(...) Je me suis senti irrémédiablement attiré vers ton monde et tes fonds marins. Alors, je me suis lancé dans l’onde glacée sans hésiter et j’ai nagé vers toi. Je me suis avancé vers toi pour toucher la douceur de ta peau, pour me convaincre que je ne rêvais pas et que tu étais bien réelle. Tes yeux reflétaient les couleurs de la mer. Ta peau semblait d’une douceur infinie. Tu reculais lorsque je cherchais à te prendre contre moi. Tu te laissais effleurer, sans te laisser faire prisonnière. Nous avons nagé ensemble dans les vagues, dans une danse incessante. Et à chacune de mes tentatives pour t’enlacer, tu t’enfuyais un peu plus loin, sans jamais me quitter des yeux. Mon navire s’éloignait me laissant seul avec toi dans l’onde glaciale. Mais je n’en avais cure. Et plus je te suivais, plus mes forces me quittaient, plus mon corps et mon esprit s’engourdissaient, ensorcelés.
Alors, contre toute attente, tu t’es rapprochée de moi. Tu m’as étreint pour me réchauffer et me ramener à la vie qui m’abandonnait lentement. Tu m’as porté de ton corps. J’étais devenu homme des mers. J’étais devenu partie de toi. J’étais profondément heureux. Je ne voulais plus rien savoir. Mais, toi tu savais… La chaleur de ton corps ne pouvait contrer le froid glacial de l’eau. Tu avais le choix de m’emmener avec toi, ou de me rendre à mon univers. Le temps pressait : plus les heures passaient, plus mes chances de survie et de retrouver les miens s’amoindrissaissent. Alors, tu as choisi pour moi : tu m’as ramené vers le rivage et tu m’as délicatement rendu à la plage sans tenter de me suivre sur la terre ferme. Tu es retournée à ton océan. Et moi à mes terres… Je n’ai pas compris ton geste qui me repoussait vers les miens, vers mon monde. J’ai eu incroyablement mal. Trop mal. La douleur m’était totalement insupportable. Alors, je t’en ai voulu de m’avoir ramené à terre. J‘ai refusé de tenter de te retrouver. Et j’en ai rageusement voulu aux courants du hasard de parfois pousser ma voile près de tes eaux cristallines et de t’y croiser de loin. Alors, les années qui suivirent, j’ai nié ton existence. J’ai ignoré ta présence. Je t’ai totalement reniée. Et ton nom est devenu synonyme de reproche. Et je t’ai maudite, faute de pouvoir t'aimer. Et j’ai refusé le sentiment de manque, faute de pouvoir te posséder. Une rencontre déchirante et surtout impossible sans perdre mon autre vie. Je voulais juste garder ton souvenir, comme dans un rêve. Un rêve magique… Cela n’a pas existé. Tout le monde sait que les sirènes, cela n’existe que dans l’imagination des marins (...) (L'Autre Mer, Perwann Maren)
Femme-poisson, enchanteresse, aux étranges pouvoirs de séduction. Redoutable danger de par l'irrésistible attirance que tu provoques sur ceux qui te côtoient de trop près. Ulysse t'a maudite pour ton chant mélodieux. Tu séduis malgré toi, sans même le vouloir, sans te rendre compte que tu les mènes à leur soi-disant perte en les attirant vers tes fonds bleutés. La plupart des mythologies te décrivent comme un monstre sanguinaire sous l'apparence d'une créature de rêve aux lèvres douces, cheveux longs, courbes voluptueuses et formes généreuses.
Ton effigie est gravée dans la pierre, les mosaïques, tapisseries, cartes marines, manuscrits enluminés et livres de géographie depuis des millénaires. Tu fais indéniablement partie intégrante de notre héritage culturel.
Cependant, les sirènes n'ont pas toujours été dépeintes comme des créatures malfaisantes. Bien au contraire...
