Un marin, cela aime l’eau. Mais parfois l'eau fait froid dans le dos. Sa force gigantesque effraie et étonne sans cesse. Elle demeure incontrôlable. La nature conserve sa propre volonté, son propre chemin. Et malheur à l’homme qui la défie sans la respecter. Elle gagne indéfiniment.
Un billet de circonstance. Un billet de solidarité. Un billet en guise de soutien.
La goutte froide…
La glacée. La glaçante. Celle qui s’insinue, s’inflitre, se faufile. Celle qui se coule en douce d’abord, puis de force. Celle qui surgit et surprend au détour d’une averse, au méandre d’une rive. Celle qu’on n’attendait pas, qu’on n’imaginait même pas. Le ru qui se fait ruisseau, La ravine qui devient rivière. Et le flot tourne en torrent. La flaque s’étale en mare. L’étang grandit en lac. Le fleuve se transforme en mer… Et la vague prend un tournant décisif en se faisant tsunami… La goutte qui renverse et fait basculer tout un univers vers un océan de désolation. Cela n’arrive que dans les films à la télévision, où dans les pays dits « en développement », loin de chez nous. Cela ne nous concerne pas. On ne s’apitoie pas sur le sort de ceux qu’on ne connaît pas, ceux qui semblent d’un autre monde que le nôtre. Et puis là… Les images montrent les endroits de notre jeunesse. Les deux villes et régions qui m’ont vue grandir. La patrie de mon grand-père. Je suis quelque part heureuse que mes grands-parents ne soient plus là pour vivre ce drame dans cette partie de mon pays qui avait été le berceau de leur vie. Ils auraient été dévastés dans leur coeur et dans leur existence. Les coins préférés de ma mémoire d’enfant. Les rapports des médias décrivent les rues et les ponts de nos balades. Les messages ont l’accent de nos villages. Et la consternation s’insinue. La révélation pénètre les sens. La réalité dépasse les cauchemars. Une seule heure, une seule nuit détruit toute une existence et engloutit le travail de toute une vie. Mon cœur saigne…
Il y a un peu plus d’une semaine, le sort s’acharnait sur une série de régions entre la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas en bordure de fleuves et rivières. Le charme d’habiter en regard d’un cours d’eau s’est rapidement muté en mauvais rêve. Le drame a continué vers l' Asie, dans des proportions encore bien plus cataclysmiques que près de chez nous. À peine sept jours après ce mauvais rêve, le méchante goutte revient, une fois encore. Elle renaît de ses cendres encore humides. Elle refait surface alors qu’on pensait en être débarrassé. Et je croise les doigts ce week-end pour qu’elle reparte bien vite, qu’elle demeure pendue en l’air, au bord de ses nuages noirs, sans plus se déverser et déferler sur d’innocentes vies.
La goutte de trop…
Et puis suit l’autre goutte… Celle qui fait déborder la vie. Celle qui fait chavirer le navire. La goutte qui donne la nausée et enlève ce qui reste d’énergie pour se battre. Celle dont on boit la tasse et dont le goût salé reste comme un poids immense sur l’estomac. La goutte minuscule au pouvoir de Titan. Celle qui annihile la raison et les forces. Celle qu’on évite à tout prix d’avaler. Cette insidieuse bulle d’eau dans laquelle les pensées et les esprits se noient. Ce phylactère fourbe et sournois qui prend possession des volontés et des courages les plus vaillants.
Les miens, habitant les régions sinistrées, ont été heureusement épargnés par les flots. Nous avons beaucoup de veine. J'espère qu'il en est de même pour vous, chers lecteurs, et pour tous ceux qui comptent pour vous. Toutes mes pensées à tous ceux qui n'ont pas eu cette chance et sont dans le besoin en ce jour, en particulier ceux dont une méchante goutte a refroidi les vies. Courage. Après la pluie revient toujours le soleil. La solidarité réchauffe les coeurs et les corps trempés. Et le temps sèche toutes les gouttes, y compris celles des larmes.
Un bon dimanche à tous, le plus sec possible.
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AuteurArchives
August 2023
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