Dans la mer il y a des pieuvres. Et les pieuvres produisent... de l'encre ! Or comme ceci est un blog sur la mer, il est donc rédigé... à l'encre. Même si cette dernière est digitale... Bref, vous aurez compris cette logique implacable : nous parlerons donc d'écriture et d’encre ce WE !
L'écriture, berceau des civilisations
Depuis des millénaires, les écritures ont fait évoluer le monde Et nous ont permis de redécouvrir nos racines. Elles sont toutes plus fascinantes les unes que les autres. Et les plus grands archéologues ont, de tous temps, tenté de décrypter leurs secrets bien gardés.
Tout débute vraiment en -3500 près d’Uruk (Irak actuel). Les Sumériens mettent au point une écriture faite de pictogrammes stylisés, gravés sur des tablettes d’argile à l’aide de roseaux. Suivent le cunéiforme, les hiéroglyphes et l'écriture cursive (hiératique) puis démotique, plus simple, que ce soit sur des papyrus, dans l'argile ou la pierre. Au cours du temps, les caractères se simplifient pour un usage dans la vie de tous les jours tels que pour la note de contrats (mariage, vente, commerce... ) ou de comptes.
Pendant ce temps en Chine, apparaissent les pictogrammes et idéogrammes à l’encre de Chine, tracés, eux, avec une plume sur de la soie. L'écriture chinoise ancestrale, de toutes, est celle qui a le moins changé au cours des siècles. Si elle a bien entendu évolué, elle a cependant conservé une large portion de ses signes, stylisés au cours du temps. Une des particularités de cette écriture réside dans la combinaison de caractères. Par exemple, si l'on rajoute au caractère "oreille", celui du "dragon", on obtient un caractère composé signifiant "sourd". C'est l'avènement de l'écriture qui détermine la frontière entre l'histoire et la "pré-histoire"...
© Photos – Hominides.com, Prezi.com & Wikipedia
On dénombre ainsi trois systèmes distincts : l'idéographique (chaque signe représente un objet, un concept ou une idée : hiéroglyphes, caractères chinois... ), le syllabique (chaque signe représente un son : tibétain, cherokee, mycénien, minoen... avec de 80 à 120 signes) et l'alphabétique (chaque signe représente un son décomposé : phénicien, grec, étrusque, latin, araméen, nabatéen... ). Il existe ensuite certaines variantes qui combinent plusieurs systèmes (par ex. le japonais mêle à la fois les idéogrammes chinois et deux alphabets phonétiques).
Si la pierre de Rosette découverte en 1799 par Pierre-François-Xavier Bouchard, puis déchiffrée trente ans plus tard par Champollion (hiéroglyphes, égyptien démotique et alphabet grec) a enfin permis quelques traductions, certains mystères scripturaux n'ont pourtant pas encore été élucidés : notamment celui des Crétois (dont le disque de Phaïstos) ni celui des Îles de Pâques.
Arabesques
Ainsi, l'alphabet arabe est issu du nabatéen. L'écriture arabe est, à mon avis tout à fait personnel, une merveille de l'écriture de par sa beauté calligraphique. Quoi de plus beau que des volutes et des courbes parfaites.
Pour l'anecdote, en 2013, j'ai eu l'occasion d'aller à Dubai pour mon travail. Et j'en ai profité pour faire une visite au musée maritime (si, si, il y en a un ! ) dans la vieille ville traversée par un bras de mer en plein désert. Un endroit résolument différent de la ville moderne, écrin de luxe pour touristes en mal d'achats et de bains de soleil. Les locaux étaient manifestement heureux car nous y étions les deux seuls jours de l'année où... il pleuvait ! Et un des endroits qui m'a marquée a été le musée local de la calligraphie. De toute beauté ! Tous les deux ans, une exposition internationale de la calligraphie s'y tient. A voir si vous passez un jour par là et que la plage ou les shopping malls vous ennuient.
