Faute d'un billet qui vous lise les lignes de la main (à distance) et vous prédise votre avenir, je vous propose un billet en relation avec une autre ligne de vie...
Un bon skipper ne badine pas avec la sécurité à bord. Elle reste une priorité à tout instant à travers gilets de sauvetage, balises, alarmes homme à la mer, filets, harnais ou encore... ligne de vie.
MOB (Man overboard)
Une mer qui monte, fort et rapidement. Des déferlantes. Le pont se remplit de paquets de mer. Le voilier gîte désagréablement. Il est grand temps de mettre un ou deux ris dans la grand voile et de troquer le génois pour le tourmentin. L'équipage se prépare à la manoeuvre. Un équipier monte au pied de mât et sur le passe-avant pour changer les voiles. Il n’y restera que le temps absolument minimum pour ne pas risquer de valser par-dessus bord dans le tohu-bohu des vagues. Et avec des enfants à bord, la longe est de mise une fois qu’on sort du cockpit. Pas de risques inutiles à prendre.
Et pourtant... Bien souvent, une mer calme, le ciel bleu et le soleil nous font oublier ces précautions. Combien de fois ne délaissons-nous pas nos gilets de sauvetage dans le carré ou la cabine... Combien de fois n’oublions-nous pas de rappeler avant le départ les consignes de sécurité, les gestes à faire en cas d’homme (ou de femme) à la mer. Elles sont considérées comme acquises. Et cependant, quel est le nombre de skippers qui ont déjà eu à gérer cette fameuse procédure de MOB (man overboard) ? Chaque capitaine de navire espère à ne jamais devoir l’appliquer. La cause la plus probable d’un incident grave en mer dans nos contrées du Nord, ou en plein océan, demeure souvent celle de perdre un membre d’équipage tombé à la mer. Bien plus que le risque de chavirage, démâtage, collision ou naufrage. La bôme, la gîte, un besoin pressant de se soulager par-dessus bord, un sol humide et glissant des embruns et les mouvements erratiques ou violents d’un navire sont propices à la perte d’équilibre et à la descente incontrôlée à l’eau. Et franchement, personne n'a vraiment jamais envie d'aller barboter dans une piscine d'eau salée avec de grosses vagues, et qui, de surcroît, ne fait que quelques degrés... Souvenez-vous de la petite fiancée de l'Atlantique (Florence Arthaud), qui, jadis, en fit les frais. Avec, un sauvetage in extremis après de longues heures à l'eau.
© Photos - Rêvesdemarins
Il existe de nombreux équipements de survie sur un navire, qu'ils soient obligatoires ou additionnels (lignes de vie, harnais, longes, gilets de sauvetage, bouées avec ou sans feux, feux flottants, échelle de survie, alarmes MOB, radiobalise (EPIRB), lampes et balises, radeau de survie, fumigènes, matériel de premiers soins, feux de détresse, grab bag, VHF portable, et bien d'autres encore), dont je ne vous ferai pas l'inventaire complet ici. Cependant, il est toujours rassurant de savoir qu'un bateau est bien équipé et un skipper bien formé à la sécurité. Et jusqu'à présent, les équipages avec qui j'ai navigué l'étaient tous (merci les gars ! ).
Les seules fois dans ma courte vie de marin, où je me souviens avoir spontanément utilisé la "ligne de vie" à bord, ont été les grosses gîtes et les quelques exceptionnels quarts de nuit par plus de 30 noeuds de vent. A ces moments-là, on n'hésite pas sur la tenue vestimentaire : on s'arrime sans réfléchir. Le voilier secoue tellement qu'il est impensable d'oublier d'accrocher via le mousqueton, sa longe à la ligne de vie ou à quelque chose de solide (et surtout pas aux chandeliers ni à la filière). Pour les non=voileux, la "ligne de vie" est une sangle (souvent en polyester) qui court sur toute la longueur du voilier au niveau du pont, à laquelle les navigateurs peuvent attacher une autre sangle (la "longe"), pour s'assurer et rester attaché au navire, le cas échéant.
Âmes à la Mer
Et puis, il y a ces lignes de vie invisibles, qui nous retiennent dans ce bas monde. Celles qui nous rattrapent lorsque nous tombons. Celles qui nous ramènent à bord lorsque l'envie nous prend de nous laisser glisser à l'eau. Celles qui nous rassurent lorsque la tempête gronde et que les vagues nous submergent. Celles qui sauvent nos "Âmes à la Mer".
Cette indicible certitude que la fine ligne de vie qui m’attache à toi me tient en vie contre ressac et tempêtes. Ou ne serait-elle que douce utopie, folle espérance ?
Ces autres lignes de vie, qui nous assurent à bord. Celles-là qui nous font vouloir lutter contre les vagues de l'adversité, de la maladie, du désespoir ou de la solitude... Ces êtres, au doux profil de harnais de survie, dont la présence nous retiennent à la surface. Dont l'attache, même éloignée ou silencieuse, dans l'ombre ou la lumière, nous maintient la tête hors de l’eau. Ces bouées de sauvetage qui nous sont indispensables pour tenir bon et pour trouver le courage et la raison de tenir encore. Et lorsque ces lignes de vie-là lâchent, alors, c'est souvent la chute vers le naufrage. Certains ont la chance d'en avoir plusieurs. D'autres ne sont arrimés qu'à une seule. En espérant qu'elle soit solide ou ne se détache pas. Que ces aussières providentielles viennent de nos proches ou de moins proches, elles demeurent toutes des lignes de vie précieuses le moment venu où la mer nous défie.
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AuteurArchives
August 2023
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