Avec la Mer du Nord, pour dernier terrain vague
Jacques naît à Bruxelles (Schaerbeek) le 8 avril 1929, issu d'une famille catholique flamande d'industriels. Après une brève carrière commerciale dans la cartonnerie de son père, il débute par l'écriture de poèmes et de pièces de théâtre et ne viendra à la musique que bien des années plus tard. Ses premières apparitions sur la scène musicale ne datent en effet que de 1952, dans des cabarets de l'îlot sacré à Bruxelles. Il part ensuite pour Paris où il vivra quelques premières années difficiles mais aura l'occasion de se faire remarquer, notamment aux "Trois Baudets". En 1956, il rencontre le pianiste François Rauber, qui devient son arrangeur musical, puis sera son accompagnateur durant toute sa carrière de chanteur. Cette même année paraît son premier grand succès public, "Quand on n'a que l'amour".
Il jouera dans divers spectacles dont "L'homme de la Mancha" et se lancera dans la réalisation et le métier d'acteur (notamment Franz, Mon oncle Benjamin, L'aventure c'est l'aventure, L'emmerdeur...). Il nous quitte en 1978, atteint d'une maladie pulmonaire incurable à l'époque. Il repose aux îles marquises, l'endroit qu'il considérait comme son paradis, tout comme Paul Gaugin.
Malgré le fait qu'il soit considéré comme un artiste purement francophone (surtout si vous demandez cela aux parisiens...), le Grand Jacques a écrit et interprété de nombreuses oeuvres dans la langue de Vondel. Bruxellois d'origine, ces textes ont gardé la saveur d'un subtil mélange entre les diverses cultures de mon cher plat pays. Il me fait me sentir bien chez moi (même si je me considère aujourd'hui plutôt comme une citoyenne du monde au regard de mon vécu, de mes expériences et de mon réseau familial/amical éparpillé aux quatres coins du monde).
Ses textes s'avèrent sarcastiques, moqueurs, critiques (Les Bourgeois, Les Flamandes, De Apen, les Bigotes... ). Ses descriptions poignantes (Bruxelles, Les Vieux, Le Moribond, Ces Gens-là...). Ses chansons d'amour infiniment émouvantes (Orly, Ne me quitte pas, La Chanson des Vieux Amants, Quand on n'a que l'Amour, Mathilde, Marieke...). Et j'en passe.
(...) Infiniment lentement ces deux corps se séparent
Vous connaîssez l'artiste en lui. Mais connaissez-vous également le navigateur, amoureux de voile, de liberté et de grande bleue? Parlons donc un peu de ses Rêves de Marin à lui...
Aucun doute quant à son amour des Voyages et de l 'océan: Jacques écrit divers textes à chansons en lien avec de la mer, des marins, de la vie rude et brutale parfois des hommes de mer. Souvenez-vous donc d' Amsterdam, Le Plat Pays, l'Ostendaise, l'Eclusier, Knokke-le-Zoute, la Baleine, la Sirène, Une Île...
En 1974, il fait l'acquisition d'un ketch de 62 pieds (voilier à deux mâts), l'Askoy, alors qu'il a encore tout à apprendre de l'art de la voile. Mais ce point ne l'arrête point: il se forme alors aux techniques marines et poursuit son projet.
C'est à bord de ce voilier de 40 tonnes qu'il se lance alors dans un tour du monde. Il est en train de réaliser son rêve. Malheureusement, il devra écourter son voyage pour raisons de santé. Les îles Marquises resteront la dernière escale, où il terminera ses rêves de marin... Le Grand Jacques lèvera l'ancre pour sa toute dernière destination peu après...
Suite à ces événements, l'Askoy sera vendu. Dans les années qui suivent, le bateau endurera une série de péripéties et finira par être abandonné, échoué quelque part en Nouvelle Zélande. Il sera rapatrié à Oostende, puis à Zeebrugge et Blankenberge de nombreuses années plus tard, où il débutera sa restauration, qui est toujours en cours aujourd'hui.
Le but de la remise en état de l’Askoy (II) est d'accueillir gratuitement ceux que Brel appelait "les paumés du petit matin". Un rêve un peu fou ? Peut-être là une manière "d’atteindre l’inaccessible étoile ». Plus de renseignements quant à cette association sur leur site: www.askoyii.be.
C’est pour ce bateau que Brel a écrit ét chanté "La Cathédrale", une oeuvre méconnue que je vous propose de découvrir ici (https://www.youtube.com/watch?v=rWJFnhnUtxY).
Prenez une cathédrale. Et offrez-lui quelques mâts, un beaupré, de vastes cales, des haubans et halebas. Prenez une cathédrale. Haute en ciel et large au ventre. Une cathédrale à tendre, de clinfoc et de grand-voiles.
Prenez une cathédrale, de Picardie ou de Flandre. Une cathédrale à vendre. Par des prêtres sans étoile. Cette cathédrale en pierre, qui sera débondieurisée. Traînez-la à travers prés, jusqu'où vient fleurir la mer. Hissez la toile en riant et filez sur l'Angleterre. L'Angleterre est douce à voir, du haut d'une cathédrale. Même si le thé fait pleuvoir quelqu'ennui sur les escales. Les Cornouailles sont à prendre, quand elles accouchent du jour et qu'on flotte entre le tendre. Entre le tendre et l'amour. Prenez une cathédrale. Et offrez-lui quelques mâts, un beaupré, de vastes cales. Mais ne vous réveillez pas. Filez toutes voiles dehors. Et ho hisse les matelots. A chasser les cachalots. Qui vous mèneront aux açores, puis Madère avec ses filles Canarian et l'Océan, qui vous poussera en riant. En riant jusqu'aux Antilles Prenez une cathédrale. Hissez le petit pavois. Et faites chanter les voiles. Mais ne vous réveillez pas. Putain, les Antilles sont belles. Elles vous croquent sous la dent. On se coucherait bien sur elles. Mais repartez de l'avant. Car toutes cloches en branle-bas, votre cathédrale se voile, transpercera le canal, le canal de Panama. Prenez une cathédrale, de Picardie ou d'Artois. Partez cueillir les étoiles. Mais ne vous réveillez pas. Et voici le Pacifique, longue houle qui roule au vent. Et ronronne sa musique jusqu'aux îles droit devant.. Et que l'on vous veuille absoudre, si là-bas bien plus qu'ailleurs, vous tendez de vous dissoudre. Entre les fleurs et les fleurs. Prenez une cathédrale. Hissez le petit pavois. Et faites chanter les voiles. Mais ne vous réveillez pas. Prenez une cathédrale, de Picardie ou d'Artois. Partez pêcher les étoiles. Mais ne vous réveillez pas. Cette cathédrale est en pierre. Traînez-la à travers bois, jusqu'où vient fleurir la mer. Mais ne vous réveillez pas. Mais ne vous réveillez pas...
Alors, même si ce billet n'a pas fait du Grand Jacques votre artiste favori, peut-être aura-t-il du moins gagné un peu de votre considération comme navigateur et chasseur de rêves.
Bon vent, cher Jacques....
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AuteurArchives
August 2023
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