La voile, comme toute activité sportive passionnante comporte quelques embûches. Qui ne risque rien n'a rien... Comme avec l'automne, ma saison de voile vient de se terminer (à moins que je ne trouve un subterfuge pour partir naviguer au creux de l'hiver, ce qui n'est pas encore tout à fait impossible... ) et histoire de ne pas oublier trop durant la saison creuse, je m'octroie donc ici un mini billet pense-bête à propos d'un détail qu'il me faut garder en tête à bord. Je voudrais vous parler aujourd'hui d'une partie du gréement qui mérite un point d'attention particulier, à savoir la bôme.
"En 1998, (...) disparaissait – les marins ne meurent pas, ils disparaissent disait Victor Hugo – au large du Pays de Galles, tombant du bord de son cher Pen Duick qu’il chérissait tant, Eric Tabarly. En cette nuit sombre, la mer est courte lorsque le marin décide d’amener la grand-voile de son navire pour gréer une toile plus adaptée au vent fraichissant. Un roulis sans doute plus fort que les autres, alors que l’équipage estime les creux à trois mètres, et Tabarly est jeté par-dessus bord par la corne, un espar de bois parallèle à la bôme. (...) Et Pen Duick poursuit sa route, sans son maître. " (© En Envor 2013, Pen Duick Orphelin, Erwann Le Gall)
(...) La bôme, ou gui, est un espar horizontal, articulé à la base du mât, et qui permet de maintenir et d'orienter certaines voiles triangulaires (grand-voile ou foc) et voiles auriques. Traditionnellement en bois, elle est maintenant en aluminium, voire en matériaux composites comme la fibre de carbone pour les voiliers de compétition. La bôme est située en bas de la grand-voile, sur la bordure de celle-ci, et articulée au mât par le vit-de-mulet. Le palan d'écoute de grand-voile, situé entre la coque du bateau et le milieu ou l'arrière de la bôme, permet de régler son orientation (...). (Source : Wikipédia)
En voilier, la bôme peut se révéler un certain défi pour les premières sorties en mer. Elle pendouille là, discrètement sous la grand-voile. Tellement discrètement qu' on finit par en oublier qu'elle se trouve là... Et puis arrive une manoeuvre un peu plus brusque, un coup de vent inattendu, une gîte subite et paf ! Elle vous prend par surprise et vous assène un direct du droit ou du gauche. Et en quelques mili-secondes, vous voici bosselé, voire K.O. , ou au pire catapulté par dessus bord. Les forces du vent associées à la sienne sont vraiment impressionnantes. Un empannage (à savoir virer de bord avec le vent dans le dos) non voulu et donc non contrôlé peut s'avérer d'une violence insoupçonnée. Je me souviens d'une navigation un peu musclée en mer de Norvège où l'attache de grand-voile a subitement cédé lors d'un gros coup de vent et où la bôme et la grand-voile ont soudainement été projetées sur un bord, rasant la tête d'un de nos équipiers (qui heureusement n'avait pas la taille de Goliath). Le bateau, devenant difficilement manoeuvrable, s'est tout d'un coup mis à gîter et tanguer dans tous les sens. Heureusement, l'équipage a su réagir rapidement pour ramener le navire dans une position plus sécurisée et surtout plus confortable. Pas de casse du mât ni haubans, et surtout, heureusement aucun blessé. Dans tous les cas, pour éviter une accolade fougueuse avec la bôme, la règle à ne pas oublier demeure indubitablement : "baisser la tête" !!!
Forte tête en mât(h)s
A bord, il est de bon aloi, en sus d'avoir le pied marin, de savoir calculer. La navigation attire les matheux et ingénieurs, c'est bien connu. Mais calculer quoi ? Les distances, les caps et surtout les degrés... Et franchement, la trigonométrie n'a jamais été ma grande copine. A la voile, il y a des angles pour tous les goûts : les aigus, les adjacents, les complémentaires, les supplémentaires, les alternes, les correspondants, les opposés par le sommet ou encore les parallèles... Et ces angles servent à peu près pour tout en navigation : pour le calcul des caps, des dérives, des courants, des allures, de la position (utilisation d'un sextant par rapport aux astres), etc.
