"Loin des yeux loin du coeur... " déclare l'adage. Et pourtant, je revendique haut et fort que cette expression est inexacte. Les femmes de marins qui partent de longs mois en mer, en oublient-elles pour la cause leur bien-aimé ? Les marins en mer se détachent-ils pour autant des leurs qu'ils laissent à terre ? Je ne crois pas. Alors prenons le temps d'un billet pour étayer cette conviction.
Les marins font partie de cette race d'hommes qu'on ne peut tenir en laisse, qu'on ne peut garder près de soi chaque jour. Ils ont besoin de liberté, d'aventure, d'espace et de mer. Être femme de marin demande du caractère, de l'indépendance et de la patience. Et de l'amour, du vrai.
Lorsqu'ils larguent les amarres, leurs mondes se déchirent un peu, mais pas assez que pour les séparer. Les femmes de pêcheurs resteront sans nouvelles durant de longues nuits, de longs mois parfois. Certaines, qui auront plus de chance, savent qu'elles pourront exceptionnellement communiquer via la radio locale. Lorsqu'ils reviendront, ils ne resteront parfois que quelques nuits, quelques jours. Le temps de revoir, de faire ou de refaire un enfant. Le temps d'aller échanger leurs récits de navigation au café avec d'autres marins. Le temps d'aller embrasser leur femme puis de repartir au large. Souvent, elles gèrent seules le ménage, le travail, la famille et la vie tout court. Parfois même, elles donnent la vie en l'absence du père parti sur l'océan. La synchronisation des agendas de la mer et de la nature à terre n'étant pas toujours possible. Elles ont appris, à la dure, il est vrai, à apprivoiser l'absence, le silence et la distance. Elles savent que, si la providence le veut, leur homme leur reviendra. Pas de reproches, juste le manque, l'attente et l'espoir de leur retour. Les femmes de marins sont fortes et tenaces. Elles ont la capacité d'endurer beaucoup, à commencer par la crainte pour leur homme par gros temps. Un exemple de vie qui donne à réfléchir. "(...) Dat ze je graag ziet, weet je maar op het moment dat je vertrekt (...)" (Vissersvrouwen, Katrien Vervaele)
L'amitié ne se mesure pas en fréquence, mais en longévité...
Que de personnes à qui je pense très fréquemment, mais à qui je ne parle que trop rarement et dont je ne croise pas, plus ou que trop peu la route. Trop peu de temps, trop d'autres activités et obligations, trop peu d'efforts, trop compliqué. Et pourtant... Et ni les réseaux sociaux, ni internet ne peuvent réellement remplacer le manque. Il peut juste l'atténuer et laisser entendre qu'on ne les oublie pas à travers les bonnes intentions. Cependant, la vie n'est pas toujours simple. L'amour et l'amitié véritables ne se comptent pas en nombre de messages, visites, repas, fêtes ou coups de fil. Ils se comptent en présence dans les moments critiques, en intensité et surtout en longévité. Peu importe de ne plus s'être vus durant des années tant que les retrouvailles demeurent comme si c'était hier et que le sentiment d'intimité reste préservé.
Lorsqu'en automne, je voyais passer un vol d'oies sauvages en partance pour le Grand Sud, toujours mon coeur se serrait. Cette vision m'émeuvait toujours. Et aujourd'hui plus que jamais. Je ne savais pas pourquoi. A présent, je sais... Elles s'envolent, pour toujours retourner, plus tard. Fidèles aux saisons et à leurs transhumances. Elles partent pour mieux revenir.
© Photos – Rêvesdemarins
Contrairement aux anciennes traditions dans les familles, la mienne a toujours été un peu en marge des standards classiques en matière de distances. Ma famille proche a vécu à l'étranger et s'est régulièrement installée aux quatre coins de la planète, à une époque, où cela était encore assez hors normes. Les réunions de familles étaient donc parfois compliquées à organiser (et le restent aujourd'hui d'ailleurs), mais n'en rendaient les retrouvailles que d'autant plus cordiales. En lieu de fréquence, il y avait toujours une intensité bien plus profonde que si nous nous voyions tous les deux mois ou toutes les semaines. Et je chéris cette profondeur bien plus que le nombre de fois où j'ai revu mes proches.
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon grand frère, que je ne vois que de temps en temps. Lui, vivant à Milan depuis des années et moi 1.000 km plus au Nord. Avec une vie bien remplie, des modes de vie radicalement différents, des obligations et des agendas qui ne coïncident que très rarement. Aujourd'hui, notre grand-père (de son surnom "Monseigneur"), à qui ce blog est dédié, aurait, lui également, fêté un nouveau printemps. Son 105e exactement. Et je sais qu'il aurait été le premier à revendiquer avec moi ce postulat personnel qui affirme que...
Loin des Yeux, Près du Coeur...
Alors, frérot et Monseigneur, un très joyeux anniversaire ! Quoiqu'on puisse penser, vous êtes tout près de nous !
Alors, peu importe la distance et le temps qui nous séparent, je vous souhaite à tous un excellent week end !
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August 2023
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