© Photos – Rêvesdemarins (Musée Sharjah de la calligraphie, Dubaï)
Mon royaume pour une plume
Le papyrus et les calames vont ensuite faire place au parchemin et à la plume d'oiseau au VIe siècle (oie, corbeau, coq de bruyère, canard, ou encore vautour et aigle pour obtenir des traits plus larges). Le papier, existant depuis le premier millénaire en Chine, n'apparaîtra qu'au XIIIe siècle environ en Occident. A cette époque, on taille et brûle la penne (le bout) de la plume pour y faire tenir une goutte d'encre par capillarité. La calligraphie du Moyen-âge apparaît juste après la chute de l’empire romain, avec deux courants dérivés de l’alphabet romain : l’Onciale et la Demi Onciale, des lettres au formes rondes, souples et majestueuses. Ces dernière sont surtout utilisées pour les évangiles et bien d’autres ouvrages religieux de l’époque du Moyen Age. Les XIV et XVe verront l'apogée de l'enluminure. Les moines copistes élèveront alors l'écriture au niveau d'un véritable art. Les couleurs et les dorures étant réalisées à cette époque sur la base de poudres de pigments, de feuilles d'or et non d'encre à proprement dit.
Ce n'est qu'au XIXe siècle, et principalement en Angleterre, que verront le jour des plumes en métal, de formes diverses pour accomoder les divers styles d'écriture.
© Photos – Pixabay.com
Mais revenons au thème de ce blog : l'encre...
Autrefois, l’encre était extraite des produits naturels comme certains organes d’animaux, fruits et légumes ou pigments. L’encre de chine, utilisée dès -3.000 était à base de noir de fumée, de gélatine, de sucre et camphre dilué dans différentes solutions. Les Egyptiens améliorent cette technique pour obtenir une encre rouge à base de terre, de minium et de cinabre. Celle de la Rome antique est obtenue à base de noir de carbone. A l’époque médiévale, des encres plus résistantes sont améliorées pour la décoration d'endroit de cultes et la rédaction de manuscrits. L'encre ferro/métallo-gallique, une encre très fluide, fait ainsi son apparition à base de sulfate de fer ou de cuivre, de tannin de noix de galle, et parfois de lie de vin ou d'écorce d'arbre. Le mélange va du bleu-noir et vire au brun terne avec le temps.
Et l'encre de mer dans tout cela ???
L'encre sepia, d'origine animale céphalopode (poulpe, seiche, pieuvre... ) a été utilisée comme encre principalement dans les ports, où elle était récoltée, notamment au XIXe siècle. Elle donne une teinte plus brune et terne. Cependant, sa mauvaise tenue à la lumière et sa rareté ont fait régresser son usage. Si elle se retrouve dans l'art culinaire (les pâtes notamment), elle trouve rarement sa place sur le papier.
La calligraphie a quelque chose de magique. Je vous partage ici quelques génériques de films basés sur ce sujet et qui m'ont charmée.
A l’Ancienne
Même si ce blog est digital, je suis un écrivaillon rétro. J'aime les lettres écrites à la main. Je suis une nostalgique de l'encre et du papier. J'aime tourner les pages et sentir l'odeur de la couleur. L'encre m'inspire faute de m'enivrer. Elle me ramène, comme une petite madeleine, dans ce grenier-bibliothèque de ma petite enfance qui sentait bon les vieux livres, le bois, l'encre et les feuilles dorées. Cependant, ma bibliothèque à moi contient une série de beaux carnets vierges à écrire, dont je ne me résoud pas à entamer la virginité. Rien ne peut me faire plus plaisir que de recevoir une carte ou une lettre manuscrite. Je me réjouis déjà de lire mon nom sur le papier. Ecrire à la main, c'est prendre la peine, faire un effort. C'est intime. Cela requiert de la réflexion, du temps, de l'attention. Bien plus que le digital. Pourtant, ma calligraphie personnelle demeure une énigme à déchiffrer. A croire que mon cher père (médecin... ) m'a légué son mystère scriptural à travers les gènes. Jamais la liste des courses manuscrite ne manque de revenir avec un panier rempli d'autres victuailles que celles gribouillées de ma main sur le papier, lorsque réalisée par une tierce personne...
© Photos – Rêvesdemarins
Mes prises de notes, je les aime manuelles. Ceci a d'ailleurs fait partie de mes études (entre autres pour l'interprétation linguistique et dont je me sers toujours aujourd'hui). Au travail, je me rends aux réunions avec un grand carnet, un plumier (et depuis quelques années, des lunettes... Déjà qu’avec les binocles, j’ai du mal à me relire quelques temps plus tard, alors, imaginez sans... ). Bien entendu, j’emmène un pc, un iPad, un smartphone et autres “joujoux digitaux”. On peut aimer le rétro tout en vivant avec son temps. Et les applications de prises de notes graphiques m'intéressent beaucoup, histoire de pouvoir retranscrire le contenu plus aisément. La calligraphie et la créativité des polices de caractères me fascinent. À commencer par les anciens livres enluminés. Et une journée à la Bibliothèque Nationale de France ou à celle du British Museum me réjouit toujours.