Souvenez-vous de notre ami danois Hans Christian Andersen et de son récit... Une toute autre version que celle d'Homère. Dans cette dernière, notre jeune femme à queue de poisson tombe éperdument amoureuse de l'infortuné prince naufragé et lui sauve la vie en le ramenant sur le rivage à travers la tempête qui fait rage. Ensuite, elle accepte de sacrifier sa voix cristalline et sa vie marine en échange d'une paire de jambes (qui la fait horriblement souffrir à chaque pas) pour pouvoir rejoindre l'élu de son cœur et tenter l'impossible pour qu'il l'accepte dans son monde. D'ailleurs, il suffit de contempler l'expression de ce petit bout de femme en mal d'amour, assise sur un rocher au bord de l'eau à Copenhague. Ses traits reflètent une terrible tristesse. Sa mélancolie est criante de vérité. Rien à voir avec un monstre marin...
Walt Disney (et oui, je suis une incorrigible fan... Certains de mes amis vous diront que je n'ai pas grandi, dans tous les sens du terme...) nous a offert une version admirable du conte d'Andersen, avec sa petite Ariel et son inséparable compagnon antillais à pinces et lèvres charnues, Sebastian. Tout cela mis en musique par l'excellent Alan Menken. Le film est drôle et les musiques incroyablement émouvantes. Un de mes préférés...
Leur discours me rappelle surtout que deux êtres diamétralement opposés à premier abord et issus de deux mondes différents peuvent s'apprécier et s'aimer même si tout les sépare dans cette vie. Bien sûr, ce n'est point aisé, et transcender leurs différences demande d'énormes efforts. Il faut parfois abandonner son ancienne vie, famille et amis pour vivre une amitié ou une passion malgré les obstacles qui s'obstinent à séparer les êtres: religion, race, couleur, culture, niveau de vie, éducation, intérêts et j'en passe. Et ce genre de récit me fait vibrer. Bien sûr qu'il est bien plus évident de côtoyer et de faire sa vie avec des gens "de son style et de son milieu"... Mon travail de volontaire au service de chimiothérapie à l'hôpital me permet des rencontres avec des personnes "d'un autre monde", avec qui je n'aurais probablement que très rarement l'occasion de partager en dehors de cet environnement où tous les êtres sont égaux, à savoir: face à la maladie. Et cet aspect-là me fait adorer ce travail quelque peu inhabituel en sus de mon autre vie professionnelle.
Alors, en ces temps chahutés par les conflits sociaux et culturels, pensez à notre Petite Sirène... Et dites-vous que nos différences font le trésor de ce monde et de nos relations. Et que faire l'effort de connaître et comprendre son monde est le plus beau signe que l'on puisse donner à l'autre. Il y aura des échecs. et certains princes (ils sont toujours charmants) qui vous mèneront en bateau. Il y aura des différences que l'on n'aura pas le courage ou la volonté de dépasser. Peu importe. Ce qui compte, c'est de tenter de rapprocher deux mondes à un moment donné. La Petite Sirène, est en vous, en moi, en cette femme ou cet homme qui vous fait battre le coeur et que vous n'osez aborder par peur de vous faire repousser car vous êtes "différent". La Petite Sirène se retrouve en chacun d'entre nous à un moment donné, lorsque, dans la poursuite de nos rêves, nous nous trouvons confrontés à la différence et surtout à la volonté du coeur de la surpasser pour en découvrir l'immense richesse.
Je terminerai ce billet par quelques images d'un artiste que j'aime en particulier et qui a fait honneur à notre Petite Sirène à travers ses œuvres: Marc Chagall, magicien des couleurs et nuances surréalistes. Un hymne à l'art, l'amour, la mer, la beauté, la sensualité et ... au Rêve.
Je vous parlerai du pays de notre Petite Sirène, le Danemark, un pays cher à mon coeur, dans un billet ultérieur. Sur ces bonnes paroles, bonne fin de WE à tous et bon courage pour la semaine!
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AuteurArchives
August 2023
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