Un billet un peu tardif, mais le WE n'est pas encore terminé... Je vous emmène dans un sujet d'actualité ce dimanche. La presse en déborde... Au sens littéral. Toutefois, le sujet m'interpelle. Préparez donc vos bottes en caoutchouc ! Je vous emmène une seconde fois à Venise.
Les Grandes Marées vénitiennes
L'Acqua Alta", littéralement les "hautes eaux" ou les grandes marées. Un phénomène bien connu des Vénitiens depuis près d'un millénaire entre l'automne et le printemps en bordure d'Adriatique. Une période qui provoque la submersion des zones basses de la cité, dont notamment sa célèbre place St Marc.
Depuis des centaines d'années, les marées insufflent un mouvement de va-et-vient dans la lagune et la cité, avec plus ou moins de force selon les circonstances naturelles sous l'influence de la lune, du vent, de la pression atmosphérique et de la mer. En soi, rien de très particulier. Si ce n'est son intensité ces derniers temps. Mais voilà, une combinaison de facteurs semblent avoir précipité la ville dans des inondations sans précédent. En 1996, on a relevé une hauteur d'eau extrême de pas moins de 1,94m. Ce WE, on prévoit qu'elle monte à 1,6m, inondant 75% de la ville.
© Photos – www.ilpost.it
Vouée à s'engloutir
La ville fut érigée sur des millions de piliers de chêne, de mélèze et d'aulne immergés dans le sol sablonneux de la lagune, créant ainsi une plateforme de madriers sur laquelle bâtir les constructions de pierre et de briques. Les architectes d'antan ont ainsi réalisé un travail titanesque pour créer une ville "sur pilotis" d'une incroyable ampleur (et beauté sans précédent). Cependant, le relèvement du niveau de la mer, que nous connaissons depuis un certain temps, contribue jour après jour à son enfoncement dans les flots. La ville s'est ainsi afaissée d'environ 23 centimètres depuis 1897.
Les autorités locales ont entrepris en 2003 un projet d'envergure nommé MOSE (Module expérimental électromécanique) qui prévoit l'installation de trois barrières (sortes de pont-levis) au bord de la lagune, permettant de repousser les eaux en dehors de la lagune en cas de hautes marées. Les travaux ne sont malheureusement toujours pas achevés à ce jour. "Le projet MOSE suscite aujourd'hui de nombreuses polémiques notamment par son coût pharaonique et par le doute de plus en plus répandu parmi les scientifiques et les spécialistes des marées quant à l'efficacité de ce système qui ne serait réellement utile que pour les très grandes marées. Ce projet, surtout, ne résoudra pas l'autre grand problème de la ville, celui des vagues en lagune. " (Source : Wikipedia)
© Photos – MOSE Venezia
Victime de sa Beauté
Ensuite, l'influence de l'homme a quelque part déréglé les forces de la nature à coups de construction de ponts et de zones portuaires, d'élargissement et d'agrandissement des canaux pour y permettre la navigation de plus grands navires et surtout un volume plus conséquent de passage. Principalement pour l'industrie et le tourisme de masse...
Agora Alta... (*)
(*) Les puristes hurleront à l'ânerie... "Agora", c'est du grec pour "endroit public" - de ma libre interprétation "foule". Alors que "alta" vient du latin et signifie "haut" - de ma libre interprétation "grande, trop nombreuse".
Trente millions de touristes par an affluent dans la cité italienne... Que ce soit par avion, train ou bateau. Mais ces dernières années, ce nombre ne fait qu'augmenter, accru par le tourisme de masse des croisières. Les autorités locales ont d'abord laissé faire... Du tourisme, après tout, cela remplit les caisses de la ville. Mais aujourd'hui, plus que d'en vivre, la cité des Doges est en train d'en mourir... Les paquebots géants (tels que le MSC, Norwegian Beauty, Queen Elizabeth, etc. ) ont littéralement défiguré la cité. Et la mettent en péril à chacune de leurs escales dans la lagune. La ville, déjà victime du sur-tourisme, souffre de la présence de ces monstres de la lagune. Les mouvements maritimes ne faisant qu'accentuer la lente desctruction des piliers immergés soutenant la structure architecturale des bâtiments. Sans compter les méfaits du débarquement de leurs milliers de voyageurs.
Suite à divers incidents avec des méga-navires de croisière, les autorités locales ont fini cette année (après pas moins de treize ans de manifestations... ) par interdire leur amarrage dans le centre-ville historique. "Interdire leur amarrage...", ce qui n'interdit par contre en rien leur passage ni leur rejet d'un flot démentiel de passagers (trois à quatre mille par navire) en une fois dans la ville déjà noyée de touristes... Cette année a été instaurée une taxe d'entrée dans la ville (de 2,5 à 10€/personne). Une goutte d'eau dans un océan comparé aux dommages irréparables causés par le tourisme de masse... La cité n'est pas prête d'être sauvée tant que le tourisme ne sera pas régulé de manière plus drastique... Il semblerait, hélà, que c'est là le sort réservé aux villes de beauté dont les revenus sont générés principalement grâce à cette industrie du rêve. Encore une dichotomie de plus entre économie, politique et environnement (et culture dans le cas de Venise ! ). Selon la Cruise Lines International Association, les navires de croisière prévoient le transport de 30millions de touristes en 2019, soit près de 70% de plus qu’il y a dix ans. Le fléau n'est donc pas prêt de disparaître, à moins d'agir rapidement.
© Photos – Wikipedia
Je vous suggère de jeter un coup d'oeil à un article du journal italien Panorama de 2014 reprenant des photos de Gianni Berengo Gardin de l'exposition "Mostri a Venezia" (cliquez sur le titre pour visualiser l'article) à propos de cette problématique. Ses photos en noir et blanc sont plus que parlantes...
Un Coup dans l'Eau des Politiques locaux
Et pour comble, les membres siégant à la chambre du conseil régional de Venise ont dû être évacués hier à cause des inondations, alors qu'ils refusaient de voter pour des mesures de protection du climat... L'homme peut-il être à ce point aveuglé par ses propres intérêts...
Enfin, les médias sociaux regorgent de commentaires déplacés de touristes furieux des conséquences de l'acqua alta et du fait que les locaux n'ouvrent pas leur boutique ou leur hôtel durant ces moments critiques. Comme si "leur accueil dans la ville leur était dû peu importe les circonstances"... Une preuve de plus que ces touristes-là ne devraient jamais être tolérés, ni à Venise ni ailleurs... (Désolée, il fallait que je le dise... )
Alors, si le patrimoine culturel et la nature vous importent, ne jouez pas le jeu des touristes tout puissants, ni celui des grandes croisières, svp... Quant à moi, je rêve de retourner un jour à Venise, plus tard, mais en tout petit voilier alors...
Je vous souhaite une excellente semaine, pas trop humide.
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AuteurArchives
August 2023
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