Je ne sais pas chez vous, mais chez moi, il fait un véritable temps de canard ce week-end... Les champs aux alentours se sont transformés en étangs, où quelques uns de ces volatiles amoureux de l'eau sont venus patauger. Alors, c'est parti pour un petit billet à propos de canards pas comme les autres...
Friendly Floatees, de grands voyageurs
Inutile de vous apprendre que les canards sont des oiseaux migrateurs et donc de grands voyageurs. Ils peuvent ainsi parcourir en vol des milliers de kilomètres pour trouver des ciels plus cléments durant la saison froide. Mais, peut-être saviez-vous moins qu'ils migrent également à la nage...
En 1992, le "Ever Laurel", un porte-conteneurs fait route de Hong Kong vers Tacoma (Seattle). Lors d'un coup de tabac, il perd douze conteneurs en route... Une cargaison de 29.000 animaux-jouets en plastique fabriqués en Chine, nommés "Friendly Floatees" : grenouilles vertes, tortues bleues, castors rouges et canards de bain se font ainsi la malle en plein océan. Lors de l'incident, plus de 7.200 petits canards jaunes en plastique prennent ainsi la mer à la dérive vers des destinations inconnues...
Curtis Ebbesmeyer, un océanographe étudiant les courants marins, enquête sur leur voyage autour du monde. On retrouve ainsi leur trace en Alaska, puis successivement à Hawaï, en Australie, jusque dans les glaces arctiques... Les canards de bain poursuivent leur odyssée pour rejoindre les littoraux britanniques et irlandais quinze années plus tard, en 2007.
En 2011, Donovan Hohn, professeur d'anglais et écrivain à New York, publie un ouvrage sur le périple de nos petits canards à travers les sept mers : "Moby Duck, or The True Story of 28,800 Bath Toys Lost at Sea and of the Beachcombers, Oceanographers, Environmentalists, and Fools, Including the Author, Who Went in Search of Them" . Il tente d'y résoudre le mystère des navires qui perdent leur cargaison. Comment cela est-t-il donc possible ? L'hypothèse tombe des mauvaises conditions climatiques ou encore de ces fameuses vagues scélérates qui font gîter et tanguer le navire au point de briser les sangles et de lâcher une partie de leur chargement. Maintenant, soyons honnêtes... Si la météo demeure un risque réel, le vrai danger vient bien plus de la cupidité des hommes... Les chargements se font de plus en plus ambitieux et pharaoniques... Ce ne sont plus des navires chargés mais bien des ponts aux allures de piramides inversées. L'appât du gain est plus fort que celui de la peur du chavirage. Souvenez-vous des images de ces porte-conteneurs à la limite de l'équilibre. "L'idée que les courants puissent transporter un objet du Pacifique vers l'Atlantique est née après qu'un navire américain de recherche, l'USS Jeannette, eut fait naufrage en 1879, écrasé par les glaces au nord du détroit de Béring. Des débris de l'épave de l'USS Jeannette ont été retrouvés sur les côtes du Groenland trois ans plus tard. " (Mathieu Perreault, La Presse)
© Photos – Wikipedia
La danse des canards
La pollution des océans varie et se réinvente constamment, année après année. Comme une danse incessante, elle fait le tour du monde. De tous temps, les épaves et filets de pêche ont choisi les mers du monde pour leur dernier repos. Après les vidanges d'égoûts, les chaussures et les navires qui perdent leurs hydrocarbures, c'est au tour des bouteilles et des bidons de plastique de prendre le relais dans la ronde. Puis, les pailles, les cotons-tiges, les cannettes et les microplastiques entrent dans la danse. Les derniers arrivés pour la fête étant les masques de protection faciale et les gants en caoutchouc... La pollution ne cessera décidément jamais de nous surprendre.
"Un sac en plastique met plus de 400 ans avant de se décomposer et une bouteille en plastique entre 100 et 1 000 ans. «À chaque fois qu’un morceau de plastique tombe par terre, vos enfants et vos petits-enfants vont le retrouver plus tard» (Jean-François Ghiglione)
La mer est un véritable zoo... de détritus. En plus des petits canards jaunes, depuis plus de trente ans, des éléments de téléphones fixes en plastique orange à l'effigie du chat Garfield s’échouent sur le littoral breton. La faute à un conteneur ou des conteneurs perdus en mer dans les années 80.
Chaque année plus de dix mille conteneurs tombent à la mer. Dans ce que les océanographes appellent le "garbage patch" (le banc d’ordures), situé sous l’océan arctique, les détritus tournoient sans relâche, captifs des courants circulaires. On parle d'un 8e continent plastique... La poubelle du monde. Sans compter les risques de collision avec des OFNIS (Objets Flottants Non Identifiés) pour les voiliers. Il est vraiment temps que cela change... Urgent de modifier nos modes de consommation et de gestion des déchets. Et la mer commence dans nos mains...
Alors, si vous aimez prendre votre bain avec un petit canard jaune, pensez à le recycler, le jour où il ne vous sert plus, histoire qu'il ne se retrouve pas quelque part en mer de l'autre côté de l'hémisphère...
Un excellent dimanche à tous.
2 Comments
JF Burguet
11/4/2021 10:47:17 am
Merci Sorellina !
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Jean-Michel Chaput
11/4/2021 04:37:45 pm
Incroyable! J'adore ce genre d'anecdote... Merci encore une fois et bisous en passant!
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AuteurArchives
March 2023
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