Je vous emmène en bord de mer ce WE, pour une petite séance de surf.
La première vague
La mer est belle, sauvage. L'écume blanche et l'étendue bleuetée attire immodérément. Le soleil brille, le sable est bouillant. Les copains sympas sont déjà en train de barboter en groupe un peu plus loin. Regardez comme c'est amusant ! Comment y résister. On enfile son plus beau maillot ou sa combinaison et on se lance à l'eau pour rejoindre le troupeau de phoques en goguette au large. Après tout, il suffit juste de nager. Et pas de souci, puisqu'on est fort et bon nageur. Et hop, on est parti pour l'aventure !
L'eau est un peu froide, mais tellement rafraîchissante. On avance dans l'eau, confortablement allongé sur sa planche. Les amis autour rient, s'amusent et l'ambiance est du tonnerre. Tout (et tous) baigne(nt). Pas de souci à l'horizon. Les vaguelettes sont gentilles sous les ventres mouillés. On s'avance un peu plus vers le large, là où le niveau de l'eau est monté. Là où jouent les grands. Vivement pouvoir les rejoindre pour poursuivre les gros rouleaux. "Allez les gars, venez jusqu' ici, c'est facile ! Il n'y a pas de danger. On va s'éclater ensemble ! ". Et hop là-bas, un petit selfie sur sa planche avec les amis, la horde et la tribu. Cela fera fureur sur Instagram.
Bon, une belle vague en vue. Elle a l'air parfaite. Pas trop petite pour se rendre ridicule et juste pas trop grosse pour perdre pied. On se lance, on se met debout sur la planche. On cherche un peu son équilibre. On est bon ! Les doigts de pieds biens accrochés au sol mouvant, on plie bien les genoux et nous voilà partis un peu plus vite. Puis, encore plus rapidement. Chouette, on glisse bien sur l'eau ! On la suit cette vague. On surfe dessus, comme un cheval marin au galop ! Elle nous emmène vers l'autre côté de la plage. La vitesse grise. On se sent invincible. Et on y prend un marin plaisir. Une fois, deux fois, dix fois. Finalement, le surf, ce n'est pas si difficile ni périlleux qu'on ne le claironne partout. C'est même incroyablement satisfaisant. Demain, on emmènera d'autres amis ou la meute familiale pour goûter à la fluidité de ce plaisir. Ils vont adorer !
© Photos – Rêvesdemarins
La tasse
Et puis, vient la tasse. Une grande tasse, bien salée. Tout un thermos y passe. Comme si l'océan voulait se faire boire en entier en une seule fois. Celle qu'on n'a pas attendue, celle qu'on n'a pas vu nous tomber dessus. On se fait retourner par une machine à laver géante. Et cela tourne, tourne et tourne encore. On y perd son souffle et on a du mal à reprendre sa respiration. L'eau entre dans les poumons et cela brûle. La tête est lourde, elle va éclater. On sent son coeur battre la chamade dans ses tempes. On tremble. On vibre. On grelotte. Puis, plus l'air vient à manquer, moins on arrive à y voir clair. Où est le dessus, le dessous ? Ce bleu, est-ce celui du ciel ou du fond marin ? Très rapidement, on ne sait plus trop où on en est. On nage encore, mais est-ce bien la direction de l'oxygène ? Et la plage ? Elle n'est plus visible. Des montagnes gris-bleu tout autour, bordées de neige crémeuse ? Enfin, on était tout de même en bord de mer et pas dans la chaîne de l'Himalaya ? On divague, on extravague. Tout devient vague, puis gris, puis très sombre. Hé, quelqu'un peut-il rallumer la lumière s'il vous plaît ?
Lorsqu'on se réveille, on n'est plus en maillot. On a troqué la belle combinaison de surf pour une blouse bleue, style robe de nuit et sans culotte de surcroît ! Tiens, les autres surfers ont changé de look : ils portent des combinaisons de plongée à présent. On voit à peine leurs yeux. Bizarre. Et... oh... ils ne sont pas les seuls plongeurs : on respire à présent à travers un tuba (ils l'ont enfoncé vraiment très loin dans la gorge celui-là) et une grosse bouteille d'oxygène. On a le sentiment de peser une tonne. Comme si une pression marine invisible s’exerçait sur le corps pour le maintenir plaqué au lit de la mer (qui ressemble étrangement à un lit terrien d'ailleurs. ). Des paliers de décompression pénibles : très longs et très nombreux à respecter pour remonter lentement à la surface. Et dans le pire des cas, les bras et les jambes ne répondent plus aux ordres du cerveau. Il va falloir réapprendre à nager, à parler, à bouger, à manger, à parler... Tout cela pour le plaisir d’un surf d’enfer sur une première vague...
La seconde vague
Certains diront que le surf, c'est une activité pour les jeunes ou les moins jeunes en mal de leur jeunesse. On en garde souvent l'image du bellâtre bronzé et musclé (ou de sa version féminine aux airs de Halle Berry sortant des flots dans son bikini orange). Souvent, c'est vrai, mais comme pour tout, on ne peut pas généraliser. Il y a des surfeurs audacieux mais raisonnables face à certaines vagues. D'autres sont insouciants, inconscients des dangers ou téméraires pour les affronter peu importe les risques pour eux-mêmes ou ceux qu’ils côtoient pour réaliser leurs attentes.
Thon, sardine ou Bernard l’hermite ?
Une chose est certaine, peu importe le profil du surfeur, la seconde vague l’attend, scélérate et discrète. Prête à le prendre dans ses abysses, lui et ses compagnons. Et elle vient de se profiler à l’horizon azuré. Libre au surfeur de la suivre et de s’y aventurer, ou de rester sur le rivage, seul, à profiter du coucher du soleil sur le sable. Et d’enjoindre ses compagnons à en faire de même plutôt que d’aller défier Poseidon une seconde fois. Pas besoin de suivre les bancs de thons ou de sardines, agglutinés sous la vague par manque d’amusement ou par peur de la solitude forcée. Pour une fois, suivre l’exemple des Bernard L’hermite peut se prouver temporairement une meilleure option. On s’enfonce dans le sable et laisse passer la vague par-dessus la tête. On s’isole un peu pour éviter le ressac. En attendant des jours de meilleure augure et où surfer sur l’océan pourra se faire sans contraintes ni risques inconsidérés. C’est juste une question de temps et de patience. L’amour et l’amitié sincères n’ont pas de limites de temps. Ils ont une patience infinie, peu importe les rouleaux marins et les tempêtes.
Alors, si l’envie irrépressible vous prend de surfer sur la vague, prenez svp encore un peu votre mal en patience. La mer et vos compagnons de virée seront toujours là plus tard. Ils vous attendront pour de jours meilleurs pour de belles retrouvailles et aventures ensemble, loin de l’épidémie des vagues scélérates, des remous viraux et de la contagion des lames de fond.
Je vous souhaite un bon dimanche. Prenez bien soin de vous et des autres.
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AuteurArchives
August 2023
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