Un ponton vide. Un navire au loin. Le ciel est triste. Le port désert. Les bateaux sont partis. Et toi, tu restes là, les bras ballants, le visage défait, le coeur en berme. De ne pouvoir rejoindre ces voiliers qui s'éloignent.
A chaque fois que je prends la mer, je pense à toi... A toi, celui qui ne peux se joindre à nous. A toi, qui restes prisonnier de la terre et dont les seules navigations sont celles que tu peux vivre par procuration ou en rêves, Dans ton lit d'hôpital, ton bureau, ta maison... Et à chaque fois, je t'emmène avec moi en mer, à travers ma passion, mes pensées, mes photos, mes récits... Tu es chacun de ces hommes et ces femmes qui caressent des passions ou des rêves qu'ils ne peuvent réaliser. Parce que tu as enterré tes espoirs, momentanément ou à jamais. Parce que ton corps t'a à nouveau trahi, par lassitude de cette fatique qui ne te quitte pas, par dévouement pour les tiens, par manque de moyens, de temps, ou d'autres entraves à tes rêves de marin et de voyageur. J'ai cette chance immense de pouvoir matérialiser quelque rêves similaires aux tiens... Alors, je te les offre en différé, en mots et en images. Je les vis pour toi, doublement. Récemment, nous étions un groupe de moussaillons soudés partis pleins d'entousiasme pour quelque temps en mer. L'équipage était au complet. Et pourtant, il manquait toujours quelqu'un à bord. Ta déception de ne pouvoir te joindre à nous a laissé un vide. Mais, c'est cela la mer... Il y a toujours bien quelqu'un qui reste à quai. Toujours bien quelqu'un qui garde le ponton. Toujours bien quelqu'un qui guette le retour des marins, patiemment... Comme ces femmes de marins-pêcheurs qui attendent de longs mois, pleines d'espoir qu'ils accosteront de retour au port, et parfois en vain... Ces immenses moments d'absence que l'occupation incessante ne parvient jamais à combler. Ces interminables années de privation. Ces instants où la vie semble tellement lourde à porter.
Il t'en faut du courage pour rester à quai. Il t'en faut de la force pour ne pas en vouloir au monde entier de ne pouvoir suivre tes envies. Et puis, surtout... Il t'en faut de la ténacité, pour continuer à espérer, qu'un jour, tu lèveras à nouveau l'ancre, à ton tour... Et pour cela, je t'admire, toi le laissé pour compte au bout du chenal, toi l'abandonné à ta vie de terrien. Même si tu n'en laisses rien paraître, je sais qu'en secret tu envies les marins qui larguent les amarres.
Parce que la mer ne laisse personne indifférent. Parce que le vent souffle dans ta chevelure et te susurre à l'oreille de te laisser emporter par son murmure. Parce que le sel marin pique tes narines de ses parfums iodés et te donne l'eau à la bouche. Tout simplement parce qu'on ne peut résister à l'appel de la mer... A l'appel de ses sens. A l'appel de ses rêves... Un jour, on craque. Et l'on finit par décider de suivre ses rêves, malgré tout et de prendre le large. Certains le font très jeunes. D'autres alors qu'on ne s'y attend plus. D'autres encore, attendent infiniment. Et lorsqu'ils se décident enfin: les aiguilles ont alors parfois tourné. La vie les a rattrapés. Je ne veux pas être de ceux-là. Je veux naviguer tant que la vie me le permet. Demain, il sera peut-être trop tard. Et même si le Destin me défie, je naviguerai encore et encore, mon équipage sera là pour m'accompagner et me soutenir dans mes traversées.
A la prochaine sortie en mer, je te promets de t'emmener, si tel est ton souhait. Pour que tu ne souffres plus jamais de rester à quai...
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August 2023
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