Il était une fois trois frères...
Il était une fois trois frères...
Les frères avaient quelques années de différence et un caractère relativement dissemblable. Cependant, ils aimaient tous trois passionnément la mer. Et ce trait les rapprochait. Les trois hommes avaient, chacun à leur tour, dû affronter de nombreux revers de la vie, qui les avaient non seulement durement éprouvés, mais les avaient quelque peu contraints à s'éloigner de leur passion commune.
Première Rencontre
L'aîné des trois frères était un ancien capitaine de navire. Privé de son violon d'Ingres, il se sentait quelque peu infirme et se désolait car l'océan lui manquait cruellement. Même s'il avait repris une vie normale à terre, le moindre effort le fatiguait à présent. Son impuissance face à sa situation le rendait rageur et irritable. Son égo en avait pris ombrage. Tout ce qu'il ne pouvait contrôler le chagrinait. Et plus l'homme se désolait de sa posture, plus il se renfermait sur lui-même. Il avait désormais peu à peu repoussé la sollicitude de ses anciens compagnons et amis. Il ne les écoutait plus que d'une oreille distraite lorsque ces derniers lui rendaient visite et lui parlaient de leurs navigations et de leurs vies. Au contraire, le rappel à cette vie passée le peinait et leurs récits semblaient ne plus guère l'intéresser. Son esprit était totalement préoccupé par son état et il ne trouvait plus la force d'utiliser son énergie pour gérer quelqu' autre chose que sa propre situation. Il se sentait incompris de tous. En réalité, il souffrait cruellement de la privation de son ancien métier et il refusait le sentiment de manque de quelque chose qu'il pensait ne plus jamais pouvoir obtenir. Les seuls moments où il se sentait mieux étaient ceux où il se retrouvait seul. Il avait ainsi pris l'habitude d'aller se promener le long du rivage. Il ne désirait pas être dérangé dans ses pensées.
Un beau matin, lors de sa promenade quotidienne en bord de mer, alors qu'il maugréait de sa situation assis sur un rocher près de la grève, il entendit du bruit derrière lui. Il se retourna subrepticement. Il eut beau regarder du mieux qu'il pouvait et écarquiller les yeux tout grands, il ne décela point ce qui interrompait sa solitude. - Qui ose ainsi perturber ma méditation ? Réagit-il. Mais le bruissement se poursuivit : doux et discret. L'ancien marin remarqua alors une forme fluette aux longues ailes diaphanes, virevoltant d'abord de ses pieds nus dans le sable à ses genoux, puis un peu plus téméraire, de son épaule à sa chevelure grisonnante. Sa première réaction fut de chasser la créature indésirable de grands mouvements de bras. Mais la demoiselle insista et finit par venir se poser sur sa joue rugueuse, puis atterrit... sur le bout de son grand nez en rhombe ! L'homme loucha de toute ses forces pour tenter d'identifier l'intrus. Toutefois, il ne put ainsi aperçevoir que deux grands yeux qui le regardaient d'un air doux mais inquisiteur, qu'il interpréta comme narquois. Il le chassa d'un vif geste de la main. "Je ne veux pas avoir envie de ce que je ne peux plus avoir. Je refuse le sentiment de manque... "
- Sâle bête. Tu viens me narguer du haut de ta petite taille ! Cependant, je ne suis pas encore mort ! Sors de ma vue, immédiatement !
Mais la petite bête resta impassible et fit fi du regard courroucé de l'homme. Elle prit simplement ses distances et alla s'installer sur une grosse pierre en face de lui. Elle l'examina à son tour. Malgré la température de l'air relativement clémente pour la saison, l'ambiance était glaciale. - J'ai déjà bien assez de soucis ainsi. Je n'ai pas besoin de toi. Fiche-moi la paix et sors de ma vue ! Je n'ai pas envie de te voir. Je ne t'ai pas invitée ici. D'ailleurs, c'est ma plage ! La petite créature ne se laissa pas intimider par la gestuelle bourrue de l'homme. Elle ne bougea point de son promontoire et continua de fixer l'homme du haut de sa menue carrure.
