Dans certaines familles, il existe une vieille tradition qui consiste à honorer les ancêtres à travers les prénoms des générations futures. Ce qui a pour conséquence des sobriquets originaux, soit un peu désuets ou encore des prénoms composés à rallonge. Qui sait, un de vos prénoms est-il peut-être Victor, Félix ou encore Zéphirine. Ridicule? Absolument pas! Soyez-en honorés, au contraire!
Dans ma tribu à moi, le choix s'est porté, depuis des générations déjà, sur... Nicolas. Patron des bateliers, mariniers, voyageurs et des navigateurs.
Ce prénom du Saint Patron des Gens de Mer, que j'affectionne particulièrement, se retrouve ainsi dans nombre des registres civils de ma lignée, que ce soit en premier, second, troisième ou même parfois en quatrième prénom... Que ce soit chez mes aïeux, mon arrière grand-père ou tout simplement chez mon paternel. D'ailleurs, mes parents ont trouvé le moyen (que ce soit conscient ou non) de, quelque part, me transmettre cette tradition. "Nicolas" étant issu du grec "nikê" (victoire) et "laos" (peuple). Terme dont la première partie fait partie de mon petit nom "phere nikê" (qui apporte la victoire). N'est-ce point là une belle prédestination pour devenir marin? ...
Je vous invite ainsi à suivre, dans ce billet, quelques tranches de vies de ce protecteur des enfants et des marins. Entreprenons ensemble aujourd'hui un périple autour du monde, pour retrouver les traces qu'il a laissées à travers le temps ainsi que parmi divers personnages qui eurent l'honneur de porter son nom.
Hagios Nikolaos
Mais commençons par le commencement... Tout débute au troisième siècle, dans la ville de Myra, quelque part en Lycie (Asie mineure, cité de Demre en Turquie actuelle). Nikolaos est alors évèque de la cité byzantine. Si vous visitez un jour le sud de la Turquie, jetez donc un oeil à l'église qui lui est dédiée. Perdue au milieu des oliviers centenaires, elle recèle de fabuleuses fresques.
De nombreux miracles lui sont attribués, notamment son pouvoir de calmer les tempêtes et de sauver les marins des écueils. Ce qui lui vaudra d'être considéré comme patron des navigateurs, des voyageurs et des pêcheurs. Et, chez nous, celui des bateliers, des flotteurs de bois et des pontonniers, qu'il préserve des inondations. A Saint Pétersbourg, vous trouverez d'ailleurs l'église Saint-Nicolas-des Marins. Son nom sera porté aux quatres vents du globe, à travers les siècles: de la Basilique Saint Marc à Venise, en passant par Ravenne, Grenade, Séville, Londres, Lisbonne, Cadix, St Petersbourg ou encore Prague. Lorsque vous croiserez un plaque de rue au nom de notre personnage, regardez de plus près les détails qui l'accompagnent: souvent vous y découvrirez une référence à la mer (poissons, navire, vagues... ). Le grand Saint a-t-il réellement existé? Nul ne sait. Les thèses sont contradictoires. Son existence reste contestée. Mais, je veux croire qu'il n'est point un personnage de fiction. Et d'ailleurs, tous les enfants seront d'accord avec moi sur ce point.
Niccolò et son fils
Partons ensuite pour Venise. La Sérénissime. Nous somme le quinze septembre de l'an 1254. La porte à l'étage s'ouvre dans la riche demeure des marchands vénitiens. La sage-femme sort, éreintée, mais arborant un grand sourire: "habbiamo un figlio! Un bellissimo figlio!".
Niccolò vient d'apprendre la nouvelle de sa paternité. Il vient de rentrer de voyage d'affaires, une fois de plus. Sa vie est faite de départs et de destinations. Maître Polo, un explorateur dans le sang, dont le fils Marco, marquera sans doute l'histoire comme un des plus grands découvreurs du globe. Mais la pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre, comme on dit... Le petit Marco tient tout d'abord de son père et de son oncle Maffeo, navigateurs et pélerins commerciaux dans l'âme. Ces derniers l'emmèneront avec eux dans nombre de leurs pérégrinations à travers la mappemonde.
