Du temps de mon grand-père, le soir du 24 décembre était toujours une soirée inoubliable, riche en folkore, mystères, magie et contes de fées. Alors, en son souvenir, puisque ce site web lui est dédié, voici un petit conte de Noël, histoire de perpétuer la tradition en hommage à un bel auteur cher à mon coeur.
En rencontrant mon filleul en Suède début de ce mois, j'ai découvert que cet adorable petit garçon de cinq ans affectionne beaucoup les animaux. Et un d'eux en particulier. (Comme son prénom pouvait le présager) Attila est en effet fasciné par les équidés à longue crinière. Alors, en ce WE de Noël, je n'ai pas pu résister à l'envie de lui composer un petit conte de circonstance sur ce thème. "Il était une fois un petit cheval... "
Il était une fois un petit cheval qui se nommait Kelpi. Il vivait dans les Highlands écossais, là où l'homme a du mal à se frayer un chemin dans une nature sauvage. Son pelage était gris ardoise. Le bout de ses pattes était couvert de larges fanons couleur d'anthracite. Il possédait un regard très particulier : des yeux vert de gris parsemé de quelques étincelles dorées avec de longs cils noirs. Sa crinière, entièrement cendrée, presqu'argentée, volait dans le vent de l'Est. Sa robe était incroyablement épaisse et le protégeait du froid piquant de l'hiver. Son museau, d'un rosé tendre, était doux comme de la soie au toucher. Ses pattes étaient sensiblement plus courtes que celles de ses congénaires et son poitrail plus costaud. Etonnamment pour sa stature, il possédait une force hors du commun.
Cependant, son aspect extérieur le désolait. Il ne ressemblait en rien à tous les autres chevaux des étendues où il aimait à gambader. Tous les autres arboraient une autre teinte : bruns, noirs, blancs ou encore bai. Leurs yeux étaient tous foncés : marrons, dorés ou ébène. Son regard clair intriguait ses compagnons. Et on le regardait souvent de travers. De plus, sa petite taille l'affligeait comparé aux longues et fines jambes de ses congénères. En outre, les siennes se terminaient par une sorte de houpette de longs poils derrière ses sabots, donnant l'impression de bottines de fourrure. Les autres se moquaient souvent de lui en référant à l'imperfection de ses pattes et de sa modeste taille. Et le petit cheval se sentait très seul... Il ne comprenait point pourquoi sa différence le rendait si peu acceptable pour ses pairs. Mais, il ne leur en voulait pas. Il se contentait de rester à part et de vivre une vie d'ermite.
Kelpi faisait preuve d'une grande intelligence. Il était doux et sensible. Il était toujours le premier à flairer le danger et repérer les bruits inhabituels. Et puis, surtout, le petit cheval était libre : il n'appartenait à personne et ne laissait aucun humain l'apprivoiser. Les hommes avaient beau tenter de lui mettre un licou et de les accompagner dans leurs écuries, le petit cheval se libérait toujours et s'enfuyait au galop dans les collines. Ces caractéristiques rendaient ses congénaires incroyablement jaloux de lui. C'est ainsi qu'il fut nommé Kelpi par son entourage. Dans la mythologie écossaise, les "Kelpies" représentaient de puissants êtres mi-chevalins, mi-aquatiques, capables de prendre forme humaine, attirant les voyageurs imprudents dans cette région hostile. Ces derniers, souvent perdus et fatigués dans les montagnes des Highlands, étaient heureux de trouver une monture acceptant de les porter sur leur dos, sans réaliser que cette monture allait ensuite les emmener au fond des lochs (lacs) de la région, d'où ils ne ressortiraient jamais. Tous craignaient ces créatures fantastiques. La légende avait donc suivi Kelpi et le mystère qui entourait son existence solitaire.
© Photos - Rêvesdemarins
Ce soir-là de fin Décembre, alors que la bise soufflait rageusement sur les collines et que la neige tombait sans discontinuité, tout le monde célébrait la Noël dans les maisonnées de pierre. Les quelques rares habitants de la région faisaient bonne chère au coin d'une bonne flambée au son des violons et cornemuses. Sur la table, "haggis", "broth", "black pudding", marrons et saumon faisaient saliver les papilles des invités, arrrosés du whisky ambré de la distillerie locale.
Au dehors, le petit cheval se pelotonnait au fond d'une grange abandonnée près du loch Duich, en tentant tant bien que mal de se réchauffer dans la nuit glacée. Il se sentait bien solitaire ce soir-là... Mais, à quoi bon rejoindre ceux qui ne l'acceptaient de toute manière pas comme il était et le lui faisaient bien comprendre. De son promontoire qui donnait sur les lac de mers environnants, le petit cheval pouvait aperçevoir la ferme où ses frères dormaient, de l'autre côté de l'eau. Au loin vers l'Est, les monts enneigés. Vers l'Ouest, le vieux château d'Eilean Donan se profilait sur l'onde, comme un enchanteur de pierre. Les prairies qui le bordaient étaient emplies de givre et immaculées sous la neige fraîche. Il se disait qu'il habitait là une région magnifique : trois immenses lacs de mer se rejoignaient à cet endroit, à proximité de l'océan et de l'Île de Skye. Et cette pensée le réconfortait quelque peu.
