et de la nostalgie des cimetières en ce 1er novembre... Je pourrais aussi m'apitoyer sur les nouvelles mesures du covid entrant en vigueur ce dimanche soir dans notre minuscule pays pour tenter d'endiguer une pandémie absolument affolante. Bref, les sujets ne manquent pas.
Cependant, que diriez-vous de vous changer de vos idées noires du moment ? Le navire Octobre Rouge et son capitaine de vaisseau Ramius titillent-t-ils votre mémoire ?
Scotland forever
Si vous avez quelque peu suivi ce blog, vous saurez déjà que les Calédoniens me charment et que les Highlands et leurs profonds lochs font partie de mes endroits préférés. Alors, c'est parti pour un petit hommage à un des plus célèbres Ecossais : le grand Sir Sean Connery, qui vient de rejoindre paisiblement le grand loch celte de Tir na nÓg dans son sommeil ce WE, à l'âge respectable de 90 ans.
Thomas Sean Connery naît en 1930 dans une famille modeste d'Edimbourg en Ecosse. Dès sa jeune enfance, il se voit contraint de travailler et devient distributeur de lait ("milkman") et apprenti-boucher. Il abandonne ses études à dix-sept ans et s'engage dans la marine britannique. Il n'y restera que trois ans à peine. Mais non sans avoir fait tatouer une phrase célebre sur son bras "Scotland forever"... Par la suite, il exerce divers petits métiers dont celui de maître-nageur, sportif puis acteur, pour parvenir à vivre.
Fervent partisan de l'indépendance écossaise, il n'a de cesse de se battre pour l'autonomie de sa région. Dans "A la poursuite d'Octobre rouge", notre ami n'est point écossais mais bien litunanien, originaire de Vilnius. Issu d'une famille pauvre de pêcheurs, il trouve sa place à force de travail et se fait une solide réputation dans la marine soviétique. Encore un esprit rebelle, avide d'autonomie et de liberté. Un rôle qui colle pas mal à son avatar réel. Un capitaine de sous-marin nucléaire d'un nouveau modèle indétectible, qui tente de passer à l'ouest, poursuivi par toute la flotte soviétique et traqué par son équivalent américain, persuadé qu'il est parti attaquer les Etats-Unis. Suspense garanti. Pour la diversité des paysages, par contre, on reviendra ;-).
Les critiques du film incriminent son manque de réalisme. Cela dit, la brochette d'acteurs y figurant ne donne pas mal : Sean Connery, Alex Baldwin, Sam Neill, Scot Glenn, James Earl Jones... Le suspense y est au rendez-vous et les musiques des choeurs russes prenantes. Et en prime, l'uniforme et la barbe de Sean y sont remarquablement bien entretenus pour la promiscuité et l'inconfort d'un sous-marin à quelques milles lieues sous la mer depuis des mois ;-). Bref, un bon plan pour une soirée pluvieuse.
The name is ...
Mais impossible de mentionner Sir Sean Connery sans évoquer l'illustre James... Son second prénom, son patronyme, sa seconde nature secrète. Le rôle qui lui est resté collé à la peau et qui a fait sa renommée internationale. Depuis 1962, Sean est Bond... James Bond. Et pourtant, sur les 26 épisodes, il n'en a joué que sept. Sept comme... 007 ! Un chiffre magique.
Je vous laisse décider duquel d'entre ces films (un peu vintage à présent) vous a le plus charmé.
James Bond, une histoire d'eau
Avez-vous déjà remarqué à quel point l'eau et les navires ont eu un rôle important à jouer dans les sagas de James Bond ? Elles comprennent souvent un contexte maritime, vélique ou insulaire : l'île de L'Homme au pistolet d'or devenue la James Bond Island, les îles d'Ecosse, l'île japonaise d'Hashima dans Skyfall... Lagune de Venise sur pas moins qu'un Spirit 46, 54 et Q boat (Moonraker, Casino Royale... ). Lyman Islander 18 (Dr No). Q-boat de Riddle Marine et Sunseeker Superhawk 34 (The world is not enough). Disco Volante et hydrofoils (Thunderball). Longtail taïlandais (l'homme au pistolet d'or). Wet Nellie, la voiture amphibie ou la ville sous-marine (The spy who loved me). Sites archéologiques immergés (For your eyes only). Lac de Côme (Quantum of Solace)... Sans oublier moultes créatures marines telles que requins, raies ou pieuvres ("Octopussy").
Ian Fleming semble fasciné par l'élement aqueux comme décor de ses scénarios. Des voiliers et navires fabuleux sur lesquels les héros déambulent allègrement (ou les envoient par le fonds dans leurs cascades sans le moindre remords ! ).
© Photos – Wikipedia
Mais revenons à notre héros du jour. Certains traiteront Sir Sean de macho, d'autres d'homme sans manières et pas toujours très respectueux des dames. D'autres encore n'apprécieront pas son franc parler, ses opinions tranchées ni son amour du scotch. James Bond et son avatar dans la vie réelle est loin d'être l'homme parfait. J'en conviens.
Néanmoins, que ce soit dans les Incorruptibles, sous la cape du moine William de Baskerville dans le Nom de la Rose, dans son escapade de The Rock (encore de l'eau... ), dans Russia House avec la belle Michelle Pfeiffer, dans son rôle de père d'Indi Jones, Robin des Bois, Medicine Man ou bien d'autres encore, sa présence laisse toujours une trace. Highlander n'était pas qu'un film... Sean a réellement gagné son immortalité auprès du public.
Bon vent Sir Sean ! Que cette nouvelle aventure t'emmène là où tu rêvais d'aller encore. Ton immuable souvenir te sied bien. Et pour te rendre hommage, je me suis mise à l'apprentissage de... la cornemuse écossaise (pauvres voisins... ). Ce qui explique probablement la météo pluvieuse de ce WE ;-).
Un excellent dimanche à tous. Et pourquoi pas, l'occasion de revoir Sean dans un de ses meilleurs rôles. |
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August 2023
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