Exaspéré et désespéré par la détermination de l'animal, l'homme finit par cesser ses plaintes et se contenta de rester assis en face d'elle. Il vit le regard de son visiteur qui l'observait et, comme il se sentait diminué, cette situation le rendit d'autant plus mal à l'aise. Ils demeurèrent un long instant ainsi, en silence, l'un face à l'autre.
En réalité, l'homme, surpris de cette rencontre inattendue, était déconcerté de la tournure que prenaient les choses. Il regarda la bestiole d'un peu plus près. Sa visiteuse n'était autre qu'une jolie petite libellule. Son corps fin se déclinait dans des teintes du bleu vif au vert émeraude agrémenté d'une collerette dorée. Ses grands yeux lui faisaient penser à la couleur du vert de gris, celle de la mer lorsque le ciel se couvre. Ses ailes semblaient tellement fragiles, d'une transparence diaphane et laissaient entrevoir les vagues et l'écume de l'océan tout proche. Finalement, elle n'a pas l'air bien féroce, se dit-il. Que du contraire. L'homme se calma peu à peu. C'est alors que l'impensable eut lieu : une voix sortit du petit corps fluet. - Qu'est-ce qui te rend malheureux ? - Hein ? Quoi ? Qui me parle? - Ne fais pas semblant de ne pas comprendre, marin... C'est moi qui t'adresse la parole. Qu'est-ce qui te rend à ce point malheureux ? L'homme resta interloqué. Il se demanda un instant si son esprit ne lui jouait pas un tour pendable. Ce doivent être ces fichues pilules que je prends qui me rendent fou ! Je suis en train de parler à une libellule ! Ridicule, voyons ! - Je dois rêver. Les libellules ne parlent pas. - Et pourquoi pas ? En outre, je ne suis pas une simple libellule. Je suis une libellule de mer et je te connais bien. Tu viens ici chaque jour pour te promener le long du rivage. Et même si tu n'en dis rien, je vois bien, moi, que tu es malheureux... S'il n'avait pas déjà été assis, le marin serait tombé par terre de stupéfaction. Son esprit rationnel refusant d'accepter ce que ses oreilles et ses yeux lui clamaient. - Voyons, je ne vais pas te manger ni même te piquer. Réalises-tu ta taille de géant par rapport à la mienne ? Je ne te veux aucun mal. Mais cela me peine de te voir ainsi. Malgré la froideur de ton regard, je sais que ton coeur est bon. Tu portes une profonde tristesse en toi. Et je peux t'aider, à condition que tu acceptes de me laisser te soulager... Une fois remis de ses émotions, le marin retrouva la parole et se décida enfin à répondre à son interlocuteur : - Ma tristesse ne regarde que moi ! Et puis, pourquoi cela t'intéresse-t-il ? De toute manière, tu ne peux pas m'aider ! Suis-je donc fou à lier pour parler à un insecte idiot !?! - Ne sois pas ingrat. Et ne me méprise pas. Je te connais mieux que tu ne le penses. Je t'ai très souvent croisé sur ton bateau depuis des années. Mais, tu n'as jamais fait attention à moi ; tu étais bien trop occupé à tenir la barre et à donner tes ordres à l'équipage que pour me remarquer. Il y a d'ailleurs bien longtemps que je ne t'ai plus rencontré en mer. Ne désires-tu donc plus naviguer ? - Oh si... Dit-il avec un long soupir. Que ne donnerais-je pour pouvoir reprendre mon ancienne vie. Mais tout cela n'est plus possible à présent. J'ai perdu mes forces et mon navire. Il ne sert strictement à rien de ressasser le passé. Je ne peux point le changer. - Crois-tu vraiment cela? Il y a toujours de l'espoir. - Pas pour moi. - Ne soit pas défaîtiste. Je te prouverai le contraire. Attends-moi ici ! Et sur ces mots, la libellule s'envola. L'homme resta sans mots, en se demandant s'il ne s'était pas tout simplement assoupi et avait rêvé ce dialogue surréaliste. Il se mit alors debout pour prendre le chemin de retour. Si j'ai de telles hallucinations, il doit vraiment être temps pour moi de me reposer.