Par exemple, additionnellement à une bonne sélection du type de toile dont habiller le bateau (génois, gennaker, solent, spinnaker, trinquette, tourmentin... ) - bien viser et placer la toile par rapport à l'axe du souffle du vent constitue un grand atour pour maintenir une allure optimale, à savoir placer la voile dans l'angle idéal du vent. Tout cela en gigotant le moins possible à la barre (dixit un de mes mentors : "on devrait pouvoir tenir la barre avec un seul petit doigt lorsqu'on tient le bon cap et que sa voile est correctement ajustée" ). Cependant, rassurez-vous, je n'ai aucunement la prétention de vous tenir ici un cours de navigation, ayant moi-même encore tellement à apprendre dans ce domaine.
© Photos - Rêvesdemarins
Quand notre quart fait bôme !
Robuste et fidèle soutien des blanches voiles et fier gréement. Et "boum !" fait-elle lorsque malmenée par les humeurs du vent. Traître ennemie du marin inattentif ou novice en mer ingénu, qu’elle aime à embrasser passionnément dans un élan inattendu. Baum, Boom, Bom, toujours, son nom descend de l’arbre, même si de carbone ou aluminium aujourd’hui elle se targue. Forte face aux souffles pour contenir la danse endiablée de ses atours drapés. Qu'elle se nomme Bôme, Gui, Vergue ou Espar, sa ferme poigne permet ainsi au capitaine permet d’orienter sa toile.
Elle est forte comme trois hommes, solide comme un chêne et peut donner la gueule de bois au marin qui la côtoie d’un peu trop près. Une seule prise de tête avec elle fera souvent perdre la tête à l'infortuné loup de mer. Elle lui tiendra tête en lui faisant voir des étoiles (et quelquefois de mer...). Même les fortes têtes ne lui résistent pas. Surtout ne pas tenter de lui tenir tête lorsqu'elle s'emballe : la jolie fille lui fera tourner la tête à tous les coups ! Elle adore se mettre en travers de son chemin dans le cockpit, surtout si le dit moussaillon mesure un tant soi peu plus que la taille d’un pygmée. Et oublier de la remettre à sa position centrale (à savoir 0°/180° par rapport à l'axe du bateau) pour empanner pourra lui donner l'envie de passer inopinément de l'extrême droite à l'extrême gauche (ou l'inverse - tiens, un point commun avec certains politiciens... ). Un tel revirement de bord pourrait en coûter les yeux de la tête au marin distrait... Bref, un quart (qu'il soit de nuit ou de jour) en tête a tête amoureux avec la bôme pourrait bien se terminer par une note (d'eau de mer) salée.
Pour terminer, une anecdote. Les bons conseils de marins ne cessent jamais d'être utiles : ils valent tout aussi bien sur terre que sur les flots. Tout comme les voiliers, les anciennes demeures recèlent un véritable trésor trigonométrique : les vieilles poutres. Qui dit poutres, dit angles. Et qui dit angles, dit "baisser la tête ! ". Comme ma maison n'échappe pas à cette règle, j'en ai fait les frais cette semaine en oubiant de me courber en passant sous les madriers de la chambre, ce qui m'a valu une belle bosse (non, pas de ris ! ) et une coiffe d'oeuf de Pâques avant la saison des cloches !
Enfin, une petite devinette pour ceux d'entre vous qui aiment les classiques : dans quel album de Tintin, le moteur des Dupont et Dupond fait-il "boum ! " ?
© Photos - Rêvesdemarins & Moulinsart s.a.
Un excellent dimanche à tous ! Et ne vous prenez pas la tête !
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AuteurArchives
May 2023
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