" Les couchers de soleil se succèdent mais le souvenir de celui d'hier mérite de rester dans nos mémoires: il passe derrière une barrière de nuages rendus écarlates puis réapparaît entièrement, majestueux entre l'horizon et son couvercle. Il brille encore fort et sa lumière rasante irise la mer. Puis, il plonge, rapidement. L'équipage muet et subjugué scrute la ligne pour voir le fameux rayon vert, ... que nous ne verrons pas, d'ailleurs. Les lumières passent de l'orange au jaune, au violet puis au rose avant de pâlir dans un pourpre souligné par des nuages allongés. La nuit s'installe. Elle aussi nous ravit. Les nuages ont totalement disparu et pas de lune. Bien sûr les étoiles innombrables donnent le vertige mais l'incroyable ce soir est la voie lactée: elle court d'un horizon à l'autre dégageant une lumière si forte qu'elle est proche de celle de la lune. Et la cerise arrive par le biais d'un dauphin solitaire, torpille lancée dans la nuit, qui fait naître une pluie de plancton phosphorescent dans son sillage... la douceur du vent alizé est bien celle des tropiques et le bateau glisse vers les îles promises." (Journal de Bord de Merena, le 30 novembre 2016, 17.53N et 023.34W, à 100 miles de Mindelo au Cap Vert, Alexis Guillaume)
Que n'aurais-je donné pour partager ce moment de grâce en mer et ses coloris ensorçelants...
La couleur, présent incroyable de la nature. Tout comme une immense palette de peintre... Officiellement, il n'existe que trois couleurs : les primaires (rouge, bleu, jaune) à partir desquelles on peut créer des couleurs secondaires. Elles viennent en sus du noir et du blanc, qui ne sont pas formellement reconnues comme couleurs en tant que telles. Et pourtant...
Kaleïdoscope des mers
Sur un bateau, on se trouve constamment confronté aux couleurs... Celles des voiles, phares, bouées, feux, bouts, drisses, écoutes, cartes marines, sémaphores, pavillons, levers et couchers du soleil, étoiles... Toute une symphonie, un véritable kaleïdoscope marin. Un arc-en-ciel de teintes ayant leur propre language secret et une kyrielle de variantes formant un régal pour les yeux. Egalement un beau défi pour ceux qui aiment l'apprentissage des codes.
Tous à bord participent à ce festival de couleurs: rouge après la sieste sur le pont dans la pétole au soleil, bleu après quelques heures à la barre dans le froid glacial, vert dans la houle et les vagues tape-cul, blanc lorsque la tempête fait rage, gris dans la brume où l'on ne voit même plus l'étrave du voilier et où la corne de brume assourdissante des pétroliers résonne en passant les shipping lanes, brun lorsque la mécanique a décidé de se mettre en grève et qu'on vient de passer une heure la tête dans le compartiment moteur, les mains dans le cambouis pour tenter de le ressusciter (dans ce dernier cas, le brun vire souvent au vert olive dans le roulis...)...
Couleur pétole
La pétole, si elle tape quelquefois sur les nerfs des marins, par contre, elle procure souvent des tableaux bigarrés de la lumière sur l'eau, avec un résultat particulièrement magique.
Couleur XX ou XY?
"Chéri, pourquoi ne mettrais-tu donc pas ta cravate mandarine aujourd'hui? Tu veux dire, ma cravate rouge, chérie? .... " Vous l'aurez certainement remarqué: la même teinte semble, par un sortilège bizarre, se modifier sous l'oeil humain selon que ce dernier soit masculin ou féminin... Le bleu devient soudainement vert, le rouge se mue en orange ou encore le jaune moutarde se transforme en brun... Nous n'avons décidément pas la même vision! Et, messieurs, je vous l'accorde, le sexe féminin a cette tendance à démultiplier les dénominations des tons là où quelques uns seulement vous suffisent à décrire le monde. Pour un seul rouge, nous les femmes en faisons dix variations sur le même thème: carmin, cerise, écarlate, cinabre, coquelicot, bordeaux, andrinople, brique, rubis, tomate... Qui a dit que les femmes étaient complexes, mmm?
Couleur secrète du tableau
Cependant, les couleurs, ce sont également celles des êtres humains. Je ne vous parle pas ici de la couleur de peau... Mais bien de celles de leur nature profonde. Il y a celles de la raison et du paraître: la couche extérieure du tableau. Et cette dernière peut faire beaucoup d'effet: peur, admiration, désintérêt ou même éloignement... Puis celles du coeur: la couche primaire, que l'on ne découvre qu'en grattant la peinture, ou à force d'examiner, d'étudier une esquisse. Alors, à force d'observations répétées, l'on découvre souvent un chef d'oeuvre inattendu, une oeuvre d'art inespérée. Vous savez, comme ces tableaux qui dissimulent une autre fresque derrière la dernière couche de peinture, et recèlent la main d'un grand artiste. Pour découvrir cette merveille camouflée derrière de nombreuses épaisseurs de vernis colorés, les maîtres mots sont patience, temps, ouverture et surtout volonté, pour enfin parvenir à décrypter le secret du tableau... Et tout comme certaines toiles, certaines personnes s'avèrent plus difficiles à déchiffrer que d'autres. Mais, celles-là valent souvent la peine qu'on ne se laisse pas abuser par les apparences et que l'on s'acharne à découvrir leur véritable nature, leurs sentiments profonds et qui ils sont réellement au fond d'eux. Un peu comme ces précurseurs de l'art impressionniste, surréaliste ou contemporain. Il a dû en falloir des efforts pour parvenir à déchiffrer le message des couleurs et des formes au début de leurs oeuvres. Mais regardez aujourd'hui: leur art est reconnu à sa vraie valeur! Et puis un beau jour, le tableau s'ouvre et s'offre enfin à vous, dans toute sa beauté intérieure et vous en découvrez finalement toute sa magnificence. Et sa fragilité aussi... A vous ensuite de ne pas en abuser et de manier l'oeuvre avec délicatesse, pour ne pas l'abîmer, pour préserver ses vraies couleurs de toutes égratignures.
1 Comment
Jean-Mi
18/12/2016 12:02:47 pm
Merci Véro pour ce billet haut en couleurs ! Je te souhaite un très bon dimanche, pigmenté à souhaits ! Bises
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AuteurArchives
August 2023
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