© Photos - Armand & Isabelle Burguet
Le lendemain matin, le marin se leva après un sommeil agité. Toute la journée qui suivit, il tenta d'oublier sa rencontre de la plage, sans pourtant y parvenir. Et contre toute attente, il regretta un peu d'être parti si vite. La visite impromptue lui avait, malgré lui et même s'il refusait de se l'avouer, apporté quelque réconfort. En fin d'après-midi, il décida alors à retourner sur la plage. Je dois en avoir le coeur net. Il voulait se persuader qu'il avait bel et bien imaginé cette entrevue insensée.
Lorsqu'il parvint à l'endroit qu'il avait quitté le jour d'avant, la libellule était là, sur le rocher. L'attendait-elle donc ? Mais, la petite bête ne dit mot cette fois-ci. S'il avait effectivement vu cette bestiole hier, il avait dû rêver qu'elle pouvait parler. Il se rassit un peu plus loin. La libellule ne bougea toujours pas. Ceci lui sembla plus rassurant. Sa nature rationnelle se réjouit de sa constatation. Les minutes passèrent. Il observa le soleil couchant sur les vagues. La lumière était splendide : un arc-en-ciel de rosés tendant vers l'orangé avec des pointes de doré sur la grève mouillée. Soudain, dans la lumière du crépuscule, dans le sable devant le rocher où siègeait encore l'insecte, brillait un objet qui l'intrigua. Il ne put tout de suite décerner de quoi il s'agissait. Il s'approcha de l'endroit et fit mine d'avancer son pied sur la tache de lumière. La libellule sortit alors de son mutisme : - Attention, c'est fragile ! L'homme sursauta, interloqué d'entendre à nouveau une voix, tout autant que de sa découverte dans le sable. - Mais alors, je n'ai pas rêvé ? Tu parles réellement ! - Rationnel incrédule, va... Bien sûr que je suis bien réelle. Ramasse plutôt ce que je t'ai apporté. L'homme avança prudemment sa main sur le sable. Ses doigts rencontrèrent une surface dure. - Ce que tu m'as apporté ? On dirait... Un oeuf ? Il regarda alors le petit insecte d'un air dubitatif. Cette libellule n'a tout de même pas pu pondre un oeuf trois fois plus grand qu'elle !?! Il prit l'objet avec précaution dans sa grande main hâlée. Un oeuf de... De verre ? Et qui contient du sable ? Il ne savait quoi penser. Il l'examina sous toutes ses coutures. Les milliers de grains de sable qu'il contenait s'animèrent de dorés et de gris-noirs. Les couleurs formèrent alors une image qu'il eut d'abord du mal à distinguer. Puis, son oeil aguerri, s'habitua au matériau et il finit par y reconnaître une forme qu'il ne connaissait que trop bien... Il se tourna vers la libellule d'un air décontenancé : - Oui, tu as bien vu. Il s'agit d'un oeuf. Cependant celui-ci est un oeuf magique... Il possède le pouvoir de prendre la forme de tes rêves ou de tes regrets. Il se compose de milliers de grains de sable. Chaque grain de sable doré représente ainsi une pensée positive qu'un être a pour toi, un bonheur ou un rêve que tu peux encore réaliser. Chaque grain de sable noir représente par contre un de tes regrets ou une pensée triste. Et la forme que tu y distingues à présent est un voilier... Noir... Tu as le pouvoir d'en modifier le dessin et dès lors de réaliser tes rêves. Les images qu'il te donnera dépendront de ta volonté d'accepter le réconfort des autres ainsi que le courage de ne pas abandonner tes projets. Demain, le voilier pourrait redevenir blanc, rien qu'en modifiant la densité et la proportion des grains dorés que tu accepteras d'y voir. Et puis, à chaque fois que tu regarderas cet oeuf, souviens-toi des bons moments passés dans ta vie, en mer ou ailleurs. Et dis-toi que tu réaliseras un jour tes rêves. Encore une chose : le sable coule dans cet oeuf comme le temps. Et si tu ne peux malheureusement rajouter du sable pour prolonger le temps qu'il te reste, par contre, tu peux modifier les visions qu'il contient. "Il ne s'agit point là d'un oeuf comme les autres... Celui-ci est magique... "
L'homme hésita un instant. Il tourna l'oeuf dans sa main, le scruta, fut tenté de le mettre dans sa poche, puis finit par le reposer dans le sable. Il courba la tête. Son visage se referma à nouveau. Sa voix s'était durcie.
