Mon troisième billet.
Cette publication reflète la manière dont ce blog fonctionnera la plupart du temps: un article afférant à un des sujets présentés dans les onglets de ce site web (rêves en images/galerie photos ou bibliothèque de bord), histoire de leur donner vie par un commentaire ou une anecdote. Pour les photos, voir la section - Rêves de voyages > Rêves andalous - http://www.revesdemarins.com/recircves-andalous.html. Alors, voilà... J'ai eu envie de vous parler de Rodrigo... Que j'imagine espagnol et audacieux jusqu'au bout des ongles (qui ne devaient pas être trop propres à l'époque...), aux traits un peu bourrus, le teint hâlé et yeux d'ébène. J'ai découvert Rodrigo lors d'un périple en Andalousie. Illustre inconnu (à l'époque pour moi du moins), dont l'histoire m'a interpellée et dont j'ai envie de vous conter le récit.
La mutinerie est proche... Les hommes sont à bout. Le capitaine doit user de toute son inventivité pour convaincre l'équipage de poursuivre leur route et de garder confiance en son commandement. Le navigateur génois se sent proche du but. "Elle" doit se trouver tout près, il le sait. Et pourtant, un terrible doute l'assaille soudain: et s'il s'était trompé?
Rodrigo plisse des yeux, encore et encore. Il scrute l'horizon à n'en plus finir. Il fait nuit. C'est son tour de veille dans la hune ce soir. Il est à bout de forces. Surtout ne pas s'endormir... Au fond de lui, il n'y croit plus vraiment.. Devant, derrière, tout autour d'eux, il n'y a rien d'autre que l'immensité bleutée, le craquement de la coque et du grément sur les vagues, et la complainte du vent dans les voiles.
Rodrigo de Triana. Simple matelot embarqué sur un des mythiques trois-mâts. Ce qu'il aperçoit cette nuit-là changera l'Histoire... et la géographie du monde.
Journal de bord de Christophe Colomb.
« 9 septembre 1492. A trois heures, le vent de nord-est se lève et je prends la route vers l’ouest. Nous perdons complètement de vue la terre. Craignant de ne pas la revoir de longtemps, beaucoup soupirent et pleurent. Je les réconforte tous avec de grandes promesses de maintes terres et richesses, afin qu’ils conservent espoir et perdent la peur qu’ils ont d’un si long chemin. 24 septembre. Un albatros vient au navire et on voit beaucoup de pétrels. Mais les indices de terre se révèlent vains. Plus les jours passent, plus la peur des marins grandit ainsi que les occasions de murmurer. Nous avons parcouru quatre cent cinquante lieues. Je décide d’en compter moins que nous n’en faisons, afin que ses gens n’en soient ni effrayés, ni découragés… 10 octobre. Les hommes n’en peuvent plus et se plaignent de la longueur du voyage. Je les réconforte en leur rappelant les profits qui les attendent. J’ajoute qu’il est vain de se plaindre car j’entends poursuivre jusqu’à ce que j’aie trouvé les Indes. Jeudi 11 octobre – Grosse mer. Un roseau vert flotte près de la caravelle. L’équipage de la Niña voit un petit bâton couvert d’épines à fleurs ; tous les esprits en sont réjouis […]. 12 octobre. - La Pinta, le meilleur voilier des trois, est en tête. La terre apparaît à deux heures du matin. C’est le marin Rodrigo de Triana qui la voit le premier. Quelques heures plus tard, je débarque dans une île. Je déploie la bannière royale […]. »
Ce récit, je l'ai lu et relu dix fois, il me fascine. Les navigateurs et grands voyageurs de l'époque me subjugent. Leurs prouesses me semblent irréelles au vu des distances parcourues avec les moyens du bord (permettez moi l'expression...) de l'époque: des cartes et sciences d''orientation approximatives, l'inconfort et le péril des navires, les tempêtes et fortunes de mer, le risque de famine ou de maladie. Les marins d'antan ont dû en avoir du courage et de l'audace pour se lancer dans de telles aventures, où souvent la vie à bord n'était faite que de privations et dur labeur. J'ai eu l'occasion de visiter une réplique de la Santa Maria au port de Barcelone, il y de cela juste trente ans, et ce souvenir m'a marquée. Même si les caravelles de l'époque étaient solides (et surtout très lentes), il fallait tout de même le faire... Le capitaine génois avait estimé la distance à parcourir à environ 750 lieues (environ 4.000 km), ce qui était un pari totalement fou à l'époque.
L'anecdote raconte que Colomb avait obtenu de ses mécènes l'obtention d'une récompense sous forme d'une rente annuelle de 10.000 deniers d'argent, à quiconque apercevrait la terre en premier. Il s'agissait là d'une manoeuvre habile, visant à éviter une mutinerie. Risque bien réel vu la longueur de voyage et l'incertitude de trouver les contrées espérées dans des délais viables pour l'équipage. Investissement rusé des monarques d'Aragon et de Castille: au cas où l'entreprise de Colomb échouerait, aucune récompense ne serait due et dans le cas contraire, la découverte du marin italien ferait des souverains espagnols probablement les rois les plus puissants d'Europe. En aperçevant le premier la terre cette nuit-là, notre ami Rodrigo pensa devenir riche pour le restant de ses jours! Mais, c'était sans compter sur l'ambition et l'habileté de son commandant de bord... Colomb, en effet, remercia le matelot de sa découverte, mais argumenta qu'il avait en réalité remarqué lui-même, le soir d'avant, une lueur étrange qui devait être une île. Opportun d'être capitaine, n'est-ce pas... La récompense sonnante et trébuchante passa ainsi tout simplement sous le nez de notre infortuné Rodrigo, qui du se contenter d'une reconnaissance purement verbale... Et le nom de Rodrigo de Triana retomba dans l'oubli, jusqu'au jour où quelques villes d'Espagne lui accordèrent belle mémoire dans leurs noms de rues ainsi qu' une statue commémorative à Séville.
Voilà pour Rodrigo... Et comme le sujet du voyage de Colomb est vaste, nous reparlerons un peu plus de ce très beau périple dans un des prochains billets.
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AuteurArchives
August 2023
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