Et si nous repartions dans les mers nordiques ce dimanche ? Allez, zou ! C'est parti pour un billet sur les Vikings et une de leurs techniques ancestrales de navigation.
Boussoles de pierre
Les marins nordiques étaient des navigateurs émérites, à travers des mers complexes et des circonstances météorologiques on ne peut plus intenses. Brouillards, grains, manque de visibilité, froid, neige et j'en passe. Et pourtant, aux environs de l'an mil, ils sembleraient avoir traversé la grande mer pour atteindre les Amériques par le Nord. Bien avant l'avènement de la boussole et du sextant, ils sont parvenus à se diriger en mer par tous temps, à l'aide d'autres techniques d'orientation.
Ceux qui ont un peu suivi ce blog se souviendront peut-être que j'aime les pierres depuis mon enfance... Au point de les ramasser en bord de mer ou en haute montagne et de les mettre dans mon sac à dos (avec leur poids, au grand dam de mes pauvres parents :-)). Les marins scandinaves devaient partager ce hobby car ils sembleraient s'en être servi comme un de leurs divers instruments de navigation hauturière.
En effet, différents indices de l’histoire laissent penser que les navigateurs nordiques s’orientaient grâce à une pierre aux propriétés particulières telles que la magnétite ou encore, la “sólarsstein” ou “pierre de soleil”. La mythologie nordique accordait à cette dernière - aussi parfois nommée “pierre d’étoiles” - le pouvoir d’accès au Valhalla. Chez les anciens Grecs, les Bouddhistes où les Celtes, elle représentait prospérité, protection ou lumière cosmique. Ses teintes scintillantes variant du brun, orange au rouge métallisé lui ont valu sa dénomination. “Il frotta le caillou sur l’aiguille. Puis il posa celle-ci sur le bois, qu’il fit flotter. - Quand on s’éloigne de la côte et qu’on ne voit pas l’étoile-guide, on peut naviguer à l’aiguille et à la pierre...” (Jón l’Islandais, Bruno d’Halluin)
Les hypothèses varient concernant la nature de cette célèbre “pierre de soleil”.
Certains pensent qu’il s’agirait de “cordiérite” ou d’”héliolite”. Dans les années 1960, un archéologue danois, Thorkild Ramkou, émit l’hypothèse que les navigateurs Vikings auraient utilisé ses propriétés en termes de polarisation de la lumière pour se guider en mer et ainsi naviguer par “polarimétrie” pour retrouver la position du soleil par temps couvert. Plusieurs textes médiévaux du IXe au XIe siècle font mention d’un cristal extraordinairement pur permettant de définir la position du soleil, notamment la saga relatant les hauts faits du roi viking Olaf Haraldsson II, celles de Hrafn ou encore de Rauðúlf et ses fils. " Le temps était couvert et neigeux, comme Sigurður l'avait prédit. Alors le roi convoqua Sigurður et Dagur. Il demanda à ses hommes de regarder autour d'eux, personne ne trouva le moindre coin de ciel bleu. Puis, il somma Sigurður de désigner le soleil, lequel donna une réponse ferme. Alors, le roi envoya chercher la pierre de soleil et, la tenant au-dessus de lui, vit la lumière jaillir et ainsi, pu vérifier directement que la prédiction de Sigurður était bonne. " (Saga de Rauðúlfs þáttur, XIIIe siècle)
Plusieurs de ces pierres (ou du moins leur poudre) furent retrouvées dans des épaves de navires ainsi que sur certains sites archéologiques Vikings en Islande. Des détails de la tapisserie de Bayeux indiqueraient également l’usage de telles pierres.
Une autre hypothèse affirme qu’il s’agirait de “calcite” (ou “spath d’Islande”, courante dans les îles nordiques). Cette pierre aurait le pouvoir de polariser la lumière du soleil, On la dit “biréfringente”, a savoir, elle divise la lumière en deux. Et suivant l’inclinaison de la pierre par rapport à la source de lumière, elle peut « l’éteindre ». Guy Ropars et Albert Lefloch, deux physiciens bretons spécialisés en lasers de l’université de Rennes se sont penchés sur la question de cette pierre soi-disant magique. Grâce à une loi physique, la moindre lumière polarisée apparaît sous la forme de deux petits rectangles dans un tel cristal. Lorsqu’ils ne forment plus qu’ un, c’est que le soleil est juste en face. Même sous l’horizon, on peut ainsi relever la position du soleil à un degré près. Cette technique ferait usage de l'effet de "pinceau de Haidinger", une image de la lumière polarisée créée par l'oeil en forme de croix au halo bleu et jaune, indiquant la direction de la polarisation.
© Photos – Wikipedia
Si les récits historiques dans ces contrées vous tentent, je vous recommande chaudement (mis à part les températures locales....) le roman “Jón l’Islandais” de Bruno d’Halluin. Une épopée maritime qui vous emmènera de Bristol, à l’Islande jusqu’aux Amériques, en passant par les pays nordiques, le Groenland avec un détour aux Açores. Un périple naval à mon goût, sur fond de faits historiques d’une époque de grandes découvertes.
Alors, lors de votre prochaine navigation, n’oubliez pas d’emporter votre pierre en poche ! J'en profite pour souhaiter une très bonne fête à mon cher papa, qui m'a souvent fourni une belle pierre d’ancrage et guidé dans les navigations brumeuses de ma vie ! Ainsi qu'un tout bel anniversaire à Sylvie. fidèle boussole et rayon de soleil pour ses Vikings et que j'admire beaucoup.
Un excellent dimanche à tous !
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August 2023
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