- Je ne souhaite pas le prendre. Il me rappellerait trop de beaux souvenirs que je désire oublier et mettre derrière moi. J'aurais bien trop envie de retrouver mes rêves passés et c'est impossible. Chaque souvenir me fera souffrir et je ne veux plus souffrir. Je ne veux pas avoir envie de ce que je ne peux plus avoir. Je refuse le manque. C'est trop dur. Et puis, je ne crois pas à la magie. - Comme tu veux, marin. Libre à toi de refuser mon présent. - Non, c'est tout réfléchi, garde ton cadeau. Je ne le souhaite pas. - A ton gré. Tu sais où me trouver si tu changes d'avis. Au revoir, marin... Et la libellule prit son envol vers l'océan à présent devenu sombre. L'obscurité et le silence retombèrent sur la plage. Il avait froid. Le marin se releva péniblement et se dirigea vers la terre. Il ne put nier le fait que la petite bête avait raison sur un point : il se sentait malheureux tout au fond de lui. Mais qu'est-ce qu'un minuscule insecte pourrait donc y changer ? Les jours suivants, l'homme ressentit une étrange sensation de vide. Et à chaque visite à la plage, il ne put s'empêcher de repasser près du rocher. Mais la petite libellule avait maintenant disparu. Plus de traces de l'oeuf non plus. Ce souvenir n'était sans doute qu'un mirage dans le désert de mon esprit, se dit-il. Il décida d'en parler à son premier frère, avec qui il entretenait une relation chaleureuse. "Si tu ne peux malheureusement rajouter du sable pour prolonger le temps qu'il te reste, par contre, tu peux modifier les visions qu'il contient... "
© Photos - Rêvesdemarins
Seconde Rencontre
Au récit de l'aventure, son premier frère se moqua tout d'abord de lui. Mais il décida tout de même d'aller voir par lui-même sur la plage si ce soi-disant oeuf magique n'était pas le fruit de l'imagination de son aîné. Il s'inquiétait en effet de la santé morale de ce dernier. Arrivé en bord de mer, il n'eut pas de mal à retrouver l'endroit décrit. Il s'agissait d'une magnifique soirée de crépuscule. Et s'installa sur le sol humide. Et étonnamment, la libellule ne se fit pas attendre. Quelques instants plus tard, elle apparut sur son rocher. Comme la première fois, elle prit la parole la première :
- Qui es-tu, marin ? L'homme n'en croyait pas ses oreilles. Mon frère n'avait donc pas imaginé cette conversation ! Incroyable... - Je suis un des frères du marin à qui tu as parlé récemment. - C'est lui qui t'envoie ? Aurait-il donc changé d'avis ? - Non, je suis venu de ma propre initiative. Il est bien trop rationnel que pour croire en la magie ou autres phénomènes qu'il ne peut expliquer. - Alors, dois-je comprendre par ta présence que, toi, tu y crois, par contre ? - Un peu... A voir... A toi de me le prouver. Alors, où est donc ce fameux oeuf ? - Tu es assis dessus ! - Oh ! Et l'homme se releva précipitamment. Il ne l'avait pas cassé, heureusement. L'image qu'il reflétait était toujours sombre et noire dans l'immensité des grains qu'il contenait. - Mmm... Est-il réellement magique ? Je ne vois là qu'un oeuf plein de sable noir. - A toi de me le dire... Tu peux le reprendre si tu veux. Je te l'offre. - D'accord. Merci. Nous verrons les résultats. Mais, je suis perplexe. - Ne sois pas sceptique, marin. Sinon, les pouvoirs de l'oeuf seront vains. Bon