Cette semaine, j’étais censée vous écrire du Grand Nord et vous faire découvrir le monde merveilleux de l’archipel de Svalbard. Cependant, les aléas médicaux de la vie en ont voulu autrement et nos projets de cette année, dont notre navigation au Spitsbergen, sont tombés... à l’eau pour une durée indéterminée. Mais ce n’est que partie remise.
Alors, pas de chance pour ceux qui aiment la chaleur, nous allons tout de même nous transformer en glaçons, ce WE... Faute de vous faire frissonner au Grand Nord, pourquoi ne pas vous faire claquer des dents dans le Grand Sud à la place ? Je vous emmène ainsi, ce dimanche... dans le Dernier Continent : l’Antarctique.
Le Continent blanc
Quatorze millions de kilomètres de glace sans âme - humaine permanente du moins - qui vive. La région la plus méridionale de notre planète. Un continent entouré des océans Atlantique, Indien et Pacifique, et des mers de Ross et Weddell. Son intérieur constitue techniquement le plus grand désert au monde. Une région qui représente environ 70% des réserves d'eau douce disponible planétaire. Contrairement aux idées reçues, n'y vivent que des animaux marins. Donc, vous n'y trouverez, ni ours polaires, ni caribous (tout au plus quelques éléphants roses si vous abusez trop de la petite flasque pour vous y réchauffer... ).
Le continent est découvert en 1819 par le navigateur britannique William Smith. Au XIXe siècle, les navires viennent y chasser le phoque. Les explorations s'y succèderont. En 1897, le Belgica, une expédition scientifique belge commandée par Adrien de Gerlache de Gomery, y passera quinze mois dans les glaces, dont un hivernage complet. Elle sera suivie de bien d'autres, dont Amundsen, Cook ou encore Jean-Baptiste Charcot et son Pourquoi Pas. En 1914, l'expédition Endurance, commandée par Sir Ernest Shackelton, partira pour traverser l'Antarctique. Mais le navire sera pris dans les glaces et l'équipage forcé de revenir bredouille.
© Photos – Wikipedia
No Man's Land
La dernière Terra Nullius de la planète est un territoire neutre. Il n'a pas de gouvernement et est considéré comme "dépolitisé", contrairement à son opposé, l'Arctique.
En 1959 naît le Traité sur l'Antarctique, un traité donnant au continent un statut unique destiné à la science, aux actions pacifiques et à la protection de l'environnement. Les activités militaires et l'exploration des ressources minérales y sont interdites. Seules les opérations de recherche à caractère scientifique y sont autorisées : climatologie, océanologie, minéralogie, glaciologie, volcanologie, astronomie, biologie, physique, tectonique des plaques et bien d'autres encore... Le traité est illimité et renouvelable par tacite reconduction. Ce statut est considéré comme unique et innovant dans l'histoire du droit international. Considéré comme une réserve naturelle, le continent est protégé par diverses conventions sur la biodiversité et sur la restriction du tourisme. Malheureusement, comme partout sur notre planète, le tourisme y a pris un essort. Depuis 1957, y existent des "expéditions touristiques". Ces dernières y sont régulées par l'Association Internationale des Voyagistes Antarctiques (IAATO). Depuis dix ans, le nombre de touristes a dépassé les 44.000 par an. Un nombre bien plus large que celui des scientifiques y résidant pour les activités de recherches (4.000 en été contre 1.000 en hiver). Et quelque part, même strictement contrôlé, le tourisme représente un réel danger potentiel pour le continent austral.
Code vestimentaire : le Smoking
Ils sont, ou plutôt, étaient, des dizaines de milliers. Une mer mouvante de petits smokings noirs et blancs au noeud papillon jaune. Autrefois, leurs pas de danse nous semblaient quelque peu maladroits, sur une piste de danse glacée et immaculée. Avec leurs minuscules ailes et leur démarche dandinante et balancée. Cependant, aujourd'hui, leur piste de danse s'est réduite à une peau de chagrin... Leurs chances de survie aussi...
La colonie de Halley, dans la mer de Weddell en Antarctique, la seconde la plus importante de manchots empereurs, comptait alors plus de 25.000 couples. Mais depuis 2016, les conditions météorologiques de réchauffement ont causé une disparition en masse des poussins, la glace où ils étaient élevés ayant cédé ou partiellement disparu. Selon le British Antarctic Survey (BAS), leur cycle de reproduction a été ainsi bouleversé. Ce type de manchots semble particulièrement vulnérable au changement climatique et ses populations pourraient décliner jusqu'à 70% d'ici la fin du siècle.
Et si l'Antarctique constitue une des régions les plus lointaines et inhabitées de notre planète, sa faune n'échappe malheureusement pas non plus à la menace plastique... Les populations d'albatros ont, elles aussi, décliné ces dernières années. Leurs trois prédateurs principaux : les filets de pêche, les changements climatiques affectant la chaîne alimentaire et la pollution plastique des océans. Sans compter la surpêche et la disparition du krill, à la base de l'alimentation de la faune locale. Une fois de plus, l' homme n'y est clairement pas pour rien... Shame on us...
© Photos – Wikipedia & British Antarctic Survey
To explore or not to explore, that is the question...
Le paradoxe des recherches pour l'environnement avec leur impact sur ce dernier par la présence humaine... Ainsi, une autre menace, plus insidieuse encore, pour ce continent, représente le risque d'apport de corps étrangers par l'homme (bactéries, microbes, déchets, rejet des eaux usées, contamination des hydrocarbures et métaux lourds... ). Sans oublier les impacts sonores, visuels... Que dire des navires de croisière (même s'ils sont restreints et contrôlés strictement) qui passent dans la région et leurs détritus. Pire, un scénario catastrophe (un naufrage par exemple) souillerait toute une portion des océans proches et la faune y résidant. Même en prenant toutes les précautions, le tourisme ne peut qu'y amener des risques. Et j'avoue, je suis la première à rêver d'aller naviguer dans ces régions vierges.
Mais plus j'y pense, plus je crains d'arriver à une conclusion alarmante... Pour préserver les parties du monde encore intactes (ou presque), vaudrait-il alors mieux ne pas les explorer, pour leur laisser toutes les chances de survivre ? Conclusion déroutante lorsqu'on aime la nature et souhaite voir le monde pour la découvrir. Les images des tonnes de déchets ramassés au Tibet et des embouteillages d'alpinistes encordés au sommet du monde m'ont particulièrement choquée. Serions-nous devenus inconscients à ce point? Faut-il cesser de voyager et d'explorer le monde pour le sauver ? Question existentielle. Dès lors, lorsque le choix est finalement de tout de même aller explorer ces régions, la sélection de l'organisation avec laquelle partir devient tout d'un coup un choix primordial. Pas d'agences touristiques déguisées en pseudo organisations environnementales ou explorations scientifiques. Et en aucun cas une croisière touristique dans un mega-paquebot. Partir en voilier alors ? Pas évident en Antarctique ou des dans les régions lointaines du globe... To explore or not to explore, that is the question...
Mon Dernier Continent
Ce WE célèbrait la journée mondiale des océans, une des 365... Chaque jour ne compte-il pas vers un avenir durable, à travers nos habitudes de vie ou encore... nos choix de voyages ?
Je vous souhaite un excellent dimanche de lecture. Qu'il soit un peu plus chaud qu'en Antarctique (mais juste pas trop :-). Et bonne fête à tous les papas (à commencer par le mien ! )
0 Comments
Leave a Reply. |
AuteurArchives
March 2023
Catégories
All
Suivez Rêves de Marins sur Twitter
|