Les prédicateurs du ciel les ont nommés Irma, Katrina ou encore Sandy. Ils sont tous passés en laissant leurs traces indélébiles, leurs cicatrices, leurs vides. Et leurs chances aussi. Et la vie a repris. Différemment, mais avec tout autant de force et d’espoir de continuer. Tout comme un volcan dessine ses langues noires, il crée aussi ainsi un terrain fertile pour que la vie reprenne de plus belle après une longue et lente convalescence. Un petit billet en l’honneur de cet espoir-là, celui de la reconstruction après la tempête.
Les cinq derniers mois ont été orageux, tempétueux, voire jusqu’à même cycloniques à certains stades. De lames de fond en écueils. De marées en vagues scélérates. De courants contraires en tsunamis inattendus. Une traversée au départ supposée être un rond dans l’eau, qui s’est transformée en odyssée au long cours contre vents et tempêtes.
Une vieille tradition familiale a voulu que je donne des noms à des objets ou des animaux. Pas un habitant de mon jardin ni des quelques babioles trônant sur les meubles n’y ont coupé. Les météorologues en font autant avec les ouragans. J’en ferai donc de même pour les diverses tempêtes qui se sont mises sans vergogne et à maintes reprises sur notre route depuis plus de dix ans.
“Le bateau qui ne résiste pas à la première tempête n'est pas fait pour le voyage.” (Moses Isegawa, Chroniques abyssiniennes)
Tout d’abord, il y a eu Jérôme, il y a dix ans.
Petit mais costaud et surtout très pressé d’avancer. Et pour repousser ce premier cyclone-crabe, on a fait appel aux fameuses Tuniques Vertes, qui lui ont radicalement coupé la route. Pour enrayer sa course, on l’a bombardé de rayons (pas verts ceux-là), de nuages chimiques et de larges coupes dans ses nuages les plus bas. Ces premiers ont non seulement fait décamper Jérôme, mais ils ont aussi, par mégarde, endommagé la plomberie de Norbert, le moteur de notre voilier. Tous ses pauvres tuyaux en étaient rapetissés. L’eau de refroidissement ne passait plus et le pauvre moteur toussotait et souffrottait sans cesse. Pour continuer à faire progresser le voilier malgré tout, emplâtres, interventions et réparations dans les profondeurs de ses entrailles se sont succédées tous les trois mois des années durant. Jusqu’au jour où une Tunique Verte plus savante et plus audacieuse que les autres a décidé d’amputer Norbert d’une partie de sa structure pour résoudre son souci de tuyauterie une bonne fois pour toute. C’était là une entreprise risquée et le voilier a bien failli sombrer durant l’intervention. Cependant, l’opération s’est révélée un succès fin 2015. En ont suivi quelques années de sursis. "Et dans la tempête et le bruit, la clarté reparaît grandie...” (Victor Hugo)
Et puis, en avril cet année est apparu Pacôme, un nouveau cyclone-crabe sur notre route...
Contre toute attente, (on pensait que Pacôme était du genre pacifique), le nouvel arrrivant a révélé sa vraie nature après deux semaines de séjour clandestin au-dessus de nos têtes. Toutefois, ses intentions étaient loin d’être aussi innocentes qu’il ne l’avait d’abord laissé croire... Le nuage-surprise. Et la décision de renvoyer ce passager clandestin dans son pays d’origine fut des plus pénibles à prendre. Et s’il n’allait pas tenter de poursuivre son périple plus loin ? Et s’il avait déjà repris la route ? Et si on attendait tout simplement qu’il reparte... Surtout que la solution pour l’extrader semblait lourde, radicale et surtout très risquée, sans garantie de succès. Dilemme. De plus, il fallait faire appel à de nouveaux météorologues en tunique verte pour y parvenir, Seront-ils suffisamment armés contre ce géant ? Pourrons-ils épargner le voilier durant l’intervention ? Décision particulièrement délicate.
© Photos – Rêvesdemarins
Enfin, le skipper prend son courage à deux mains et décide de faire éliminer Pacôme de sa trajectoire. Pour ce faire, il rappelle les Tuniques Vertes à la rescousse qui ont jadis débarrassé Norbert de son souci de tuyauterie. Et on croise les doigts... Y compris tous les doigts de pieds !
Après pas moins de onze heures de travail acharné en milieu stérile, nos météorologues de vert vêtus, parviennent enfin à repousser le cyclone malvenu et à le renvoyer vers d’autres cieux pour ses infâmes activités célestes. Une prouesse scientifique. Des nuits sans sommeil. Des semaines de délire. Des mois de folie. Des efforts à la limite de l'épuisement. Le look zombie avant Halloween. Tout cela pour une bonne cause.
Notre voilier en ressort, chamboulé et épuisé, mais sain et sauf, vers des eaux plus sereines. Il va pouvoir continuer sa route. Plus doucement, plus lentement, avec plus d'escales et moins sportivement qu'avant. Mais, son voyage peut se poursuivre.... Moins loin, moins audacieux, mais il ne s'arrêtera pas là.
Nous avons encore tellement de choses à voir, de destinations à atteindre, de bords à tirer. Moins souvent, moins longtemps et plus calmement. Mais peu importe, le voilier a tenu bon.
Toute ma reconnaissance aux Tuniques Vertes (et blanches de St Luc), dont le savoir-faire, la fibre humaine et le sens du service ont été fabuleux. Un tout grand merci à ma famille et à mes amis, proches ou moins proches, collègues, clients ou relations pour leur soutien admirable dans cette odyssée contre ce nouveau cyclone. Vous êtes formidables. J'ai beaucoup de chance.
Je vous souhaite un excellent dimanche, ensoleillé et sans cyclones.
1 Comment
Bernard.
24/8/2019 09:54:20 pm
(Très) Content de vous savoir dans des eaux plus tranquilles. Bisous d'encouragement.... xxx
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AuteurArchives
August 2023
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