vent. Et sur ces mots, la libellule reprit son envol. L'homme la regarda s'éloigner dans la lumière du soleil couchant sur les vagues. Il décida d'aller d'abord nager avant de rentrer chez lui. Je reprendrai cet oeuf en revenant. Il me gênera dans mon bain de mer. Et il partit se baigner. A son retour, il n'y pensa plus et s'en alla vers son logis sans plus s'être soucié du cadeau de la libellule. Arrivé à destination, il s'aperçut alors de son oubli. Bah, je reviendrai demain pour le reprendre. Personne ne vient jamais à cet endroit. Le lendemain, il eut beau chercher l'oeuf, ce dernier avait disparu. En y regardant mieux, il finit par découvrir avec consternation quelques morceaux de verre éparpillés et une trace noire dans le sable. Son oeuf avait été cassé et tous les grains de sable s'étaient mêlés à ceux de la plage. L'homme se sentit soudainement ridicule et honteux de son attitude. Si j'avais pris ce cadeau lorsqu'on me l'avait donné, il ne serait probablement pas détruit à l'heure qu'il est. Il n'osa point en parler à son frère aîné lorsque ce dernier lui posa la question et feignit tout simplement de ne pas avoir trouvé ni la libellule ni l'oeuf. "Ne sois pas sceptique, marin. Sinon, les pouvoirs de l'oeuf seront vains... "
Troisième Rencontre
Quelque temps plus tard, le frère cadet rendit visite à ses aînés. Leurs retrouvailles furent conviviales même s'ils parlèrent peu. Le plus jeune leur proposa d'aller faire un tour sur la plage ensemble. Mais les deux aînés déclinèrent la proposition. Un peu comme s'ils avaient peur de revoir la petite libellule. Et si c'était du regret ? Peut-être aurais-je pu être moins triste aujourd'hui si je n'avais pas repoussé son offre ? Que va-t-elle penser si je dis que j'ai oublié son présent ? J'aurais dû saisir la chance lorsqu'elle se présentait à moi... Toutefois, ils n'en dirent mot à leur petit frère et prétextèrent des activités urgentes pour ne pas l'accompagner à l'océan.
Le plus jeune se rendit donc seul à la plage. Le soleil était sur le point de disparaître derrière la ligne d'horizon bordée d'or et de pourpre. Il soupira de la beauté qui s'offrait ainsi à lui et s'assit brièvement dans le sable humide pour admirer le paysage enchanteur. C'est alors qu'il entendit une petite voix. - Tu leur ressembles... - Pardon ? - Je disais : tu leur ressembles. Le marin tressaillit. Grand fut son étonnement de découvrir le petit être qui lui adressait ainsi la parole. Cependant, contrairement à ses frères, il ne se fâcha point et écouta avec attention la petite libellule installée sur le rocher en face de l'endroit où il s'était arrêté. - A qui ressemble-je, donc ? - Au marin qui se promenait ici tous les jours et qui a refusé mon cadeau. Tu ressembles également à son frère qui est venu me voir récemment et qui n'a pas jugé important de reprendre mon cadeau en l'oubliant sur la plage. Ils ne croyaient pas à la magie de l'oeuf... Et la petite libellule lui conta sa rencontre avec les deux frères aînés. - Il s'agit probablement de mes frères que tu parles. Oui, ils aiment à se balader le long du rivage, c'est vrai. Et ce sont tous deux d'indécrottables rationnels qui n'aiment point se laisser aller à leurs émotions, ni à tout ce qu'ils ne peuvent maîtriser.