Les paroles s’envolent, les écrits restent
Les lettres importantes, celles qui comptent dans une existence, celles-là, on les écrit à la main. On prend le temps de les dessiner, de peser chaque mot, chaque espace, chaque virgule. Et ces missives-là, on les conserve parfois précieusement. Même si on ne les relit plus durant des années et qu'on les garde au fond d'un vieux coffre fermé à clé. Qu’elles parlent d’amour, de regrets, de pardon ou de passation, elles portent en elles le poids d’une réflexion, d’une certitude, d’une décision à travers les courbes colorées sur le papier. Un peu comme si les mots couchés sur la feuille pesaient plus lourd que ceux sur un écran. Même si en soi, les phrases disent la même chose. Et le papier qu’on tient en main les rend plus réelles. On peut presque y toucher les émotions qu’il contient, comme si elles restaient gravées dans la paume qui les a tenues en frissonnant d’émoi à leur rédaction.
La graphie de la vie a son importance. Souvenez-vous. Dans le passé, avant que l'email et la téléphonie satellitaire n'existent, les lettres étaient souvent le seul moyen de communication avec des êtres aimés, à travers l'océan, à travers la guerre, à travers les longs mois d'attente de revoir l'autre. En cette période de confinement, nous avons beaucoup de chance de posséder tous les moyens de communication modernes et digitaux actuels. Imaginez un instant la même situation lors de la dernière pandémie. La seule chose que vous auriez pu recevoir (et encore) de vos proches aurait été une lettre...
© Photos – Pixabay.com
Je suis triste de lire que certains pays envisagent de tout bonnement supprimer tout simplement l'écriture manuscrite dans l'enseignement. C'est une perte de culture et d'humanité à mon sens. Une perte d'un apprentissage nécessaire et important. Et si la technologie nous lâchait. Un peu comme un marin prudent prend toujours une carte papier, une boussole et un sextant à bord. Pas uniquement par nostalgie. Mais par certitude qu'ils ne le laisseront pas tomber contrairement à la technologie. Et par amour des belles choses traditionnelles.
Plume, objet intime
En fait, c'est drôle, ce n'est qu'avec les années que j'ai réalisé à quel point l'écriture me faisait du bien. Si je vous offre un porte-plume, ou un instrument pour écrire, prenez-le comme un très beau cadeau de ma part. En plus d'être un bel objet (utile), c'est là une représentation de quelque chose que je considère comme réellement beau et intime. Evidemment, à chacun son avis... Une plume, c'est un instrument qui sert, qui vous révèle, qui parle... Je ne crois pas à la graphologie, même si elle a, en son temps, parfois été utilisée parfois dans un des mes métiers (pour le recrutement en France notamment). Cela dit, l'écriture de quelqu'un révèle un peu de la personne. Tous les grands personnages ont eu une écriture particulière, découvrant un peu de leur personnalité. Pensez à Shakespeare, Mozart ou encore Da Vinci (qui était gaucher et écrivait à l'envers). Ne pas connaître l'écriture de quelqu'un, c'est un peu ne pas le connaître tout à fait... Il manque une petite partie de lui. Donc, si vous voulez me faire plaisir, écrivez-moi une lettre, une vraie ! Et commencer par une carte de Noël me suffira, je vous rassure !
Puisqu'on ne vivra jamais tous les deux
Le temps file et les billets aussi. Je pourrais tourner une page et m’arrêter ici. Il ne s’agit pas de battre un record pour le Guinness Book. Raconte-je des bêtises ? Mes sujets sont-ils encore captivants ? Autant de questions qui demeurent sans réponse. Mis à part celle de mon propre cœur. Et ce dernier me dit discrètement : “Continue tant que tu en as, toi, l’envie et la force. Demain, ta vie peut changer, voire basculer... “. Alors, si vous voulez bien, je vais le suivre, ce petit cœur et écrire encore un peu plus longtemps...
Je vous souhaite un très doux dimanche.
2 Comments
Dawn Gangwisch Cheyrouze
16/5/2020 11:56:47 pm
Oui; tu as encore les lecteurs......
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Thomas
17/5/2020 12:59:26 am
Véro, peu importe le nombre de lecteurs ou l'intérêt que suscitent tes écrits ... N'est-ce pas un bonheur de pouvoir partager ainsi tes passions?
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AuteurArchives
May 2023
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