© Photos - Rêvesdemarins
Par contre, bien au chaud dans leurs écuries, ses frères et soeurs se prélassaient dans leur enclos la panse pleine, car il ne faisait pas une température à mettre un cheval dehors ! Lorsque soudain retentit un bruit inquiétant au loin. Un crépitement frémit, puis une odeur âcre leur monta aux naseaux. Leur coeur se serra. Dans le grenier à foin voisin, une lanterne s'était renversée avec la force du vent. Le feu avait pris dans les combles et commençait à se propager malgré la neige. En panique, les chevaux prisonniers de leur étable se mirent à hennir et ruer de toutes leurs forces. Mais les fermiers n'entendaient rien, trop occupés à faire la fête.
A présent, le brasier se rapprochait dangereusement et menaçait de gagner les écuries toutes proches, où se trouvaient les bêtes prisonnières. Ils avaient beau faire un potin d'enfer et se démener comme des diables pour se libérer, la lourde porte du hangar était solidement fermée à clé. Ils étaient captifs !
Les premières flammes commençèrent à lécher la porte d'entrée et la fumée avait à présent envahi la bâtisse de bois. Les chevaux, avec leurs fines pattes, tentaient désespérément de se frayer une brêche dans la porte de chêne. En vain. Elle résistait à leurs assauts. Lorsque tout d'un coup, ils entendirent un bruit cadencé au dehors. On aurait dit... des sabots ! Puis des voix d'hommes, des cris et des jurons. C'était Kelpi ! Il était venu à leur aide ! Et le petit cheval avait été prévenir les fermiers en hennissant et tambourinant sur l'huis de la maison. Mais au moment où le fermier voulut ouvrir la porte de l'écurie pour libérer les bêtes, elle se révéla impossible à ouvrir, les fers des battants déjà rougis par le feu, ayant été scellés par la chaleur.
Alors, Kelpi risqua le tout pour le tout. Il se plaça juste devant la porte, rua et frappa de toute ses forces avec ses sabots dans le bois en flammes. La fournaise lui brûlait les pattes et quelques flammèches lui roussissaient les fanons. Mais, il continua, encore et encore, sans relâche jusqu'au moment où une des planches céda. Le fermier, armé d'une hache, continua le travail déjà ébauché par le petit cheval. Et un des battants du portique finit par céder. Les animaux prisonniers déboulèrent vers la sortie et la liberté. Ils étaient enfin sauvés...
© Photos - Rêvesdemarins
Kelpi était épuisé. Il s'écroula sur le sol enneigé, à quelque distance de la grange en feu. Alors, se passa l'impensable : les autres chevaux s'approchèrent de lui et l'entourèrent. Une jument se coucha tout contre lui pour le réchauffer et ils restèrent ainsi durant un long moment. Le fermier appela les bêtes, qui refusaient à présent de le rejoindre. Intrigué par leur manège, il s'approcha du petit groupe et découvrit Kelpi allongé sur le sol, les pattes méchamment brûlées par son effort. Et pour une fois, le petit cheval se laissa toucher. Le fermier lui caressa les naseaux et l'échine. Il le couvrit de son manteau et lui apporta de l'eau à boire. Le feu avait à présent été maîtrisé et il emmena les animaux au sec dans une grange. Dès que Kelpi eut repris quelques forces, il se laissa transporter par les hommes, qui soignèrent ses blessures aux pattes, le nourrirent et prirent soin de lui, comme un de leurs propres chevaux.
Depuis cette nuit de Noël-là, le petit cheval demeura près des fermiers et de la compagnie de ses frères aux longues jambes, bien à l'abri du blizzard et du gel. Plus jamais aucun autre cheval n'osa mépriser son aspect. Il fut enfin considéré comme un membre de leur famille à part entière. Ils vécurent ainsi encore de longues années de bonheur dans les collines écossaises, dans lesquelles il aimait tant à galoper.
Alors, je vous souhaite à tous un merveilleux Noël. Qu'il vous soit doux et heureux. Et surtout qu'il vous soit source de tolérance, réconciliation et surtout de beaucoup d'amour. Et comme on dit en gaélique écossais : Nollaig Chridheil ! Joyeux Noël !
1 Comment
Attila
24/12/2017 08:35:51 am
Merci pour ce beau conte Marraine, Joyeux Noël ❤️
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August 2023
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