© Photos - Rêvesdemarins
Le récit de la libellule le toucha profondément. Il aimait beaucoup sa fraterie et en particulier son frère aîné malgré son caractère difficile et la maladroitesse de ses mots parfois. Il eut alors une idée. Ancien charpentier de bord, il en avait construit et réparé des navires et l'envie lui prit soudain de se remettre à sa table à dessin.
- L'oeuf magique dont tu m'as parlé, pourrais-tu m'en procurer un nouveau ? Et accepterais-tu de me le céder, s'il te plaît ? - Pourquoi faire ? - Je souhaite aider mon frère aîné. Ce qu' il n'ose entreprendre, je le ferai pour lui. Je dessinerai des plans pour un nouveau navire et le ferai construire. Et nous l'emmènerons naviguer à nouveau ! Même s'il me faudra du temps pour y parvenir, s'il ne croit plus à ses rêves, alors, moi j'y croirai pour lui ! La libellule n'en attendait pas moins du jeune marin. Et sur ces entrefaites, elle lui indiqua une petite bosse brillante, dissimulée sous le sable un peu plus loin. Le marin s'en empara et remercia chaleureusement la libellule. Il repartit, l'oeuf bien à l'abri dans la poche de sa veste, heureux de son acquisition. Lorsqu'il retrouva ses deux frères, il ne leur dit mot de sa rencontre ni de l'oeuf et repartit chez lui. Il se mit immédiatement au travail et dessina toute la nuit. Des coques, des gréements, des quilles, des voiles. L'inspiration lui était soudainement revenue, plus puissante que jamais. Il avait posé l'oeuf magique sur sa table de bureau et chaque soir, il le contemplait. Au fur et à mesure que ses plans avançaient, l'oeuf perdait un peu de sa teinte foncée et l'image du bateau dans le sable se colorait de doré et de blanc. Lorsque ses plans furent fin prêts et qu'il les envoya au chantier pour la mise en construction de sa création, il décida d'aller revoir son frère aîné. Cette fois-ci, il emporta l'oeuf avec lui.
- Mon bien aimé frère, viens avec moi. J'ai quelque chose à te montrer. Il s'agit d'une surprise.
L'aîné rumina un peu. Il n'avait pas trop envie de se déplacer, surtout sans savoir où ils allaient. Mais après quelqu' insistance de son cadet, il finit par accepter. Lorsqu'ils parvinrent au chantier naval où le navire était sur le point d'être mis à l'eau, l'aîné n'en revint pas de ce que son frère avait réalisé. - C'est pour toi, frérot ! Et nous irons l'étrenner ensemble. Demain, je t'emmène en mer, sur notre nouveau navire ! Les yeux du marin brillaient. Il ne savait quoi dire. La persistance de son cadet à lui rendre le sourire et ses rêves le submergeait de sentiments controversés : à la fois, il lui en voulait rageusement de son projet malgré lui. Mais il était touché au plus profond de son geste. Il le prit dans ses bras et pleura pour la première fois.
Alors, si un jour, quelqu'un vous offre un oeuf, ne laissez pas passer l'occasion... Qui sait, ce dernier pourrait se révéler être un oeuf enchanté...
Je vous promets qu'après ce billet, vous ne regarderez plus jamais votre oeuf à la coque (de bateau ! ) de la même manière dans son coquetier... Je vous souhaite que celui que vous dégusterez ce matin au petit déjeûner dominical soit, lui aussi, magique... Un excellent dimanche à tous !
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August 2023
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