Tous les beaux voyages débutent souvent par un bon café brûlant avant de larguer les amarres. C'est aussi la petite tasse qui nous réchauffe à bord ou nous aide à tenir l'oeil ouvert durant les quarts. Alors, si nous partions ce dimanche à la quête de cette boisson qui ouvre le sillage vers l'aventure à travers le monde ?
Café ou Thé ?
Originaire d'Ethiopie et du Yémen, les confréries Soufies de l'Arabie utilisèrent le café pour faciliter les veillées de prière. La boisson se diffusa dès le début du XVIe siècle dans les grandes villes du monde arabe du Caire jusqu’à Damas, Istanbul et Ispahan, sans oublier la Turquie ottomane.
"L’art du thé", similairement, a été introduit de Chine par les moines bouddhistes de la secte Zen dans le même but : celui de maintenir l’état de veille pour la méditation. Au Japon, la "cérémonie du thé, "cha-no-yu" ou "sadô", un partage ritualisé d'un boisson chaude non alcoolisée et revigorante, a pris une fonction sociale importante à travers les siècles. Elle touche toutes les classes sociales et tous les milieux, hommes comme femmes. Bien au-delà de sa fonction de bienvenue et d'hospitalité, cette cérémonie joue un rôle majeur dans la cristallisation d'une série de valeurs fondamentales pour les Japonais, telles que la sobriété, la discrétion et le respect.
Le choix du café ou du thé dépend de l’endroit de la planète où nous nous trouvons. Si vous voyagez chez les Bédouins d'Arabie ou de Syrie, en Turquie ou encore au Moyen-Orient, vous aurez beaucoup de chance d'y déguster les grains nord-africains. Par contre, si l'envie vous prend de pousser une tête dans les déserts berbères, en Asie ou tout simplement dans les eaux anglo-saxonnes, vous n'échapperez pas aux fameuses herbes dans de l'eau chaude.
Qu’ils sont doux les levers de soleil dans le fond d’une baie irlandaise… Le bateau, l’équipage dort encore, l’eau limpide est parfaitement calme et le soleil tiède inonde déjà les collines boisées et descend vers les berges de granite. Tout est calme. La bouilloire vient de siffler, la table du petit déjeuner est dressée, les équipiers les plus courageux ouvrent l’oeil et se préparent à une courte baignade dans l’eau fraîche avant d’attaquer l’ « Earl Grey », la marmelade d’orange et le lemon curd.
© Photos – Rêvesdemarins
La Tasse du Faste
La célèbre "türk kahvezi" ou "cérémonie du café" en Turquie ottomane allait jusqu'à un niveau de détail engloblant toute une série d'objets d'art lié au rite du café : cafetières, poêles à griller les grains, cezve (tasses), plateaux, réchauds, étoffes assorties, souvent en métal précieux richement décoré ou en porcelaine... Bien entendu, au départ, ceci était réservé au classes sociales supérieures dont le mobilier raffiné décrit ci-avant servait notamment à quelque peu affirmer la puissance et l'attachement à un ancien régime.
On retrouve les mêmes éléments pour la cérémonie du thé asiatique. Les objets, le lieu et les gestes entourant le rituel du thé revêtent une importance primordiale dans la tradition de la petite boisson herborisée. Olfactif, visuel, gustatif, le partage du café, dans ce contexte très hiérarchisé de la société ottomane, relevait aussi d’une véritable recherche esthétique : ameublement, les motifs des tapis en particulier, s’accordaient à ceux des étoffes et des vêtements portés par les servantes. L’odeur du café, accompagnée parfois de celle de parfums ou d’encens que l’on brûlait participaient à la délimitation d’un espace (même provisoire) réservé au café avec lequel on honorait ses hôtes.
Ce n'est qu'à partir du XVIIe siècle que l'ancêtre du cappucino fait son chemin hors des salons privés, des tentes du caravansérail et des riches demeures vers les coins de rue (les "maisons de café") ou échoppes ambulantes, y compris en Italie et en France, où la tradition du café est restée bien présente jusqu'à nos jours.
Le Breuvage du Dialogue
Les deux boissons, si différentes soient-elles, ont fréquemment été sources d'accueil, rencontres et échanges. Elles constituent un petit havre de paix le temps d’une pause, d’une écoute de l’autre, de l'hospitalité autour d'une tasse et d'un rituel de respect mutuel. Elles facilitent et accompagnent les rapprochements, les voyages, les ouvertures au monde.
Les plus grandes négociations entre nations de ce monde l'ont souvent été autour d'un de nos deux breuvages. La petite tasse y a rempli son rôle de facilitation, de créateur de trêve, le temps d'un dialogue entre belligérants ou nouveaux alliés. Nul doute sur le fait que Lawrence d'Arabie, David Lloyd George, Vittorio Orlando ou encore Benjamin Franklin aient bu leur café ou leur thé bien chaud pour parlementer des traités de paix historiques. On pourrait donc surnommer ces deux boissons des "médiateurs universels" en vertu de leur pouvoir de conciliation.
Se réunir autour d'un café ou d'un thé, c'est ainsi toujours une manière aisée pour lancer un dialogue ouvert, une base pour une (ré)conciliation, un premier regard à l'autre, un moment convivial et chaleureux même pour une conversation difficile. Un peu comme si la tasse bouillante contenait une potion magique créant une certaine intimité, faisant s'ouvrir les esprits et s'envoler les animosités dans ses volutes de fumée.
Si je suis passée au thé le matin depuis quelques années, je ne dédaigne pas un café léger, latté et sucré. Et vous, comment aimez-vous votre "caoua" ?
En attendant des cieux plus cléments pour enfin partager un de ces cafés, je vous souhaite un excellent premier jour de printemps, avec une bonne tasse pour vous réchauffer le corps, le coeur et l’esprit.
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AuteurArchives
August 2023
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