Quelque temps au nord de la Mer noire. Un passage par l'Ouzbekistan, ils parviendront ensuite aux confins des steppes de Mongolie, gagneront la confiance du tout puissant Kublai Khan, qui se soldera par un message d'espoir au pape, scellant ainsi les premiers liens forts entre l'Occident et l'Orient. Lors d'un second voyage (Marco a alors environ dix-sept ans), les relations entre les Polo et le souverain mongole se resserreront au point que les explorateurs vénitiens passeront près de vingt années au service du monarque asiatique.
Niccolò n'est pas un père très commode. Commercial et déterminé avant tout. Toutefois, il inculque à son fils le goût de l'aventure, de l'indépendance, de la diplomatie et de l'ouverture au monde, de la navigation (même si la plupart de leurs voyages ont eu lieu via la terre) et des immensités que la nature peut offrir. Il permet ainsi à Marco de tracer l'histoire de Route de la Soie. Sans son père Niccolò, qui sait si Marco aurait jamais réalisé la prouesse que l'on connaît.
Ce thème mérite qu'on y passe un peu plus de temps. Rendez-vous dès lors dans un billet ultérieur pour vous parler de Marco Polo et de ses voyages merveilleux.
Nicolas, l'Alchimiste
1330, Paris. Nicolas Flamel. L'Alchimiste. Aurait-il réellement découvert le secret de la pierre philosphale, qui permet de transformer le plomb en or? Ou sa fortune viendrait-elle plutôt d'un bon mariage avec une veuve fortunée ainsi que de spéculations immobilières chanceuses? Faute de navigation hauturière pour Nicolas Flamel et son épouse Pernelle, un voyage dans le mystère et la magie... Un personnage fascinant dans tous les cas. Vous trouverez son ancien domicile au 51, rue de Montmorency dans le troisième arrondissement à Paris. La plus vieille maison de la Ville Lumière. Un endroit qui vaut le détour si vous vous sentez attiré par l'histoire de l'étrange.
Nikolaï et le Standart
L'embarcation répond à toutes les exigences d'un palais flottant: feuilles d'or sur le beaupré, trois mâts, salons de réception en acajou, lustres en cristal, drapés de velours, chapelle privée pour la famille du Tsar, jusqu'à un orchestre de balalaïkas... Un navire impérial au confort majestueux. Qu'il ait été aimé ou non, avouez tout de même, notre Nikolaï avait fière allure dans son uniforme de marin capitaine!
Ce navire trouve l'origine de son nom dans une frégate (le "Shtandart") de 1703, érigée selon les plans du Tsar Pierre 1er. Il s'agit là du premier navire de guerre de la flotte baltique, avec pour mission, la défense de Saint Pétersbourg contre les attaques suédoises. Depuis lors, les yachts impériaux portent encore le nom de "St(h)andart". Une réplique de la frégate à trois mâts carrés, a d'ailleurs fait escale à Dunkerke l'année dernière, et accepte aujourd'hui à son bord des membres d'équipage de condition bien plus plébéienne que ceux de l'exemplaire original. Si l'aventure vous tente...
Le Petit Nicolas
De retour à Bruxelles en 1956, dans un registre un peu moins sérieux. Et puisque notre Saint Patron des marins se veut avant tout également protecteur des enfants, je ne pouvais omettre de vous présenter le fils adoptif de René Goscinny et Jean-Jacques Sempé. Une fresque savoureuse du monde de l'école et des bambins. Rien à voir avec la navigation et les bateaux, si ce n'est l'"encre" que notre petit Nicolas fait toujours couler...
" Qui vit content de rien possède toute chose... " (Nicolas Boileau)
Bien entendu, certains personnages porteurs de ce prénom n'ont pas tous obtenu une renommée à la hauteur de leur patronyme même s'ils nous ont quelque peu mené en bateau (en politique française, par exemple). Cependant certains laisseront tout de même leurs traces dans l'art et la poésie (Poussin, Boileau, Howe... ), ou encore dans la boue des sentiers battus pour la défense des océans... (Hulot).
Alors, à tous les Nicolas de ce monde: soyez fiers de votre prénom (et encore plus si vous êtes marin). Nul doute que vous êtes quelqu'un de très spécial (même si vous avez un caractère bien trempé), qui vaut vraiment la peine d'être connu.
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AuteurArchives
August 2023
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