Le sol bouge sous mes pieds. La chambre tourne autour de moi. Le lit tangue comme dans une forte houle. Je me lève dans l'obscurité en me tenant aux meubles. Je parviens à peine à me tenir debout. Pas moyen de tenir mon équilibre. Je décide de prendre une douche fraîche. Et là, la cabine de douche se transforme en cabine de bateau. J'ai le sentiment que les murs se rapprochent et ondulent au rythme des vagues qui m'assaillent intérieurement. La nausée me monte à la gorge. Vite, sortir de cet espace confiné. Besoin d'air frais. Comme un malheureux chien dans une voiture, besoin de pouvoir respirer à l'air libre. Je halète pour retrouver une position plus confortable.
Non, je n'ai pas abusé du rhum ni d'autres substances psychédéliques... Rentrée à terre depuis plus de soixante-douze heures d'une navigation transatlantique à la voile absolument fabuleuse, sans rien voir d'autre que la ligne d'horizon bleutée de l'océan durant une grosse semaine, mon corps et mon esprit sont à présent en manque de la mer. Et après le mal de l'océan, voici... Le Mal de Terre.
Lorsque Le Corps fait la Sourde Oreille...
Le mal de mer est connu pour résulter d’une discordance entre les signaux envoyés au cerveau par les différents organes du corps responsables de régler l’équilibre, notamment entre ceux envoyés par les yeux et le système vestibulaire de l’oreille interne. Même si tous ces systèmes coopèrent, il y prédominance du rôle de l’oreille interne, soumis à des mouvements (tangage, roulis, houle... ) d’une très grande complexité. Telle complexité ne se retrouve d’ailleurs que dans les voyages à dos de chameau... Pas pour rien qu’on appelle ces sympathiques animaux à bosses les « vaisseaux du désert ».
Je vous épargne les détails de ce que le mal de mer peut causer. Et chaque personne est plus ou moins, sujette à ce phénomène commun en mer. La sensibilité de chaque individu est différente. Il existe un nombre très restreint de sujets privilégiés qui semblent assez bien résister aux assauts de ce mal. Cependant, la plupart des individus, même amarinés, sont souvent atteints à partir d’un certain seuil. Il est évidemment très utile, surtout en équipage réduit, de jouir de la présence de tels individus à bord, histoire de garder quelques marins valides pour diriger le bateau, s’occuper des malades ou encore nourrir l’équipage, peu importe les conditions de la mer. Vous savez entre-temps que je n’y échappe pas malgré mon amour inconditionnel pour la grande bleue. Rassurez-vous, on y survit (à force de patience, persévérance et de serrage des dents). La preuve, ce blog aujourd’hui :-), même s'il a un peu de retard sur son horaire de parution habituel.
© Photos - Moulinsart SA
Eau-tolithes
Le mal de terre, lui aussi, résulte d’un disfonctionnement de l’oreille interne. Notamment des otolithes, des petits cristaux de carbonate de calcium sensés mesurer les différents mouvements du corps dans l’environnement et ainsi réguler notre équilibre. Après un séjour en mer, ces derniers doivent se rééquilibrer et cela peut prendre un peu de temps (entre 2 et 4 jours en moyenne). Les otolithes sont placés dans la membrane qui repose sur les cellules sensorielles du vestibule de l’oreille interne. Ce dernier comporte des cils sur lesquels s’appuient les otolithes. L’angle de pression des cils permet une perception des déplacements dans les trois dimensions. Après un séjour en mer, leur fonctionnement est parfois déréglé et requiert un peu de réadaptation.
Mais, ces petits cristaux peuvent également se prouver utiles. En effet, on les utilise dans la recherche scientifique en matière de zones sensorielles sur les poissons. Les poissons osseux, contrairement aux humains, possèdent non pas deux mais trois canaux renfermant des otolithes et un système sensoriel de l’oreille interne bien développé. En ichtyologie (science naturelle qui étudie les poissons), les otolithes sont considérés comme de véritables « boîtes noires », indices de tous les évènements marquants du poisson depuis sa naissance. Un petit appendice donc bien utile... Très clairement, mes otolithes à moi, n’ont pas encore décidé de reprendre leurs rangs et font toujours la nouba dans le vestibule de mes oreilles. Il faut que jeunesse se passe...
© Photos - Rêvesdemarins
Si le mal de terre persiste, prenez patience. Il finit toujours bien par larguer les amarres. Et en désespoir de cause, il vous reste toujours la solution de repartir en mer !!! Je vous souhaite une excellente semaine de travail, si vous n'êtes plus en vacances, sans que votre bureau ne se transforme en voilier sur une mer désordonnée.
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August 2023
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